Profiteurs de guerre

Par Sebours

Très noble et respecté roi Roll.

Mes services m’ont appris l’infâme attaque de l’Orcania sur la cité des Sept Chemins.Je compatis pour ceux de vos soldats tombés lors de cette première bataille de la nouvelle guerre lemniscate. Les sept royaumes de l’inframonde tiennent à manifester leur soutien total à l’empire elfe. C’est pourquoi, afin de vous aider à reprendre la passe des montagnes noires, nous allons apporter notre arsenal de guerre au pied du monolithe géant. Vous pourrez ainsi à loisir acheter les éléments nécessaires à votre bataille. Nous mettrons à votre disposition, à des prix tout à fait raisonnables des armes de siège classiques comme des catapultes, trébuchets, balistes. Vous pourrez également acquérir des armes de poing du meilleur acier confectionnées par le clan des Marteaux d’Airain.

Je reste votre obligé dans les temps sombres qui s’annonce.

Krim Marteaux d’Airain

Grand Jarl de l’inframonde


Depuis la réception du message d’Epiphone porté par Actéos, Nomrad demeurait dans l’expectative. La matriarche ne voyait pas d’un bon œil la reprise des hostilités dans la passe des montagnes noires. A présent, il deviendrait plus difficile de commercer ouvertement avec toutes les bannières. Certes, elle vendrait ses armes beaucoup plus chères, mais elle en vendrait beaucoup moins. Le roi Garrak risquait d’utiliser son droit de regard pour le moindre marché et elle ne savait pas si elle pouvait encore se fier entièrement à son fils depuis que le Thing l’avait élu grand jarl.

Quoiqu’il en fût, elle avait envoyé Oin informer Krim de cette information stratégique capitale. Son fils ne tarda pas à décréter l’état d’urgence. Cette précipitation n’étonna pas la matriarche. L’héritier de son clan ne s’épanouissait que dans le conflit malgré l’enseignement qu’on lui avait prodigué. Vouloir en faire le chef de guerre des Marteaux d’Airain s’avérait avec le recul inconsidéré. Au crépuscule de la trêve séculaire, le nouveau grand jarl ne désirait que la fureur des combats. Il poussait en ce sens dans toutes les missives qu’il envoyait à Nomrad.

Ainsi, Krim l’inflexible demandait à Nomrad et Tordur de lever des armées. Par un heureux hasard, de nombreuses troupes stationnaient perpétuellement aux abords de la porte du monolithe fendu. En effet, les clans des Peaux de Bronze et des Cœurs d’Argent se disputaient cette zone depuis des temps immémoriaux. Le territoire était donc fortement militarisé. De plus, les garnisons des Marteaux d’Airain affectées à la protection de Muggulor et Ednas s’avéraient rapidement mobilisables. L’host fut lever avant même que le grand jarl rejoigne Nomrad à l’entrée de l’inframonde donnant sur la passe des montagnes noires.

« Par ma hache ! Voici une bien belle et grande armée assemblée pour simplement compter les morts tomber, mère ! Orcs et elfes vont s’entre-tuer et nous exterminerons les survivants ! Ha ! Mère, pourquoi cherchez-vous à arrondir les angles avec ces chiens aux oreilles pointues ? » »

« Mon fils ! Tordur t’a enseigné à voir plus loin ! Où est donc passé ton sens des affaires ? Tu dois envoyer un courrier au roi des elfes pour lui proposer d’acheter nos armes ! J’ai déjà fait rédiger le texte, tu n’as qu’à signer là. »

« Mère, pensez-vous que j’ai fait lever l’host du Sud et de l’Est uniquement pour commercer ! Par ma hache ! Cela manquerait de mesure ! Je suis ici pour massacrer nos ennemis ! Le temps de la guerre est revenu ! »

« Tu pourras bientôt manipuler Fendoir, mon fils ! Mais pour l’instant, j’ai un plan ! Signe, que Oin puisse porter ce message au plus vite. Nos alliés sont déjà en marche ! »

« Par ma hache ! Mère ! Je suis le grand jarl ! C’est moi à présent qui décide de la destinée et des alliances des royaumes de l’inframonde ! » hurla Krim.

« Et moi je suis ta mère comme tu l’as si bien dit ! Et je suis la matriarche de notre clan ! Cela fait deux raisons suffisantes pour que tu m’écoutes ! Crois-tu que nous ayons des intérêts à ce point divergents pour me reprocher d’avoir essayé de gagner un temps précieux ?!! »

« Pardon mère, mais...Ha ! Ces deux ans loin du clan m’ont appris à ne compter que sur moi-même. Par ma hache, bien sûr que votre action doit être avisée ! » Krim saisit la plume que Oin lui tendait depuis de longues minutes sur une écritoire de voyage. Il signa d’un geste nerveux et le messager du clan disparut avec la missive. « Et quelle alliance avez-vous montée, mère ? »

« Mais, je n’ai fait que consolider une alliance déjà fort profitable pour notre clan, mon fils. Avec Oin, nous avons passé la nuit à élaborer une stratégie avec les dryades, les satyres, les gnomes et les fées ! »

« Par ma hache ! Où se trouve donc Tordur ? Lui au moins aurait été de bon conseil ! Vous êtes assisté par ce fils de rien ! Pas étonnant que l’on obtienne que l’appui des royaumes périphériques ! Ce sont loin d’être les plus puissants !  »

