Prologue

Par postea

Une odeur de renouveau, d’éclat et de fraîcheur.

Tandis que la brise vient caresser les bords de la rivière Nakdonggang, les feuilles émettent un doux bruit cristallin et un léger frottement. Le son de l’écoulement des vagues est léger et répété, provoqué par l’agitation de la surface qui s’entrechoquent entre elles. En tout temps, la rivière est paisible. Dans cette forêt pleine de verdure, les arbres se dressent, grands et majestueux : ils se montrent fiers et beaux.

Nous sommes en 1835 dans le village de Hahoe, situé à Joseon et près d’Andong. Ce village traditionnel, fondé au XIVe siècle, abrite des toits de chaume pour les résidences des villageois. D’autres structures majeures telles que l’école et l’académie ont eu recours à des toits en tuile d’argile. Les maisons s’entassent entre elles, jonchées par les verdures et les arbustes qui encadrent les foyers. De nombreuses structures en bambou et en bois ornent les rues afin de solidifier les constructions et de les rendre prospères dans le temps. Seulement moins de trois cents habitants peuplent le village. Si ces derniers ne connaissent pas les prénoms des autres résidents, au moins connaissent-ils leur visage, leurs habitudes, leur mode de vie.

Le village abrite un peuple similaire à un clan : les Hwaa. Le quartier général du groupe se trouve dans une bâtisse du village de Hahoe, dans une grande salle commune, située au centre du village et permettant d’accueillir les membres. Tous les mois, les villageois se réunissent et discutent de leurs prochaines actions : espionner, chasser, saisir, etc.

En réalité, les personnes appartenant au groupe Hwaa ne sont pas des tueurs, mais des espions. Constamment en conflit avec les barbares qui cherchent à s’emparer de leur territoire par tous les moyens, de nombreuses femmes membres se déguisent pour subtiliser des informations ennemies et se parer à leurs attaques. Pour justement être préparées à défendre leur territoire, les femmes du village Hahoe sont formées à se battre dès leur plus jeune âge. Très tôt, elles apprennent à défendre leur maison quand leur père est enrôlé pour partir en guerre.

Les défenses nationales du gouvernement s’avèrent faibles pour protéger cette partie du territoire : si une guerre se présente, le gouvernement n’intervient pas, ayant une maigre estime pour cette zone. Face aux invasions intempestives des barbares, les villageois ont construit des remparts autour de la ville. Si cela ne leur permet pas de se protéger efficacement, au moins peuvent-ils se défendre et contre-attaquer. Le peuple est laissé à ses dépends et lutte pour subvenir à ses besoins sans aide extérieure.

Toutefois, on connaît très peu de choses de la formation du groupe Hwaa. On sait seulement que Hyun Jin-ae est à l’origine de sa création. Il est dit qu’elle s’est fortement inspirée de l’ancestral clan des Hwarang et des méthodes d’une femme native du Pays du Soleil Levant. Cependant, Hyun Jin-ae s’en est fortement détachée pour créer un groupe à son image.

Le peuple Hwaa est un groupe ancestral, proche d’un clan qui perdure depuis le moyen-âge. À ses débuts, Jin-ae recrutait uniquement des femmes qualifiées en arts martiaux à partir de 1573. Par la suite, le groupe se composait d’hommes, mais en faible nombre, toujours réduit au fil des années et demeurant moins important que le nombre de femmes engagées. Le peuple transmet ses savoirs au fil des générations suivantes dans le respect des traditions.

En termes de religion, le peuple Hwaa aimait se rendre quotidiennement au temple situé sur la place centrale… avant qu’il ne soit la cible des barbares, détruit et complètement ravagé, et engendrant de lourdes pertes humaines. Ce temple bouddhiste faisait la fierté du village qui montrait sa grandeur et accueillait de nombreux visiteurs. Jusqu’au jour où ce lieu religieux a été vandalisé : murs détruits, poussière et débris aux alentours, statues  et objets religieux volés. Ce jour où les plus grands parmi le peuple s’étaient absentés, était parti en fumée à leur retour. Depuis, seulement quelques personnes sont autorisées à sortir simultanément des enceintes, de peur que la même tragédie se répète. Actuellement, les habitants éprouvent dû mal à lever les fonds collectivement pour lancer sa reconstruction. L’étape de rénovation n’est donc pas encore d’actualité, même si beaucoup espèrent lancer les procédures au plus vite.

* * *

Dans la forêt, une âme se balade et voltige entre les arbres. La silhouette svelte et élancée de Se-ri se faufile à la poursuite d’un bel animal : elle tient à rentrer au repaire avec cette biche sur le dos. Elle ne veut certainement pas rentrer bredouille et se met en tête de ne pas abandonner avant la nuit tombée. Âgée de vingt-cinq ans, elle possède de longs cheveux noirs attachés en queue de cheval, qu’elle estime comme pratique dans ses interactions conflictuelles avec ses ennemis.

