À tâtons ils cherchent de quoi se protéger tous les deux. Souhaitant capturer la vision de ce corps offert, Yann en profite pour trouver l'interrupteur de la lampe de chevet. Il va à partir de ce moment le préparer longuement, prendre tout son temps pour observer les réactions enfiévrées de son partenaire. La lumière intimide un peu Gabriel qui tente parfois de s'en cacher en partie sous la couette, son amant l'écarte chaque fois. Il exige d'admirer ces fesses rebondies qui bougent au rythme de ses va-et-vient et cette figure déformée par la concupiscence, pour y lire les moments de jouissances. Confiant, il pénètre en lui d'un mouvement de hanches sec et fatal. Dès lors la tendance va s'inverser sans que Gabriel ne s'en rende compte de suite. Les sensations de plaisir intense que Yann va ressentir lové dans la chaleur torride de se corps qui l'emprisonne vont surprendre son assurance. Il le possède d'abord avec fougue puis, littéralement emporté malgré lui par un furieux orgasme, il se stoppe net dans un gémissement dépité.
- HOo non, pas déjà !
- ?
- Chéri, je suis désolé, s'excuse-t-il piteux.
- Hé ! C'pas grave, vient.
Pelotonné contre le corps fébrile de Gabriel, Yann contrarié par sa contre-performance ne dit mot.
- Wouaou, j'ai l'cul qui boue, constate crument Gabriel.
- C'est délicat, t'es un vrai romantique.
- Toujours, s'amuse l'autre, hilare.
- Tu aimerais que je te finisse ?
- Et tu t'moques d'mon manque de romantisme !
- J'ai honte de te laisser dans cet état, avoue-t-il en passant sa main sur l'imposante érection.
- T'es idiot.
- ...
- Si tu continues de m'palucher ça risque pas de r'descendre.
- Tu as toujours envie, constate impuissant Yann.
- Chaque fois qu'j'te r'garde j'ai envie d'toi, c'pas nouveau.
La mimique joyeuse qui s'affiche sur le minois de l'androgyne est adorable et elle évolue davantage sous l'effet du baiser déposé par les lèvres pulpeuses de Gabriel.
- Tu sens l'savon à la fraise s'étonne le goth qui a tellement l'habitude de son parfum quasi entêtant.
- J'ai pris une douche rapide au resto, la sueur en cuisine c'est une horreur, pardon.
- T'excuse pas j'adore, ça donne envie de t'manger.
Il joint le geste à la parole dans les éclats de rires de son compagnon.
Rires vite stoppés par des coups portés dans le mur de la chambre d'à côté.
- Merde, chuuuuttt !
Yann se mordant la lèvre, hoquette encore d'un rire étouffé en matant son ami, figé dans la position quatre pattes au-dessus de lui.
- Tu m'effraies là avec la lumière qui te passe sous le menton, murmure-t-il rieur.
- Attend c'pas moi qu'ai pas d'sourcils et qui r'ssemble à un extra-terrestre hein !
Fripon, Yann passe une main câline à l'endroit de son entre-jambe. La réponse est immédiate et Gabriel surpris s'affale sur lui de tout son corps en lui sommant, plaintif, d'arrêter.
- S'tu continues...
- Tu violerais « E.T » c'est ça ?
- Tsss !
Gabriel éteint la lampe puis tente de rouler sur le côté. Impossible, l'étreinte de Yann l'en empêche. Ragaillardie par ses mots, la proximité de son corps sur le sien et la perspective d'être surpris par le couple d'à côté, son appétit grandit de nouveau.
- Qu'est-ce tu fous ? s'étonne Gabriel un peu surpris.
- Viole-moi, lui susurre à l'oreille l'androgyne émoustillé.
- Yann...
- Prend moi, baise-moi !
- J'baise p...
- Fais-moi l'amour, insiste-t-il d'une voix presque suppliante.
Une main jouant sur la fesse duveteuse et ronde de son amant, l'autre dans sa crinière noire, Yann lâche du leste en desserrant l'étreinte mais l'emballe fougueusement pour ne lui laisser aucune échappatoire. Bien que les réactions de Gabriel lui indiquent déjà qu'il ne tentera plus de lui échapper.
Pour sa part, l'envie n'ayant à aucun moment faiblie, Gabriel répugne évidement à le repousser, malgré la peur des représailles de sa sœur. Le baiser qu'ils échangent est profond, avide, électrique, les langues dansent une valse sauvage qui l'enivre un peu plus à mesure que les secondes passent. S'appuyant sur un coude, le maître des lieux libère une de ses mains qui vient furieusement palper la poitrine imberbe de l'androgyne, roucoulant aussitôt sous les caresses empressées. Elle trace des cercles autour du nombril avant descendre beaucoup plus bas titiller la moiteur de son entrecuisse.
