(Preuve d'amour)

Notes de l’auteur : Présent : Non, Gabriel n'a pas rêvé, après 4 chapitres et demi, Uzu lui a enfin dit "je t'aime" ! Dommage qu'il ne l'ai pas fait exprès :p
 
Passé : Yann et Gabriel continue de se découvrir, mais bientôt la séparation ?

 

 

Gabriel se retrouve en état second en quelques instants. Plus aucun son clair ne lui parvient, c'est le vide. La scène s'est stoppée net, comme dans les films. Il laisse son amant lui tourner le dos, l'action continue sans lui. La voix de Uzu lui paraît sourde, déformée et lointaine de la même façon que s'il parlait de sous la surface de l'eau.

Il n'y a plus que ces mots là qui tournent autour de sa tête, rien d'autre, que du vide ou du flou.

"C'est aussi pour ça que je t'aime (...)  que je t'aime... je t'aime..."

Uzu se retourne, Gabriel reste là, l'œil vide.

- Qu'est ce que tu fabriques ? Hou ou ? !  La nounou vous attend ! lui demande le japonais étonné par son expression.

- ...

- Qu'est ce que tu as ? Ça va pas ?

Le goth ouvre lentement la bouche, il marmonne seulement si bien que Uzu ne comprend pas la question.

- Quoi, tu vas bien ? Tu es tout blanc, s'inquiète-t-il.

- Qu'est-ce que tu m'as dit ? arrive à prononcer le goth l'oeil agar et mouillé.

- Hé bha qu'est-ce qui t'arrives? Ça va pas ?

Uzu est vite sur lui, Gabriel l'alarme, sa blancheur ne lui dit rien qui vaille, il se souvient de cette scène lorsqu'il a trouvé son ami, catatonique sur son canapé.

- Qu'est-ce que tu as dit ?  finit par répéter Gabriel.

Le japonais fronce les sourcils, lui reprend le bébé des bras, pose sa main sur son front et tente de capter son regard.

- Je t'ai demandé si tu allais bien. Tu m'inquiètes là, t'as l'air parti, reviens !

- Avant ça, qu'est-ce que t'as dit avant ?

- De quoi ?

Parce que Gabriel le fixe, avide et dans l'attente, Uzu s'aperçoit de l'importance de la supplique et fait l'effort de se repasser la scène à l'envers, malheureusement sans résultat.

- Heu, aide-moi, j'ai dit un truc pas net ?

- J'ai dit que j'étais idiot.

- Arrête, tu n'es pas idiot.

- Et t'as dit...?

- Quoi, mais j'ai dit quoi enfin ? Gab' tu es vraiment bizarre là !

Gabriel affiche un air un peu las et détourne les yeux, la magie vient de s'envoler.

- Nan, rien, puis c'est sorti du cœur, j'peux pas l'dire à ta place. C'pas grave, même si tu t'en souviens pas, tu l'as dit quand même.

Il récupère le bébé et s'éloigne, laissant l'autre un peu désappointé.

 

*

2 ans plus tôt.

 

- Hou là mon choux j'aime bien ce morceau, tu as des textes là-dessus ? l'interroge Yann que l'écoute des bandes sons de Gabriel a rendu curieux.

- Ouais, tien.

Le cahier de trois cents pages rempli, époustoufle le réunionnais.

- Chéri c'est toi qui écris tout ça aussi ?

- Ouais, sauf que j'rouve qu'l'français c'est nase. J'aimerais bien trouver un traducteur. Mon anglais est super problématique !

- Je suis impressionné, c'est rare les auteurs, compositeurs et interprètes. Tu aimes ça, écrire ?

- J'adore. J'avais commencé une année d'FAC de lettre en pensant trouver ma voie dans l'écriture, parc'qui faut être honnête la zique ça nourrit pas la plupart du temps. Sauf que c'pas du tout comme j'pensais. Tien ça c'est la ballade que je t'ai fait écouter t'aleur, change-t-il de sujet. J'l'ai voulu super gaie dans la zique, t'as pu l'entendre. C'était pour prendre le spectateur à contrepied, l'texte c'est une véritable tragédie ! D'toute façon j'sais pas écrire d'trucs joyeux.

- Hé ben !

- T'aimes pas ?

- Si, c'est génial...

- Quel enthousiasme. Si t'aimes pas, t'es pas obligé d'mentir hein !

- Je le pense. C'est bien trouvé, y'a du rythme même dans les paroles, quelques jeux de mots assez chiadé, c'est juste qu'effectivement le texte tranche avec la musique. Avec la batterie très tribale, le genre du morceau et le côté festif, j'avais à l'esprit un truc sur un médecin africain, tu sais du style des pièces de théâtre vaudeville, divertissant et humoristique avec un font d'exotisme, pas de plume dans le cul mais presque !

