Je n'ai jamais été très fan de tourisme, surtout des grandes villes, mais Nilfehim est tout bonnement incroyable ! Le Q.G. de la guilde de Galdor est situé à l'orée de la ville, exactement à l'opposé – d'après ce que m'a expliqué Ley – de l'entrée de celle-ci ; ce qui fait qu'il suffit de marché tout-à-fait droit en sortant du bâtiment pour traverser la ville tout du long. Très pratique pour une visite guidée. Et puis la ville a un agencement vachement simple pour une des villes les plus importantes du pays : en sortant du Q.G doit devant - à peu près quatre cents mètres - se trouve une vaste place rectangulaire à laquelle on accède en descendant quelques maches d'un petit escalier qui en fait le tour.
Aussi étrange que cela puisse paraître, la première chose qui m'a interpelée en y arrivant... Eh ben c'est justement les escaliers. Bon pour ma défense, j'étais déjà bien concentré sur les trottoirs. Oui les trottoirs ! C'est parce qu'ils n'ont rien à voir avec ceux qu'on a l'habitude de voir, ils ne sont pas du tout construits pareil : il n'y a ni béton, ni goudron, ni les pavés qui les bordent habituellement... En réalité, ils n'ont pas l'air construits du tout, c'est plutôt comme si, tout au long des rues, la terre elle-même s'était légèrement surélevée pour s'assurer que jamais les précipitations ou les calèches et autres véhicules motorisés ne viennent gêner les passant. Et une fois arrivé sur la place aux allures de forum de la Rome antique, j'avais remarqué la même particularité inédite sur les escaliers et les quelques rambardes (qui semblent faites de branches miraculeusement sorties de terre et solidement tissées entre-elles).
Cependant, en entendant les rires et éclats de voies de la foule agglomérée çà et là en petits groupes sur la place, je m'en suis bien vite désintéressé.
Tous les citadins étaient vêtus de tenues aussi hétéroclites que surprenantes, mais qui avaient toutes le point commun de leur légèreté : certains étaient vêtus de toges à la romaine aux couleurs allant du blanc éclatant au pourpre prestigieux, en passant par des teintes de jaune, de bleu et de rose pastels et même – pour cet homme solidement bâti aux cheveux grisonnants, assis confortablement sur les escaliers à un angle du forum, en plein débat visiblement animé avec trois autres plus jeunes – une dont les couleurs paraissent changer selon les mouvements du tissus. Il y en avait également qui, comme Jaïden, ne portaient que des pantalons amples ou des pantacourts accompagnés de vestes laissées négligemment ouverte sur leur peau nues ou de chemises en flanelle.
D'autres enfin – et ce à ma grande surprise – n'avait pour seul habit qu'un simple pagne seul ou accompagné d'un débardeur. Ces-derniers se trouvaient munis d'épées et de dagues à leur taille et de boucliers plus ou moins larges dans leur dos, et certains tenaient même de hautes lances entre leur mains... Ce pourrait-il que ce soient eux qui fassent figue de police à Nilfehim ? En tout cas, tout ceci explique au moins pourquoi Galdor et compagnie nous avaient regardés avec des yeux ronds quand Cole et moi leur avions demander des vêtements plus descends. M'enfin, le maître de guilde avait tout de même fini par accepter "volontiers" de nous prêter des capes à chaperons – bien que je le soupçonne d'avoir plus fait ça pour cacher nos oreilles que pour notre bien-être.
"Alorrrs, comment trrrouvez-vous notre ville ?, me demande soudain Ley, faisant s'arrêter les rouages de mes réflexions sur cet homme bien mystérieux.
—Oh., je fais sans vraiment pouvoir masquer ma surprise. Eh bien... euh... Vous n'avez jamais froid ?, je demande finalement en désignant du menton les gens sur la place.
Ah oui, fait-il après un petit rire amusé, je crois savoir que ce ne sont pas des tenues trrrès... Rrrèglementairrres dans votrrre monde non ?
—Enfaite, il y a des lustres qu'on ne les considère même plus comme des tenus je dois dire. (Ce n'est qu'à l'instant même où je prononce le dernier mot, que je me rends comte du caractère insultant de ma phrase.) Oh juste Ciel Ley je...
—Oh vous n'avez pas à vous excuser ne vous en faîtes pas, j'ai eu le temps de m'habituer à votrrre frrranc parler.
Argh, et voilà qui achève de me mettre mal à l'aise.
—J'étais mal à l'aise., réponds-je d'un ton un peu trop sec à mon goût. Je n'ai pas l'habitude de susciter tant... D'attention.
—Vrrraiment Isaac, ce n'est pas si grrrave. C'est vrrrai que je l'ai mal prrris surrr le moment, mais je dois avouer que vous n'êtes pas le prrremier à le rrrelever. (Devant mon regard interrogateur, il précise.) J'ai souvent tendance à me laisser emporrrter face à un sujet d'étude aussi passionnant que...