Alors, elle dégaine son arc de chasse prête à tirer…

Une flèche.

Elle rate sa cible après avoir constaté que l’animal s'enfuit par peur. De toute évidence, elle n’a jamais été très douée pour manier un arc… « C’est plutôt le domaine de Cho-yeon, j’aurais bien aimé qu’elle soit présente », pense-t-elle. Rapidement, elle se met à la poursuite de l’animal après avoir fait un bond sur la terre ferme. Pour ne pas émettre le moindre bruit lors de sa course, elle se précipite sur le sentier battu dont les terres ont été foulées par ses ancêtres. Rapidement, la biche arrête sa traversée après une centaine de mètres. Se-ri en profite pour décocher une seconde flèche pour l’atteindre et la blesser.

« Enfin réussi. »

L’animal, apeuré et se vidant progressivement de son sang, Se-ri abrège les souffrances de l’animal en dégainant son épée. « Jingeom » est le nom de l’arme tranchante que tous les habitants du peuple Hwaa se voient confiés par défaut.

Ayant atteint avec succès sa cible, elle respire l’air ambiant à plein nez, gonflant ses narines et son thorax. Elle éprouve un grand sentiment de fierté à nourrir les siens ce soir et à partager parmi ses proches. Dans un geste rapide et vif, elle soulève et pose le corps inerte de l’animal sur son épaule, comme s’il s’agissait d’un vulgaire objet dont il fallait désormais se débarrasser. Sur le retour, elle croise en chemin Yoon Sun-hi, sa mère adoptive.

« Dis donc, tu ramènes une belle bête aujourd’hui ! Combien de flèches as-tu utilisé cette fois-ci ?

— Comme si j’en utilisais plusieurs d’habitude.

— C’est le cas. Jusqu’à vider ta réserve… Répond-elle en marquant une courte pause, essayant de garder son sang froid. Roh ça va, je rigole ! »

    Sun-hi finit par rire aux éclats. Il est possible de l’entendre à plusieurs mètres à la ronde : elle effraie les animaux. La silhouette des oiseaux se dessine dans le ciel : ils s’envolent et battent gracieusement des ailes. 

Sur le moment, Se-ri se sent vexée. Puis finalement elle estime ne pas avoir à se sentir honteuse. Son domaine, ce n’est pas le maniement d’un arc. Elle est davantage douée dans la manipulation d’une épée. À son tour, elle se met à rire. La plus âgée enroule son bras autour de l’épaule de la jeune chasseuse, telle une accolade amicale. Ensemble, elles effectuent le trajet du retour jusqu’au portail du village, protégé par deux soldates armées. Arrivée dans la forge où sa mère exerçait sa passion, Se-ri dépose la carcasse de l’animal sur la table centrale dans un fracas assourdissant.

« Elle pèse son poids… cette biche fera un festin pour certains membres qui ne mangent pas depuis plusieurs jours.

— De la tendre viande. Cette biche paraît si jeune, annonce Sun-hi en marquant une courte pause. Crois-moi : elle sera délicieuse. »

Elle pose les paumes des mains sur la table, voulant marquer son autorité. Arborant des cheveux très courts qui tombent à peine sur ses épaules et de couleur rousse, Sun-hi garde en permanence des lunettes de protection qu’elle a noué sur sa tête pour sa passion de la forge et un gant en cuir. Enfant, cette couleur de cheveux lui valait les moqueries et les violences physiques d’autrui, mais elle s’est défendue et a gagné le respect en montant les échelons. Il s’agit d’une personne haut placée parmi le peuple Hwaa, admirée pour ses talents qui ont plusieurs fois sauvé le village. Elle n’en est pourtant pas la dirigeante principale, elle est seulement reconnue parmi le peuple Hwaa qui lui voue une confiance aveugle. Tellement par moment qu’elle a l’impression que le sort du village entier repose sur ses épaules.

Se-ri a toujours considéré Sun-hi comme sa propre mère, celle qui lui a donné l’éducation et la culture dont elle a aujourd’hui bénéficié. Après le tragique décès de sa mère biologique emportée par une maladie, Sun-hi n’a pas attendu longtemps avant de prendre sous son aile Se-ri, la fille de son amie.

« Alors cette biche, tu aimerais la partager avec qui ? » Demande Sun-hi en étalant la dépouille de l’animal auprès du plan de travail adapté pour la découpe.

