Recherches obstinées

En quelques minutes, les rues s’étaient complètement vidées. Les sirènes se turent à leur dixième cri et lorsqu’elles furent silencieuses, le monde entier parut à l’arrêt. Sauf Chris. Elle suivait les contours du volcan des yeux. Elle brandit sa main droite et activa son grappin de la gauche. La pointe se ficha en haut d’un poteau téléphonique en bois. L’instant d’après le filin tendu la projetait dans cette direction avant d’arracher le python à sa cible. L’élan la fit passer au-dessus d’une maison et atterrir sur le toit de celle d’en face. Elle amortit sa chute dans un hamac et se redressa pour scruter le ciel. Le scintillement, elle l’apercevait déjà. Il n’était encore qu’à peine perceptible, elle n’était pas en retard. Du côté de la Brigade non plus. Elle voyait leur camionnette grande ouverte et les membres se précipiter à l’intérieur. Peut être que ce serait un peu trop juste à cause de ce crétin qui lui avait tenu la jambe, mais elle tenta quand même.

Le couloir de cristal n’était toujours pas matérialisé en entier quand elle arriva en dessous. À nouveau, c’est son grappin qui lui permit de l’atteindre. Il était particulièrement haut, aujourd’hui. Une aubaine pour la Brigade, les premières créatures qui en sortiraient avant qu’ils aient posé la barricade s’écraseraient par terre. C’était moins bien pour elle parce qu’après être monté, il faudrait bien redescendre.

Elle sprinta sur les derniers mètres tandis qu’elle entendait la camionnette de la Brigade se rapprocher. Le tunnel de cristal ne la cachait pas vraiment aux regards. Elle n’avait jamais pu observer ce que ça donnait de l’extérieur, mais à l’intérieur, elle voyait tout, surtout le volcan qui s’illuminait comme s’il se couvrait d’étincelles de la base au cratère dégoulinant. Et puis parfois un détail se répercutait en fractales sur les parois orangées. Une fenêtre dont on tire les rideaux, un chat, le chef Strada… Elle plongea dans le portail en dégainant son arme, la chaleur l’enveloppa brutalement et le grondement de l’enfer brisa le silence pour de bon.

Ses lunettes s’adaptèrent instantanément à la pénombre magmatique qui l’entourait désormais et elle put constater qu’elle était encore la première sur les lieux. Il y avait bien des larves grouillant çà et là, mais ça ne comptait pas, on en trouvait partout. Prudemment, elle s’avança et sauta par-dessus celles qui lui bloquaient le passage et s’enfonça dans la cavité de gauche. Elle aperçut une première veine de minerais, mais n’y toucha pas. Elle n’était pas là pour ça. Elle savait juste que l’équipe de la Brigade chargée de la récupération n’irait pas plus loin. Alors par la suite, elle commença à marquer chaque embranchement.

Aujourd’hui c’était une vague forme de cœur. Un dessin différent à chaque exploration. Tandis qu’elle courait et griffait les murs au couteau, les souvenirs remontaient. Elle n’avait rien oublié de son mentor. Elle se rappelait d’un des rares moments où il avait mentionné ses proches, trois fois rien, mais assez pour la surprendre, à l’époque.

Une histoire d’anniversaire raté, d’un beau père qui ne lui manquait pas. Elle, c’était à peine si elle se souvenait de sa famille. Elle était au lycée quand le volcan avait explosé. Elle avait tout perdu ce jour-là, y compris une bonne partie de sa mémoire. C’était sans doute pour ça qu’il ne se permettait pas de parler de ça devant elle. Elle le regrettait. Ça ne lui faisait aucun mal et elle aurait voulu en savoir plus.

La chaleur montait de plus en plus. Elle se força à rebrousser chemin. Elle n’avait rien trouvé, absolument rien. À  cette température, l’équipe de récupération était déjà repartie, alors elle se dépêcha de retrouver la sortie. Elle vit les cadavres de larves, de molosses autour de l’endroit où elle avait repéré le filon qui avait été entièrement prélevé. Ils étaient plus minutieux qu’elle et Tony. D’un autre côté, ils n’avaient que ça à faire. Elle déboula face au portail. La brèche menaçait d’exploser. Elle patienta quelques secondes, le regard allant et venant entre l’indicateur de température et les alentours. Ça grouillait de vermine. Elle tira sur un molosse prêt à attaquer et ignora les autres. Lorsqu’elle vit le chiffre qu’elle attendait, elle se jeta dans l’ouverture.

La seconde d’après, la porte explosa dans un vacarme assourdissant, emportant avec elle le couloir de cristal. La barricade s’écrasa sur le trampoline en contrebas tandis que le fil de son grappin attirait Chris sans ménagement en direction des toits les plus proches. Elle roula pour amortir sa chute et heurta un muret. Elle se redressa et se mit à couvert pour reprendre son souffle, un peu plus loin. La Brigade remballait. Le chef parfait fort, s’il disait quoi que ce soit laissant entendre qu’il l’avait repérée, voire seulement aperçu quelque chose de bizarre, elle le saurait. Mais ce n’était pas le cas. Avant, elle sortait plus tôt et se cachait derrière la barricade, tout contre la brèche, et détalait discrètement pendant l’explosion, sauf qu’une fois il l’avait vue. Il lui avait passé un savon de deux heures alors qu’il n’était même pas sûr que ce soit elle. Depuis, elle ne quittait les limbes qu’à l’extrême limite de l’explosion et les débris de cristal la couvraient. Elle s’assurait aussi que Strada n’imagine plus un seul instant qu’elle était capable de ce genre de prouesse chaque fois qu’il était dans les parages.