- Du vau de quoi ? Pourquoi africain ?

- Tu vois le roi lion ? Avec des humains.

- Nawak ! Ça parle de dépendance, j'mêle les images, les sentiments et les choses plus matérielles, chaque élément a d'l'emprise sur l'autre. C'est pour dire qu'on s'drogue pas juste comme ça.

- C'est pas l'Afrique du tout.

- Nan, plutôt les bas-fonds d'Miami. C'la dit, tu m'donnes une idée, j'pourrais appeler ça l'homme médecine haha ! Sauf qu'là il soigne pas s'dealer, enfin pas vraiment.

*

- C'est quoi ça ? Ils sont plusieurs ? questionne Erwan qui vient de rentrer.

- Gabriel montrait ses compos à son copain. Ils ont finit par sortir leurs instruments, lui répond Laurianne sans même relever la tête de son ordinateur.

- La phrase sortie de son conteste pourrait prêter à rire, relève-t-il fier de son humour.

- Tu as vraiment l'esprit mal tourné. Enfin j'espère que ça va pas trop embêter les voisins, maugrée Laurianne qui n'a pas tant l'esprit a rire qu'à travailler.

- Je ne pense pas qu'il y ait à s'inquiéter, c'est pas trop fort. J'ai l'impression que ça a plus de vie que d'habitude non ?

- Y'a un instrument de plus. Ordinairement, c'est un peu plat, je suppose que c'est parce qu'il préenregistre son bassiste. Là c'est Yann qui joue en vrai avec lui, donc forcément il n'y a pas le même effet.

- Plus de punch !

- Oui.

- Humm... Je crois que Gabriel n'a pas de bassiste, c'est pas lui qui joue d'habitude ?

- J'en sais rien.

- Tien, ils chantent maintenant !

- Erwan, j'essais de bosser ! Entre eux et toi, j'ai un peu du mal à me concentrer sur mon rapport.

- Excuse-moi. Je suis étonné par le niveau c'est tout.

- Gabriel est doué, ça n'est pas nouveau, mais tu as raison, là, ça sonne sérieux !

 

Pendant ce temps, dans la chambre, les deux comparses continuent de travailler à leur avenir musical.

- Attend attend ! Voilà on r'prend là ! Et c'éééé... annonce Gabriel concentré par son enregistrement.

- Poussin, tu enregistres à nouveau là ?

- Coupé...  tais-toi ! Enfin quand c'est rouge, c'est qu'c'est chutt quoi ! Faut qu'tu joues quand j'dis parti !

- Bha oui, j'ai bien compris ça mais tu n'avais pas mis la piste playback alors je me suis demandé.

- J'lavais pas mis ? Ha bha non...Ch'uis con.

- Chéri je te perturbe?

Gabriel rougit jusqu'aux oreilles.

- Tsss ! Bon on r'commence. Et c'est... parti ! Maintenant tu peux parler doucement quand j'coupe le micro, c'est vert.

Ils jouent, les yeux de Gabriel ne quittent pas ceux de Yann, tout deux très appliqués.

- Voilà on chante. Tu joues juste deux notes lentes avant la guitare.

Le refrain à deux voix donne la chair de poule à Gabriel, il ne s'y attendait pas, Yann se débrouille très bien aussi au chant.

- Yesss et on r'prend !

Après le jeu c'est le temps de l'écoute, le son n'est pas trop mauvais, les deux décriptent le résultat très attentivement.

- Faudra jouer en même temps là, constate Yann. Le son de batterie est trop sec.

- On va changer ça au mix, va y monte le son ! Putain l'refrain, tu t'es gouré !

- Merde. Raaa chéri ton son de batterie est vraiment nase, insiste le bassiste.

- On s'en tape.

-...

- C'trop génial, il m'faut un bassiste comme toi, c'pas possible j'arriverais jamais à jouer ça bordel ! Et ta voix, c'est carrément super !

- Je suis un dieu ! Ou une déesse à voir.

- Et c'est... stoppé ! Merde.

- Quoi ?

- J'viens d'enregistrer l'environnement. On nous entend parler.

- On était pas en mode écoute ? Comment c'est possible ?

- Ouais, nan j'appuie sur le bouton quand on chante et j'relâche quand on chante pas, c'est juste là, ch'uis con. C'pas grave j'couprais, au pire j'ai au moins tes lignes de basse dans la boite. J'vais pouvoir m'entrainer. C'est bon, on range !

