Quelle drôle de rencontre

Notes de l’auteur : Ceci est le premier chapitre de la deuxième partie.

Dramel est de forte méchante humeur aujourd’hui. D’abord, c’est son anniversaire et personne ne le fête avec lui. Toutes ses connaissances vont au combat de razohères : deux rares rescapés des chasses sauvages ont été découverts près de chez eux, c’est très étrange. Mais quelle aubaine ! Un autre jour qu’aujourd’hui, oui, peut-être, mais pas maintenant. Il trouve que c’est du gaspillage et c’est toujours la même chose : ils se cognent, se déchirent, s’étripent, l’un gagne, l’autre perd. Pas intéressant. Certes, les razohères impressionnent autant qu’ils tuent, mais ce n’est pas une raison pour s’adonner à ces stupides bigornes : il préfère admirer l’exemplaire de sa collection.

Pfff, quelle bande de nuls ! Dramel se dit que rester chez soi peut être sympa en temps normal, mais tout de même, tout seul, un jour comme celui-là…

Aller à ce combat ? Non, finalement, non, c’est vraiment pas mon truc. Qu’est-ce que je vais pouvoir faire ? Retourner voir ma collection ? Bof, je la connais par cœur et ça fait des lustres que je n’y ai pas ajouté de nouvelles pièces. Donc non.

À force de se triturer les méninges pour savoir quoi faire en ce jour très spécial, il finit par se décider pour une balade en forêt. Le genre de promenade qu’il affectionne : pas trop longue et au calme, peut-être d’ailleurs fera-t-il des rencontres intéressantes. Pourtant, une seule lui suffirait : croiser un spécimen rare pour enrichir sa collection. Il le sait, découvrir un animal inconnu aux portes de sa maison est aussi probable que de tomber sur un individu plus petit que lui. De tous ceux du village, c’est lui le plus ridicule à cause de sa taille. L’Ancien lui avait un jour dit pour l’embêter qu’il était un nain. Sauf que non, il est juste un peu moins grand que les autres, c’est tout. D’ailleurs, le vieux était tellement vieux qu’il perdait la boule : les nains, ça n’a jamais existé que dans les contes pour les gamins. Dramel n’avait jamais apprécié l’Ancien, bien au contraire : sa mort l’avait bien réjoui.

Il fait bon sous les arbres et il profite d’un relatif beau temps : pas de pluie aujourd’hui ni d’envolées de terre. Ça, c’est le plus pénible : quand le sol se met à remonter vers le ciel par morceaux. Une averse en fin de compte, c’est tout de même plus agréable. Malgré ces petites considérations sur la météo, ses pensées reviennent très vite vers sa principale préoccupation : son anniversaire.

Elle n’est toujours pas là. La nuit va bientôt s’installer et Elle l’a oublié.

Je ne compte pour rien du tout alors ? Pourtant c’est grâce à moi qu’Elle a pu avoir tous ces détails sur l’arrivée du razohère et son déplacement dans une nouvelle cellule. Et sa cachette dans le désert, qui la lui a trouvée ? Bref, c’est à moi qu’Elle doit sa liberté, et Elle me pose un lapin le jour de mon anniversaire ! Quelle ingrate ! Dire qu’Elle m’avait promis un cadeau qu’Elle m’apporterait Elle-même aujourd’hui. Tout le monde aurait célébré sa venue. Ils auraient laissé tomber ce stupide combat. Peut-être lui est-il arrivé malheur ? Ah j’espère que non sinon c’est la fin de nous ! Et je ne servirai plus à rien. Non, Elle a dû être retardée pour une bonne raison. Oui, mais laquelle ? Ma bien-aimée, tu ne peux pas m’oublier, je suis inoubliable tellement je suis parfait !

Dramel était plongé dans ses réflexions. Il ne prêta donc pas attention à des bruits qu’il n’avait plus l’habitude d’entendre depuis longtemps : une respiration saccadée et la végétation repoussée brutalement par la course de quelqu’un qui semble vouloir échapper à un danger imminent.

Il se penchait pour examiner de plus près une sorte de champignon velu à grande tige lorsque quelque chose lui percuta les jambes par-derrière.