—... Cole et moi qui venons d'un autre monde et parlons une langue qui, de ce que j'ai pu en voir, est morte pour vous depuis tout aussi longtemps que votre style vestimentaire pour nous.
La gêne qui était à nouveau sur le point de s'installer entre nous s'évapore immédiatement alors qu'il approuve avec tout son entrain du premier jour :
—Exactement !
—Bon eh bien de vous, le linguiste passionné à moi, le sujet d'étude passionnant, on n'a qu'à dire qu'on est quitte qu'en dites vous ?
Pour toute réponse il émet un rire bref, et après avoir approuvé de la tête, se lance dans une petite visite guidée des bâtiments autour de la place.
—Juste à gauche, le haut bâtiment là, avec les colonnes de marrrbrrre : c'est là banque., me dit-il en me montrant un édifice aux allures de temple romain, avec ses colonnades de marbre et son toit triangulaire couleur argent. Devant son entrée, deux gardes montent attentivement la garde. Et sur la façade en lettres d'or fines et arrondies, est écrite sur un genre d'écriteau XXL que tiennent entre leurs mains, des personnages finement sculptés dans la pierre, une devise dont je ne saisis pas le sens... Il va vraiment falloir que j'apprenne la langue des environs si je veux qu'on s'en sorte, peu importe que peut en penser Cole.
Mais je cligne plusieurs fois des yeux avec stupeur alors que je détaille ces personnages.
—Aeuhm... Je suppose que c'est également très courant ici de faire bouger des statues de marbre sur la façade d'une banque ?
—Oh, oui oui bien-sûr !, me répond-il après un bref coup d'œil à ces hommes de pierre de tous les âges, vêtus de toges ouvragées - et dont les expressions faciales allaient de la plus joviale à la plus austère, en passant par les visages endormis, colériques ou dédaigneux en regardant la foule. Les sculptures de pierres, les mannequins en bois, c'est très courant. Dans ce cas, poursuit-il en m'indiquant la façade, ces visages sont ceux des différents directeurs qui se sont succédé, il est normal qu'ils aident les gardes dans leur tâche de surveillance non ? Mais ils ne sont pas tous dehors bien-sûr, poursuit-il d'un ton rassurant en voyant mes yeux s'arrondir. Il y en a d'autres à l'intérieur : des bustes sur les bureaux pour s'assurer de la bonne tenue des transactions, ou sur des fresques aussi. Vous ne faites pas comme ça dans votre monde ?
—Ah... Oui je vois, oui bien-sûr c'est logique !, je fais mine d'approuver avec un air d'évidence feinte. Nous... Dans notre monde on préfère... Donner directement des yeux au plafond je dirais. (C'est toujours l'effet que me font les caméras dans les rues ou les lieux publiques, et Ley est bien sympathique mais je n'ai aucune envie d'avoir à supporter encore qu'il me regarde comme une bête curieuse.)"
Par la suite, alors que nous avons continué de marcher en compagnie de Galdor, Jaïden, Leith et Cole qui se tenait légèrement en retrait derrière nous (juste assez pour que personne ne lui prête attention, mais qu'il puisse quand-même entendre la conversation), Ley m'indique un bâtiment imposant de forme hémisphérique aux couleurs émeraude qui s'avère être le temple de la ville, où régulièrement, les habitants les plus pieux se rassemblent pour honorer les divinités de leur Panthéon.
"A des dates clefs, comme les équinoxes, les solstices ou les changements de saisons par exemple, y sont aussi orrrganiser de grrrandes festivités en l'honneurrr de telle ou telle Entité, ou bien aprrrès un grrrand drrrame ou à des dates commémorrratives, c'est là-bas que l'on rrrend hommage à nos disparrrus et qu'on demande clémence e parrrdon pourrr nos fautes enverrrs elles, qui ont engendrrré leurrr colèrrre."
Est ensuite venu le tour de l'école de la ville : un ensemble de quatre bâtiments tout aussi hauts que la banque et construits de sorte à former – d'après ses dires – un large cercle autour d'une cour intérieure où se retrouvaient, lors des récréations, des élèves dont l'âge était compris entre 6 et 18 ans (la majorité étant apparemment fixée à 17 ans dans ce pays).
Les quartiers résidentiels de Nilfehim étant situés pile entre les deux, j'ai appris qu'ils occupaient touts la part nord-est de la ville. Réservés historiquement aux gens issus de la ville – par opposition aux commerçants et aux touristes qui ne faisait toujours qu'y passer – au fil du temps ils s'étaient d'abord ouverts à ceux qui désiraient résider de façon permanente dans la ville d'où qu'ils viennent ; dans la mesure où ils pouvaient justifier d'une quelconque importance pour la ville ou le pays, ou au moins s'ils pouvaient justifier pour une durée d'une année, d'un garant de leur conduite et de leur intégration dans la vie de tous les jours de Nilfehim, comme signe de bonne foi. Ce qui avait d'abord inclus les fonctionnaires des bâtiments publiques de la ville, les (riches) commerçants et les hommes importants.
