Pourquoi les Huguettes ne sont pas que des vieux en goguettes

M. et Mme Huguette les autres y auraient dit que c’étaient juste de vieux toujours en robes de chambres mais déjà c’était pas vrai parce que m’dame huguette elle savait bien être élégante et on aurait pas eu idée d’avoir inventé un vieux plus joli que le m’sieur huguette, puis surtout ils y comprenaient rien à rien les autres à répéter comme des mulets qu’être vieux c’était pire que d’être mort, et puis que c’était presque la même chose alors, tout ça que ça répépète les pauvres angoisses des parents qu’ont trop à se prendre la tête entre leur œillères pour voir que vieux et morts bah qu’ils le sont déjà dans leur tête, rien qu’à voir comment leur cœur y marche à reculons, pire que toutes les bonnes choses qu’ils disent qu’elles tournent pas rond dans ce monde de fou, tout ça pour pas voir que les fous qui font tourner le monde comme un moulin sans eau c’est rien qu’eux et leurs sales angoisses, qui me mettent tant en colère que je suis sûr qu’ils ont pas le droit. Les autres y avaient torts, et je dis ça sans malice comme dit l’institutrice, parce que les Huguettes peut-être ils étaient vieux, mais c’était même pas les vieux les plus géniaux du monde, parce que c’était pas que des vieux et c’étaient juste les humains qui méritaient le plus d’être appelés humains, fin d’après le vieux machins que lit le prof d’une voix de sieste alors même que le philominotaure il dit parfois des choses qui me font me moudre la tête, et je dirais pas que c’est vrais ou faux, mais juste que ça mérite de se percer un peu les méninges, rien qu’après c’est comme quand je grimpe à l’arbre pis j’ai mal partout mais c’est comme si je voyais mieux, puis que j’avais enlevé la buée de mes lunettes, même si j’ai pas de lunettes et que le yeuxologue il a dit que je suis une vraie chouette – d’ailleurs suis pas sûr encore que ce soit un compliment – et je vois tout au loin, même si je vois pas tout clairement, et ça fait un peu peur, et je suis toute tordue de partout entre les branches mais y’a comme un verrou qui a sauté dans ma poitrine, et je suis fière, et je suis fière d’être fière et je sais que j’ai le droit de l’être. C’est comme si ça faisait plus si peur et biscornu d’être adulte. Fin bref parce que écouter les livres et grimper à l’arbre ça a jamais été aussi bien que d’aller chez les Huguettes tous les jeudis. Déjà c’était pas des voisins ordinaires, comme disaient les autres voisines que maman appelait des commères, même si ça l’empêchait pas de passer toutes ses matinées à saliver avec elle au dessus des clôtures. Uberline était peut-être pas très forte avec les mots, mais elle avait bien compris que c’était pas des compliments, l’un comme l’autre. Et autant que c’était pas important parce que c’est vrai que les dames d’à côtés elles étaient plutôt méchante à traiter les gens comme des enfants et les enfants comme des chiens et les vrais chiens elle préfère pas en parler, autant ça l’énervait vachement qu’on parle des huguettes comme des ours de cirque croûteux à la retraite. Parce qu’elle a déjà dit que c’était bien plus que de supers vieux, et c’est pas la peine de lui dire qu’elle a pas de preuves parce que si on voulait bien la laisser finir elle allait nous expliquer mais c’est comme si le temps c’est de l’argent ça marchait que quand on avait vraiment quelque chose à dire puis que le reste du temps la salive c’était de la colle au lieu d’un baume, et on pouvait en tartiner partout. Les Huguettes pour commencer eux, ils étaient pas si presser de baver partout pour rien, et c’était comme si leur silence il y avait plein de jolis mots dedans. Mais bon, les mots et les Huguettes c’était quelque chose, c’est vrai. M’sieur, c’était comme si les mots ils étaient obligés de repasser sur eux-mêmes, comme quand la machine à coudre elle revient à l’envers et qu’elle pique du fils partout pour terminer l’ouvrage. Sauf que là, sa langue elle repassait et repassait et re-re-re-re-re-pa-pa-passait t-t-t-out le temps. Puis y’avait des fils partout, et des sons qu’il fallait couper à la machette comme des lianes. Pour lui, parler c’était déjà une aventure, et l’écouter s’en était une aussi, mais Uberline c’était une de ses aventures préférées parce que c’était comme de la musique où les sons parlaient tous seuls, et pis que le sens, il arrivait avant la fin des mots. M’dame Huguette, c’était comme si que tout le contraire, c’est la pensée qui avait du mal à suivre le rythme avec les mots qui eux roulaient tout seuls. Elle, les coutures elles étaient toutes détendues, et les pensées elles flottaient, avec les mots qui tombaient toujours entre les deux comme au fond d’un trou où on aurait enterré des cyprès. Elle avait les souvenirs qui s’effilochaient et ça partait partout. Les deux, ils avaient la parole et la pensée qui faisait la course, puis c’était plus vivant que n’importe quoi. C’était vivant comme la poésie et la musique, encore plus que la vie et ça avait un drôle de goût que Uberline elle aurait voulu que toute la vie soit comme ça. Les deux ils avaient toujours plein d’histoires à raconter mais ils étaient une Histoire déjà rien qu’en les regardant avec leur parole et leur pensée qui se bousculaient en boitant.

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