— Mais qu’est-ce que c… ?

Il n’eut pas le temps d’aller plus loin dans l’expression de sa surprise, car celle-ci atteignit son apothéose quand il découvrit juste devant lui, dépassant des hautes herbes, l’animal le plus étrange et somptueux qu’il eut jamais vu. Il se redressa, et observa un être à quatre pattes, tout de noir vêtu, à l’exception de l’extrémité du museau, d’un blanc immaculé. La bête n’arrivait pas à sa hauteur, mais en regardant mieux, il se dit qu’une fois levée sur pattes arrière, elle approcherait de très près sa taille.

Impressionnant. Je pense que j’ai trouvé mon cadeau d’anniversaire. Si je m’attendais à ça…

Il était plongé sans sa contemplation quand il sentit de nouveau les herbes à ses pieds qui bougeaient. Il se pencha, gardant tout de même un œil sur la créature qui le fixait sans ciller. Il estimait qu’elle se trouvait à peine à une dizaine de mètres de lui et pourrait d’un bond lui sauter dessus, sans aucun effort. Il écarta délicatement les fougères et échappa un juron au moment où il aperçut un nain, en train de se redresser, qui avait l’air un peu sonné. À peine l’avait-il découvert que la bête se mit à feuler. Il fut saisi de terreur. Ce cri, à nul autre pareil, vous glaçait le sang. Dramel était figé et aucun de ses muscles ne pouvait bouger.

— Tobias, tu vas bien ? Réponds-moi s’il te plaît !

Dramel, déjà sur le coup d’une grande émotion, n’imaginait pas pouvoir être plus abasourdi encore. Et pourtant. Ses pensées se bousculaient dans sa tête, et n’osant esquisser le moindre mouvement, il continuait de fixer la créature fantastique.

Elle parle ! Elle parle ! Ce n’est pas possible, je rêve !

À ses pieds, le nain émit quelques petits gémissements, se redressa tout à fait et répondit à la bête.

— C’est bon, Sanirva, ça va. Je suis un peu sonné, mais ça me paraît normal. Sacré tronc d’arbre. C’est bizarre que je ne l’aie pas vu.

Il considéra les alentours, sans lever la tête, et dut se rendre à l’évidence que le tronc qu’il pensait avoir heurté avait disparu. En effet, Dramel s’était déplacé et sa jambe ne se trouvait plus devant de lui.

— On a fini par semer l’autre horrible machin ?

— Je ne sais pas. Par contre, surtout reste calme, n’oublie pas que je reste près de toi. Et prends le temps de jeter un œil en l’air. Doucement. Tout doucement.

Après avoir hésité, il suivit sa suggestion. Et il comprit qu’il n’avait pas heurté un arbre, mais les jambes d’un homme qui devait mesurer environ trois ou quatre fois sa taille.

Dramel le vit blêmir.

La créature magique et ce nain sont donc liés. C’est surprenant, je pensais qu’ils n’avaient jamais existé ! L’Ancien avait-il raison ? J’aurais dû le laisser en vie pour en savoir plus en fin de compte. Mais comment ce nabot a-t-il pu acquérir cette merveilleuse créature ? Et j’ai cru un instant qu’elle parlait. Mais j’ai dû rêver.

Dramel n’eut pas le temps d’approfondir ses réflexions, car le poursuivant des étrangers arrivait dans un vacarme assourdissant. Le bruit strident émanant de cette affreuse bestiole vous vrillait les tympans : de solides bouchons d’oreilles faisaient partie de l’attirail nécessaire pour le chasser.

Toujours aussi vilain et pénible, cet archaronode, pensa Dramel. Et pourtant, quel combattant ! Dommage que je doive m’en débarrasser, mais j’en possède déjà un exemplaire dans ma collection : la bête noire m’appartient, alors pas touche !

Leste malgré son poids, le géant grimpa sur un arbre pendant que l’archaronode approchait.

— Faites comme moi, cria-t-il aux deux autres restés en bas.

Dramel ne les vit pas hésiter longtemps. L’animal noir fit la courte échelle à son compagnon : il put ainsi gagner les premières branches d’un immense arbre qui ressemblait à un séquoia.

