Possession

L'air était glacé, et une frêle lueur peinait à réchauffer son corps engourdi. Le sol était froid et dur, et l'habituelle odeur d'encens du temple n'était pas présente. Le bruit des charpente qui craquaient à cause du froid était également absent. Quand elle ouvrit les yeux, tout devenait plus clair: elle n'était pas chez elle. Il faisait très sombre, mais les flammes qui se projetaient contre les parois montraient qu'il s'agissait d'une petite grotte. L'aube ne s'était pas encore pointée, et Fuyu grelottait sur le sol caverneux. Comment était-elle arrivée là ? Qui l'avait sauvée ? Pour le moment, cela lui importait peu. Elle ne pensait qu'à une chose: se réchauffer. Elle pouvait à peine bouger, mais la vue du feu la réconfortait. Elle était apparemment seule, mais quelques chose attira son attention: un petit baluchon bleu, brodé de fils d'or. Cela lui rappelait quelque chose, mais à ce moment là, rien ne lui revenait. Fuyu attendit là, pendants de longues minutes, recroquevillée devant un feu qui la réchauffait à peine, ne sachant que faire ni quoi penser. Par chance la tempête s'était calmée, et le vent était clément et ne projetait pas les flocons glacés dans la caverne. Au milieu de l'hiver et des grands pins de la forêt surgit une ombre, immense et menaçante, et Fuyu était trop faible pour s'apercevoir de qui il s'agissait. Le mystérieux personnage entra dans la grotte: un grand homme portant un chapeau de voyageur et un masque de tengu. 

"- Vous devez manger quelque chose, ça vous réchauffera.

Fuyu était trop faible pour parler, et elle se méfiait un peu de cet inconnu, mais il l'avait sauvé. Cependant, elle avait une étrange impression,  une voix qui résonnait au fond de son esprit, comme un avertissement. Mais l'inconnu ne présentait aucun signe de malveillance. Il lui présenta devant elle un petit panier en osier contenant du riz chaud et quelques plantes pour soigner ses engelures et la remettre sur pied. 

- Vous devriez vous reposer le temps de reprendre des forces, et quand vous serez prête, nous partirons à l'aube. Vous serez rentrée au temple avant que le Soleil ne soit haut dans le ciel."

Fuyu ne réfléchit pas et se jeta sur la nourriture, et se rendormit pendant quelques heures. Son sommeil fut agitée,  de mauvaises pensées venaient hanter son esprit et le froid qui régnait dans l'habitacle de pierre n'arrangeait pas les choses. La même voix vint heurter tel un écho l'intérieur de sa tête, la mettant en garde sur ce qui pourrait se produire et contre l'homme masqué. Le même visage de femme, celle d'une geisha, au sourire malicieux, venait la voir dans ses rêves, et lui parlait d'une voix douce et envoûtante. Les ténèbres tournaient autour d'elle et elle se sentait léviter au dessus du sol. La nuit fut très agitée. Elle se laissa bercer au son de la voix de la geisha, et lorsqu'elle se réveilla, elle reconnut la sérénité et la paisible chaleur de sa chambre, mais elle avait une étrange impression qui s'avéra vraie. Le masque avait disparu. Pris de panique, elle se leva et retourna son futon et ses couvertures. Rien. Elle fouilla les placards, vida les coffres et retourna toute la pièce. Rien. Elle se rua dans la cour du temple, les cloches retentissaient partout dans l'enceinte du temple et dans la montagne, quelque chose d'étrange s'était produit. Tout le personnel et les moines étaient réuni dans la cour principale. Elle rejoignit les autres au centre de l'incident. Tout le monde était sur le qui-vive, et était en état de choc. Elle s'approcha de l'un d'eux:

"- Que se passe-t-il Daisuke ? Qu'est-il arrivé ? Demanda-t-elle.

- C'est Yoichi... il est mort... ou plutôt assassiné... . C'est arrivé ce matin, nous venons de découvrir son corps..., répondit Daisuke. 

- C'est affreux... qui a bien pu faire ça ? 

