— Non, toujours aucune nouvelle mon Roi, répondit le vieux général en s’inclinant avec raideur. Mais nous poursuivons nos recherches. J’ai posté deux hommes devant sa demeure, et d’autres écument chacun de ses chantiers. S’il réapparait, soyez sûr que j’en serai le premier informé.
— Merci mon ami, fit Déleber en lui faisant signe de se redresser.
Le pauvre militaire n’était plus le même depuis sa mésaventure au Cloaque, et un claquement désagréable accompagnait désormais chacun de ses pas. Il avait laissé la sale besogne d’interroger l’aînée à Akaran, mais celui-ci n’était arrivé à rien pour l’instant. Qu’un culte de l’Innommable ait pu se développer si proche d’eux, au sein même de la capitale, l’ébranlait plus qu’il ne voulait le reconnaître. Mais pour l’heure, c’était surtout la disparition de Fabri Bolion qui l’inquiétait. Où donc te caches-tu mon vieil ami ? songea-t-il avec amertume. Il ne pouvait imaginer que son ancien compagnon soit à l’origine du guet-apens du pont des Amants. Même si les circonstances l’accablaient, il souhaitait quand même lui laisser le bénéfice du doute. Encore eut-il fallu que l’armateur vienne s’expliquer. Tout ceci était trop gros. Si Bolion avait effectivement voulu attenter à sa vie, il n’aurait sûrement pas utilisé des charpentiers et des bucherons de ses ateliers. L’homme avait les moyens d’engager des sicaires chevronnés si l’envie lui prenait. Ca ne collait pas, il était difficile pour Déleber d’imaginer des connexions entre le noble et les chimères. Non, quelqu’un s’était visiblement donné beaucoup de mal pour brouiller les pistes et faire accuser Fabri.
Le soleil se couchait sur Elhyst, et de sa fenêtre, Déleber pouvait admirer le sanctuaire de la Matriarche. L’astre disparaissait derrière la basilique et nimbait celle-ci d’une lumière chaleureuse et vive. Des nuages orangés ceignaient le pinacle en dôme et projetaient leurs ombres intimidantes sur la ville basse. La contemplation du crépuscule était devenue un rituel depuis le départ de sa benjamine. Que devenait-elle? Etait-elle bien arrivée à Candala ? Cela faisait déjà une demi-lune que sa fille était partie. Elle avait dû aborder l’ascension d’Eljane à l’heure qu’il était.
Déleber ouvrit une fenêtre et huma l’air printanier. Il aimait cette odeur encore chargée de relents de feu de bois et de froideur animale, se mêlant aux effluves enivrants et parfumés des premières primevères. Ses appartements jouxtaient le jardin suspendu d’Eyanna, et c’est un bouquet de senteurs voluptueuses et généreuses qui lui chatouillaient agréablement les narines. Un phénomène qu’il ne s’était jamais expliqué. Comme si la nature s’épanouissait davantage au contact de la princesse. Un courant d’air pernicieux profita de l’ouverture pour saisir le monarque. Il se frotta les mains en frissonnant. Sa fille devait avoir bien froid là-haut. Heureusement qu’Althaer l’avait accompagnée, il prendrait soin d’elle. Déleber se félicitait de sa manœuvre ; il avait fait en sorte de protéger sa fille tout en éloignant son frère de l’archiprêtre. Il faudrait juste qu’il évite de faire des remous le temps de traverser Candala. Cette idée l’inquiétait tout de même. Son bourru de frère laissait trop souvent parler son cœur plutôt que sa raison, et le ton pouvait vite monter. C’était un rustre, mais il était brave et généreux, et Déleber ne doutait pas un seul instant qu’il mettrait tout en œuvre pour préserver sa jeune nièce.
La porte s’entrouvrit dans son dos, et il se retourna pour apprécier l’entrée de la plus belle créature de tout Eryon. Doline s’avança gracieusement, de sa démarche chaloupée. L’espace d’un instant, il se noya dans ses grands yeux clairs et y retrouva celle qui avait fait chavirer son cœur tant d’années auparavant. Elle lui attrapa les mains et, chose rare, murmura son prénom d’une voix suave et exquise. Cette seule parole le transporta de bonheur. C’était si inhabituel qu’il en eut les yeux humides. Il lui rendit son étreinte et lui caressa la joue avec douceur. Il n’osa pas ouvrir la bouche, de peur de briser la magie de cet instant unique. Les lèvres de Doline se relevèrent délicatement pour former un sourire lumineux. Dieux, qu’il aimait cette femme ! Il avait été capable du meilleur comme du pire pour elle. Et il était toujours bien incapable de déterminer dans quelle catégorie classer sa décision de l’emmener rencontrer la sorcière du lac. Il était rongé par la culpabilité depuis cette nuit-là, mais avait-il seulement eu le choix ?