"Mais avec le temps, les auberrrges et les gîtes plus ou moins bons marrrcher s'étant multipliés, il a fallu tant bien que mal assouplirrr peu à peu ces distinctions. Si bien qu'aujourrrd'hui, et plus parrr bon-sens qu'autrrre chose, seuls les marrrchands de passage et ceux dont le comerrrce est aussi la maison n'habitent pas dans ces quarrrtiers."
—Vous aussi, Galdor, Leith, Jaïden et toi, vous habitez là-bas ?
—Oh non non non !, s'exclame Ley avec de grands gestes de la mains en guise de dénégation. Non, je ne l'ai pas prrréciser mais tu verrras au rrretourrr que le bâtiment de la guilde possède des dépendances où loges certains de ces membres.
—Dont vous quatre.
Il acquiesce avec énergie avant d'ajouter :
—Ah, nous sommes arrivés."
Et en effet, toute notre petite escorte s'était arrêtée sans que je m'en rende compte (un peu plus et je rentrais dans Leith, chic comme premier contact, pas vrai). Nous étions au départ d'une très large avenue de chaque côté de laquelle se trouvaient tout un tas de commerces aussi variés que des magasins de vêtement – dont les mannequins de certains se contentaient de faire coucou et de s'exhiber aux passants, alors que pour d'autres il s'agissait très clairement de racolage. Il y avait aussi des magasins de premières nécessités et des marchands ambulants de nourriture des antiquaires et des librairies.
Mais elle est tracée bizarrement cette avenue je trouve : de chaque côté, à intervalles assez réguliers, elle se sépare en des rues adjacentes – jusque-là R.A.S. – mais à l'autre bout, exactement en face de nous à cet instant, elle perd elle-même de sa droiture et s'arborise en un ensemble de rues plus petites qui, au loin, se divisent encore en s'enfonçant dans...
"Alorrrs Isaac, où sommes-nous maintenant d'aprrrès toi ?
Comme plus tôt, l'intervention soudaine de Ley me sort brutalement de la réflexion.
—Aeuhm... Eh bien..., je bredouille en essayant de me remémorer le plan de la ville que je m'étais tracé en parallèles de ses explications.
—Le quartier commerçant., me devance Cole dont les yeux sont plissés et passent rapidement d'un côté à l'autre de l'avenue.
—Tout juste., approuve Ley en lui jetant un coup d'œil furtif. Comme tu le rrremarrrquerrras si tu rrrepasses parrr ici ces prrrochains jourrrs, il y a vrrraiment beaucoup de commerrrces et...
—Très peu d'endroits où dormir ?, je tente en me rappelant en un éclair de ce qu'il vient de me dire.
A nouveau, Ley me regarde avec les yeux ébahit qu'il avait la première fois que je l'ai vu.
—Trrrès perrrspicace hein ?
—Tu viens de m'en parler y'a deux minutes aussi : les quartiers résidentiels de la ville se sont ouverts à quasiment tout le monde au fil du temps, alors je ne vois pas pourquoi qui que ce soit resterai habiter par ici, entre les fortes odeurs d'épices, d'encre et de poussière... Enfin c'est plus pratique d'aller juste en face je veux dire.
—Ah ton rrrésonnement est juste mais ce n'est pas comme cela que les choses se sont faites...
—Tu veux dire que c'est la spécification de ce quartier dans le commerce, qui à initier celle des quartiers résidentiels dans l'hébergement ?, dis-je en me rendant compte en effet que c'est beaucoup plus logique comme ça."
Je détourne ensuite précipitamment la tête pour ne pas avoir à composer à nouveau avec l'ébahissement qui suinte par tous les pores de son visage. Je me demande bien en quoi diable est-ce si incroyable que je lui ai coupé la parole deux fois en vingt secondes ; d'ordinaire les réactions que cela suscite tendent bien plus vers l'agacement ou l'hostilité qu'autre chose.
Perdu dans mes pensées, je n'ai pas remarqué Ley s'éloignant un peu vers Jaïden et Galdor, aussi n'ai-je pas tout de suite compris ce qui m'arrive quand Cole m'attrape en passant son bras derrière ma tête.
"Dis-moi toi, je ne t'ai jamais vu aussi loquace avec un inconnu, ni même aussi concentré sur une discussion.
Cette remarque me fait prendre conscience qu'effectivement, depuis le début de ma conversation avec Ley – non enfaite depuis même que je me suis réveillé dans cette infirmerie – je n'ai pas eu une seule absence, et même pas un seul trou de mémoire sur tout ce qui nous est arrivé depuis notre réveil sur cette plage isolée, alors que tous ces événements remontent à des semaines en arrière !
