Prologue

Par jojotte

Gabriel se recroquevilla un peu plus dans l’excavation, sous les racines d’un arbre à moitié déraciné par la grande tempête et dissimulées par un buisson. C était une bonne cachette, du moins il l’espérait. La forêt était étrangement silencieuse comme si ses habitants avaient pris conscience du drame qui se jouait.


Il ne devait pas être loin derrière lui et le craquement d’une brindille le lui confirma.
Il porta une main à sa bouche pour étouffer ses halètements dus à sa course et l’autre sur son cœur dans l’illusion d’en calmer les battements effrénés.

Le bruit des pas, amoindris par le tapis de feuilles mortes, se rapprocha pour finalement s’arrêter près de son abri de fortune. Il s’obligea à rester immobile malgré l’inconfort de sa position et le froid qui faisait frissonner sa peau nue.

Il cru un instant avoir été découvert quand il entendit son rire. Un rire qui s’amplifia quand retentit un cri de souffrance, puis un deuxième alors qu’un groupe d’hommes rejoignait son poursuivant.
Son sang se glaça dans ses veines quand il comprit qu’ils avaient réussi à rattraper un de ses compagnons d’infortune. C’était lequel des deux autres ? Yannick, qui avait partagé sa galère les deux dernières semaines avant qu’ils ne tombent dans ce piège, ou Clément, l’adolescent en fugue.
Quel était celui qui poussait des gémissements et qui implorait qu’on le laisse partir ?
Il se mordit le poing pour ne pas hurler quand il devina la scène qui se déroulait à quelques pas de lui. Les rires gras, les mots crus, obscènes et les râles de jouissance qui n’arrivaient pas à couvrir les cris de celui dont ils abusaient une dernière fois.
Un coup de feu déchira le silence de la forêt. Les larmes coulèrent silencieusement sur ses joues quand il les entendit s’éloigner, tirant le corps derrière eux.


Il attendit longtemps craignant leur retour. Il ne savait pas pourquoi ils avaient abandonné la chasse. Ils devaient se dire qu’une nuit dans l’immense propriété, sans pouvoir manger ni boire, ne pouvait que l’affaiblir davantage. Ils étaient sûrement bien au chaud, ripaillant en se racontant leurs exploits de chasse et riant à l’avance du sort qu’ils lui réservaient.

Il rampa pour sortir de sa cachette, la douleur le transperça quand il voulu se mettre debout et il tomba sur le côté. Il était ankylosé et ses blessures le faisaient souffrir. Il massa ses jambes engourdies en grimaçant et tenta de se relever. Il n’y arriva qu’après la quatrième tentative en s’appuyant sur une branche qu’il avait ramassée.

Le jour déclinait et il faisait de plus en plus froid. Il grelottait et il frappa ses mains contre son corps pour le réchauffer. Il devait se dépêcher, il savait que les chiens, qui étaient enfermés la journée, étaient lâchés à la nuit tombante. Il entendait leurs aboiements, le garde allait bientôt les faire sortir. Il avait échappé à ses tortionnaires, mais il n’avait aucune chance contre les molosses.


Lorsqu’il était poursuivi, il avait aperçu le mur qui entourait la propriété et il espéra de toutes ses forces qu’il n’en était pas trop éloigné. Il couru droit devant lui et les bruits provenant du chenil se firent plus sourds, il était dans la bonne direction.
La masse sombre de l’enceinte se dressa brusquement devant lui. Il s’accorda quelques secondes pour reprendre son souffle. La hauteur du mur avoisinait les deux mètres, en temps normal il n’aurait eu aucun problème pour le franchir, mais affaibli comme il l’était, ce n’était pas possible. Il le longea en espérant trouver un moyen de l’escalader, un rocher, un tronc d’arbre, un écroulement, mais rien. A bout de forces, il s’arrêta, il n’en pouvait plus, il était à deux doigts de lâcher prise, mais dans un sursaut de volonté, il reprit son avancée. Il faisait de plus en plus sombre. Il faillit crier de joie quand ses doigts rencontrèrent une surface lisse. Une porte, une porte de bois qui devait servir jadis pour entrer sans passer par l’entrée principale. Elle ne devait plus servir de passage depuis longtemps car il n’arriva pas à l’ouvrir, la targette était rouillée. Il chercha à tâtons une pierre, la chance était avec lui. Il la ramassa et il tapa jusqu’à ce qu’elle cède enfin, en priant que le bruit ait été assez faible pour ne pas être entendu.
Le panneau de bois résista puis s’ouvrit en grinçant un peu, il le referma au moment même où le garde ouvrit la porte du chenil.

Il puisa dans ses dernières ressources pour s’engager sur le chemin de terre, mais il avait présumé de ses forces. Elles l’abandonnèrent et il s’effondra dans une flaque de boue.

 

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Sly King
Posté le 21/07/2020
Prologue très intense, très tendu et plein de suspens qui donne envie de connaître la suite ! On se pose beaucoup de questions, et ce début de récit nous prend aux tripes. Je n'ai donc d'autre choix que d'aller lire la suite.
jojotte
Posté le 22/07/2020
Merci d'avoir lu ce prologue. C'est une histoire que j ai commencée il y a quelques années et qu'une amie m'a incitée à reprendre. On saura au fil des chapitres qui est Gabriel et pourquoi il est dans cette situation.
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