 

Presque quatre semaines déjà, le temps passe trop vite. Gabriel observe son bellâtre, roulant du cul, aller remettre sa basse dans son étui en le silence. Ses cheveux, nouvellement teint en couleur framboise écrasée, flottent dans le courant d'air et balayent le velouté de sa joue. 

- Finalement ça t'va bien le rouge, même si j'aimais pas trop au début.

- Je saiééé ! Et c'est normal après tout, c'est presque ma vraie couleur. Je suis une sale rouquine qui puue !

Gabriel s'approche par derrière, entoure de ses bras les épaules menues. Fichant son nez dans son cou.

- Tu sens super bon.

Il y a quelques temps, Yann aurait joué son rôle d'ironique pervers, en utilisant la moquerie de lui-même pour lui répondre une bêtise. À présent, de plus en plus, il se contente d'un simple sourire.

Gabriel le trouve déroutant, et cette sensualité qu'il dégage à tout moment s'intensifie lorsqu'il se passionne et qu'il fusionne presque avec son instrument. Sa présence envahit dans ces moments là, toute la pièce. Depuis quelques jours, il se montre moins volubile. Le métropolitain le trouve même carrément taciturne, voir mélancolique. Est-ce l'approche de la moitié des vacances qui le rend ainsi presque discret ? Il n'en est pas moins beau et moins désirable, au contraire.

Étrangement ce comportement rassure Gabriel, chez qui une certaine tristesse a aussi alourdi les pensées. Se rendre compte que l'être aimé est tout aussi concerné par la douleur d'une fin proche, lui permet d'être confiant quand aux sentiments de l'autre. Se sentir moins seul lorsque l'on est en couple devrait paraitre évident à tout le monde, pourtant il a connu le contraire avec sa première rupture. Souffrances et amertumes devinrent plus fortes lorsqu'il se rendit compte de l'indifférence de son ex petit ami de l'époque.

Aujourd'hui, grâce au comportement du rouquin, il est sûr que l'affection qu'il éprouve pour Yann est partagée. Cela reste une drôle de sensation que d'avoir conscience de désirer percevoir la souffrance chez celui qu'on aime. Tourmenter Yann est-elle une chose que Gabriel souhaiterait ?

Pourquoi leur histoire doit-elle finir si vite, presque avant d'avoir commencé ? Yann ne pense plus qu'à ça. Il reste du temps pourtant et il faudra déjà gérer le départ de Marie aussi. Ça l'envahit, le jour au boulot, la nuit dans l'insomnie ainsi que dans ses cauchemars. Tellement qu'il se retrouve incapable de profiter correctement des moments passés en présence de son beau touriste. Le mot qui revient sans cesse est : "injuste " et ça l'est. Ils sont tellement faits l'un pour l'autre, tellement complémentaires, il a attendu de rencontrer quelqu'un tel que lui si longtemps. Tout cela est vraiment cruel. Aujourd'hui, ils ont une fois de plus joué ensemble. Ce mec a un dont pour créer, écrire, sentir la musique et également pour la raconter. À jouer avec lui, Yann se remplit de quelque chose d'inconnu, la passion. L'harmonie est totale. C'est bon de réussir à partager ces messages artistiques, de se comprendre, de communiquer et de joindre leurs univers respectifs.

 Il y a dans cette relation plusieurs sortes d'intimités et de compréhensions. La musique n'est qu'un des aspects de ce qui les lie à présent. La douleur de la vie orpheline qui leur permit d'appréhender avec un respect discret leur situation familiale en fût un autre. Parce que se sentir moins seul c'est bien ce que Gabriel et Yann désirent plus que tout, et être compris sans même avoir besoin d'expliquer va au-delà de leurs espérances.

Yann cherche à se dégager de l'étreinte, seulement Gabriel se serre contre lui un peu plus fort, avant de l'interroger.

- Qu'que chose te tourmente ? T'es moins agaçant ces derniers temps, même Erwan le dit.

- On croit que ça va être une gentillesse et c'est une saloperie. Suis-je tellement chiante ?

- Très, et j't'avoue qu'ça m'manque un peu, se moque tendrement Gabriel.

Yann ricane, le repousse lentement mais fermement et termine de refermer la housse de son instrument. Une fois fait, il doit cependant affronter le regard inquisiteur de son amant. À dire vrai, il n'a plus envie de jouer les pestes. Il espère lui laisser une bonne image, au moins ça.

- Mon lapin, si tu continues à me regarder de cette manière, je vais te violer !

Il n'a pas terminé sa phrase que l'autre est déjà sur lui. L'étreinte surprise déclenche un fou rire très vite remplacé par l'émoi de se rapprochement soudain. Leurs regards plongent l'uns dans l'autre. Le visage de Yann est brusquement inanimé, comme hypnotisé. Irrésistiblement attiré,  ses lèvres effleurent à peine celles de Gabriel qui lui souffle un : « Je t'aime. » plein de promesses.