Les mains de Yann se crispent un instant de désir, l'attirant vers lui autant qu'il en est capable, avant de reprendre en un ballet d'attouchements experts, le fessier de Gabriel. De temps à autres l'un de ses doigts s'égare sur sa raie. Chaque fois la réaction de son amant est similaire, il se cambre. Si bien qu'au bout de quelques passages, il finit, dans une plainte satisfaite, par s'empaler lui-même. Sa langue se perd bientôt sur la gorge du réunionnais, les ondulations de son corps font s'effleurer leurs deux verges. L'excitation est à son comble. Il prend vaguement le temps de vérifier le préservatif mis dès le début de leurs ébats, avant de soulever la croupe de son partenaire, afin de le rejoindre et ne plus former qu'un. Il s'enfonce lentement sans préparation et sans même avoir besoin de lubrifier.
Être empli de lui, remuer ensemble, sentir monter la chaleur, Yann bientôt en pleine extase donnerait n'importe quoi pour que ce genre de moments ne finissent jamais. À mesure que le rythme s'accélère, ses propres stimulations envers son partenaire se font également plus profondes.
- J'vais pas t'nir longtemps non plus, avoue Gabriel d'une voix rauque à son oreille.
- Plus fort, se contente de répondre l'autre, exalté.
La respiration saccadée de Yann, ses menus gémissements et les caresses prodigieusement intenses que ce dernier lui procure auront en effet rapidement raison de Gabriel.
- Je vais...
Il n'a pas le temps de terminer sa phrase, l'ensemble de son corps se contracte, une plainte aigue sort de sa bouche, que Yann se dépêche d'étouffer par un baiser passionné.
Le calme après la tempête, des respirations à l'unisson, deux amants lovés l'un sur l'autre, la tension sexuelle retombe lentement.
- Tu me fais souvent jouir deux fois, signale Yann.
- Et ?
- C'est une bonne moyenne.
- ...
- Meilleur que moi.
Gabriel se marre doucement.
- On peut savoir ce qui te fait ricaner ?
- À t'entendre on t'croirait nul, t'penses quoi qu'je simule ? T'es une vrai teigne, t'es chiant, efféminé, envahissant, casse-couille tout c'que tu veux ç'la dit, t'es loin d'être un mauvais coup.
- C'est vrai, j'oubliais que tu dis à tout le monde que je suis une chaudasse !
- S'tu continues à m'pendre la tête avec ça, j'vais vraiment aller l'crier sur les toits.
- ...
- Yann ?
- Hum ?
- J't'aime comme un fou.
À ces mots les bras de l'androgyne se referment sur lui sans autre discours, Yann conclut par un baiser sur le front de son amant avant de s'endormir, lui laissant le soin de se retirer doucement.
*
Quelques jours plus tard.
Sa voix étrange, balancée, presque ivre, légèrement enraillée, nettement intersexuelle, sortant un peu du nez, tranche avec la lourdeur du son de sa basse. Après ce weekend en amoureux en l'absence de Laurianne et surtout d'Erwan à l'appartement, Yann est au mieux de sa forme. Au final la chaleur qu'il dégage les réchauffe tous. Ils en oublient que le chauffage du studio est en panne.
La guitare envoie du lourd, le piano court derrière égrainant des notes légères, la batterie est absente, ou plutôt le batteur, visiblement la perceptive de jouer dans le froid n'a guère attiré Yo' déjà pas très chaud pour venir. Le synthé inonde son monde de sons éclectiques choisis avec soins. De temps en temps Gabriel se risque à accompagner son copain au chant, ça ne dure jamais longtemps, au grand damne de Steph et des autres qui aimeraient bien qu'il ose s'y mettre.
Yann a redéfini l'emplacement des couplets de plusieurs ballades, ajouté des fioritures sur la plupart des extrais proches de la finalisation et déjà appris par cœur deux des nouveaux morceaux.
- T'es un bon, y'a pas, affirme Math en relisant les conseils de Yann.
- Qu'est-ce que tu veux, je suis un géni en plus d'être beau et bien membré !
La réponse du guitariste rythmique est instantanée, elle sort en une de ses phrases cultes.
- D'après des sources sûres et des milieux bien informés, on en aurait rien à battre !
- Math, Yann, stop ! les rappelle aussitôt à l'ordre Gabriel, qui n'aura pas à le faire deux fois. Le réunionnais se souvenant assez bien de la dernière dispute à ce sujet et n'ayant pas la moindre envie de la reprendre, se tiendra tranquille le reste de la répétition, résistant à l'envie d'en découdre, même après les réflexions des plus perverses du grateux.