-Ne...Euh ouais. Moi non plus maintenant que tu le dis... (Je hausse cependant les épaules, pas très enthousiasmé par cette découverte.) Me souviens qu'au départ, au collège et jusqu'à ce que j'arrive à la fac, ses problèmes étaient sporadiques. C'est p'têt qu'un jour de chance.
-Eh bien on va en profiter, insiste-t-il en regardant toujours autour de nous comme s'il cherchait quelque chose de très important, mais sans succès.
-Cole, t'es sûr que ça va ?
-Dis-moi, poursuit-il en m'ignorant, regarde bien autour de toi et dis-moi quel est la seule chose qu'on n'a pas vu une seule fois depuis qu'on a atterrit ici."
Je décide d'obéir et scan à mon tour la foule compacte autour de nous, bien qu'en réalité ce soit plus l'état de nervosité record de mon compagnon qui me préoccupe. Autour de nous, une foule hétéroclite d'hommes de tous âges passent d'échoppes de souvenirs à des bijouteries et à des librairies ou à d'autres magasins, tous affairés à leurs emplettes du jour. Avec un sourire je remarque aussi des enfants se presser devant des marchands ambulant de nourriture grasse, de glace et autres pâtisseries couvertes de poudre de sucre luisant sous le soleil chaud de cette fin de matinée d'été. A coup sûr leur mères vont... Attendez une minute ?!
Pour la deuxième fois depuis que nous avons passé le pas de la porte du Q.G. de la guilde que dirige Galdor, j'émets une série de clignements d'yeux frénétiques alors que je réalise un fait encore plus dérangeant que des statues de pierre dotées de mouvement et de parole : les femmes. Tout au long de notre sortie on n'en a pas vu une seule ! Et à la réflexion faite, il n'y a pas même une fillette devant les glaciers ou les vendeurs de sandwichs ! Je croise à nouveau les yeux de Cole et je comprends que c'est précisément ce qui le préoccupe depuis le début.
-Dis-moi Ley, il n'y a que des hommes ici ?, je demande après m'être précipité à sa hauteur, en essayant au maximum de maitriser l'urgence dans ma voix.
-Euh... Oui., approuve-il- en me lançant un regard sceptique, enfin on a des animaux de compagnie aussi, comme cet homme là-bas avec le...
-Des femmes Ley, des femmes., je m'empresse de le corriger sans le laisser finir. On n'en a pas vu une seule depuis notre arrivée ici.
-Des femmes ?, répète-t-il sans comprendre avant de se taper le front de la paume de sa main. Ah oui, des femmes ! Vous savez, votrrre monde - comme vous l'avez peut-être déjà comprrris - est assez peu connu de nous, les écrrrits qui en font mention sont assez rrrarrres et trrrès anciens. Mais c'est vrrrai que cerrrtains d'entrrre eux font parrrlent de ses crrréaturrres. Cependant, bien que tous montrrrent que votrrre société est très liée à elles, on ne sait pas vrrraiment quelle place elles y occupent exactement. – Après un silence plein de de réflexion, il plante à nouveau ses yeux dans les miens et je ne sais pas si je dois rire ou pleurer de la question qu'il me pose. – Mais vous vous savez ! Alorrrs dites-moi : la théorrrie la plus crrrédible et la plus rrrépendue est que ce serrrait un peuple différrrent du vôtre, avec lequel vous entrrretiendrrriez une rrrelation quasi-symbiotique. Elles élèverrraient vos enfants et vous aiderrraient à bâtirrr vos sociétés, en échange de quoi vous garrrantirrriez leurrr surrrvie et leur sécurrrité contrrre les dangers de votrrre monde, un peu comme les arrrbrrres et cerrrtains types de champignons. Qu'en est-il ?"
Je n'avais écouté que d'une oreille la théorie farfelue de Ley, j'étais bien trop absorber par la grande question que soulève cette révélation : d'où diable peuvent bien sortir tous ces enfants ?! Et même, cela soulevait une autre question, quelque chose que j'avais remarqué mais qui s'était retrouvé totalement occulté de mes pensées au regard de toutes les autres choses incroyables que j'avais vu depuis le début de notre escapade citadine. Les personnes âgées, je leur donnerais à vraiment tous l'âge que je donne à Galdor, c'est-à-dire aux alentours de cinquante ans... Pas un me fait exception, à croire qu'ils arrêtent de vieillir, passé cet âge !
Je sursaute quand Ley me secoue légèrement le bras pour attirer mon attention.
"Isaac, ça va ?
-Oh, oui oui, lui réponds-je précipitamment. Oui oui, je réfléchissais juste. Ley, je poursuis dans l'espoir de fermer la discussion, cher ami, il en est que si jamais vous émettez ce genre de théorie devant une femme, vous risquerez de perdre toutes vous dents. Ou de perdre autre chose un peu plus bas.", je précise alors qu'il rouvre la bouche pour ajouter quelque chose.