Quoi ? Elle a compris ce que je disais la bête ? C’est pas possible ! Inimaginable…

Dramel allait de surprises en surprises et pourtant la journée était à peine entamée.

L’espèce de mareau gris se hissa sans peine à côté de celui qui semblait son ami et répondant au nom de « Tobias ». Dramel les observait attentivement pendant que l’archaronode tentait tant bien que mal de s’attaquer à l’arbre où se trouvaient les deux étrangers.

On dirait vraiment un mareau gris, mais en beaucoup plus grand et plus foncé. Et en sûrement moins piquant. « Sanirva », c’est ainsi que le nain, le « Tobias » l’a appelée.

Dramel connaissait le point faible de l’archaronode : il suffisait de prendre un peu de hauteur et de sauter dessus, bien au centre, pour l’écraser. Allez savoir pourquoi, mais le minuscule bout de cerveau dont il était doté se cachait juste en dessous. Dramel l’avait vérifié lorsqu’il l’avait préparé pour devenir un membre de sa collection. Sauf que cet exemplaire-là, il pouvait l’écrabouiller comme bon lui semblait, il n’avait pas à protéger ses organes essentiels pour le garder « en vie ». Mais pour cela, il fallait peser assez lourd. L’archaronode, loin d’être malin, était cependant bien équipé : six pattes larges et deux paires de « bras » en forme de lames. Son bec, sous son corps, ressemblait à un plateau à fromage en forme de crochet à viande, c’était assez curieux à regarder.

Dramel prit un peu de hauteur, tout en surveillant leur assaillant qui faisait des entailles sur l’arbre, un teillardot, où se trouvaient le nain et la bête. Il devait bien mesurer cent cinquante mètres de haut, ce qui impressionnait Dramel, car d’habitude ils mesuraient en moyenne vingt à trente mètres de moins. Son tronc monumental rendait donc ridicules les tentatives de l’archaronode pour le cisailler. Dramel souriait.

Sont cons ces archaronodes, lui comme tous les autres s’il pense pouvoir le couper, même avec ses lames de compétition.

Et il grimpa encore un peu.

Quand il jugea qu’il avait atteint la hauteur nécessaire, il s’avança sur une branche bien épaisse, suffisamment en tout cas pour supporter son poids. Et il se laissa tomber les pieds devant, alors que les « bras » de l’animal s’affairaient ailleurs. Celui-ci le vit arriver, mais trop tard, juste assez cependant pour avoir le temps de produire un vacarme horrible avec son bec, presque aussitôt couvert par le fracas infernal de Dramel le réduisant en bouillie.

Et voilà une bonne chose de faite, pensa-t-il en souriant béatement et en se relevant sans une égratignure, sa chute ayant été amortie par le corps de l’archaronode.

Il parcourut des yeux les alentours tout en époussetant sa veste en peau de marlin-quatre.

J’aurais pas dû mettre ça pour aller me promener, j’avais oublié combien c’est salissant et que ça accroche trop tout ce qui traîne. Mais tout de même un archaronode, si près ?

Il observait le nain Tobias et la magnifique créature Sanirva qui le regardaient faire.

Le nain a les foies, ça se voit. Mais a-t-il plus peur de l’archaronode que de moi ?

— Descendez, il est hors service maintenant. Vous ne risquez plus rien.

Ils n’avaient pas l’air convaincus. Il les voyait discuter entre eux.

Une bête intelligente et qui parle. Ça ne peut pas exister. Et pourtant, en voilà une juste devant moi.

— Prenez votre temps, je ne suis pas pressé.

Il s’assit par terre en tailleur et entreprit d’observer une lame de l’archaronode en attendant qu’ils se décident à venir.

— Je vous ai sauvé la vie, soit dit en passant. Et je ne sais pas pourquoi je vous dis ça, mais c’est mon anniversaire aujourd’hui. Je serai très heureux d’avoir un peu de compagnie. Descendez, je vous mangerai pas !

— C’est vous qui le dites ! Chez nous, les gens comme vous ils mangent les gens comme moi.

