— Réunion ! tonna Strada dès qu’ils furent sortis les limbes. On monte tous chez Tony, il faut qu’on cause de ce qu’on a trouvé !
— Bien, chef !
Camille n’avait pas bougé de son poste à la fin de l’alerte, il n’avait pas le temps. Son bureau semblait avoir doublé de volume. Il avait branché un vieux scanner à son ordinateur et visionnait des images tout en prenant des notes sur son clavier, s’interrompant à rythme régulier pour retirer une feuille numérisée, pour la retourner ou installer la suivante.
Il ne releva pas les yeux de son travail au moment où les explorateurs rentrèrent, pas plus alors que la fourgonnette se garait devant la maison, mais il fut bien obligé de lever la tête quand il se rendit compte que de plus en plus de monde entrait dans la pièce autour de lui.
— Et bah, qu’est-ce qu’il se passe ? demanda-t-il en s’interrompant à contrecœur.
Il vérifia vite fait qu’il ne manquait personne, ce n’était pas le cas, alors il se détendit un peu.
— Camille, tonna Strada. Il est arrivé un truc incroyable, quand tu vas visionner ça, tu ne vas pas en revenir.
— Êtant donné que je suis en train d’étudier les vidéos de mon père, j’ai déjà mon content de trucs incroyables…
Il tourna son regard vers ce dernier.
— Ils ne sont pas des milliers, ils sont bien plus que ça encore !
Tony hocha la tête.
— On s’en fout de ça, assura Strada. Ils sont loin. Ce qui nous intéresse, c’est qu’on est sauvés !
Il expliqua au milieu de toute l’assemblée ce qu’il s’était passé.
— C’est à peine croyable, s’extasia Lolita.
— Ouais, mais attendez, on ne va quand même pas faire voyager toute la ville par une petite porte au fin fond des limbes, remarqua Irvine. Vous avez conscience que ça représente énormément de gens et qu’une bonne partie d’entre eux ne peuvent même pas supporter physiquement de s’en approcher.
— Je sais, je sais, j’y ai pensé, assura Strada. Mais on a un remède contre la Terreur ! Grâce à lui, tout le monde devrait pouvoir y arriver.
— Ouais bah… le remède, j’ai essayé, j’ai pas pu, remarqua Irvine.
— Je reconnais que ça n’a rien d’évident… grimaça Camille.
— Non ! coupa Lolita alors que Strada ouvrait la bouche. On ne forcera personne à prendre ce traitement contre son gré. Je sais que vous êtes enthousiaste chef, mais reprenez vos esprits. On ne fera pas voyager une telle foule dans les limbes.
— Surtout vu où le portail est placé, ajouta Tony.
— Surtout vu où il débouche, renchérit Chris. Et le temps qu’il dure. C’était trop court, et bien trop dangereux. Et on n’est même pas sûr de retrouver la créature qui a fait ça ou qu’elle refasse ça la prochaine fois.
— Vous avez raison, admit Strada avec un soupir. Mais quand même, ça doit bien vouloir dire quelque chose ! On doit bien pouvoir faire quelque chose avec ça ! On a une porte de sortie hors de la ville, on doit bien pouvoir l’exploiter, tonnerre !
— On pourrait l’utiliser pour exfiltrer nos malades graves, proposa Samuel. Mais même s’ils le faisaient, comment rejoindraient-ils la côte s’ils tombent dans la mer ? Et si le continent l’apprend, ils vont réagir comment ? Ils ne nous ont pas enfermés pour nous punir, mais parce qu’ils ont peur des limbes et de ce qui a pu nous infecter. Si c’est pour se faire abattre, à quoi bon ?
Camille leva la main.
— J’ai un plan, dit-il. Je ne suis pas prêt, mais je sais ce qu’on doit faire.
Tout le monde se tourna vers lui. Il se mit debout pour que ses paroles.
— Je peux y aller. Je récupère toutes les données que j’ai pu rassembler, je sors et je rejoins la côte. Je suis ici depuis moins longtemps que vous, je sais comment ça fonctionne là-bas, je me ferai discret. Une fois que j’aurai réussi à rentrer chez moi, je pourrai utiliser tout ce que j’ai appris pour faire tomber l’entreprise qui nous exploite pour s’enrichir sur notre dos et je ferai de mon mieux pour nous procurer une gestion plus juste et moins dangereuse, a minima. Idéalement, je compte bien faire abattre ce mur et obtenir de l’aide, des secours.
— Tu crois vraiment que tu peux y arriver ? s’étonna Irvine. Tu penses que tu as une chance ?
— C’est ce que je prépare depuis mon premier jour ici, depuis avant ça, pour être honnête. Je suis pas venu dans cette ville pour prendre ma place dans votre communauté, même si elle est sympa. Je suis là pour sauver mon père.
Tony sourit, touché et attendri.
— On pourrait essayer, réfléchit Strada. Qu’est-ce qu’on risque à faire ça ?
— On perd Camille, répondit Chris d’un ton dur. Camille détient tout ce qu’on possède de connaissances sur le volcan. Sans ses travaux, on ne saura pas où aller ni quoi faire.
— Durant l’absence de Camille, proposa Strada, quelqu’un pourrait le remplacer dans l’analyse des vidéos, et sauf s’il y a une raison, l’exploration sera réduite à son but premier, celui d’étude de nos ennemis.
— Et s’il échoue, insista-t-elle. Et si ça ne fait qu’empirer les choses ?
Elle ne le regardait pas, elle n’avait d’yeux que pour Strada, mais Camille ne voyait qu’elle et ses mots lui faisaient un peu mal. Il tâcha de ne pas le prendre personnellement.
— Tu as conscience que ça ne peut pas durer éternellement, qu’il faut essayer d’avancer, dit-il.
Elle croisa les bras, mutique. Strada hésita.
— Je pense qu’il serait sage de voter.
Un vote ! Si tu savais à quel point ce mot, aujourd'hui spécifiquement a une consonance particulière.... c'est presque un message de l'univers je crois.
Merci et à bientôt !