Elle regarda le moine avec effroi, et son cœur s'emballa. 

- Nous n'en savons rien, mais le chemin du meurtrier est déjà tout tracer. Nous lui ferons payer ce qu'il a fait. 

- Justice sera faite. Bouddha a déjà accueilli notre frère, n'ayez crainte, dit Fuyu.

- Vous avez raison, il le méritait. 

Tous deux avait la mine sombre, et chacun se posait les mêmes questions: qui avait bien pu faire ça ? Quand ? Pour quelles raisons ? Mais pour l'instant, le temps était au chagrin et ils devaient s'occuper des funérailles de leur camarades. La vengeance n'est pas quelque chose que Bouddha apprécierait. 

- Quelqu'un a-t-il pu voir l'assassin ? Risqua de demander la jeune prêtresse. 

- Malheureusement non, répondit le moine, mais lorsque nous avons trouver le corps, un masque lui recouvrait le visage. 

Le cœur de Fuyu se serra et son rythme cardiaque s'emballa d'un seul coup. Sa tête commença à tourner et sa vision se troubla, mais elle fit au mieux pour cacher ses émotions. Elle concentra tous ses efforts pour paraître naturelle. 

- En effet c'est très étrange... de quoi avait-il l'air ce masque ? Demanda-t-elle. 

- C'était un masque de kabuki, répondit le moine, un masque de yokaï d'après les autres. Un visage de démon, l'air menaçant, et des crocs acérés. 

Les palpitations de la jeune fille se calmèrent, et elle se détendit, mais son masque n'était pas retrouver pour autant.

- Qui pourrait faire ce genre de chose...? Je n'avais jamais entendu parler de cela auparavant, ni jamais rien vu de similaire.

- Nous non plus, nous devons nous occuper de ça. Il y a un homme qui a placé son campement non loin de là et je pense qu'il peut nous aider." 

Une voix au fond de l'esprit de Fuyu retentit à nouveau, une voix en colère qui lui donna un mal de crâne assourdissant. Elle s'éloigna du groupe et s'isola à la bibliothèque. Sa tête tournait et des messages de mise en garde retentirent à nouveau:

"- Méfies-toi du tengu... ses mains sont souillées... la mort le suit... ."

Elle essaya de ne pas y faire attention, et décida de continuer ses recherches avant d'aider pour les funérailles. Elle ressortit dans la cour et se dirigea vers les petits bassins qui décoraient l'extérieur. Elle fut attirée par ici, comme si elle était forcée ou même comme si son cœur la guidait dans cette direction, et elle constata par elle-même que le masque était au fond de l'eau. Elle le prit et se rendit compte qu'il n'était pas mouillé, et n'avait aucune imperfection. Elle se sentit soulagée. Une ombre se faufila derrière elle et demanda: 

"- Où avez-vous eu ce masque ? 

Fuyu sursauta et se retourna soudainement. Son cœur se remit à palpiter, des vertiges  revinrent et une sueur froide commença à couler dans son dos. Elle était dans un état second. 

- Et bien... je l'ai depuis toujours... c'est un cadeau. Un jour une troupe itinérante était passée par ici et on m'a fait cadeau de ce masque. 
 

Sa voix était tremblante et semblait différente. 

- Je vois... vous feriez bien de faire attention à vous dans ces cas là, dit l'homme masqué."

Aussitôt qu'il eut fini de parler, il s'évapora sans laisser de traces, et Fuyu se retrouva à nouveau seule sous la neige qui tombait avec lenteur, se demandant ce qu'il avait voulu dire. Quel danger risquait-elle ? Était-ce lui le meurtrier ? Ou alors comment Yoichi a-t-il était tué ? Les tourments qu'elle avait si souvent depuis ces deniers jours revinrent l'assaillir, et son esprit était plus torturé que jamais. 

