Il fait soleil. C’est tout joli partout, sur les brins d’herbe perlés de rosée, dans le ciel bleu, bleu, bleu. Les oiseaux tournoient tout là-haut, et moi je les regarde, allongé dans les herbes hautes. Près de mon épaule, une marguerite. Elle me rappelle cette jeune fille, dans le parc. Jupe longue, couvre-chef, je pense qu’elle portait un corset…
Elle cueillait chaque pétale consciencieusement de ses doigts graciles, sans jamais détourner le regard. Ses lèvres bougeaient, parfois un sourire, parfois une petite moue. Que disait-elle ? Mais je n’ai pas bougé, je suis resté derrière le chêne.
Peut-être que j’aurais dû m’approcher. Je lui aurais demandé une promenade, elle aurait rougi en lâchant sa fleur. J’aurais saisi ses doigts de fée, j’aurais demandé l’approbation de son père. Il aurait hoché la tête, sourire franc mais yeux inquiets. Je l’aurais emmenée près du lac où reposent les cygnes blancs.
Tout aurait été parfait.
Mais je n’ai pas bougé. Je suis resté derrière le chêne, et maintenant, il n’y a plus que l’amertume des regrets. Si seulement… Je n’ai plus que les pétales de la marguerite et mes souvenirs embrumés.