Dès que la voie fut libre, elle reprit la route à toute allure. La sirène cria une unique salve marquant la fin de l’état d’alerte.

Elle arriva chez elle alors que les gens ressortaient en fouillant précautionneusement les alentours avec une arme improvisée à la main. La Brigade empêchait la plupart des débordements, mais quelques molosses avaient déjà sévi dans les environs et personne ne voulait se faire arracher la jambe pour un peu d’inattention. Elle rentra,  se réfugia dans sa chambre en retirant ses lunettes, sa tenue de combat, son grappin et ses bottes. Elle fourra le tout dans le sac à dos. La porte d’entrée s’ouvrit alors qu’elle refermait la trappe. Elle tressaillit et se dépêcha de la recouvrir avec des vêtements sales. Et une culotte en évidence. Strada était un drôle de bonhomme incapable de poser les yeux sur un dessous sans bégayer et se détourner. Elle, ça lui allait bien. Elle ébouriffa ses cheveux et se prépara à affronter le chef, il ne lui restait plus que son slip et son débardeur.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Emma
Posté le 06/12/2024
Chris à du cran et ça la rend, à mes yeux, très sympathique, d'ailleurs elle a raison de s'accrocher ainsi, ça me donne de l'espoir, car tant qu'il reste un espoir alors la vie vaut la peine d'être vécue.
Houlà, je ne crois pas qu'elle va tomber sur Strada, mon petit doigt me dit que c'est Camille qui se trouve de l'autre côté de la porte :)
Encore un bon chapitre, merci pour ce moment d'aventure.
Solamades
Posté le 07/12/2024
On ne peut décidément rien te cacher ! 
Nakama93
Posté le 22/10/2024
Bonjour Solamades !

Quelques unes de mes interrogations ont été répondu grace à ton commentaire et celui de Raza.

Les scènes d'actions sont bien décrites, je ne sais pas pourquoi mais à chaque fois que je vois grappin, je m'imagine soit Link soit Barman :)

Juste pour être sûr si j'ai bien compris la fin, Chris va affronter Strada ?

Merci pour la lecture :)
Nakama93
Posté le 22/10/2024
Batman et pas Barman bien évidemment xD
Solamades
Posté le 22/10/2024
Salut ! 
Encore une fois tu es tombé juste ! Le grappin, c’est Link. J’ai grandi avec Zelda, mes premiers textes étaient des fanfictions à Hyrule… le grappin est un outil pas forcément réaliste, mais je n’arrive pas à m’en passer XD

Barman MDR !!! Elle est bonne !

Et pour répondre à ta question : Elle s’y prépare au cas où il viendrait, mais… verbalement, soyons clairs.

Merci pour ton commentaire ! <3
Nakama93
Posté le 22/10/2024
On est deux j'ai également grandi avec Zelda, avec une préférence pour A link to the past qui était sur super ness, même si j'ai bien aimé la majorité des titres qui sont sortis. :)
Raza
Posté le 10/10/2024
Ouah, l'action dans ce chapitre est super cool :)
j'ai des questions, bien sûr, sur le fait que l'équipe de récupération, je ne me rappelais pas qu'elle existait, mais mes souvenirs sont confus, parce que j'ai à la fois le souvenir de me demander pourquoi Chris & Tony étaient les deux seuls à pouvoir passer, et en même temps, me rappeler les voir marquer des trucs pour que l'équipe de récupération les prenne plus tard. Bref, me voilà perplexe.
L'action était tellement intense et j'étais tellement pris dedans que il n'y a que parce que je t'écris ce commentaire que je me demande soudainement : mais en fait, elle cherche quoi ? Puisque les lieux sont différents à chaque fois, il n'y a rien à trouver ?
Bon et je finirai sur, justement, la fin : inattendu, pour sûr ! Je suis presque gêné pour ce pauvre Strada. J'imagine que si je suis lui, je referme la porte et j'attends. :)
Merci pour le partage !
Solamades
Posté le 11/10/2024
Salut ! 
Merci ! 
Tu as bien remarqué, l’équipe de récupération n’existait pas avant. Tu m’as mis le doute, alors je suis allée voir dans mon fichier, mais non, je n’en ai pas trouvé mention. C’est une équipe qui a été créée suite à la perte des deux explorateurs, j’en reparlerai un peu plus plus tard.
Qu’est-ce qu’elle cherche ? Tony. Des traces de Tony. Des moyens de survivre dans les limbes. Une logique dans les limbes. Et très probablement… à étouffer sa propre culpabilité à l’idée d’avoir laissé Tony là-dedans.
Et pour Strada… c’est tout l’intérêt 😁. Donc c’est bien, c’est que ça marche ! 
Raza
Posté le 11/10/2024
si cette équipe n'existait pas, il faudra bien expliquer pourquoi elle ne pouvait pas exister avant alors :p
à voir mais peut-être que si elle avait un indice ou une piste à suivre ça paraîtrait moins étrange qu'elle cherche on ne sait pas trop quoi ? j'ai l'impression quand même que c'était pas hier non plus, donc je comprends qu'elle reste dans le déni un temps mais il y a peut-être des limites ? Je pense un peu en même temps que j'écris c'est peut-être pas pertinent, à voir. Merci encore pour le partage :)
Vous lisez