Quelques imprévus

Par Lyrou

     Quand elle s’occupait du funiculaire et qu’il fermait le midi, Charly mangeait à peu près une fois sur deux dans l’hôtel, ou au village en contre-bas de la montagne. Cette fois-ci le service des rails prit fin pour le matin alors que la cabine était tout en haut, elle prit donc un petit repas en cuisine pour le manger dans la salle commune. Quand il faisait encore suffisamment bon dehors elle mangeait sur les bancs situés à l’extérieur, face aux autres montagnes et au dessus d’une vallée que l’on ne pouvait qu’apercevoir, mais il faisait maintenant décemment pas assez chaud pour rester aussi longtemps exposé au froid et à la neige qui avait déjà commencé à coloniser les bancs.

Elle avait quasiment finit son repas en compagnie de Hans et d’Eugène quand un cri strident résonna dans l’hôtel. Les clients qui déjeunaient relevèrent tous la tête de leur assiette en même temps, et quelques autres visages curieux surgirent des portes du premier étage. Les trois employés en pause repas sortirent de leur salle et trouvèrent dans le hall un Charles tremblotant fournissant des explications décousues à une Nicole qui ne comprenait pas bien où il voulait en venir. Il vit Charly comme une venue salvatrice dans sa quête pour se faire comprendre et commença à expliquer plus calmement la situation. Avant même qu’il aie réellement put en venir au fait débarquèrent essoufflées dans le hall deux comédiennes, Rose et Michelle, les traits tirés par l’horreur. La première attrapa Charly par les épaules, sachant qu’elle s’occupait du funiculaire, et d’une voie saccadée parvint à prononcer :

 

- Allez, chercher, des policiers, en bas...

 

- Mon dieu mais quelle horreur, la coupa Michelle

 

- Qu’est ce qu’il se passe ? s’inquiéta Charly

 

- C’est très urgent quelque chose de très grave est arrivé cette nuit , (Michelle s’interrompit et se pencha pour lui murmurer à l’oreille) un meurtre.

Charly eu un mouvement de recul et déglutit.

 

- Vous en êtes sûre ?

Les trois hochèrent la tête tandis que Hans et Eugène se regardaient penauds sans bien comprendre la situation. Rose poursuivit :

 

- Les autres sont encore là-bas à essayer de le ranimer mais il a perdu beaucoup de sang, je ne pense pas qu’il soit possible de le ramener...

 

- « Il », mais qui ?

 

- Arnfried, souffla Charles

 

- Mon Dieu mais quelle horreur, reprit Michelle.

 

À ce moment précis Hans assembla les éléments qu’il avait pu entendre et prit la décision d’aller alerter M.Deladoey fils, qui abandonnait pourtant très rarement ses quartiers d’où il gérait les comptes de l’hôtel, les stocks, et les réservations. De leur côté Eugène et Charly suivirent le mouvement des trois qui retournaient vers la salle de théâtre où devait avoir lieu des répétitions cet après-midi. Quand le hall se vida en ne laissant que Nicole au bureau d’accueil, les quelques curieux qui se penchaient au dessus du balcon de leur étage rentrèrent et le calme revint. La salle de spectacle en revanche, l’était beaucoup moins. Tout le monde était catastrophé. Dans une marre de sang au milieu des coulisses gisait Arnfried entouré de quelques membre de la troupe fixe se demandant si tout cela était bien vrai.

 

- Je file au commissariat, souffla Charly avant de courir à l’extérieur et de sauter dans le funiculaire.

 

Quand elle remonta avec un policier, M. Deladoey fils avait rejoint les coulisses. Charly ne l’avait encore jamais croisé. C’était Mme. Galland qui s’était occupée de la recruter et elle n’avait en réalité jamais aperçut son employeur. Quand il la vit arriver il haussa un sourcil. C’était un homme grand et mince au traits fins qui dégageait une bienveillante sévérité et une élégance qui jurait un peu avec la situation. Il serra la main de l’agent puis celle de Charly en lui lançant un regard interrogateur.

 

- Charly, Monsieur. Madame Galland m’a engagée fin Août.