*
- Et donc, la vie parisienne ça va toujours ? Tu t'habitues au froid ? s'informe Steph en s'installant, journaux en mains, à la terrasse du café.
Steph est un homme bon, c'est ce que se dit Yann chaque fois qu'il le voit et passe du temps avec lui. Ce soir puisqu'il l'a raccompagné jusqu'en bas de chez lui, ils restent un petit moment ensemble au bar d'en bas de son foyer comme souvent après les répétitions. Yann l'estime et se rend compte que c'est réciproque.
En effet, Steph admire le musicien et respecte le garçon persévérant qu'il est. Il lui trouve une grande force intérieure. Il apprécie également leurs discussions. Si avec Gabriel et malgré son jeune âge, il n'a pas de difficulté à parler de musique, à réfléchir à des projets sérieux concernant leur avenir artistique, il a par conte du mal à discuter d'autre chose.
Échanger avec Yann est bien différent, sorti du studio le jeune homme est capable de suivre une conversation, il a des opinons pesées et ce, dans un peu tout les domaines. Ses avis sont en règle générale un peu étranges mais Yann est cultivé et même si Gabriel est loin d'être un imbécile, il n'a pas sa faculté de réflexion, du moins c'est ce que juge Steph.
- Regarde-moi ça, proteste vivement le clavier du groupe en ouvrant le Parisien. Un attentat de plus au nom de dieux. Pfff ! Où sont passé les valeurs humaines ?
- Là mon cher, précisément, c'est bien ça le problème. Ça manque d'égoïsme tout ça, répond le bassiste préférant la carte des desserts, aux informations de la presse écrite.
- Comment ça ? le questionne aussitôt le claviériste.
- Hé bien je suis d'avis que les gens ne sont pas encore assez égoïstes pour cesser de se battre et se faire la guerre. Quand on ne pense qu'à soi, on ne défend pas de cause.
Steph remonte un sourcil et réfléchit avant de répondre.
- Ça réclame réflexion tien.
- ...
- Et sinon avec Gabriel, ça se passe bien ?
Yann est surpris par la question, alors que le serveur, lui dépose son café gourmand, il reste muet, fixant Steph sans trop en comprendre le but.
- Heu... Comment ça ? finit-il par l'interroger.
- Est-ce qu'il répond bien à tes attentes ?
- C'est une question piège ?
- Pas du tout et il n'y aura ni espion, ni rapporteur, tu peux avoir confiance en moi, sourit-il franchement.
- En quoi ça t'intéresse ?
- Tu appartiens au groupe aujourd'hui, nous comptons pas mal sur toi, du coup je m'inquiète, c'est tout et à juste titre visiblement puisque tu ne m'as pas répondu directement.
- Disons que personne n'est parfait, nous faisons l'un et l'autre beaucoup d'efforts, vois-tu, pour que ça marche. Nous nous aimons.
- Et c'est le plus important, c'est sûr. Avec ma tendre épouse ça n'a pas été facile non plus au début, quand je l'ai rencontré elle était dans les études, promise à une carrière de dentiste, à l'exemple de son paternel et moi, le pauvre zicos sans sous, les pronostiques sur ma carrière n'était pas très reluisante. Et ceux sur mon couple non plus. Mais on a réussi.
- J'espère aller loin en couple moi aussi, c'est vrai qu'effectivement avec la famille ou la belle famille, c'est jamais simple.
- Tu es heureux d'être ici à Paris, pas le mal du pays ? J'imagine que ça doit te changer.
- J'aimerais l'être plus, avec lui. Je ne me suis jamais senti vraiment chez moi là-bas et ici, je suis seul.
Il marque une pose et ajoute : - J'avoue que la chaleur me manque, ça caille dans votre pays !
- Ha ça... On a trois mois d'été tout de même.
- Ha bha s'il y'a le soleil trois mois alors, c'est le Pérou haha !
Steph avale lentement sa bière en observant le jeune bassiste faire glisser les deux petits sucres sur le dos de sa cuillère, comme sur un toboggan, avant qu'ils ne tombent et pénètrent tour à tour la mousse de son capuccino.
- Vous allez vous installer ensemble ? Je t'ai entendu en parler un peu.
- Alors là...
- Non ?
- Pour l'heure ce n'est qu'un rêve que je caresse seul chéri.
- Un sujet difficile à en juger par ta tête.
- Délicat et douloureux je dirais. Très douloureux même, se plaint-il en faisant la moue.
- Il te faudra sans doute un peu de patience.