Doline plongea son visage dans le creux de son cou, et pendant quelques secondes, il irradia de félicité, oubliant ses soucis et ses devoirs pour s’adonner corps et âme à cet instant éphémère. C’était dans ces moments qu’il prenait la mesure de sa solitude. Sa femme avait guidé ses choix et ses pas, l’aidant à devenir d’abord homme, puis roi. Elle l’avait aidé dans ses décisions, épaulé dans ses doutes, et relevé dans ses faiblesses. Elle lui manquait cruellement. Elle redressa la tête vers lui. L’éclat pétillant de ses pupilles avait disparu. Ses lèvres se mirent à trembler et un voile troubla son regard.
— Nooon,…tyéalt…chmoi…nooon… ?
Un bataillon de rides s’arrogea le front du monarque. L’instant été terminé. En soupirant, il lui caressa la joue.
— Tout va bien ma douce, tout va bien…
*
Les visites au manoir de Mary étaient devenues quotidiennes. Cette femme fascinait Nemyssïa, et elle lui avait tenu compagnie de nombreuses fois cette dernière semaine. Elle était consciente, au fond d’elle-même, de s’adonner à un jeu dangereux, mais tel un papillon attiré par les flammes, elle ne pouvait s’empêcher de gagner le fief des Justé, ou plutôt des Gran-Cervetez. Elle avait besoin de prendre l’air, d’échapper à l’atmosphère oppressante du palais. Depuis qu’Eyanna était partie, Dame Eline ne lui laissait plus un seul instant de libre et la suivait comme son ombre. Ce qui avait le don d’exaspérer la princesse. Elle avait tenté de le lui expliquer gentiment, mais la gouvernante se contentait de lui adresser un regard maternel, comme lorsqu’elle n’était encore qu’une gamine boudeuse. Et puis il y avait Corelle, qu’elle croisait à chaque coin du palais, suspendue à son frère comme une tique au fessier d’un clébard. Ainsi que son vautour de père qui se prenait à présent pour le Roi et dictait sa conduite au personnel du château. C’était donc un besoin impératif de liberté qui la guidait à présent hors des murs royaux, et qui lui faisait dire – non sans une certaine ironie – qu’elle ressemblait peut-être davantage à sa sœur que ce qu’elle aurait pu penser. Herg lui collait toujours au train où qu’elle aille, et ils avaient décidé d’un accord tacite de ne plus s’adresser la parole.
Ce jour-ci, lorsque le valet de Mary l’accueillit, il était en compagnie d’un domestique qu’elle ne connaissait pas. L’homme lui accorda un bref regard avant de l’ignorer et d’entreprendre le nettoyage consciencieux d’un mantel azuré, sur lequel s’entrelaçaient des lignes sinueuses, brodées de fils mauves et olives. Un mariage de couleurs bien inhabituels, remarqua Nemyssïa distraitement. Le valet l’introduit dans le petit salon où elle avait coutume de partager un moment avec Mary, mais aujourd’hui, celle-ci n’était pas seule. En face d’elle se tenait une jeune femme à l’allure distinguée.
— Es-tu vraiment certaine de ne pas vouloir passer quelques jours ici Lona ?
— Merci Mary, c’est très aimable de ta part, mais je préfère rentrer à Abysse avant les réjouissances de la saison florale, tu sais comme il est important pour mon oncle que j’assiste à cet évènement.
— Je sais, grogna Mary. Il serait trop bête de louper une occasion de s’enivrer, elles sont si rares à Abysse.
La jeune femme soupira.
— Ne le prend pas mal Mary, tu sais combien il est difficile pour moi de revenir ici.
— J’en ai une vague idée oui, rétorqua Mary d’une voix glaciale. Je n’ai eu personne pour me sortir de là moi, je suis restée avec notre grand-mère à me terrer, me demandant lesquels des royaux ou des ecclésiastiques seraient les premiers à venir nous trancher la gorge.
Elle prit subitement conscience de la présence de Nemyssïa avant de reprendre :
— Pardonne-moi, je suis injuste avec toi, seulement… J’aurais souhaité profiter un peu plus longtemps de ta présence.
— Je comprends. Tu sais que tu es la bienvenue à Abysse. Mon oncle t’adore ! Il serait ravi de t’avoir quelques jours chez nous.