« Tordur est là où il doit être, Krim ! Il a une mission à accomplir. Cette alliance est la plus profitable pour nous ! Cinq des sept bannières faisant front commun. Ni les orcs, ni les elfes ne pourront y résister ! »

« Ha ! Et une fois la puissante Orcania et l’invincible Batumia à genoux, nous pourrons facilement balayer les autres bannières ! Par ma hache ! Vous êtes machiavélique, mère ! »

« Ne va pas trop vite en besogne mon fils ! Focalisons-nous déjà sur les invincibles elfes ! » Nomrad emmena Krim près de la table où s’étalait la carte représentant la passe des montagnes noires. « Fait déployer les armes de sièges ici et là, tournées en direction de la cité des Sept Chemins. Par contre, cantonne le gros des troupes dans l’inframonde jusqu’au dernier moment, que nos ennemis ne se doutent de rien. »

Le grand jarl, conformément aux instructions de sa matriarche organisa la manœuvre. Les cyclopes poussaient les lourds trébuchets tandis que les manticornes tiraient les catapultes. Les nains déplaçaient les balistes, plus légères et plus maniables. Les arragoussets s’occupaient de remonter épées, haches, lances et masses d’arme qu’ils disposaient en rangs bien ordonnés. Les korrigans plantaient dans le sol des flèches par dix, en les espaçant d’un mètre à chaque fois. L’opération dura un jour et une nuit. Les Marteaux d’Arain affichaient à présent au monde tout leur savoir faire et leur puissance commerciale. Krim, sous le regard rempli de fierté de sa mère et de son mentor avait formé une ligne dense de deux kilomètres s’étalant entre les deux parties du monolithe fendu. Malgré leur nombre, les nains paraissaient minuscules entre les deux bouts de rocher s’élevant vers les cieux sur cinq kilomètres.

Batumia possédait-elle même la moitié de l’or nécessaire pour acheter tant d’armes ainsi exposées ? Cela importait peu, même si Oin revint avec un accord de principe signé du roi Roll en personne. Nomrad n’avait cherché qu’à gagner du temps pour ne pas s’attirer l’ire des elfes. A présent, elle n’attendait que le signal de ses alliés. Après une journée à patienter, Epiphone arriva avec ses guerriers pasteurs, les terribles shardanes.

« Bonjour, Matriarche Nomrad ! Tout est en place de notre côté. Nous n’attendons plus que votre bon vouloir ! »

« Bonjour, Grande Timonière Epiphone ! Nous n’attendions également plus que votre venue ! » Après ces salutations protocolaires, Nomrad se tourna vers son fils avec un sourire carnassier. « Grand Jarl Krim, vous pouvez déployer vos troupes ! Dès que tout sera en place, j’accompagnerai nos alliés à travers l’inframonde et vous aurez la lourde charge de résister aux tentatives de passage des elfes ! L’heure est enfin venue de montrer que vous êtes digne de vos galons, mon fils ! » Puis la naine, d’habitude si avare en gestes sentimentaux saisit Krim dans ses bras et lui susurra à l’oreille « Je ne doute pas de ta réussite ! Nous n’en avons jamais douté avec Tordur ! Tu vas devenir le plus grand des grands jarls ! Te retrouver ici, avec Fendoir à la main, c’est u signe du destin ! »

Nomrad aurait voulu que cette fugace étreinte dure l’éternité. Elle qui s’était endurcie pour réussir dans ce monde de mâles. Elle qui ne trouvait chaleur et réconfort que dans le fond de sa choppe de bière soir après soir. Elle, qui jamais ne flanchait, se sentait libérer d’un poids incommensurable d’avoir baissé sa garde. L’instant d’après, tout était fini. Krim saisit sa hache magique et partit donner ses ordres. Deux cent cinquante mille soldats déferlèrent de l’inframonde pour prendre position selon le plan préétabli. Deux cent cinquante mille soldats, cela représentait le quart de l’armée de la bannière au demi-cercle noir de Dmor-Khal. La matriarche lisait le doute dans le regard de son fils. Deux cent cinquante mille soldats, cela suffirait-il pour faire face au huit ou neuf cent mille guerriers des troupes elfes ? Certes, les légions humaines, qui formaient le gros des forces n’importaient pas, étant donné la faiblesse physique des derniers nés. Néanmoins, le reste des contingents apparaissait équivalent aux forces naines.

Nomrad savait pourquoi elle avait conclu une alliance avec Epiphone et sa coalition d’élémentaires. Les cohortes de Krim bloqueraient bientôt l’unique passage stratégique de la passe des montagnes noires. Les gnomes formèrent une chaîne vivante sur l’espace encore libre de la vallée au Nord-Est. Ils prononcèrent des formules incantatoires et le sol rocheux commença à s’élever. Grâce à leur pouvoir tellurique, ces minuscules créatures érigèrent une muraille quasiment infranchissable de vingt mètres de haut sur cinq de large sur l’ensemble du corridor. L’armée elfe se trouvait coupée de son royaume. L’affrontement semblait inéluctable. Discrètement, Nomrad emmena la Grande Timonière Epiphone et ses shardanes ainsi que le prince Hector et ses satyres dans l’inframonde. Sur le dos d’un bataillon de manticornes ils s’enfonçaient toujours plus profondément en territoire nain pour rejoindre Tordur et l’host du clan des Marteaux d’Airain. Il était plus que temps de frapper les elfes en plein cœur !

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