 

Il hocha simplement la tête en réponse et lui adressa un léger sourire avant de se retourner vers le policier pour étudier la situation, hochant régulièrement la tête pendant que celui-ci parlait, sans prononcer un mot. L’agent étudia l’endroit, le corps, et ce qui à proximité aurait pu servir au crime, afin de vérifier assez rapidement qu’il s’agissait bien d’un meurtre et non d’un accident. Étant donné qu’accroché au mur pendait ensanglanté le crochet qui servait à attacher les rouleaux de décor aux tringles, et qu’y était écrit avec le liquide rouge « Fin de l’Acte Anfrid », la première hypothèse parut assez évidente. Aussitôt l’agent demanda à ce que tout le monde garde son calme tant qu’il n’avait pas fait monter d’autres collègues, et que l’on évite de prévenir les clients pour le moment. En retournant dans le hall il indiqua aussi à M.Deladoey que personne ne devait sortir de l’hôtel sans autorisation jusqu’à nouvel ordre et l’invita à le suivre au village.

 

- Le funiculaire est fermé à cette heure-ci, souffla-t-il en regardant sa montre, qui s’en occupe ?

 

- Moi Monsieur, clama Charly après voir fait un pas en avant.

 

- Je suis désolé Monsieur mais le personnel n’est pas non plus autorisé à quitter l’hôtel.

 

- Vous savez comment fonctionne le funiculaire ? Parce-que moi non, et à moins que vous ne teniez à descendre en luge, il n’y a pas tellement d’autre solution. Vous êtes nouvelle Charly n’est-ce pas ?

Elle hocha vigoureusement la tête.

 

- Comment s’épelle le nom de la victime, demanda le policier en sachant qu'il y avait une erreur sur le mur, plus par conscience professionnelle que convaincu que cela fusse un réel moyen de savoir si la gamine était innocente ou non.

 

- Arnfried A, R, N, F, R, I, E, D Monsieur

 

- C’est l’orthographe exacte ? Demanda-t-il à M.Deladoey en se tournant vers lui.

 

- Oui. Y va-t-on ? Je pense qu’attendre aussi longtemps n’est pas nécessaire, considérez que si cette jeune fille est impliquée dans l’incident d’une manière ou d’une autre j’assumerai les conséquences de mon choix de lui faire confiance. Sommes-nous d’accord ?

 

Le policier soupira puis pour toute forme de réponse demanda à ce que les grandes portes soient fermées à clé derrière eux. M. Deladoey en chargea Eugène et sorti à son tour en suivant Charly et l’agent qui se dirigeaient vers le funiculaire. À quelques pas de celui-ci Charly tiqua. On ne voyait plus la cabine. Arrivée à sa hauteur le constat était sans appel : elle n’était plus là. Les trois se penchèrent au dessus du vide, au fond duquel gisait la dite cabine. Quelques mouvements de têtes suffirent pour que tous se croisent du regard et ils revinrent simultanément à leur position initiale.

 

- Je vais descendre pour voir si la cabine était en fin d’âge ou si c’est un sabotage, déclara Charly en la pointant du doigt.

 

Devant leurs réticences elle leur assura que ce n’était pas dangereux, et qu’il lui suffisait de glisser le long des rails, ce qu’elle fit. Le policier et M.Deladoey restèrent penchés au dessus d’elle, un peu crispés, et l’observèrent en silence quand elle commença à secouer la carcasse de l’engin pour l’ouvrir et l’ausculter. Quand elle releva la tête vers les deux visages qui dépassaient de la montagne, c’était pour leur adresser une grimace qui voulait tout dire. Les deux hommes échangèrent un regard pour vérifier qu’ils avaient compris la même chose et descendirent à leur tour le long des rails, non sans difficultés, pendant que Charly extrayait de la cabine ce qu’elle y avait trouvé avec un pragmatisme qui l’étonnait elle même.

 

- Une cliente ?

 

- Oui. Mademoiselle Rosenthal, elle vient ici tous les ans depuis cinq avec son compagnon.

 

- C’est fou je ne l’avais jamais croisée...

Le policier toussa pour interrompre la conversation.

 

- Soit c’est un délit de fuite soit c’est un deuxième meurtre. Dans les deux cas les renforts sont nécessaires. Il y a-t-il un autre moyen de descendre au village ? demanda-t-il finalement

 

- J’ai bien peur que non.

Charly acquiesça et ajouta :

 

- À partir du point où l’on est la descendre est très raide et la paroi très rocailleuse. C’est impossible d’arriver en bas sans se tuer.

Il y eut un silence puis un seul soupir pour le briser :

 

- Merde, souffla le policier, Bon et bien… retournons dans votre établissement avant que les choses ne s’aggravent.

 

Sur ces quelques mots ils refirent le chemin inverse, bien moins simple, en remontant le long des rails. Charly aida les deux messieurs à se hisser et monta à son tour tandis qu’ils se dirigeaient déjà vers l’hôtel.

