Quel hôte charmant

 

— J’aimerais bien savoir pourquoi Dramel nous a demandé de ne pas sortir. Il n’y a pas l’air d’y avoir beaucoup de maisons dans le coin. En tout cas, je ne me souviens pas d’en avoir aperçu quand nous sommes arrivés. Tu en avais vues toi ?

— Non, je me rappelle juste qu’on était bien contents qu’il nous ait sauvé la vie. Le reste est assez confus, comme dans un rêve.

Tobias approuva de la tête.

— Oui, j’ai la même sensation. Tous les matins, en me réveillant, je me dis que j’ai rêvé. Et puis en fait non, c’est bien la réalité : Capucine, Freya, la sorcière, Dramel… c’est un peu trop. Et toi ! C’est peut-être ça le plus bizarre. Un chat-panthère qui parle, et qui est doté de pouvoirs magiques, j’ai du mal à m’y faire. D’ailleurs, je m’interroge sur la nature de ceux que tu as reçus, et des miens aussi. Pour le moment je ne me sens pas différent d’avant, et toi ?

— Comme toi, pas différente. Enfin si ! De Perle, je suis devenue Sanirva, et ça, rien que ça, c’est déjà extraordinaire.

— Heureusement ! car c’est grâce à toi qu’on a pu échapper à l’archaronode. Tu l’as bien mené en bateau !

— Oui. Et elle ajouta avec une pointe de regret : mais Freya n’a même pas eu le temps de nous expliquer ce qu’elle avait fait pour nous. Elle a dit que je pouvais courir. Je m’en doute un peu ! Je courais déjà plutôt vite pour un chat, et maintenant que je suis une panthère de bonne taille, j’imagine sans peine la vitesse que je peux atteindre.

Elle regardait ses pattes avant avec envie et enchaîna dans un murmure :

— Peut-être que je peux battre des records… Mais bon dans cette maison, ça ne va pas être très pratique. Quand même, j’aimerais bien aller dehors pour voir…

Elle sortit de sa contemplation.

— Freya a manqué de temps, c’est dommage. Je me demande vraiment ce qu’elle a amélioré chez moi.

— Je ne sais pas Perle, heu, Sanirva, pardon. Mais pour ce qui est de courir, j’espère qu’on n’en aura jamais besoin parce que ça voudrait dire que ça chauffe pour nous ! Alors bon, pour chasser une proie je dis pourquoi pas, mais sinon bof. La course avec l’archaronode m’a suffi pour un bon moment. Comme entrée en matière, je trouve ça raide. En plus, on n’est pas sûrs que la piste évoquée par Dramel puisse donner quelque chose.

Les paroles firent place au silence.

Il faisait chaud la journée au contraire des nuits, particulièrement fraîches. Le bois des murs se dilatait et se contractait, provoquant des craquements, un peu effrayant au premier abord. Cela n’avait jamais dérangé Sanirva, habituée aux brusques changements des sons du monde extérieur depuis toujours. Quant à Tobias, il n’aurait pas su dire depuis combien de temps il demeurait chez Dramel, mais ce qui était certain c’est que les claquements du bois qui travaille lui faisaient peur. Ils remarquèrent cependant qu’il n’y avait plus un bruit venant de la maison, à part celui du feu dans l’âtre.

— C’est étrange, je n’ai toujours pas faim. Ni soif. Et malgré tout, je me sens en pleine forme. Et toi, Tobias ?

— Oui, c’est vraiment bizarre. C’est la même chose pour moi : je mange par politesse uniquement. C’est pourtant bon ce que prépare Dramel, mais trop copieux. Sinon, moi aussi je me sens en pleine forme, comme toi. Peut-être est-ce un « cadeau » de Freya ?

— C’est possible. Faut avouer que c’est assez pratique de ne pas se soucier ni de la nourriture ni de l’eau. Mais tout de même, j’aimerais bien chasser.

— Loin de moi s’il te plaît ! Tu sais bien que j’ai horreur de ça.

— Et je n’ai toujours pas compris pourquoi. En tant que Perle, je crois me souvenir que je t’apportais des cadeaux de temps en temps, et tu n’en voulais jamais. C’est quoi ton problème ?

— Oui, bon, c’est très simple : l’essentiel de ma nourriture vient du supermarché, je n’ai pas besoin de chasser pour me nourrir. D’ailleurs pour toi, c’est la même chose.

