Prologue.

Aaah... ! Enfin la paix, il était temps. C’est le second déménagement de ma vie, et c’est toujours aussi éprouvant. Pourtant ce n’est pas comme si j’avais grand-chose dans ma valise, après tout je vis seul et je ne suis pas du genre matérialiste donc bon... Mais je dois avouer que je ne suis pas un grand fan de dépenses physiques, alors prendre l’avion, composer avec trains, bus et taxis pour arriver à destination et encore courir à droite, à gauche pour enfin pouvoir m’installer...

A ma décharge, ce n’est pas comme si j’avais pu demander de l’aide à qui que ce soit ! Et même dans ce cas, ce n’est pas mon genre. Ce n’est pas que je refuse l’aide de qui que ce soit, mais j’ai vite remarqué qu’à force de compter sur eux, les gens ont une fâcheuse tendance à disons... prendre leurs aises. Ce que je ne supporte pas. Et comme les Hommes sont du genre butés et que je peux l’être encore plus, je me retrouve seul, ce qui est très bien comme ça.

Ah, au fait, je m’appelle Adam. J’ai vingt-trois ans, un diplôme en poche et je viens d’arriver à Renacimiento, un petit village perdu au beau milieu de l’Australie. C’est là que je vais vivre et travailler pendant les cinq années à venir. Et je dois dire que pour une fois, je suis plus qu’heureux de cette perspective !

Vous devez sans doute vous demander ce que fiche un jeune homme dans la fleur de l’âge dans un village paumé au milieu d’un gros cailloux, franchement sous-peuplé et à quatre-vingt pourcent semi-désertique. C'est ce que tous les jeunes de mon âge se demanderaient, même les plus misanthropes. Eux préfèrent les grandes villes, soit pour leurs opportunités de nouvelles rencontres, soit pour leur côté pratique.

Mais moi, ça ne m’intéresse pas. À vrai dire, je suis même littéralement allergique aux villes : trop de pollution, de bruit, du béton partout, du trafic de jour comme de nuit... En somme, trop de gens. Brrr, rien que d’en parler me donne la nausée. Non, moi je préfère les grands espaces vierges, l’air pur, prendre mon temps, me balader sans but précis et sans me faire constamment bousculer par la multitude, comme des insectes se bousculant bêtement autour d’une lampe pour finir par s’y brûler les ailes.

Oui, les petits villages sous-peuplés avec des gens calmes, aimables et détendus, au milieu de coins perdus me conviennent infiniment mieux. Même si, pour la détente et l’amabilité, on repassera. En effet, ça ne faisait que quelques heures que j’étais arrivé et, entre les regards en biais des employés de la réserve qui jouxte le village (mes futurs collègues) quand j’étais allé rencontrer mon patron, et les œillades plus ou moins discrètes quand je visitais les alentours, il était déjà limpide que les habitants de ce patelin ne me portaient pas dans leurs cœurs.

Enfin... j’étais bien trop lessivé après la journée que je venais de passer, pour réagir à toute cette hostilité. De plus, je pouvais comprendre un minimum : dans ce genre de communautés restreintes, tout le monde connaissait tout le monde et une nouvelle tête détonnait direct. En plus, j’ai cru comprendre que la maison que j’avais rachetée avait appartenue à un vieil homme respecté dans le village, mort dans son sommeil...

D’accord, ils avaient peut-être le droit de me regarder un peu bizarrement… Mais de là à me toiser ou à commérer dans mon dos, je trouve ça un poil excessif. Ce n’est pas ma faute si le vieillard a rendu l’âme, il faudra bien qu’ils passent à autre chose un jour. Enfin, le temps finira par faire son œuvre, je dois me montrer patient.

J'ouvre les yeux, me lève de mon lit et sors de ma chambre pour contempler mon nouveau chez-moi. La maison est construite de sorte que toutes les pièces : chambre, salle de bain, toilettes et débarras, soient disposées autour du salon : une grande pièce ronde munie de deux larges fenêtres côté est et ouest, à laquelle attient la cuisine. C'est en partie ce qui m’a fait acheter cette maison, ça et... Je m’approche de la grande fenêtre de ma chambre. Elle est à l’opposé de la porte et il en émane une douce lueur. Je passe ma tête dans le cadre et reste le souffle coupé face au spectacle qui s’offre à moi.