C’était le nain qui parlait. On sentait bien qu’il n’était pas rassuré. L’animal noir demeurait muet, mais Dramel voyait bien qu’il avait envie de se rapprocher : la peur ne semblait pas l’habiter.

Dramel sourit en entendant sa réponse.

« C’est vous qui le dites ». Oui, c’est moi qui le dis.

— Maladroit que je suis, j’ai oublié de me présenter. Je suis Dramel, et comme je le précisais à l’instant, c’est mon anniversaire aujourd’hui. Je me sentais un peu seul, alors je suis venu faire un tour dans ces bois. Bien m’en a pris, je crois. Et non, je ne mange rien de ce qui te ressemble. Les nains, j’aime pas ça, c’est trop dur à mâcher. Hahahaha !

Son rire sonore résonnait dans la forêt et celle-ci semblait l’amplifier. Tobias se boucha les oreilles.

— Allez, un peu de sérieux, si je voulais je pourrais vous attraper en deux temps trois mouvements. Je connais cette forêt comme ma poche et pas vous que je sache ? Vous tombez d’où d’ailleurs ? Allez, approchez-vous, ça m’éviterait de crier.

Il se releva et se dirigea vers eux. Il jeta des coups d’œil à la grande bête noire sans trop paraître insister. Il réajusta ses vêtements, surtout son pantalon qui avait un peu glissé au moment où il avait atterri à pieds joints sur le dos de l’archaronode. Il essaya tant bien que mal de rectifier sa coiffure, car les deux épis au sommet de son crâne lui donnaient un air négligé. Il tenta de les aplatir avec un peu de salive qu’il avait déposée discrètement dans le creux d’une main. Pas assez pour ne pas avoir été remarqué par le nain qui prit un air dégoûté. Dramel haussa les épaules.

Il arriva au pied de l’arbre en s’efforçant de faire la meilleure impression possible. Il esquissa son plus beau sourire. Il se rappela heureusement à temps qu’il avait de mauvaises dents et qu’il valait mieux ne pas les montrer tout de suite. Il referma la bouche tout en maintenant son sourire, ce qui se traduisit par une grimace fort déplaisante.

— Qu’est-ce qui se passe avec votre visage ? On dirait que vous avez mal.

— J’essayais juste de sourire, mais ça doit être un peu raté. Il avait l’air déçu. Bon, vous vous décidez à atterrir, qu’on fasse connaissance ?

Le « Tobias » et la « Sanirva » reprirent leur conversation. Et ce fut Sanirva, l’animal que Dramel convoitait désormais plus que tout au monde qui descendit le premier. Elle le toisait, prête à riposter en cas de geste suspect. Tobias la suivait, qui détaillait les environs, à l’affût lui aussi du moindre signe qui aurait pu donner l’alerte.

Le regard de la bête noire mettait Dramel mal à l’aise. Il avait l’impression qu’elle pouvait deviner ses intentions.

Pfff, non, impossible. Des animaux qui parlent, admettons, j’en ai un sous le nez. Mais qui lisent dans les pensées ? Non, impossible. Tout à fait impossible.

— Vous êtes Dramel, c’est bien ça ? Sanirva lui avait posé la question. Elle le fixait toujours. C’est à celui qui baisserait les yeux en premier. Leur premier duel.

Et ce fut Dramel qui céda. Il détourna les siens pour observer Tobias juste derrière, avançant prudemment dans les pas de son amie.

— Oui, c’est bien ça. Et vous êtes Sanirva ? Et le nain c’est Tobias ? Je vous ai entendu parler tout à l’heure, avant que l’archaronode ne vienne troubler notre rencontre.

Sanirva était vraiment magnifique. Haute et majestueuse, elle inspirait la crainte et le respect au regard de sa carrure impressionnante. On sentait de suite que ce n’était pas le genre d’animal à sous-estimer. Dramel l’avait tout de suite compris et son esprit avait commencé à élaborer un plan pour la capturer.

— Le quoi ? demanda Tobias qui s’avançait très lentement, pour se rapprocher le plus possible de Sanirva.