— Sauf que mon instinct me pousse à chasser, je n’y peux rien. J’aurais bien voulu t’apprendre, tu méritais bien ça en tant qu’ami de longue date.

— Ah ! c’est gentil ça Sanirva. Mais nous les humains, nous avons pour la plupart perdu cet instinct depuis que nous vivons dans une société « moderne ». Ça ne nous sert plus vraiment à grand-chose. On a plein de magasins pour satisfaire tous nos besoins.

— Mouais, bon, si tu le dis… En tout cas, c’est dommage qu’on ne puisse pas sortir, j’irais bien prendre l’air.

— Tu te souviens de ce que Dramel a dit : « Ne quittez pas la maison, pour votre propre sécurité. Si on vous voyait, je ne pourrais plus vous protéger ».

— Nous protéger de quoi, de qui ? Il n’y a personne dehors !

— Écoute Sanirva, ce n’est pas raisonnable. Dramel nous fait confiance et il a pris des risques en nous accueillant chez lui. Nous ne pouvons pas le mettre en danger. S’il ne nous a pas tout dit, c’est qu’il a ses raisons, je suppose.

Elle fit la moue. Elle ne le contredit cependant pas. Un craquement très sonore résonna dans toute la pièce : la dilatation du bois reprenait de plus belle et le bruit les surprit de nouveau. Sanirva savait qu’ils devaient être prudents, mais son instinct de chasseuse l’amenait à ressentir le contraire. Elle avait besoin d’aller dehors pour tenter de découvrir ce que Freya n’avait pas eu le temps de leur dire à propos de leurs nouvelles capacités. Malgré son désir ardent de partir, Sanirva se sentait contrainte de rester auprès de Tobias et de respecter la promesse faite à Dramel, ce qui la laissait bouillonnante d’impatience.

Comme ils n’avaient plus rien à faire de la fin de leur journée, ils finirent par s’allonger tous les deux près de la cheminée où un feu à l’aune de la taille de Dramel crépitait. Sanirva était à quelques centimètres du foyer et n’était aucunement gênée par la chaleur infernale qui s’en dégageait, au contraire de Tobias, qui ne pouvait pas s’en approcher à moins de plusieurs mètres.

— Comment fais-tu Sanirva pour supporter une chaleur pareille ?

— Chaleur, quelle chaleur ? Il fait bon, c’est tout. Pourquoi tu viens pas me rejoindre Tobias ?

— Parce que si je fais ça, je vais fondre comme un chamallow.

— Un quoi ? Non, mais c’est pas grave, je vais me mettre à côté de toi. Elle bâilla et s’installa tout contre Tobias en lui faisant comprendre que ce n’était pas la peine de lui expliquer ce qu’était un « chamallow ».

Le feu, même s’il était hors normes pour Tobias, avait tendance à lui procurer un je-ne-sais-quoi de rassurant : il se sentait un peu comme chez lui, et son moral remontait.

Ils étaient tous les deux allongés sur un tapis qui ne ressemblait à rien de ce que Tobias connaissait : à la fois très moelleux et très épais, couvert de longs poils doux, comme un croisement entre un matelas et une couette bien douillette. Il se cala dans une position idéalement confortable contre le flanc de son amie. Tous deux commençaient à fermer les yeux. Ils étaient bien installés et à cet instant précis ils n’avaient plus à se soucier de quoi que ce soit. Tobias était sur le point de s’endormir quand Sanirva redressa subitement le museau et s’écria :

— Mais c’est quoi cette horrible odeur ?!

Tobias sursauta et sortit de sa torpeur. Il bougea la tête dans tous les sens, essayant de repérer le danger signalé par Sanirva. Il n’avait cependant rien vu, rien entendu, ni rien senti.

— Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qui se passe Sanirva ? De quoi tu parles ? Il ne comprenait rien à l’agitation de la panthère. Mais si elle était aux aguets, il devait l’être aussi.

— Tu ne sens pas ?

— Sentir quoi ?

— Vraiment, tu ne sens rien du tout ?

Tobias releva la tête et inspira en s’appliquant du mieux qu’il put, car son amie semblait très préoccupée. Mais rien. Non, il ne sentait rien d’étrange ou d’inquiétant, comme du gaz ou de l’œuf pourri.

— Ben non, je ne sens rien du tout.