L'effet est immédiat : je profite que Ley réfléchisse à ce que pourrait être ce "quelque chose d'autre un peu plus bas", et à la raison pour laquelle il pourrait le perdre s'il exposait sa théorie, pour m'éclipser et rejoindre Cole. Je me demande s'il tiendra le choc cette fois...
Mais Galdor m'interrompt juste avant en s'arrêtant devant un grand magasin encastré entre un une boutique d'objets qui ont l'air d'antiquités et un genre de... Parfumerie ? A en juger par les différentes fioles et diffuseurs en verres aux formes aussi variées qu'improbables exposés derrière la vitrine. Le magasin en lui-même n'est pas si différent de tous les autres en termes de structure, néanmoins les arabesques jaunes et les livres aux reliures de cuir et aux pages remplies d'écritures et de symboles artistiquement réalisés, peints sur le fond bleu nuit de la façade le démarquent nettement des autres commerces. L'enseigne clouée au-dessus de la large porte d'entrée montre le dessin d'un livre ouvert à la volée, duquel s'échappent des volutes de couleurs soulignant de leur forme mouvantes le nom du magasin.
En regardant en arrière, je prends conscience du chemin que Galdor et compagnie nous on fait parcourir : Nous nous sommes tellement enfoncés dans l'arborescence des rues du quartier, que je distingue à peine la large avenue à l'entrée au loin.
Je m'arrête presque immédiatement : j'aurai juré avoir vu le liquide d'un des flacons exposés dans la vitrine de la parfumerie bouger dans sa fiole. En regardant à nouveau la façade du magasin devant nous, je remarque que les pages des ivres dessinés aussi, se tournent lentement toutes seules. Et dans un éclair de lucidité, je réalise à la fois la dangerosité de la situation et ma propre stupidité : j'ai suivi des inconnus à travers une ville inconnue, en prenant un chemin forcément tout aussi inconnu sans prendre le moindre repère et en plus ? Tout ce que j'ai trouvé de mieux à faire c'est de m'extasier devant cette ville qui semble tout droit sortie de l'Antiquité romaine et devant des statues qui bougent et qui parlent. Mais vraiment quel idiot !
"Je m'en souviens., me rassure Cole derrière moi.
-Merci., dis-je avec gratitude.
Je me demande ce que je ferai sans lui pour assurer mes arrières et mémoriser systématiquement tous les itinéraires que mon cerveau s'évertue à mettre à la poubelle. J'ai jamais eu le sens de l'orientation, même avant que tous mes... Désordres psychologiques se déclarent j'étais tout à fait fichu de me perdre sur le chemin du lycée. Même en terminale, heureusement que Clarissa était là à cette époque. Clarissa... Je me demande bien ce qu'elle peut faire maintenant. On est ici depuis des semaines, ce qui signifie que dans notre monde ça fait tout autant de temps qu'on a disparu... Est-ce qu'elle s'inquiète ? Est-ce qu'elle me cherche ?
Agh mais bien sûr qu'elle te cherche imbécile ! Et pas qu'elle, Sin aussi ! Tu l'as oubliée elle aussi hein ! Tu l'as oubliée avoue !
La pression de la main de mon ami sur mon épaule fait taire la crise de nerfs que me fait ma conscience.
-Isaac, respire. Tout va bien.
-Je crois que... Ma voix s'étouffe, ma gorge obstruée par la douloureuse boule de bile qui s'est formée dans ma gorge.
-Tu commences à t'inquiéter hein ? Il était temps !, plaisante-t-il avec un rire un peu nerveux. Je commençais sérieusement à me sentir tout seul.
-Euh, t'sais quoi ? dis-je en lançant des regards méfiants tour à tour à l'enseigne et à la vitrine du magasin à côté, j'ai plus trop envie d'entrer là-dedans...
-Si je m'écoutais, on déguerpirait d'ici dans la seconde. (Il fait une pose durant laquelle son visage se contracte comme essayait d'avaler une boule entière de grâce au citron. Mais je crois bien qu'il va falloir.
-Mais... Mais tu dis toi-même depuis le début qu'on n'a rien d'autre à faire ici que de trouver un moyen de rentrer !, dis-je alors que mon estomac se contracte par à-coups. A quoi ça va nous servir ce... Ce truc qu'ils vont me faire hein ?!
Je réalise à la seconde où je referme la bouche que j'ai parlé un peu plus fort que je le voulais, et je me retourne discrètement vers les autres qui forment un petit groupe un peu à l'écart de nous. Ils font semblant de discuter entre, mais je croise quand-même les yeux de Leith, qui a l'air de nous zyeuter par intermittence. Je lui jette mon meilleur regard de "Y'a un problème" (qu'il me rend sans ciller) avant que Cole ne me retourner du dos de sa main vers lui. Il ne semble pas accorder la moindre attention aux autres.