— L’archaronode. Ils ne sont ni très malins ni très rapides, mais ils sont bien équipés pour se déplacer sur de longues distances et leurs bras-lames sont assez efficaces, sauf contre un tronc de teillardot. Franchement, faut être stupide pour vouloir en cisailler un. On dirait qu’ils n’apprennent rien ceux-là. J’en croisais souvent et je les ai toujours vus tenter de capturer une proie réfugiée sur un teillardot en s’escrimant pour rien à essayer d’en couper un. Et au bout du compte, c’est assez facile de les détruire : vous leur sautez dessus en plein milieu de leur soi-disant carapace et hop, terminé. C’est assez mou pour que n’importe qui puisse passer au travers. Enfin, quelqu’un comme moi, ajouta-t-il. Bon, faut pas se louper parce que sinon on se fait déchiqueter par les lames.

Il accorda une curieuse attention à la carcasse de l’archaronode et poursuivit :

— Si ça vous chante, vous pouvez y jeter un œil. Enfin, à ce qui en reste. Je lui ai un peu marché dessus en faisant exprès, dit-il en essayant péniblement de sourire à nouveau.

— Non merci, sans façon répondit Tobias.

Sanirva prit la parole.

— Je peux vous poser une question ?

— Tu le fais déjà, il me semble. Mais vas-y.

— Vous êtes quoi, un géant ?

— C’est quoi un géant ?

— Quelqu’un de grand, comme vous.

— Je ne suis pas particulièrement grand. Je suis même plus petit que la moyenne des gens de mon âge. Par contre, toi le mareau gris, t’es pas particulièrement petit, contrairement à celui qui t’accompagne. Une fois dressée sur tes pattes arrière, tu dois être bien impressionnante.

— Mareau gris ? Mais c’est quoi ça ? Je suis pas un mareau gris, je suis une panthère ! Bon, je parle, c’est vrai, mais c’est une longue histoire et je me demande si j’ai envie de vous la raconter.

— À ton aise, Madame la Panthère, lâcha-t-il en haussant de nouveau les épaules.

Il ne savait pas comment relancer la conversation, alors qu’il se heurtait à la froideur de Sanirva. Finalement, sa curiosité l’emporta.

— Et vous venez d’où comme ça ? C’est plutôt désert dans le coin, parce qu’après la forêt, y’a pas grand-chose à part un immense ravin infranchissable. Ça m’étonnerait que vous arriviez de là.

Tobias et la panthère Sanirva se regardèrent et restèrent silencieux. Manifestement leur histoire devait être intéressante, sinon ils ne seraient pas muets comme des tombes.

— Je comprends, on vous aura dit de vous méfier des gens que vous ne connaissez pas. À juste titre. Et il essaya de sourire, encore. Son visage prit alors une expression indéchiffrable : peut-être celle de quelqu’un qui essayait de se lécher les babines avec une langue trop grosse pour sa bouche ? Il reprit, inconscient du trouble qu’il avait provoqué :

— Faisons donc connaissance !

— Sauf qu’on a un peu de mal à vous faire confiance, répondit Tobias. Je l’ai déjà dit : là d’où nous venons, les grands comme vous mangent les petits comme nous.

Après un petit temps de réflexion, il ajouta :

— Enfin, pour être exact, les gens comme vous ça n’existe pas en fait. En terminant sa phase, Tobias avala de travers ce qui le fit tousser.

— Ah bon ? C’est un drôle de pays là d’où vous venez. Nous, on mange pas les nains. On pourrait juste les chasser. Mais il garda cette pensée pour lui. Ça serait pas plutôt cette « panthère » qui pourrait te manger ?

— Normalement, elle pourrait, mais c’est mon amie. C’est un peu long à raconter. Sinon oui, enfin, pas tout à fait, disons que dans les histoires que tout le monde connaît, en général, les géants sont aussi des ogres. Ils mangent les enfants.

— Ah, d’accord, si ce sont juste des histoires, pas de raison de les croire alors. Moi, je suis là devant vous et je ne mange pas les « enfants ». Même si je ne sais pas ce que c’est.

— Un enfant ? Vous ne savez pas ce que c’est ? C’est curieux ça. Pour faire simple, c’est quelqu’un comme moi, pas encore une grande personne, un adulte. Un jeune quoi.