Leurs bouches se collent finalement, leurs langues s'entrelacent, dansent quelques instants, se quittent pour se retrouver la seconde d'après.

Les larmes de Yann lui nouent la gorge, son cœur se déchire et la douleur devient presque insoutenable alors que le baiser s'approfondit.

- Bha hé, tu pleurs encore ? réalise Gabriel. Haha ! Tu joues les durs finalement t'es fleur bleue comme une fille ! se moque-t-il en se reculant afin de juger de l'effet produit par le désir sur son compagnon.

Il ne comprend pas bien ce qui pousse Yann a se jeter dans ses bras, doigts cramponnés à son teeshirt, donnant l'impression de s'assurer un rappel pour sauver sa vie d'une chute dans un précipice.

Mais sentir le corps du rouquin, offert, tout contre lui, ce souffle chaud contre son torse, les doigts ainsi agrippés dans son dos, son sang ne fait qu'un tour.

- J'ai envie d'toi, lui confesse-t-il dans un souffle, avant de souder de nouveau sa bouche à la sienne, avide.

Yann est dépassé par des sensations contradictoires. Cette langue curieuse et entreprenante qui s'insinue en lui, ces lèvres qui claquent et ces caresses tendancieuses qui excitent tout son corps. Que cela serait agréable sans cette précarité dans la relation mais serait-ce aussi fort ? Cette réalité tourmentée confère à la situation une sorte de beauté tragique.

Son corps n'objecte en rien, le besoin de l'autre est doublement animé par la détresse, alors même que son cœur l'afflige. Des mots d'amour, des caresses, de tous ces moments d'intense tendresse, il ne restera dans le futur que de fugaces instants volés au temps qui passe. Dans quelques mois Gabriel l'aura certainement oublié. Plus celui-ci l'embrasse avec fougue et plus Yann perd pied. De l'envie et du chagrin mêlé, le tout l'ébranle violemment.

La respiration haletante de Yann, ses soupirs impuissants, son regard fiévreux et ses mains toujours accrochées à lui, égarent Gabriel. Sa raison a fuit, seul compte à présent son idée fixe, le prendre sur le champ. Les vêtements de Yann volent très vite autour du clic clac, les mains chaudes de Gabriel, effleurent du bout des doigts la moindre parcelle de peau blanche, les baisers se font dévorants.

Yann est essoufflé en restant immobile. Il ne comprend pas trop ce qui lui arrive, il n'a jamais autant eu envie d'appartenir à quelqu'un. Lorsque le teeshirt de Gabriel tombe et que le couple se retrouve enlacé peau contre peau, il se sent tel un naufragé qui aurait enfin trouvé refuge.

L'embarcation est pourtant bien frêle.

Gabriel endure les ongles de son amant dans son dos.

- Pourquoi Yann s'agrippe-t-il si fort ? J'vais pas m'envoler ! Y m'fait mal ce con ! T'as envie d'quoi ? lui glisse-t-il à l'oreille.

- De toi, prend-moi.

- J'vais chercher c'qu'y faut.

Leur danse sensuelle se trouve brusquement interrompue par le devoir de se protéger. Yann lâche son amour à contrecœur. Les joues rougies, le cœur haletant, confus de s'être à ce point lâché. Désorienté et nu sur le canapé, le regard absent, il attend le retour de la chair aimante.

À son retour Gabriel est nu et "encapuchonné", le voir ainsi dans le plus simple appareil, attise de nouveau tant le désir de Yann qu'il en tremble.

- T'es mon trésor, t'es tellement beau, murmure Gabriel en se penchant, sur lui.

Ses cheveux fous balaient le front de son futur amant qui glousse pour toute réponse.

-  Ça t'fait rire ?  Ch'uis sérieux t'sais !

- J'ai l'air d'une pétasse excitée, c'est toi qui es jeune et beau chéri, affirme-t-il la voix étrangement enrouée.

- N'parle pas d'toi d'cette manière ! Si tu savais comme j't'ai désiré la première fois que j't'ai vu à la bodega. J'ai hésité à savoir si t'étais une fille ou non mais tu vois même dans l'ignorance, j'te trouvais d'jà magnifique.

-...

Il ne se rend pas compte, en disant ces mots, du bien qu'ils font au réunionnais.

- Haha t'es mignon quand tu rougis ! ajoute-t-il en caressant ses joues de pêches.

Yann détourne la tête en fronçant les sourcils.

- Prouves-le moi, arrête de parler, agis mon chou, sans ça je vais me mettre à chialer comme une connasse.

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