- J'aimerais que ce soit suffisant. Parlons d'autre chose, ça me déprime. Tu as des enfants ?
- D'accord, si je vais trop loin avec mes questions n'hésite pas à me le dire.
- Il est tellement rare qu'on m'en pose, pour être honnête j'apprécie l'attention.
- Je vois. Non je n'ai pas vraiment d'enfants.
- Pas vraiment ?
- J'élève ma cousine, enfin ma petite cousine et l'adolescence n'est pas la période la plus douce.
- Han ! Une jeune fille, et elle s'appelle ?
- Lou.
- HOo c'est joli comme tout ! Pourquoi donc est-elle chez toi cette demoiselle ?
- Des soucis avec ses parents, c'est parfois plus simple de régler certains problèmes en évoluant ailleurs que dans le cocon familial. Je reste un adulte responsable en qui elle peut avoir confiance, sans être son père qui serait visiblement sujet à des aprioris sur certaines choses qui le touche de plus près.
- Parfois les parents n'aident pas...
- Ils font leur possible, c'est pas forcément suffisant ou pas la bonne manière, c'est tout.
- Hum...
Yann reste un instant pensif, ce qui laisse supposer que lui aussi à sans doute eu des ennuies du même acabit. C'est ce qu'en déduit Steph.
- Et le groupe, ça te plaît ? embraille rapidement ce dernier qui préfère changer de sujet une nouvelle fois.
- Tant que Gabriel est heureux que j'en fasse parti, je suis satisfait. Moi du moment que je suis prés de lui, tout me va.
- La musique c'est notre passion commune, c'est grâce à elle que je l'ai rencontré, lui avoue Steph.
- Il devait être mignon plus jeune, imagine le rouquin.
- C'était un ado pas très sociable.
- Ça n'a pas tellement changé dans ce cas haha !
- Il y a un peu d'évolution quand même, sourit le curiste. La musique ne nous à pas uniquement rapproché, je crois qu'elle l'a sauvé en grande partie, lui a donné un but.
- Je peux facilement comprendre ça, ma plus grande passion c'était la cuisine, ça m'a, au demeurant, pas mal motivé pour venir à la capitale. J'avoue que pour le moment c'est un peu en standby, le resto où nous bossons est bon enfant mais ça n'est pas non plus du grand art culinaire. Pourtant, j'ai pas mal de projets et c'est grâce à ce métier que je m'en suis sorti moi aussi. Sans, je ne sais pas où je serais.
- À ce point là ?
- Bha tu vois ici ou chez moi, les homophobes m'aiment pas, je suis pédé. Les gays me dédaignent, je fais trop cliché. Les hétéros m'apprécient peu, je suis bien trop dérangeant. Mes parents n'en parlons pas avec eux c'est un enfer, enfin ma belle mère et mon père. Ils sont gentils, malheureusement ça n'est pas moi qu'ils s'attendaient à devoir élever. Je ne suis pas devenu l'adulte qu'ils désiraient, l'enfant non plus d'ailleurs mais quand on grandit, on vous pardonne moins vos différences. Moi-même j'ai du mal à me supporter. Pas certain de qui je suis, j'ignore comment me comporter. J'énerve même mes proches c'est dire. En revanche, quand je cuisine j'arrête de réfléchir à tout ça. Je me contente de suivre mon instinct. Mes employeurs ont toujours été contents de moi. J'ai quitté l'école assez tôt pour partir en apprentissage, j'ai trouvé ma voie, ça m'a permis de laisser le reste de côté. De ne pas donner autant d'importance à ce qui n'en avait finalement pas tant que ça. Grâce à ma cuisine, je sais que je vaux quelque chose même aux yeux et à l'estomac des personnes lambda.
- Pourquoi dis-tu « était ma plus grande passion» ? Ça ne l'est plus ?
- Voyons mon grand, aujourd'hui ma seule passion c'est mon mec, raille-t-il.
- Et la musique pas plus que ça ?
- La musique c'est facile, je suis né avec, je n'ai jamais imaginé ma vie sans.
- Facile, tient donc ?
- Mon père était bassiste professionnel, avant... ma vraie mère chantait dans un groupe. J'ai été bercé au son du jazz, des tunes* Irlandaise et ensuite au zouk, même si je ne sens pas tellement vibrer en moi ce dernier. J'ai fais parti du groupe de gospel de la paroisse depuis quasiment le berceau. Ça n'est pas une passion, c'est une deuxième nature.
- Ok et tu aimes ça quand même ?
- Tu aimes respirer chéri ? Bha voilà, c'est pareil, c'est vital, pas vraiment un choix.