Mais Se-ri n’a pas le temps de répondre que l’équipe de patrouille arrive à dos de cheval, franchissant le portail du village en galopant. Son visage s’assombrit tout-à-coup, supposant qu’il s’agit d’une terrible nouvelle. Les cavalières ne se précipitent pas généralement, et se contentent de faire rentrer les chevaux tranquillement.

Sun-hi se retourne, dos à elles, et vient aux nouvelles qui la rendent blême.

« Les barbares arrivent ! »

Autour, les villageois ont cessé leur activité et se sont tus après avoir entendu la nouvelle. Ils craignent le pire une nouvelle fois, et comme à l’accoutumée, ils ressentent de la peur.  Il lui faut très peu de temps à Sun-hi pour prendre une décision.

« En place ! »

Elle avait prononcé ses mots sur un ton plus puissant qu’un ordre : il en valait de leur vie. Sans attendre, les villageois s’emparent d’armes déposées à proximité et font face à l’approche des barbares dans un brouhaha général. Tremblants de peur mais vaillants, ils rattrapent de justesse leurs épées et autres objets pointus qui glissent entre leurs doigts, trempés de sueur.

Aussitôt, les barbares arrivent et font face au peuple Hwaa. Malgré les portes fermées, ils grimpent en haut des remparts et pénètrent au sein du village. Dès leur arrivée, ce sont des hurlements et des armes entrechoquées qui se font entendre. Rapidement, les barbares parviennent à immobiliser les gardes et à ouvrir les portes, permettant à leurs confrères d’entrer à leur tour et de semer la discorde.

« Ils ont dû trouver un moyen de contourner les tigres », annonce Cho-yeon en arrivant armée de son arc derrière Se-ri.

Des villageois en sang, certains au sol et d’autres blessés mais aptes à marcher sans aide, se ruent comme ils peuvent auprès d’une arme de combat pour se défendre sans annoncer défaite. Munie de son épée favorite, Se-ri se fraie un chemin en tranchant les ennemis sur son passage. Elle assure la défense de son amie Cho-yeon qui tire des flèches à l'attention des barbares au loin.

Ces derniers semblent avoir fait irruption dans le but de subtiliser quelque chose, ou au moins faire un état des lieux. Comme à leur habitude, ils saccagent : chaises renversées, bancs retournés, objets de décoration détruits, ... Mais Sun-hi constate quelque chose de changé dans leur attitude : ils ne massacrent pas, ils ne pillent pas. Ils repoussent et essaient de trouver quelque chose.

Une ombre céleste fait quelques pas à l’intérieur de la salle commune, sa longue chevelure blanche relevée par une épingle. Na-yeon craint devoir trouver les barbares en ces lieux. Dos à elle, un ennemi s’est infiltré dans les locaux du peuple Hwaa. Il ne remarque pas la présence de Na-yeon derrière lui.

« Tu ne trouveras rien ici », se contente-elle de répondre, les bras croisés et le corps adossé à la paroi du mur.

Sur le visage de la blanche se lit une émotion de désintérêt. Le jeune homme vêtu de noir est prit par surprise. De peur, il ne prend pas la peine de dégainer son épée du fourreau, balbutie quelques mots et finit par s’enfuir des lieux en courant. « Sans doute une nouvelle recrue. Incapable de se battre dignement, », pense-t-elle. Mais dans ce cas-là, quelles motivations l’ont poussé à rejoindre les barbares ?

Na-yeon appartient au peuple Hwaa depuis sa naissance, amie de confiance et armée de redoutables conseils envers Sun-hi et la gestion du peuple Hwaa. Au fil des années, elle a eu l’occasion d’apprendre à maîtriser le tansu, un art martial ancestral centré sur l’auto-défense. Elle enseigne également quotidiennement ses techniques à Se-ri, jusqu’à ce que cette dernière maîtrise les gestes à la perfection. Na-yeon peut paraître froide et stricte par moment, mais elle se fait beaucoup de soucis pour ses proches. Elle tient à réaliser ses enchaînements avec sérieux pour protéger ceux qu’elle chérit.

« On décampe ! » Prononce une voix au loin.

Dans un élan frénétique, les ennemis du peuple Hahoe cessent leurs activités et poussent les membres du peuple Hwaa, afin de se frayer un chemin vers la sortie. Ils s’enfuient les uns après les autres du village, ne laissant pas le temps à Yoon Sun-hi d’intervenir.

« J’ignore ce qu’ils voulaient cette fois-ci, mais heureusement ils ont vite rebroussé chemin, annonce Se-ri en posant une main sur l’épaule de sa mère adoptive.

— Semer la zizanie, comme à leur habitude », prononce cette dernière en essuyant du revers de la main une trace de sang qui maculait sa joue.

