Il n’y avait qu’avec elle qu’il prenait le petit-déjeuner. Chez lui, lorsqu’il était seul, il n’en prenait jamais. Il se levait. Fumait une cigarette. Ou deux. Mais il ne mangeait pas. Il n’aimait pas être assis dans sa cuisine. Il n’aimait pas l’idée d’être seul à table. De manger en tête-à-tête avec ses pensées.
Il avait essayé pourtant. Mais son esprit lui coupait l’appétit. Il ne voulait pas rencontrer les idées noires et la haine qui logeaient dans sa boîte crânienne. Alors chaque fois qu’il était seul, il les noyait d’alcool. Pour ne pas les entendre. Pour ne pas les reconnaître. Mais par principe, il ne buvait pas le matin. Alors au petit-déjeuner, il se retrouvait seul. L’esprit presque clair. Un enfer.
Avec elle, les choses étaient plus simples. Il s’asseyait, elle souriait. Et elle chassait les idées noires en lui racontant son rêve. Elle riait seule. Se perdait dans ses explications. Rêvassait tout en parlant.
Un aperçu de la poésie qui logeait dans sa boîte crânienne. Une fenêtre sur son esprit. Par laquelle il passait. Parce qu’il préférait se perdre dans ses pensées. Plutôt que dans les siennes.