RABI 2

Elle croyait avoir fait un rêve et pourtant, elle se souvint l'avoir également revue une seconde fois. Les écumes mangeaient le rivage avec délice. Le soleil, très chaleureux à cette saison, était à ses bonnes auspices. Tellement il était égaillé, Rabi clignait plusieurs fois des yeux et cliva vers la discussion pour ne pas se faire aveugler d'inattention. Sous les couverts d’une conversation banale sur le temps, il se cachait la clarté de ses propos véritables. Très tôt, elle s'aperçut bien qu’il ruminait une idée. À la fois curieuse et nerveuse, elle l’amena à la faire éclore.

 

— Ce n’est que le début d’été. Il va faire de plus en plus chaud. Est-ce que ça ira pour vous ?

— Cela fait la deuxième fois qu’on se rencontre. Tu peux me tutoyer.

— D’accord. Merci. Est-ce que ça ira pour toi ?

— Euh … Oui. Qu’est-ce que tu veux signifier par cela ?

— Je veux sign … Vous n’allez... Tu ne vas pas étouffer à vivre dans ce cercueil ambulant ?

 

Il ne sait si c'était cette phrase ou la désignation comique par l'index de son tas de ferrailles mouvant. Des deux, cela déclencha chez elle un rire cristallin. On dirait celui d’un ange, pensa-t-il. Rabi paraissait en être un. Ses yeux d’un marron ambré brillaient d’une douceur infinie.

 

— Il n’y a pas de soucis. En ce qui concerne la chaleur, j’ai vu pire, conclut-elle.

 

Il s’était inquiété de la voir sortir de cette carcasse de voiture aux couleurs hareng saur. Pour lui, cela pouvait servir ni de moyen de transport ni d’habitat de vie. Juste d'habitat de mort. Ils demeurèrent muets, comme le lieu où ils étaient. De chacun de leurs côté, ils admiraient l'horizon en secret.

Une étendue de bleu outremer indéfini se profilait devant eux. Il n’y avait pas de vent. Les morsures du soleil étaient un peu plus accrues qu’il y a une semaine auparavant. La surface de l’eau était lisse et monotone. Les pastels célestes se fanaient dans son foncé et grisonnaient. Le remous des vagues s’était calmé pour un temps. Comme lui, elle avait les pieds dans le sable, signe qu’elle s’était détendue dorénavant. Elle enfouissait ses pieds avec tendresse et amusement dans cette masse disparate. Ses grains portaient encore le goût du soleil. Chaud et doré. À la hâte.

 

— Mon amie est d’accord pour vous laisser gratuitement le logement qu’elle loue habituellement.

 

Il la laissa considérer sa suggestion.

Il lui proposait d’habiter ailleurs. Ses orteils s’enfonçaient dans la masse meuble et formaient des petits tas compacts. Après réflexion, cela ne l’enchantait guère. Elle voulait avoir aucune dette envers personne.

 

— C’est si gentil mais ...

— Je t’assure qu’il n’y aurait pas de problème.

 

Elle essayait de le convaincre qu’elle était bien dans son fatras. Cependant, la mine de chien battu qui lui avait adressé, lui avait interdit tout refus. Elle s'était retrouvée muette, ne sachant que faire et puis sa volonté s'était effacée. On ne pouvait pas tricher avec la bonne volonté. Pas elle. C'était la générosité d’une personne bienveillante qui se jouait devant elle et elle ne pouvait pas s’en moquer après tout ce qui s’était passé.

 

— Mmm… Oui...

— Vraiment ?!!

 

Son visage se fendit d’une joie qu’elle n’avait jamais vu auparavant.

— Si tu le veux encore...

— Bien sûr que je le veux !!!

 

Rabi fut réchauffée par cette vision. Ses yeux reflétaient l’aurore. Son expression la colorait. Et lui faisait pétiller ce qui n’était plus qu’ébréché.


 

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