-Oui, j'ai dit ça et je maintiens : on n'a rien à faire ici et dès que possible on se casse. Mais, poursuit-il en appuyant son regard pour me faire taire, dans l'immédiat c'est pas le sujet. Le sujet c'est toi tu tr souviens ? Le sujet c'est les migraines encore plus nombreuses que t'as depuis qu'on est ici. (Il continue comme si je n'affichais pas ouvertement ma stupéfaction. J'étais pourtant sûr d'avoir su jouer la comédie !) Le sujet c'est la crise de vomissements répugnante que t'as eu quand tu t'es réveillé y'a deux jours, et le fait qu'il aient réussi à soigner tout ça plus tes problèmes de mémoire et d'absence visiblement, juste en te faisant boire un simple verre de... Je sais pas quoi."
Il laisse planer entre nous un silence pour me laisser le temps de digérer toutes ces infos. Je ne sais pas pourquoi, mais dans tout ce qu'il vient de me dire, la seule chose qui me réconforte vraiment c'est de voir qu'il a tout remarqué des changements qui se sont opérés chez moi ces temps-ci.
"Donc je pense qu'on devrait y aller. T'avais raison, ils ont l'air de s'y connaitre, et j'ai beau tourner les choses dans tous les sens possibles et imaginables, à part dans le cas une le ciel nous tomberait sur la tête et que te sacrifier dans un rituel satanique soit la seule solution pour le raccrocher à la voute céleste, je ne vois aucune raison sensée pour qu'ils nous veuillent du mal. (Il marque une nouvelle pause, et il semblerait que la boule de glace au citron veuille ressortir au grand air.) En parlant de mal Isaac..."
Mais Ley m'apostrophe avant qu'il n'ait pu finir.
"Isaac, venez mon ami venez Gaïus est prêt à vous recevoirrr."
-Qui est-ce ?, je demande d'un ton abrupt.
-Oh, seulement la perrrsonne qui va sans doute pouvoirrr mettre un mot surrr ce qui vous arrive, ne vous inquiétez pas.
-Je n'ai pas peur, j'ai faim., je réponds du tac-au-tac sur le même ton en priant silencieusement que mon mensonge sans queue ni tête soit crédible."
Je ne reste pas pour le savoir cependant, je passe directement la porte du magasin, Cole sur mes talons, sa main me poussant à avancer dans mon dos.
Nous nous retrouvons dans un d'une taille raisonnable, mais un peu trop grand à mon goût par rapport à ce que parait l'édifice vu de dehors.
"Aucune putain de logique...", entends-je marmonner Cole, qui s'était dirigé sur ma gauche, la où une autre porte aux carreaux en verre sépare ce qui doit sans doute être le comptoir de paiement, du reste de la boutique. Il s'écarte alors pour me laisser voir la raison de sa réaction, et à mon tour je ne peux que siffler d'admiration : La porte donne sur au moins trente hautes – vraiment très hautes – étagères rangées en rangs de deux au centre de la pièce tout en profondeur, et le long des murs. Toutes remplies à rebord de toutes sortes de livres de taille, d'âge et de volume différents ; sur chacune des étagères cinq échelles tellement hautes que je ne peux en voir le bout attendent que quelque client inconscient se serve d'elle pour atteindre un ouvrage quelque part au-dessus des nuages.
En voyant l'expression résignée de Cole qui revient à mes côtés, je comprends tout de suite très clairement ce que son esprit inaliénablement rationnel à doit se dire : "aucune putain de logique entre la taille de la bibliothèque et celle de son extérieur". Je sens malgré moi un sourire compatissant étirer mes lèvres, mon pauvre chéri, il doit se demander s'il est toujours saint d'esprit.
"Au moins maintenant, on pourra vraiment dire que ces gens sont perchés.", je tente de plaisanter en haussant les épaules.
-Ça j'avais remarqué., me répond-t-il d'un ton maussade. Ah tiens, le v'là l'autre., me dit-il avant que j'aie pu répondre.
L'"autre" en question, c'est Galdor qui me fait signe d'approcher et aux côtés duquel se trouve Ley – qui fixe obstinément un point juste au-dessus de ma tête- et les deux autres, qui sont discrètement entrés à notre suite. Nous suivons donc le groupe et passons par un passage étroit derrière le comptoir, qui nous amène dans une troisième salle qui fait grincer Cole des dents de plus belle.
Cette arrière-boutique fait sans nul doute autant office de lieu de stockage, si j'en juge par les hauts tas de cartons et les grandes malles de bois ouvragées disposés contre les quatre murs ; que d'atelier pour le bibliothécaire (preuve en est le grand établi ouvert au milieu de la pièce et jonché de papiers de toutes sortes et couleurs, de carrés de cuir, d'encriers, de plumes et de parchemins). A la droite de cet établi se trouve un grand et large fauteuil en cuir accueillant, rappelant ceux qui font des massages ; et devant, une table en bois sur laquelle est posé un parchemin qui en occupe toute la surface. L'éclairage des flammes des lampes de céramique aux formes animales accrochées aux quatre coins de la pièce dessinent sur le papier des raies luisantes.
