Les lumières changent alors que nous découvrons Pénélope et son fils Télémaque âgé d’une vingtaine d’année. Pénélope est en train de tisser un grand suaire.
Pénélope
Arrête de tourner en rond Télémaque ! Je n’arrive pas à me concentrer sur le tissage du linceul de ton grand-père.
Télémaque
Quelle importance puisque cette nuit tu vas le détisser à nouveau. Ruse un peu grossière, pour ne pas dire cousu de fil blanc, si tu veux mon opinion.
Pénélope
Peut-être. Mais sans avoir l’habileté de ton père dans la ruse, le stratagème fonctionne plutôt bien car jusqu’à présent aucun des prétendants n’a encore osé venir me confondre et ils attendent sagement la fin de mon ouvrage afin de me faire la cour.
Télémaque
Sagement ? Ils se gavent de notre blé et de nos fruits, brûlent notre bois, campent dans notre salon ! Ils ne cessent de nous humilier, et ourdissent des complots contre moi ! Je vais tous les tuer !
Pénélope
Ton père aurait été capable d’un tel exploit, si seulement il ne nous avait pas quitté il y a 10 ans.
Télémaque
20 ans, maman.
Pénélope
20 ans ?! Je ne vois pas le temps passer, moi.
Télémaque
Et ton époux ne reviendra pas !
Pénélope
Celui que tu nommes « mon époux » avec tant de mépris est ton père, Télémaque.
Télémaque
Mon géniteur tout au plus. J’avais quelques mois seulement quand il est parti guerroyer. La relation père/fils a été de courte durée. Même pas le temps de se faire un noël sous un sapin. Il est sans doute mort à présent.
Pénélope
Ne dis pas cela ! Je sens dans mon cœur que ton père va bientôt franchir cette porte.
Télémaque
Quand bien même il aurait survécu, il serait dans un piteux état. 20 ans à notre époque, c’est l’équivalant d’un siècle dans 100 ans.
Pénélope
Ça a du sens ce que tu viens de dire ?
Télémaque
Pas trop, non. C’est sorti comme ça d’un coup. Je n’ai pas fait le calcul. Mais une chose est sûre. Maintenant que papy Laërte est parti rejoindre les iles fortunées au-delà de l'Océan, c’est à mon tour de remplir le devoir de chef de famille.
Mentor, le précepteur de Télémaque, un vieil homme à la barbe blanche, entre sur scène et s’incline devant Pénélope et son fils.
Mentor
Ma reine ! Jeune Télémaque. Veuillez pardonner mon intrusion.
Télémaque
Mentor, mon cher précepteur, vieux débris. (Il le relève et le prend dans ses bras) Quelle joie de te voir !
Mentor
(Riant) Doucement, jeune maître, vous ressemblez de plus en plus à votre père et dans son allure et dans sa vigueur. La dernière fois, vous m’avez fêlé une côte. Et j’étais plus jeune.
Pénélope
Mentor, vous savez bien que vous êtes toujours le bienvenu en ces lieux.
Télémaque
Quel bon vent t’amène, vieille carcasse desséchée ?
Mentor
Tu ne serais si bien dire, jeune Télémaque. Car Eole, le maître des vents en personne vient de souffler, d’une brise légère, une nouvelle importante à mes oreilles. Une nouvelle qui va vous ravir, reine Pénélope.
Pénélope
Voilà que soudainement tes paroles me font frissonner et sans même avoir entendu un mot de plus, un sentiment étrange m’envahit faisant renaître un espoir insensé dans mon cœur.
Mentor
Votre intuition éminemment féminine, ne vous trompe pas, ma reine. Odysseus, votre cher époux, est vivant et il est sur le chemin du retour.
Pénélope
(Pleurant de joie) Je le savais. Je le sentais au fond de moi.
Mentor
S’il a tant tardé à revenir, c’est à cause de la magnifique Nymphe Calypso qui l’a retenu sept ans dans son palais et avec laquelle il a eu deux enfants.
Pénélope
Oui, alors ça, je n’étais pas obligée de le savoir.
Télémaque
J’ai donc deux demi-frères ou sœurs ?
Pénélope
Non, mais c’est bon. Pas besoin de rentrer dans les détails.
Télémaque
Tu ne te trompais pas, mère. Et je n’aurai jamais dû douter de tes sentiments.
Pénélope
Pars maintenant mon fils ! Va rejoindre ton père.
Télémaque
Euh… là, comme ça, maintenant ? Je n’ai rien préparé, je n’ai même pas pris de petit déj.
Mentor
Elle a raison. Pars sans tarder. Et fais attention sur le chemin, les prétendants n’attendent qu’une occasion pour te nuire. Personne ne doit connaître l’objet de ton voyage.
Le seul point qui m'a un peu fait tiquer, c'est au tout début : pourquoi Pénélope se sent-elle obligée de rappeler à Télémaque le nom de son propre grand-père . Pour le coup le côté double énonciation me semble un peu trop marquée. Ou alors si vraiment, c'est de l'humour et tu souhaitais ouvertement te jouer de cette double énonciation, ça mériterait de forcer encore plus le trait pour moi. Genre "Ah, Télémaque, mon fils ! De 20 ans. Je n’arrive pas à me concentrer sur le tissage du linceul de ton grand-père, Laërte, qui, comme tu le sais, est mort de etc" Enfin c'est un exemple, je sais pas ~
Sinon, le thème du tissage et toute la métaphore filée (oui moi aussi je m'y mets du coup xD ) fonctionne bien. Et le plot twist final avec Pénélope et Télémaque qui découvrent qu'il y a possiblement famille recomposée ahah !
J'ai bien aimé aussi l'image des prétendants installés pépouze, à prendre dans les réserves, c'est limite si je ne les ai pas imaginés à attendre avec la bière et tout.
Bref toujours un régal !