Mary ricana :
— Oui, il m’apprécie comme une bonne vieille colique celui-là ! Tu es bien sûre de toi ? Sergue revient dans quelques jours.
La jeune femme piqua un fard en bafouillant :
— Non… vraiment… tu lui transmettras mes amitiés.
— Comme tu veux… je ne peux pas te forcer.
Lona vacilla et se rattrapa au dossier d’une chaise.
— Ca ne va pas ? s’alarma Mary.
— Ne t’inquiète pas, je suis fatiguée, encore… C’est de pire en pire, au réveil, j’ai l’impression d’avoir passé la nuit à courir. Je suis constamment éreintée. Mais j’imagine que ça passera. Ca et les maux de tête… bref, il est grand temps pour moi de prendre congé.
Les deux femmes s’étreignirent un bref instant, puis la visiteuse se dirigea vers la sortie, et disparut après avoir salué Nemyssïa. Mary indiqua un fauteuil à la princesse et dit d’une voix lasse :
— Je t’en prie Nemyssïa, assied-toi.
Celle-ci s’installa confortablement sur le siège rembourré, tandis que le domestique leur servait une tasse de thé fumant. Nemyssïa fixa le fond du récipient dans un silence gêné, puis elle se décida :
— Mary…
— Ma jeune cousine, la coupa cette dernière.
— Pardon ?
— La femme qui vient de sortir. C’était ma cousine Lona. C’est bien ce que tu voulais me demander n’est-ce pas ?
— Oui…, répondit Nemyssïa interloquée.
— Allons Nemyssïa, ne me fixe pas comme une poule qui aurait découvert un couteau, tu es une jeune femme intelligente et curieuse, je te l’ai dit. Et je suis sûre que tu as mené ta petite enquête, tu connais déjà mon histoire. Tu ne viens sûrement pas ici chaque jour par bonté d’âme. Tu cherches à comprendre ce qu’il se passe entre Akaran et ton père, et tu t’es dit qu’il serait bien facile de tirer les vers du nez de cette pauvre Mary qui vient juste de perdre son fils, je me trompe ?
Nemyssïa sentit ses pommettes s’embraser, et la rougeur naissante de son épiderme n’échappa pas à l’œil scrutateur de Mary, dont le visage s’orna d’un sourire en coin.
— Mary… Il est vrai que j’espérais en savoir davantage sur mon père en venant ici la première fois, et je ne comprends toujours pas pourquoi il laisse les rênes à Akaran. Mais j’ai appris à apprécier ces moments de partage en votre compagnie. J’y trouve étrangement une certaine… sérénité, un apaisement de l’esprit. Je suis désolé si mes premières intentions étaient peu louables, mais…
— Ne t’excuse pas ! la coupa Mary. N’as-tu donc pas retenu ce que je t’ai dit ? Quitte à avoir été manipulée, autant que ça ait servi à quelque chose ! Assume tes choix et cesse de geindre, tu es la princesse bon sang ! Maintenant, installe-toi bien et garde le silence. Que je t’explique un peu ce qu’il est arrivé à ma famille, puisque ça semble tant t’intéresser…
Ce soir-là, lorsque Nemyssïa rentra chez-elle, elle traversa la ville haute comme un fantôme, ne prêtant aucune attention aux bougonnements incessants d’Herg. Pour la première fois de sa vie, elle ressentait de la honte. Le nom d’Estelon, qu’elle était si fière de porter, pesait en cet instant comme un fardeau sur ses épaules. La morsure du déshonneur était brutale, et elle prenait conscience d’une fêlure dans sa lignée. Si Jyléter était indubitablement le sauveur d’Eryon, sa descendance, elle, était comme une souillure à sa mémoire. Une flétrissure dont l’apogée de la déchéance était marquée par le règne de son propre grand-père. Elle stoppa brusquement ses pas, et se tourna vers Herg. Celui-ci l’observa avec défiance. De profondes striures courraient le long de son visage, et une coupure mal cicatrisée balafrait sa joue droite. Cet homme avait vu et fait des choses inavouables pour que sa famille puisse continuer à dormir sur ses deux oreilles.
— Herg, commença-t-elle d’une voix mal assurée.
A son habitude, l’homme commença l’échange en crachant au sol et enchaîna avec acrimonie :
— Qu’est-ce vous voulez ? M’ faire comprendre qu’ vous êtes pleine de bonté et qu’je suis qu’un péquenaud mal dégrossi qui comprend rien à votre amour pour nous ? Z’allez encore m’abreuver d’mots que j’comprend même pas ?
— Non Herg… pas aujourd’hui.
— Alors quoi ?