Seuls des blessés avaient été recensés et pris en charge par les personnes valides. Rapidement, ils ont désinfecté leurs plaies légères et pansé les entailles plus profondes.

Dans le village de Hahoe, le peuple Hwaa doit subvenir lui-même à ses besoins : chasser, pêcher, cuisiner, fabriquer des remèdes, etc. Il faut s’aventurer un peu plus loin en dehors des lieux pour trouver des commerces. Il n’y a aucun bienfaiteur dans les environs si les villageois se retrouvent dans le pétrin. Ils sont obligés de savoir prodiguer les soins pour survivre. C’est ainsi qu’ils doivent lutter pour sortir sains et saufs de leurs combats.

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SinnaraAstaroth
Posté le 17/05/2024
Bonjour !

J'ai découvert ton histoire grâce à la photo de couverture qui m'a tout de suite fait penser à l'ère Joseon, et en effet, c'était bien un récit historique qui se situe à cette époque.

J'aime bien ton style dans l'ensemble, c'est bien écrit et fluide dans l'ensemble, malgré quelques maladresses ici et là. Par contre ce qui m'a un peu gênée, c'est certains passages très (trop) explicatifs, qui font presque cours d'histoire, et qui sont un peu en décalage avec l'action principale. Il faudrait peut-être regrouper toute la partie exposition au début du texte, pour présenter le peuple Hwaa, puis après entamer le récit avec Se-ri. Je ne sais pas si les dates et le côté "exposé" historique est vraiment nécessaire, ou comme je le disais vraiment faire un paragraphe au tout début pour situer le contexte historique.

Y a un moment qui m'a un peu perdu, quand elle dit qu'elle entre dans la forge de sa mère, mais qu'après en fait sa mère est morte quand elle était petite ? Donc je suppose que c'est Sun-hi qu'elle voit comme un mère, mais on nous dit juste que Sun-hi considère Se-ri comme sa fille (et pas forcément l'inverse) et c'est dit après, donc c'est assez déroutant. Il faudrait plutôt expliquer leur relation d'abord, et après employer le terme "mère" pour désigner Sun-hi par rapport à Se-ri quand on a bien compris le lien affectif qui les unit.

Y a beaucoup de personnages qui sont mentionnés, mais on ne sait rien de leurs rôles / apparence, etc. Ce serait bien de les décrire, introduire pour qu'on puisse se le figurer et comprendre leur importance.

J'ai relevé ces quelques petites maladresses :

« abrite des toits en tuile d’argile en chaume » c’est l’un ou l’autre, des toits en tuile d’argile ou des toits de chaume. Les deux types d’habitation peuvent coexister sans problème, mais là, la phrase tournée telle quelle suggère que la maison a les deux types de toi en même temps. Les chaumières sont réservés plutôt aux classes pauvres, et les maisons avec des tuiles aux nobles riches qui peuvent se permettre ce genre d’architecture plus luxueuse et solide.

« que tous les habitants du village Hahoe et au sein du peuple Hwaa » => et du peuple Hwaa

« Elle éprouve un grand sentiment de fierté pour nourrir » un grand sentiment de fierté à nourrir les siens, ce serait mieux

Sinon je trouve l'histoire assez intrigante, en plus j'adore l'univers de sageuk coréen, j'ai apprécié là référence à Hwarang, et je me figure bien la situation, mais pour des personnes qui ne connaissent pas cet univers, on peut se sentir un peu perdu.

La mention de l'église m'a interpelée aussi, est-ce que ça veut dire que les habitants de ce village sont catholiques ? Si oui, je pense qu'il faut le développer et l'expliquer, parce que pour le coup les coréens convertis au catholicisme ont subi des persécutions de la part du gouvernement confucianiste coréen, donc ça a une incidence assez importante, et ça vaut le coup d'être développé. Et ça leur rajoute clairement une difficulté et une vulnérabilité supplémentaire.

Sinon il faut parler de temple bouddhiste.

Voilà pour ce premier avis, je suis tout de même curieuse de découvrir la suite de cette histoire et d'en savoir plus sur ce village assez particulier et ses habitants.

A bientôt !
postea
Posté le 17/05/2024
Merci beaucoup pour cet avis si complet !

Effectivement le prologue mérite modifications si ce n'est pas clair...
Ton avis m'a fait prendre du recul et beaucoup de tes remarques sont pertinentes ! Je tâcherai de modifier l'ensemble pour garder ce côté historique et apporter plus de précisions quant aux personnages

Encore merci, en espérant que la suite te plaira !
SinnaraAstaroth
Posté le 17/05/2024
De rien ! Contente que mon avis ait pu t'être utile. Je serai au rendez-vous pour la suite ! ^^
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