Premiers regards

Par Samjack

Un rayon de soleil passe sur ses yeux en amande. Elle se retourne et descend les marches. Je l’observe quelques instants. Elle disparaît au détour d’une coursive. Un éclair me traverse. La tension s’avive, j’en suis électrisé. Pas après pas, j’avance. Mes jambes s’emballent. Elles m’entraînent à sa poursuite, lui courent après alors qu’elle se rend sur le quai du métro. Je la vois y plonger, en tête de rame, sa gabardine beige flottant au loin. Je la manque de peu. Pourtant, je suis heurté de plein fouet par la netteté de ce que je ressens.

Une raclette, trois entrechats et un massage. Quelques crêpes, deux danses et trois ou quatre verres de chardonnay sans âge. Les volutes du désir se sont peu à peu imposées, naturellement. Je me rappelle avec vigueur nombre de ces instants où s’est attisée l’envie, où se sont resserrés les liens. Un repas rapide pris sous le soleil d’hiver. Une séance photo improvisée à l’ombre d’un gigantesque monument. Une connivence en cuisine à éplucher des légumes. Une valse, une odeur. Autant de moments anodins, simples et parfois charnels, sans rien de plus que le plaisir de partager du présent.

Tout m’a mené là. Au premier regard. Un voile qui se déchire. Une focale qui se recentre. Une vérité qui émerge. Un clignement d’oeil plus tard, un autre regard. Jusqu’à cette fuite en avant dans le métro. Un acte manqué ou juste l’attente du bon moment : une chute à trois baisers. Douce ivresse. Elle a pris les devants, a sauté le pas. Je l’ai aimé pour ça. Ne l’en ai que plus intensément contemplé ensuite.

Des montées d’adrénaline en ascenseur. Mes yeux qui roulent, grimpent et descendent. D’elle, je veux m’imbiber. Une découverte permanente. Nouveautés enchaînées, toujours incarnées.

Des verres de blanc. Des regards en coin, assis sur la banquette portugaise de ce restaurant de quartier. Des bouffées de désir. Des yeux qui n’en finissent pas de me réclamer. M’y plonger est un éternel bonheur.

L’après-midi ne fait que débuter. La chambre est petite, juste assez grande pour nous deux. Nos yeux ne s’évitent pas mais les rideaux se ferment lentement, avec la pudeur des premières fois. Les circonstances ne sont pas solennelles mais spontanées. Ce premier regard-là est chargé d’attentions et de sincérité. Je ne veux pas perdre cet instant, je veux le graver en moi. Car tout ne sera que premier regard en cette fabuleuse journée. Admirations qui n’arriveront pas à s’arrêter.

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Plulume
Posté le 11/04/2020
Bonsoir,

Quelle poésie… il y a quelque chose dans ton style qui me parle. Je vois cette course, ce métro, cette fille… Pour peu, on en tomberait presque amoureux.

Merci pour cette lecture.

Plulume
Samjack
Posté le 12/04/2020
Bonjour Plulume,
Merci pour ton retour, il fait plaisir en se réveillant le matin !
Belle journée :)
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