— Vous aviez raison. Je ne suis qu’une égoïste, une petite sotte élevée dans l’opulence, qui s’estime supérieure au reste du monde uniquement en vertu du sang qui coule dans ses veines. Mais en définitif, je ne suis qu’une godiche, une péronnelle qui ne sait rien faire de sa vie, si ce n’est choisir une tenue harmonieuse pour aller danser la pavane, que j’exécute fort mal par ailleurs.
— La pavane ? demanda Herg d’un air méfiant.
— Une danse ridicule qui imite le mouvement du paon.
— Ah, fit Herg en hochant lentement la tête d’un air pensif.
— Ce que j’essaie de vous expliquer, c’est que malgré toute ma bonne éducation, je ne vous arrive pas à la cheville, vous risquez votre vie pour nous, alors que nous n’en valons pas la peine. Qui me regretterait si je disparaissais demain ? A qui manquerais-je ? Je ne sers à rien, je n’apporte rien, je suis comme… comme…
— …comme un emplâtre sur une jambe de bois ? proposa le soldat.
— Exactement, approuva Nemyssïa. Comme un emplâtre sur une jambe de bois.
— Et vous n’valez pas tripette, même la vache qui met bas vaut plus que vous !
— Probablement, acquiesça la jeune femme après un instant de réflexion.
Herg la dévisagea pendant de longues secondes en se mâchouillant les lèvres. Des sillons se creusèrent sur son front. Puis un raclement de gorge chargé de glaires remonta le long de son œsophage. Nemyssïa plissa les lèvres de dégoût. Comme à l’accoutumé, il allait lui faire part de son opinion en clôturant la discussion à sa façon. Mais contre toutes attentes, il se contenta de déglutir bruyamment en se grattant l’intérieur de l’oreille avec le petit doigt. Puis, après en avoir religieusement inspecté le contenu, il afficha une moue approbatrice et un léger sourire effleura le coin de sa bouche.
— S’fait tard, lâcha-t-il pour tout commentaire.
Puis il pivota sur lui-même pour reprendre le chemin du palais.
Lorsqu’elle pénétra dans le salon, elle fut accueillie par un Ethyer à la mine sombre.
— Tu étais encore chez les Justé ? attaqua-t-il sans détour.
Le prince paraissait fatigué, il avait les traits tirés et les pupilles dilatées. Levé aux aurores et couché tard dans la nuit, il menait un train de vie infernal, et il ne devrait pas s’étonner si tôt où tard, son corps réclamait son dû.
— Tiens ? La gorgone t’a enfin lâché la grappe ? répliqua-t-elle du tac au tac.
— Je t’interdis de parler d’elle en ces termes. Il s’agit de ma future femme, et accessoirement de ta future Reine. L’aurais-tu oublié ?
— Comment le pourrais-je? Elle est accrochée à toi comme une arapède à un rocher à chaque heure de la journée.
— Bon sang Nemy, mais qu’est ce qu’il t’arrive ? Je ne te reconnais plus ! Et qu’est-ce que tu as contre Corelle ?
— Il y a, mon cher frère, qu’en l’épousant, tu laisses entrer le loup dans la bergerie !
Ethyer haussa un sourcil.
— Tu parles d’Emri ? Qu’est-ce que tu lui reproches au juste ?
— Tout ! explosa la jeune femme. C’est un homme dangereux ! Tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais il est mauvais ! Ton Emri, comme tu sembles à présent disposé à le nommer, est un serpent !
— Cette Mary t’as montée le bourrichon avec ses flagorneries ! J’en étais sûr !
— Tu me rappelles ce troll Ethyer, celui des contes de notre enfance. Tu sais ? Celui qui se moquait de son compagnon qui s’était pris une flèche dans les fesses alors que lui-même avait une hache plantée dans le crâne. Tu es le même, on t’enfermerait avec un ratel que tu essaierais de le caresser en pensant que c’est un chiot.
Ethyer perdit contenance une fraction de seconde, et Nemyssïa regretta aussitôt ses propos.
— Tu crois que je n’ai pas saisi l’allusion à l’enterrement d’Andrev ? Que je ne sais pas comment on m’appelle quand j’ai le dos tourné ? Penses-tu qu’il soit si simple d’être l’héritier d’Eryon ? Tu veux ma place ? Prend-là ! Je te la laisse bien volontiers ! S’il y a bien quelqu’un sur qui j’espérais pouvoir compter, c’était toi, ma sœur. Je pensais que la perceptive de mon mariage t’emballerait davantage.