Ce n'est que quand je remarque le reflet d'un sinistre hibou inexpressif accroché au plafond, sur les verres de ses lunettes rondes, que je prends conscience de sa présence. Derrière le siège, ses mains osseuses agrippées aux coins du repose-tête, un vieil homme au visage squelettique et au teint cireux me fixe.
"Isaac, voici Gaïus. C'est le tenancier de cette bibliothèque et celui qui va vous fairrre passer votrrre test.", m'informe Ley.
-Un test ?, je répète en adressant à ce Gaïus des yeux ronds.
-Exactement myldarrrien, me répond ce dernier d'une voix creuse et froide. Un test de votrrre potentiel magique.
Mon regard rivé sur son visage inexpressif cille un court instant : "myldariens" alors c'est comme ça qu'ils nous appellent ici ? Et puis, "un test de potentiel magique" ? Ah la blague ! non pas que j'ai la stupidité de prétendre que ce monde n'est pas habité de magie. Pour moi qui ai vu un animal tripler de volume, des gens nous clouer à des arbres sans même nous toucher et des statues bouger et parler... Mais moi ?
-Ça n'a aucune logique., j'affirme d'un ton catégorique. Et cette fois c'est lui qui affiche un air perplexe l'espace d'un instant. Visiblement il n'a pas l'habitude qu'on le contredise.
-Et qu'est-ce qui vous fait dirrre ça ?, me questionne-t-il toujours de la même voix.
-Orh mais enfin !, je m'exclame en reportant mon regard sur chacun des hommes dans la pièce, tous me regardent avec un mélange d'attention et d'incompréhension (sauf Galdor dont l'expression est toujours aussi exaspérante de sérénité). J-Je ne suis même pas d'ici ! (Ma voix part dans les aigus sur le dernier mot). Enfin, dans votre ville il y a des mannequins en bois qui bougent tout seuls, des statues et des tableaux qui parlent en prime, et des enseignes animées sans la moindre trace de piles, de batterie ni même d'électricité dont les écrits scintillent pourtant et dont les dessins s'animent, je continue après être parvenu à reprendre le contrôle de ma voix. Qu'il existe de la magie dans ce monde ok, pas d'problème ! Mais Cole et moi ne venons pas d'ici. On n'a jamais mis les pieds à Lidraghys ! (Je me tourne alors vers Galdor.) Quant à vous, vous allez me dire que la débandade dans laquelle mon corps se trouve est de cause magique ?
-En fait oui., réponds Ley à sa place. Dans notrrre monde (il se met à faire les cent pas dans la pièce en se tapotant la lèvre inférieure de l'index, les yeux perdus dans le vague, tournés vers le plafond alors qu'il explique). La magie est prrrésente en chacun de nous. Dans des prrroporrrtions varrriables en fonction des êtrrres vivants et des individus ; et fluctuante. (Il marque une pose en fronçant les sourcils). Mais... Mais les quelques rrrecherrrches et études qui ont été menées dessus au courrrs de notrrre Histoirrre – c'est un domaine trrrès nébuleux – nous ont apprrris que selon la quantité de magie prrrésente chez l'individu, ...
-Vous dites que tout tourne autour de la magie ici ?, je le coupe en closant mes paupières avec force un bref instant, balayant son joli raisonnement d'un geste rapide de la main. Mais avant que je puisse dire le moindre mot, une ferme pression sur mon épaule gauche me rappelle la présence de Cole derrière moi.
-Isaac, me dit-il d'une voix calme, calme-toi. Tu te souviens de pourquoi on est là ? Si... Si ça explique pourquoi tu te sens si mal depuis le début...
-Mais Cole ! Je viens de te le dire, ce n'est pas logique ! Ley l'a dit lui-même, la magie agit sur tout être vivant dans ce monde, c'est comme la gravité ! Et... Et que se passe-t-il quand un corps jamais soumis à ce type de force le devient subitement, hein ?
-Il s'écrase...?, me répond-t-il un air d'incompréhension totale plaqué sur le visage, après un silence.
-Et nous, nous ne sommes pas nés, nous n'avons jamais vécu ici. On d'est juste retrouvé échoué sur une plage du jour au lendemain !...
-Et nous nous sommes écrasés..., dit-il en comprenant enfin. Mais... Mais alors pourquoi seulement toi ? Moi je n'ai rien. Ecoute, je pense que ça ne te coute rien d'essayer, au pire si ça donne rien bah ça donne rien.
Non mais j'hallucine grave là ! Pendant tout le chemin – et depuis le début enfaîte – il tire la gueule à chaque fois qu'on a affaire à quoi que ce soit qui paraît aussi illogique que de la magie, et là, il insiste pour que je passe ce test à la con dont on ne connait ni les tenant, ni les aboutissants sur des suppositions fantaisistes ? Mais c'est pas son genre !