— Pas possible, rétorqua Sanirva, d’un ton impérieux. Mais bon, je suis d’accord, c’est assez ténu comme odeur. Par contre, qu’est-ce que ça pue ! Vraiment, ça sent le cadavre en décomposition. Et je sais de quoi je parle : en tant qu’ex-chat et nouvelle panthère, j’en ai vu passer des cadavres d’animaux.

Tobias baissa les épaules et soupira.

— Ah oui, pas besoin que tu me le rappelles. Pauvres oiseaux, pauvres souris…

— Oui oui bon, c’est comme ça. Je suis un félin carnassier, je chasse. Est-ce que je fais des remarques quand vous mangez ces choses vertes atroces qui puent ?

— Quoi ? Quelles choses ?

— Je ne me souviens plus du nom, mais passons. Moi je chasse, toi tu avales des trucs dégoûtants. Un point partout. D’ailleurs, je chassais aussi pour ta famille et toi, mais en faisant de moi un être parlant, Freya m’a donné la faculté de comprendre que ce n’était plus la peine.

Puis son attention se reporta à l’odeur qu’elle ne cessait de humer.

Tobias ne savait pas trop quoi dire. Il pensait :

Ouf, ça, c’est une très bonne chose ! Plus d’oiseaux ou de souris mortes à la maison. C’est les parents qui vont être contents.

— Tu veux qu’on tente de découvrir d’où ça vient ? proposa Tobias, ne trouvant pas quoi suggérer de mieux à faire, à part une sieste. Mais manifestement Sanirva en avait abandonné l’idée.

— Mmm, quoi ? Tu me parles ? Désolé, je n’écoutais pas, j’essaie d’identifier la nature de cette odeur. C’est troublant, ça ressemble à l’odeur d’un cadavre, mais ce n’est pas tout à fait ça non plus. Il y a autre chose. Tu disais quoi ?

— Oh rien d’important.

— Tu parles tout seul ?

— Bon, si tu veux vraiment le savoir – bon, tu m’écoutes là ?

La tête de Sanirva était de nouveau en train de humer l’air.

— Oui Tobias, bien entendu que je t’écoute, je fais que ça tout le temps. Sinon, tu disais quoi ?

— Juste qu’on pourrait essayer de voir d’où elle vient cette odeur étrange, en serrant les dents pour ne pas crier. Ça nous occupera.

— J’y pensais moi aussi, allons-y. Elle se mit à quatre pattes en un instant et avança sans se soucier de Tobias. Elle paraissait absente, concentrée sur la recherche de l’origine de la puanteur.

— Hé, attends-moi sac à puces !

Tobias était un peu vexé que Sanirva ne lui prête pas plus d’attention, mais celle-ci ne fit aucune remarque à propos du « sac à puces » : elle était vraiment ailleurs.

Ils sortirent du salon où ils s’étaient allongés et gagnèrent le couloir principal de la demeure de Dramel. Ils avancèrent de quelques mètres et découvrirent un petit renfoncement dans le mur, d’où partaient des marches et dont il ne distinguait que les deux premières : le néant emportait les autres avec lui. On aurait dit un puits sans fond.

— Tobias, ça vient de là.

— Il me semble que Dramel nous a expliqué que ça menait à la cave, mais je ne crois pas qu’il ait parlé d’escaliers. En tout cas, il ne nous a pas proposé d’y aller quand il nous a fait visiter sa maison. Ça tombait bien, j’ai jamais tellement aimé les caves.

— Cave ou pas cave, ça vient de là, c’est certain.

Tobias huma l’air.

— Toujours rien en ce qui me concerne. Mais je suis derrière toi Sanirva, je te suis.

L’escalier était étroit, les flans de Sanirva touchaient presque les deux bords. Elle s’apprêtait à descendre quand elle dit à Tobias :

— Tiens-toi à ma queue. Moi j’y vois bien, mais il n’y a pas assez de lumière pour toi et si jamais tu tombes, tu pourras t’y accrocher. D’ailleurs, fais attention, les marches sont assez hautes.

En effet, elles étaient taillées pour des individus de la taille de Dramel, mais pas du tout pour un garçon de quinze ans : son corps entier faisait presque la taille d’une contremarche. Ces acrobaties n’étaient pas du goût de Tobias, même si la panthère le guidait. L’escalier descendait abruptement en colimaçon et il faisait toujours aussi noir. À chaque fois qu’il franchissait une marche, il avait l’impression de tomber dans le vide. Il engagea la conversation pour cacher sa peur.