Son frère était subitement redevenu ce petit garçon plein de doutes à la santé légère, ce frêle gamin qu’un courant d’air aurait balayé d’un souffle. Un élan d’affection la submergea et elle eut envie de le prendre dans ses bras, de le presser contre elle, de lui dire qu’elle serait là pour lui. Mais malgré la supplique de son âme qui la poussait à l’étreindre, elle ne put s’y résigner. Elle avait vu l’œuvre d’Akaran. Elle savait comment les choses allaient tourner avec un tel tyran au pouvoir. Et c’est d’une voix étrangement calme et froide qu’elle prononça :
— Tu es l’héritier du trône Ethyer, le seul. Tu assumeras seul le résultat de tes actes. Il est hors de question que je m’associe à tes erreurs de jugements. Je refuse de me retrouver mêlée à ton ballet d’hypocrisie et de despotisme. Epouse Corelle Akaran si ça te chante, vend ton âme au diable, mais ne vient pas pleurer ensuite.
Le prince contempla sa sœur avec stupéfaction.
— Mais de quoi tu parles ? Emri est loin d’être le monstre que tu décris, Père est fatigué au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, il a grandement besoin d’aide, surtout avec ces foutues chimères qui hantent la capitale. Et le père de Corelle s’échine à extirper cette vermine de nos rues. Il n’y a pas si longtemps, tu tenais à peu de choses près le même discours !
— Peut-être étais-je encore aveugle à cette époque, murmura-t-elle. Les chimères sont peut-être un mal pour un bien.
— Bon sang Nemy ! s’énerva le prince en tapant du poing sur le dossier d’un fauteuil. Tu te rends compte de ce que tu dis ? Ces seules paroles pourraient te valoir la potence ! C’est grave enfin ! Comment peux-tu déblatérer de pareilles âneries ? Tu as pensé à notre père ?
Justement Ethyer, justement… j’y pense beaucoup, et il n’est peut-être pas aussi innocent que ce que tu sembles le croire.
— T’es-tu déjà demandé d’où venaient les chimères ? Ce qui leur avait insufflé la vie ? Ce qui nourrissait leurs desseins ? A chaque action, il y a réaction, à chaque grande force de la nature s’en oppose une autre, équivalente. Et contre chaque oppresseur s’élève une résistance. Celle-ci enflera aussi sûrement que le soleil se couche à l’ouest si le vautour mène la danse.
Le prince laissa échapper un soupir.
— Je ne sais plus qui tu es. Où est passée cette jeune femme pleine de joie qui croquait la vie à pleines dents, entourée de ses prétendants ? Que t’es-t-il arrivé ? Quand es-tu devenue cynique à ce point ?
— J’ai tout simplement ouvert les yeux Ethyer, j’ai posé mon regard sur le monde, je suis descendue de mon piédestal pour me mêler au peuple, j’ai enlevé mes œillères et observé la réalité telle qu’elle était. Et je l’ai prise de plein fouet.
Elle eut une pensée fugace pour Delain, ce petit marchand crasseux et agaçant, et pourtant tellement plus lucide qu’elle-même.
— Bonne nuit mon frère, conclut-t-elle en quittant la pièce.
Belle transformation du caractère de la princesse. On en sait toujours très peu sur Akaran. Est-ce à dessein? Sinon, Nemyssïa devrait être plus explicite sur les actions de ce serpent. On ne sait pas ce qu'à dit Mary, donc je pense que c'est volontaire...mais c'est frustrant!
La transformation de Neïmessa au contact du peuple et de Mary est désormais bien entamé. Et forcément, son frère sent la différence. J'ai particulièrement aimé le passage où elle résiste à la tentation de le prendre dans ses bras et de le rassurer, c'était vraiment un tournant.
Les dialogues de Mary Justé sont toujours aussi acérés, et donc aussi agréables à lire ! Surtout que Neïmesse a un peu de répondant^^
Le premier pdv m'a permis de mieux comprendre certains éléments, notamment le rôle d'Althaer. Le perso de Doline a une consonnance dramatique qui rend le personnage du roi assez touchant, malgré tout le mal qu'on peut dire de lui.
Rien sur la forme pour cette fois !
J'attends la suite avec impatience,
A bientôt (=
Et oui, la fracture entre Nemyssïa et son frère commence à se faire ressentir. Je voulais un personnage qui évolue, partir d'une pimbêche imbuvable à...elle. Elle aura encore l'occasion d'apprendre, je ne lui prévois pas un avenir des plus doux^^
Tant mieux si tu trouves le roi attachant malgré certains de ses choix, c'est l'effet recherché!
A bientôt!