— Oui, admettons. Mais je ne mange que des légumes, des fruits et quelques animaux comestibles, quand on en trouve, ce qui se fait de plus en plus rare ces temps-ci. Je ne mange ni « enfants » ni « jeunes » ou autres êtres bizarres. Ici, on n’a pas tout ça. Je n’avais jamais vu de « panthère » jusqu’à aujourd’hui, et je trouve, madame Sanirva, que vous êtes absolument superbe. Vraiment. La couleur de votre pelage, votre musculature, et le fait que vous parliez ! C’est extraordinaire. Ils sont tous comme ça les animaux du coin d’où vous êtes ?

— Non, lui répondit Sanirva. Je suis la seule comme ça. Et j’en suis très fière.

Tu m’étonnes. Et tu es la seule ? J’ai décroché le jackpot ! Quel merveilleux cadeau d’anniversaire, vraiment !

Une petite larme tomba d’un œil et se perdit dans sa bouche. Il la lécha discrètement, mais avec délectation. Il renifla d’aise et son sourire se fit le plus large possible, montrant ses dents pleines de taches noires.

— Oui, je comprends. Dites-moi, je n’habite pas très loin. Voulez-vous venir avec moi ? Vous pourrez vérifier que je ne mange personne. Et si ça vous chante, vous aurez tout le loisir de vous reposer et de grignoter quelque chose, si jamais ma nourriture peut vous convenir, bien sûr.

À ce moment-là, le « Tobias » s’approcha de l’oreille de son amie qui se baissa légèrement, tandis que lui-même se hissait sur la pointe des pieds et il lui glissa quelques mots à voix basse. Il crut entendre « Freya », mais il n’en était pas sûr et il ne savait pas qui ça pouvait bien être.

Peu importe, on verra ça plus tard.

Au bout d’un moment et après maintes discussions, ils acquiescèrent ensemble à la demande du géant.

Ils emboîtèrent tous les deux les pas de Dramel, qui sortit une flûte de sa poche et commença à jouer un air envoûtant.

Victoire !

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Seol
Posté le 09/05/2024
Salut Erion,
J'aime bien l'ellipse où on est directement dans l'aventure de Tobias et Sanirva mais avec un autre point de vue.
Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris : c'est Dramel qui a tué l'Ancien ?
Je me suis posée la question de la pertinence de mon prochain commentaire mais je te le dis et tu en fais ce que tu veux : je n'aime pas trop le "bras" entre guillemets qui me donne l'impression que tu n'as pas trouvé d'autre mot pour en parler, alors que Dramel semble en plus assez spécialiste sur les animaux. Mais c'est peut être une sensation très personnelle seulement.
Je me demande comment Sanirva connaît le nom de Dramel : ça fait parti de ses pouvoirs aussi et on en saura plus plus tard ?
Il y a juste un dialogue de Dramel qui me semble moins soutenu que les autres et donc moins cohérent.
Sinon j'aime beaucoup le ton utilisé pour raconter et tout l'univers que tu créés !
erion lampusa
Posté le 21/05/2024
Hello Seol,
"Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris : c'est Dramel qui a tué l'Ancien ?" => le fait que tu te poses la question c'est tout à fait ce que je voulais :).
Pour le "bras", c'est entre des pattes et des bras qui auraient une unique fonction. Malheureusement je ne sais pas dessiner correctement, autrement j'aurais pu joindre une illustration :). C'est comme si Dramel l'expliquait au lecteur, mais j'ai pas trouvé d'autres façons de le faire en effet.
Et sinon, Dramel se présente à Tobias et Sanirva un peu plus haut. C'est peut-être pas très clair la façon dont c'est fait ?
erion lampusa
Posté le 21/05/2024
Merci beaucoup pour tous tes retours, ça m'aide beaucoup. 🙏
Seol
Posté le 21/05/2024
Ah oui au temps pour moi pour la présentation.
C'est vraiment très personnel, mais soit j'enlèverai les guillemets de bras comme ça c'est assumé que ça s'appelle un bras et que c'est pas fait pour marcher dessus, soit j'utiliserai un autre terme. Mais encore une fois, je suis peut etre la seule que ça choque
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