— Dramel doit avoir ce quoi s’éclairer quelque part, mais où ?

— En tout cas, c’est le bon chemin, l’odeur se renforce de marche en marche. Tu ne devrais pas tarder à pouvoir la sentir, je pense.

— Ben pour le moment toujours rien, c’est un peu frustrant d’ailleurs. T’as quand même un sacré nez !

— Sauf que c’est un museau et pas un nez. Mais oui Tobias, je ne sais pas s’il est aussi sensible qu’une panthère normale ou si c’est Freya qui l’a amélioré, mais j’en suis très satisfaite.

Tobias était convaincu qu’elle disait ça avec un large sourire. Il pensait désormais qu’elle avait une assez haute opinion d’elle-même, et que le « satisfaite » cachait une grande fierté quant à ses capacités. Ils n’en connaissaient pas l’étendue et chaque découverte renforçait leur confiance. Tobias était persuadé qu’en peu de temps ils retrouveraient Capucine, avec l’aide de Dramel. C’était d’ailleurs vraiment très gentil à lui de l’avoir proposé. Voilà pourquoi il les avait laissés seuls chez lui : il devait aller au village, situé à quelques heures de marche de sa maison pour interroger quelqu’un qui « connaissait tout sur tout », avait-il dit en partant, un vieil ami qui lui devait quelques services. S’il y avait quelqu’un qui pouvait leur fournir des informations sur une sorcière, c’était lui. Tobias aurait bien voulu lui offrir un cadeau de remerciement, mais il ne savait ni quoi lui donner ni comment se le procurer.

Il avait du mal à se faire guider par Sanirva tout en glissant de marche en marche. Elle ne disait rien. Sa mission occupant tout son esprit, elle faisait à peine attention à lui. Il finit par lâcher sa queue : elle dévalait deux marches quand lui en descendait difficilement une.

— Sanirva ! Attends-moi, j’arrive plus à te suivre !

— Tobias ? Tu tiens plus ma queue ?

— Oui parce que je ne suis pas aussi grand que toi ou que Dramel. C’est sacrément sportif de descendre ces fichues marches. On peut faire une pause ?

— D’accord, mais pas trop longtemps. Je pense que nous ne sommes pas loin du but. Et j’aimerais bien savoir ce que cette odeur cache. Une bête que Dramel aurait chassée ? Mais dans ce cas, pourquoi la laisser pourrir dans une cave ?

— Ou un rat mort ?

— Bof, ça sent trop fort pour un simple rat, même s’ils sont sûrement plus gros que chez nous. Et puis c’est pas une « simple » odeur, elle me paraît plus complexe que ça.

Tobias n’était pas très rassuré de ne rien y voir. Il avait beau faire confiance à Sanirva et à Freya, l’obscurité et cette étrange odeur détectée par la panthère minaient son esprit. Il n’avait jamais apprécié le noir. A part pour dormir, mais c’était chez lui, au chaud au fond de son lit, dans sa maison avec ses parents.

Papa ! Maman ! Vous me manquez…

Le courage lui faisait défaut. Sanirva l’avait peut-être senti : elle remonta et lui donna un petit coup de langue sur la joue.

— Tiens bon Tobias, je crois qu’on y est presque.

Il se leva, aidé par son amie.

— J’espère. J’aime pas trop cet endroit.

— Moi non plus, pas du tout. Ah c’est bon Tobias ! On a atteint la fin des escaliers et oh !

— Oh quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?

Sanirva était de nouveau en tête et était arrivée en bas la première. Tobias s’efforça d’accélérer la cadence.

De la lumière !

Les murs étaient phosphorescents. Faiblement, mais suffisamment pour pouvoir avancer sans risquer de se cogner.

— C’est bien dommage que l’escalier n’ait pas été phosphorescent lui aussi !

— Mais peut-être était-ce fait exprès ?

— Exprès ? Mais pourquoi ?

— Je ne sais pas vraiment. Décourager les curieux par exemple.

— Ouais, bon, on ne va pas trop traîner là. Tu la sens encore l’odeur ?

— Oui, plus que jamais. Et toi ?

— Non, toujours rien. Bizarre.

Ils étaient arrivés dans un étroit couloir sculpté dans la roche, parfaitement lisse. La faible lueur émanant des parois éclairait difficilement à deux mètres devant eux.

