On t'as toujours dit de faire attention lorsque tu sortais de la demeure. Non pas parce que les rues de la ville soient particulièrement dangereuse, les habitants sont plutôt polis, aimables et serviables, mais parce qu'il fallait faire attention, point final. Depuis que tu es tout petit, ce sont les mots qui accompagnent chacune de tes sorties « fait attention », avec « revient avant la nuit » et « n'oublie pas la monnaie du pain cette fois-ci ».
Plus jeunes, tu faisais très attention à respecter ces injonctions, ainsi que les autres règles édictées par ta mère ou ton père, au point que vers tes six ans, tu avais peur de sortir. Mais en grandissant, tu t'es permis de te relâcher un peu. Faire attention, oui... mais attention à quoi ? Aux voitures sur la route ? A bien traverser au vert ? A tenir la porte aux personnes âgées ou aux enfants en bas âges qui courent sur les trottoirs ? A rentrer à l'heure et à arriver à l'heure en cours ?
Quand ton adolescence bourgeonnante à interrogé tes parents, tu as bien senti que tu les mettait dans l'embarras. Ton père a tout simplement fuit la conversation, déclarant que c'était un sujet que tu devais voir avec ta mère, et ta mère l'a fusillé du regard, mais l'a laissé partir. Puis elle s'est assise à la table de la cuisine, et t'as invitée à la rejoindre.
C'est là que tu as appris.
Pour les autres.
Qui ressemblent à tes voisins, à tes amis, à tes oncles, à tes cousins, à ton père. Ou une personne croisée dans la rue. Qui sont des personnes à qui tu pourrais faire confiance. A qui tu FAIS confiance.
Ces autres qui hantent les cauchemars de ta mère, angoissent ton père à chacune de tes sorties, à chaque fois que ta jupe raccourcit, au fur et à mesure que tu deviens grande.
Ces autres que tu as déjà rencontré.
Mais dont ils ne savent rien.
Alors, un peu sidérée, tu demandes :
« Est-ce que ça leur arrive aussi de ressembler à papy ? »