 

- Vous êtes reliés au central téléphonique ? demanda le policier

 

- Non Monsieur, répondit aussitôt Charly qui avait allongé ses foulées pour marcher à ses côté, nous ne sommes pas assez fournis en électricité pour Monsieur.

 

- Merde, répéta-t-il en toquant à la grand porte pour qu’Eugène la leur ouvre.

Il parut surpris de les voir si tôt revenir mais devant leurs mines défaites comprit qu’il était arrivé encore autre chose.

 

- Eugène je vais devoir vous demander de rassembler le personnel dans votre salle commune et de vous assurer que tous les clients sont dans leurs quartiers et qu’ils y restent, puis-je compter sur vous ? (il hocha la tête) Bien. Faites vous aider par Hans et s’il y a la moindre questions répondez simplement que vous pourrez leur fournir de plus amples informations plus tard.

 

Eugène hocha de nouveau la tête et se dirigea vers les cuisine pour commencer à rassembler tout le monde tandis qu’Hans partit vers les chambres demander à ceux qui y étaient d’y rester.

 

- Quant à vous, poursuivit-il en reportant son regard vers Charly, je vous confie monsieur…

 

- Dumont, répondit l’agent

 

- Monsieur Dumont. Assurez vous qu’il aie toutes les informations dont il a besoin et guidez le dans l’hôtel à sa guise, entendu ?

 

- Oui Monsieur.

 

- Bien. Pour les autres, conclue-t-il en s’adressant aux comédiens et comédiennes qui s’étaient agglutinés devant la porte à double battants du théâtre pour entendre les nouvelles, vous êtes invités à vous rendre en salle commune pour faire le point sur la situation. Il ne s’agit pas de céder à la panique alors je vous prierai de garder votre calme et ce que vous savez pour vous jusqu’à nouvel ordre.

 

Les concernés s’exécutèrent très rapidement, pas tellement rassurés d’avoir à faire au grand Pope du sanctuaire qu’ils voyaient si peu. L’homme n’avait pourtant rien d’inquiétant mais son assurance tranquille avait quelque chose d’intimidant.

Une fois que tout le monde fut parti, ne restèrent dans le hall que Charly et le policier. Ce dernier soupira puis sans prononcer un mot pour indiquer où il allait passa la porte à double battants, Charly sur les talons, et retourna dans les coulisses. Charly lui alluma la lumière, montrant involontairement à M.Dumont que, bien qu’il ne pouvait décemment pas la considérer innocente d’office, il avait besoin de sa présence ne serait-ce que pour trouver les interrupteurs.

Le corps d’Arnfried n’avait pas bougé et le reste de la scène de crime non plus si ce n’était la flaque de sang qui s’était naturellement un peu étendue. Charly resta à côté de la porte pendant que le policier examinait l’endroit avec le plus de précision et d’attention qui lui était conférée, sachant que d’ordinaire, ce n’était pas son travail, mais celui d’un de ses collègues qui en avait la spécialité et le diplôme qui allait avec. Il bougeait de gauche à droite, prenant parfois des notes sur son petit carnet, s’accroupissait à certains endroits, s’épongeait régulièrement le front et faisait cliqueter son stylo plus que de raison, le tout sans prononcer un mot. Quand enfin il cessa de s’agiter il se retourna vers Charly et eut un long et franc soupir, de ceux qui veulent dire que le travail allait encore être long.

 

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Fannie
Posté le 22/06/2020
On a l’impression que la routine continue comme dans le premier chapitre quand le cri retentit. La surprise est bien amenée. La confusion qui suit est également bien rendue, mais malheureusement, ton désir de précision et tes longues phrases desservent le récit en ralentissant le rythme et en réduisant l’impact des événements. Cela dit, c’est vrai qu’il y a beaucoup de personnages qui font des choses différentes en même temps et c’est une mise en scène difficile à décrire efficacement. En tout cas, de mon point de vue, le mystère reste entier et c’est un bon point.
Aliv
Posté le 29/09/2019
Un chapitre passionnant. On ne s'ennuie pas.

Par contre, pour les dialogues, il est parfois difficile de savoir qui parle. Tu devrais peut-être revoir ce petit point.

Je continue :)
Lyrou
Posté le 21/11/2019
Merci pour ta remarque Aliv c'est noté! La nouvelle datant un peu je ne me souviens plus d'à quel point elle manque d’incises mais c'est une bonne occasion pour voir où il en manque que de lire ton commentaire thx
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