À l’horizon le soleil se couche, faisant rougeoyer les nuages et les parant de très légères teintes mauves à peine perceptibles. Du loin, me parviennent les sons de la forêt sur le point de s’animer d’une vie nouvelle, sous le couvert de la nuit qui approche. Le feuillage fourni des arbres bruisse agréablement dans la chaude brise d’été. Le relief, ainsi que le jeu des ombres et le vent léger donnent l’impression que l’herbe ondoie paresseusement dans la vallée devant mes yeux.

C’est étrange que le temps soit si estival dans cette partie du monde, alors qu’on est en plein mois de janvier. Bien que ce soit logique en fin de compte puisque l’Australie, dans l’hémisphère Sud, est à mille lieux de l’Europe. Le ressentir quand on n’y est pas habitué est cependant... saisissant.

J'inspire profondément, yeux fermés, m’emplissant des senteurs boisées et apaisantes que m’apporte le vent. Oui, je vais me plaire ici. Qu’importent les villageois, leur méfiance et leur mépris. Je me suis posé là et je n’ai pas l’intention d’en bouger, quel que soit leur avis sur la question.

J’ai trop rêvé de cette nature vierge et sauvage pour m’en détourer maintenant que j’ai l’impression d’en faire partie. Je suis sur le point d’écrire un nouveau chapitre de ma vie et celui-là, il est hors de question qu’il se fasse en fonction de quelqu’un d’autre que moi.

Sur ces bonnes résolutions et irrémédiablement vidé par la journée que je viens de passer, je prends une douche fraiche et m’effondre tel quel sur mon grand lit. Je sombre dans les bras de Morphée avant même de sentir l’oreiller sur ma tête.

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MrOriendo
Posté le 09/06/2023
Hello Zephyrus !

Je suis les traces de ce cher Edouard PArle et je pose donc pour quelques instants mon baluchon à Renacimiento avec toi.

Le prologue nous livre d'emblée les raisons qui ont poussé Adam à s'installer ici : l'envie irrésistible de fuir la ville (comme je le comprends) et son univers constamment bruyant, chargé, peuplé, pollué... et j'en passe.
Ce n'est pourtant jamais facile de se faire sa place dans une nouvelle communauté, encore plus dans un petit village où tout le monde se connait depuis belle lurette. À en juger par l'attitude des habitants du coin, ça ne va pas être chose facile pour ton narrateur.

Bref, ce prologue est efficace et bien choisi pour poser l'histoire.
Je continue avec plaisir :)
A.W. Zephyrus
Posté le 13/06/2023
Bonsoir Oriendo !

De mon côté, je pose ma plume virtuelle pour aujourd'hui et me suis dit qu'un petit tour ici serait une bonne conclusion de ma journée. Ton commentaire (vos commentaires à tous) me fait vraiment plaisir, surtout comme je suis en train de relire / adapter ce que j'ai déjà écrit en fonction des suggestions que j'ai reçues.

Honnêtement pas la partie la plus fun pour moi, mais assez surprenante dans ce qu'elle me permet de raconter en plus. Merci pour tous vos avis qui me donnent envie d'écrire !
Edouard PArle
Posté le 08/06/2023
Coucou Zephyrus !
Je comprend très facilement les souhaits du jeune homme de s'exiler de loin des tumultes de la vie citadine, dans ce village paumé proche de la nature. J'ai un peu cette fibre aussi et j'ai l'impression que de plus en plus de gens ont ce genre de démarche.
Curieux de voir comment sa relation avec les locaux va évoluer dans les prochains chapitres. J'imagine que tout ne va pas se passer comme prévu...
Je poursuis ma lecture !
A.W. Zephyrus
Posté le 09/06/2023
Heureux de voir que tu as accroché. J'ai cette histoire en tête depuis de nombreuses années maintenant, alors autant dire que ce besoin ne date pas d'hier chez Adam... même si maintenant que tu l'écrit, le confinement est une des raisons qui m'ont poussé à écrire.

Hâte de lire ton commentaire au chapitre suivant !
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