Petit fantôme

Les sanglots me submergent comme si j’avais de nouveau seize ans. Le souvenir, tellement vif de ce cri, me transperce le cœur après toutes ces années. Je regrette cette adoption. Puisqu’elle entraîne trop de souffrance, j’ai oublié. Je sais qu’il ou elle a, aujourd’hui, vingt-cinq ans. Malgré le soutien psychologique dont j’ai bénéficié, cet enfant me hante au plus profond de moi. Évidement ce choix imposé a détruit ma relation avec mes parents. La rupture est totale. Leur seule bonne action a été d’avoir accepté mon émancipation. J’ai longtemps souffert en croisant des mères et leurs petits épanouis sans forcément comprendre pourquoi, car j’ai oublié. Je n’ai jamais pu faire du baby-sitting, les enfants me rendaient hargneuse. Avant Vicky, je repoussais les moindres tentatives d’approche des petits.

Toute à mes réflexions, je n’ai pas vu que Holly pleure à chaudes larmes. Autant que moi finalement. Je sens naître un mal de crâne, trop de larmes. Je me déshydrate. Je ne veux pas penser à mon autre expérience à l’hôpital.

« − Désolée, Gwen. Je ne mettais rendu compte de rien à l’époque même si j’ai senti que tu étais profondément triste, par moment. »

Machinalement je caresse la tête de mon amie, posée sur mon épaule.

« − Le changement de lycée m’a fait un bien fou et surtout notre rencontre. Tu as recoloré ma vie et permis de retrouver le sourire et surtout rire à nouveau. Merci mille fois pour ton soutien indéfectible, Holly. Je t’aime tellement. »

L’éclat soudain d’une voix connue de nous deux nous fit hurler de surprise aussi bien que de peur. Vicky m’appelle à l’aide. Je me relève, avançant dans la pièce. Sa voix semble venir d’un des caissons fermés. Un instant, j’ai le fol espoir de la retrouver. En vie. C’est alors que j’entends ricaner. Une voix haut perchée saupoudrée d’un grain de folie :

« − Les jolis fantômes malheureux. Miam, miam ! »

Holly et moi nous nous sommes regardées. Il n’y a personne dans la pièce et pourtant, nous avons, toutes les deux, entendu ces paroles dérangeantes. L’esprit pragmatique de mon amie ne tarde à réagir :

« − Il y a quelqu’un ? Montrez-vous ! Vous nous avez bien eues ! Ha ha !

− La petite femme me pense humain. Mais, pas du tout. »

La voix pouffe. Ma panique grimpe d’un cran sur l’échelle de ma terreur. Il est certain que nous ne sommes plus seules. Nous sommes en présence d’un être surnaturel. Depuis les premiers pleurs, je veux tenir ce bébé contre moi, connaître sa vie, son vécu, lui demander pardon. Je n’arrive pas à repousser ce désir inassouvissable. La voix, à chaque mot semble creuser un peu plus dans le puits de mes regrets. Je réfléchis à toute vitesse pour tenter de deviner à quoi ou à qui mous avons affaire. La superstition est tout ce qui me reste de la religion inculquée par mes parents, je me renseigne beaucoup sur les entités en tout genre et surtout les moyens de s’en protéger.

« − Quel autre fantôme t’accompagne, grande dame ? Je sens qu’un festin m’attend. »

Je gémis en comprenant ce qui se dissimule dans les ombres.

« − Holly, il faut partir tout de suite. Nous sommes en danger.

− Mais qu’est-ce que tu racontes, quelqu’un nous fait une mauvaise blague. Nous allons partir et il ne va rien se passer.

− Pauvre Vicky qui a tant souffert. Le malheur des malades, condamnés à des agonies sans fin, sont mes gourmandises favorites » réplique d’un ton doucereux la voix.

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