Après maintes et maintes questions qui restèrent sans réponses, ils procédèrent à l'enterrement de leur frère. Des chants furent chantés, une cérémonie fut faite, mais cette après-midi là, le silence n'avait pas la même quiétude, c'était un silence annonciateur de malheur. 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Azurys
Posté le 23/09/2023
Bonjour paulcast, jusqu'ici ton texte me plait sincèrement. Je trouve que tes descriptions du temple et de son environnement fonctionnent très bien, c'est sûrement le plus gros point fort de ces deux premiers chapitres.
On sent dans tes lignes une affinité sincère pour le Japon, et que tu oses rentrer en profondeur dans la culture de ce magnifique pays. Sur ce point là, je suis la cible. Ta conception du monde japonais n'est jamais trop superficielle ou maladroite, c'est un point important !

Maintenant, ce qui pêche (outre les quelques coquilles que d'autres lecteurs ont déjà relevées), c'est déjà le caractère des personnages. C'est peut-être volontaire de ta part, mais je trouve les personnages malheureusement plats. Leur caractère n'est jamais mis en valeur, même pas évoqué, ils ne sont que passifs vis à vis des événements. Les dialogues courts et un peu trop prosaïques n'aident pas non plus. Pourtant, on a envie d'en apprendre davantage sur Fuyu, ce qu'elle pense, sa relation avec son énigmatique père.

Le soucis se répète sensiblement dans ta narration : je trouve qu'elle manque d'identité. Tu devrais te lâcher dans ton écriture ! Ose les comparaisons, les figures de style, peu importe ce que tu veux écrire. La surabondance de la conjonction "et", par exemple, rend la lecture parfois saccadée et trop constative. De même pour les pronoms "elle" ou "ils" qui entament trop souvent les phrases, le rythme en est un peu altéré.

Au delà de ces deux remarques, ton texte repose sur un contexte intéressant, mystérieux et bien maitrisé. L'intérêt porté sur les masques de Kabuki est bien choisi et j'espère être surpris par les chapitres suivants ! Bonne écriture (:
paulcast99
Posté le 23/09/2023
Salut! Merci énormément pour ton retour! Je suis très heureux que ça te plaise!

Je comprends ce que tu veux dire, peut-être ai-je peur de me lâcher, peut-être ai-je peur de ne pas assez approfondir (j’avoue que j’ai ce problème là sur d’autres nouvelles, il faut donc que j’améliore ça, appuyer sur le caractère des personnages) mais si ici tu les trouves plats c’est voulu!
J’ai voulu transposer une atmosphère tranquille et inquiétante à la fois, dans laquelle le lecteur et le personnage sont spectateurs de ce qu’il ce passe, et subissent en quelque sorte le destin.

Je voulais transposer une vision du bouddhisme et ce qu’il me faisait ressentir à travers cette culture et cette nouvelle!

Bonne lecture à toi et à plus tard! ;)
Hortense
Posté le 25/06/2023
Le masque est au cœur de l'histoire. Est-il maléfique comme son apparence et son nom l'indique ? Quelle magie recèle-t-il ? L'atmosphère de ce chapitre est étrange, le mystère plane et Fuyu semble être au centre du mystère.
Deux coquillettes :
- les moines étaient réuni dans la cour principale : réunis
- de leur camarades camarade
A bientôt
paulcast99
Posté le 25/06/2023
Et bien surprise haha! Tu verras quand la suite sortira ! Je continue lentement car je travaille en ce moment la suite devrait bientôt arriver :)

Merci !
Gaëlle N Harper
Posté le 07/05/2023
Le ton me rappelle vraiment tout plein de nouvelles japonaises horrifiques (le mot est fort, disons fantastiques/dramatiques ?), donc tu as mis le doigt sur quelque chose de très authentique à mon avis !
paulcast99
Posté le 08/05/2023
Merci beaucoup ça me touche beaucoup!
C’est vrai que je m’inspire beaucoup de l’aspect contemplatif des films japonais et aussi d’un anime qui m’a énormément marqué: le théâtre de l’horreur, des épisodes de 10 15 min c’est super à regarder! Je te le conseille!
Gaëlle N Harper
Posté le 08/05/2023
Je ne connaissais pas, je mets ça dans ma liste ! :)
Vous lisez