Et si...
-OK !, je fais mine d'abdiquer en levant les mains en signe de reddition. OK ! (Il soupire de soulagement en frottant sa nuque de sa main gauche.) Quand tu m'auras donné la raison indiscutable pour laquelle tu es si confiant sur les chances de réussite de... De ça., j'assène en désignant le siège de cuir du menton.
Il ouvre la bouche avec l'air stupéfait qu'ont les coupables dans les films quand ils sont coincés, puis la referme et déglutit, sa main frottant à nouveau nerveusement sa nuque. Nos regards se croisent et je soutiens le sien sans ciller. Lui finit par se détourner.
-Tu te souviens de ce qui s'est passé exactement quand on s'est fait rattraper par ces types en noir, dans la clairière ?
-Euh... L'un des deux qui restaient (il m'attrape par une épaule et m'emmène doucement mais fermement à l'écart du petit public, dans le vestibule de la boutique, sous les regards inquisiteurs de celui-ci). L'un de ceux qui restaient t'a plaqué contre un tronc d'arbre, par un genre de... Télékinésie je crois (son visage se ferme instantanément à ce souvenir).
-Et après ?, dit-il d'un ton pressé.
-Je m'suis arrêté et... (Je réfléchis intensément pendant un moment, les souvenirs flous se reconstituant dans ma tête). Me suis arrêté au moment même où j't'ai entendu heurter le sol. Tu m'as hurlé de me remettre à courir et... J'ai pas pu. J'ai pas pu t'abandonner., dis-je en plantant mes yeux dans les siens. Mais son regard ne cesse de se dérober au mien.
-Et après ?
-J'ai... J'ai eu très mal à la tête soudainement. Comme si mon cerveau pulsait comme un deuxième cœur dans mon crâne (je sens un frisson d'horreur dévaler ma colonne vertébrale au souvenir de cette horrible sensation). Et puis mon estomac et...
Dans une série de flashs, les évènements de cette après-midi-là me reviennent : les mots incompréhensibles du type, mes avertissements, ma vue qui se brouille peu à peu et la sensation de gonfler de l'intérieur à chaque pulsation de mon muscle cardiaque, mon dernier hurlement et... L'explosion.
L'explosion.
J'écarte d'un revers de main rageur celle de Cole qui venait saisir mon menton, et vais en direction de la porte en le bousculant, avant d'ouvrir celle-ci à la volée et de sortir du magasin. Cole me rejoint en hélant mon nom mais je l'ignore, alors là je n'arrive pas à l'croire ! Il finit par m'attraper par le bras, me forçant à me retourner.
-Isaac, attends !
-Attendre quoi ?!, je crache avec rage. Que tu te décides à me dire que j'ai fait une crise de nerfs terrible au point de déclencher une explosion qui a sans doute désintégré trois personnes ?
-C'est pas certain !, rétorque-t-il d'une voix forte (je dégage vivement mon bras de son emprise). Et j'voulais te le dire mais...
-Mais quoi hein ? Mais quoi ? T'as pas trouvé le temps c'est ça ? tout comme t'as malheureusement pas trouvé le temps de me dire que si Aldan t'as pas examiné, c'est parce que t'as pas voulu qu'il le fasse ?
-Bon d'accord, d'accord ! Mai t'as bien vu l'état dans lequel tu t'es mis à cause de ce maudit loup, hein ?!, s'emporte-t-il soudain. Je t'ai rien dit parce que j'voulais pas que tu t'effondres !
-QUE JE..., m'écris-je d'une voix tonitruante avant de resouder fermement mes lèvres dans un ultime effort de reprendre mon calme. Quand je les rouvre, ma respiration est haletante, ma vois sifflante et je ponctue mes propos en appuyant sur son torse avec mon index. Arrête de mentir. Tu ne m'as rien dit, pour la même raison que tu te coinces dès que tu vois de la magie de près ou de loin. Pour la même raison que tu as refusé qu'ils te soignent. TU ne m'as rien dit parce que T'as peur."
Il ne répond rien. Un silence accablant s'installe entre nous Mais il ne dit rien. Il se contente d'ouvrir et de fermer la bouche comme un poisson hors de l'eau. Un stupide poisson hors de l'eau. Alors je le romps à sa place, avec un rire un peu trop aigu :
"Moi j'te l'aurai dit tu vois. Hm, mais ça tu l'sais, hein ? Aussi perturbant, aussi effroyable, aussi humiliant que ça m'aurait paru, ç'aurait été l'une des premières choses que je t'aurai dites. Et tu sais pourquoi ? Parce que j'étais certain que tu ferais pareil. J'étais certain que tu me ferais confiance."
Et c'est sur son silence absolu que je tourne les talons, une très mauvaise combinaison de fureur, de culpabilité et de grande tristesse pesant sur ma poitrine.