Ils avancèrent lentement. Ils commençaient à trouver l’endroit des plus lugubres et par voie de conséquence des plus suspects.

Ils avaient à peine progressé de quelques pas que la voie s’agrandit des deux côtés et ils débouchèrent alors dans une sorte de bric-à-brac. Ils ne voyaient pas grand-chose, car l’ardeur du halo, resté identique à celle du couloir, ne parvenait pas à tout illuminer. Ils aperçurent cependant ce qui ressemblait à des larges cuves, une belle quantité de ce qui pourrait être des tonneaux, accompagnés de caisses de bonnes tailles.

Tobias murmurait à présent.

— Sanirva, ça me dit rien ici. Tu la sens l’odeur ? Ça vient de ce bazar ?

— Pas du tout, ça continue tout droit face à nous, et c’est intense, je ne hume plus rien d’autre. J’ai même du mal à reconnaître la tienne.

Le cœur du jeune homme battait la chamade. Il n’était réellement pas réconforté et il aurait tout donné pour rentrer chez lui. Mais non, il avait accepté la mission que lui avait confiée Freya, il s’était engagé à retrouver sa sœur. Cependant à ce moment précis il ne se sentait pourtant pas de taille. Il posa une main sur le pelage de la panthère et son contact doux et chaud le rassura un peu.

— On continue ou on repart ? demanda-t-il à son amie.

— Je te propose d’aller jusqu’au bout du couloir. Il ne doit pas faire des kilomètres tout de même. S’il n’y a rien au bout, on fait demi-tour et on discutera après si on reste dans cette maison ou pas.

— Et s’il y a quelque chose ? La voix de Tobias tremblait plus qu’il n’aurait voulu.

— À peu près le même plan je dirais. Sanirva souriait et c’était assez impressionnant, car on voyait sa mâchoire et tous ses énormes crocs.

Ils firent quelques pas et l’immense débarras laissa la place à un simple couloir, le même que celui qu’ils venaient de suivre. À une petite différence près : Tobias percevait maintenant un son régulier, une vibration sourde qui se rapprochait fortement d’une pulsation cardiaque, un « ba boum ba boum, ba boum ba boum ». Et plus ils avançaient, plus il ressentait ce « pouls » distinctement.

— Tu l’entends Sanirva ?

— Entendre quoi ?

— Ben le son, qui ressemble au battement de nos cœurs.

— Pardon ?

— Ben oui, quoi, ça me parait assez fort pourtant. Et je n’ai pas ton ouïe de chat-panthère.

— Non, je n’entends rien du tout, et encore moins un bruit de battement de cœur. Par contre, je sens toujours cette drôle d’odeur.

— Et moi, absolument rien de nouveau de ce côté-là. C’est quand même vachement bizarre.

— J’ai comme l’impression que Freya n’est pas étrangère à tout ça.

— Tout ça, tout ça ? fit-il en désignant avec ses bras le couloir et par là toute la maison de Dramel.

— Non, pas « tout ça, tout ça » fit Sanirva en l’imitant avec sa patte gauche, mais « tout ça », nos capacités spéciales à sentir ou entendre des choses que nous sommes seuls à pouvoir sentir ou entendre.

— Ah oui, ça. Peut-être bien. Dis comme ça, dans cet endroit, ça fout un peu la pétoche.

— Si elle nous a donné ces capacités, c’est pour nous aider, pas pour faire joli. Tu ne devrais pas les craindre.

— OK, si tu le dis. Mais c’est flippant. Enfin, dans d’autres circonstances que celles-là, ça irait. On dirait que nous ne sommes pas seuls ici. J’aime pas trop ça en fait, j’aurais préféré ne pas entendre ce maudit « ba boum, ba boum ».

— Bon, j’ai compris Tobias. Ça te fait peur. Mais dis-moi, il vient d’où ce bruit ?

Elle voulait focaliser l’attention de Tobias sur une chose concrète pour calmer son esprit qui imaginait toujours le pire.

— Je dirais que ça vient de devant nous. Je crois que plus on progresse, plus le son est clair et net.

— Pareil que pour l’odeur. Il va bien s’arrêter ce couloir-tunnel sapristi !

Ils avancèrent encore quelques mètres en remarquant que la luminosité augmentait. Ils finirent par y voir presque aussi bien que s’ils étaient dehors.

Ils tombèrent nez à nez avec une porte, phosphorescente et dont l’éclat pulsait comme un phare.

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