Samedi 18 Juillet 1818 - Seven Drunken Nights

Par Pouiny
Notes de l’auteur : Musique de référence : https://youtu.be/cchYgXE6PiA?si=okNibfuR3cpgg3KN
Autrefois une chanson écossaise, puis largement reprise en Irlande, quand les Dubliners l'ont popularisée ils ont été assez brutalement censuré. On leur a interdit de chanter les 2 derniers couplets car donnant une trop mauvaise image de l'Irlande. C'est pour ça qu'on ne peut entendre que 5 couplets alors que le titre en annonce 7.

Nous sommes arrivés, bien plus vite que nous le pensions, à Cork lundi dernier. J’ai découvert avec étonnement l’irrévérence des corcagiens envers les dublinois. « C’est nous, qui méritons le titre de capitale de l’Irlande ! C’est nous, les plus rebelles de l’île ! » Ce qu’il ne faut pas entendre…

 

Depuis que je suis en ville, je me suis un peu éloigné du groupe des Mincéirí. Je ne pense pas qu’ils m’en tiennent rigueur, cependant. Etre un groupe nomade dans une ville de sédentaires acariâtres tout autant rempli de Sasannach que toutes les autres villes de ce foutu pays n’est clairement pas une tâche aisée. L’avantage d’avoir été longtemps dans la campagne verdoyante, c’est qu’on n’en perçoit moins ces uniformes rouges qui poussent comme des champignons en Irlande. En ça, Cork n’est pas si éloignée de Dublin.

 

J’ai repris mes vieilles habitudes. J’ai recommencé à trainer dans les pubs, discuter avec les habitants, jouer de la musique et raconter des histoires contre quelques sous. Je n’ai pas encore déterminé si je continuerai à suivre mon groupe ou si je vais repartir de mon côté. J’ai quelque peu laissé cette question de côté en contemplant le fond de mon verre.

 

Dès le premier jour, j’ai été approché par un vieil homme édenté. Il avait l’air d’être un pauvre pilier de bar comme toutes les villes d’Irlande comptent tant. Mais il s’est approché de moi, et avec son haleine d’alcool, il m’a dit : « Dis moi, toi qui es jeune, tu dois t’y connaître avec les femmes, non ? Il faut que je te raconte une histoire… »

 

As I went home on Monday night as drunk as drunk could be

I saw a horse outside the door where my old horse should be

Well, I called my wife and I said to her: Will you kindly tell to me

Who owns that horse outside the door where my old horse should be?

Ah, you're drunk, you're drunk you silly old fool,

 

So drunk you can not see

That's a lovely sow that me mother sent to me

Well, it's many a day I've travelled a hundred miles or more

But a saddle on a sow sure I never saw before

 

Et en expliquant ses déboires avec sa femme, il avait l’œil qui brillait et la malice transparaissait dans les dents qui lui manquait. Sa voix chevrotante restait quand même chantante, malgré les ravages de l’âge et de l’alcool. Il m’a expliqué comment il était persuadé que sa femme restait fidèle malgré tout ces déboires et ces choses étranges quand il rentrait chez lui. A croire que même s’il tombait sur son amant, il ne le verrait pas ! Sans rien dire, je l’ai laissé raconter son histoire alors que je prenais quelques notes musicales que je semblais perçevoir de sa voix.

 

Et il est revenu. Le mardi, le mercredi, le jeudi… Moi aussi, d’ailleurs. Après quelques jours, je lui offrait a boire et j’avais hâte de rire de ces histoires. Elles concernaient toujours sa femme, qui n’était jamais présente avec lui, qui semblait toujours l’attendre dans un chez-lui où il allait moins qu’au pub. Sans parler d’avoir un ami, c’était étrange de se dire que dans cette ville d’inconnu, il y avait ce vieil ivrogne, qui m’acceptait comme si j’avais toujours habité là. Peut-être il n’avait pas réalisé, dans son ivresse, que je n’étais pas du coin. C’était une bien drôle de relation, qu’on avait là.

 

Puis est venu aujourd’hui, où je ne l’ai pas vu. Je me suis surpris à l’attendre, du midi jusqu’au soir. Mais je n’ai pas vu sa vieille gueule d’ivrogne édenté. Alors, j’ai questionner le barman. Lui aussi, très sincèrement, à eu l’air triste en évoquant le sujet. « Ah, lui ? Il s’est fait arrêté par la police anglaise ce matin. Pour dépravation sur la voie publique. Ca m’étonnerait qu’on le revoit de sitôt… »

 

Ca m’a assomé bien plus fort que n’importe quel verre de whisky. Un veil homme comme lui, tout ivrogne et idiot qu’il fut… en prison, parqué avec les voleurs, les rebelles politiques et le criminels, où il allait pourrir et mourir du tiphus ? Je n’ai pas osé poser la question de si sa femme était au courant. Si jamais elle existait… elle devait être probablement soulagée. Mais moi ? Je devais être le seul, mais j’étais triste.

 

Je ne saurais jamais ce qu’il devait me raconter en ce samedi et dimanche. Je ne peux imaginer que l’escalade avec sa femme mais… J’aurais aimé l’entendre de sa vieille bouche. J’ai compris pourquoi toute cette histoire de femme volage et d’imbécile aveugle m’intriguait tant. Il était surement rempli de défaut, mais il n’y avait pas une once de méchanceté en lui. Il était comme tant d’autre des grandes ville : un pauvre gens incapable de supporter la dureté de nos vies sous la couronne anglaise. Plus simplement dit… Il aurait pu être moi.

 

Je suis retourné voir mes Travellers tout à l’heure. Je leur ai dit que je me sentais pas capable de rester dans ce mouroir un jour de plus. Mais eux ne pouvaient pas se permettre de lever le camp aussi rapidement. Alors je me suis allongé, à l’écart. J’ai senti le regard lourd d’Aoife sur moi. Personne, pas même moi, ne sait si je vais accepter de les attendre, où si je partirai à l’aube.

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Dédé
Posté le 30/04/2025
Très bien trouvé l'explication des deux couplets manquants de la chanson à cause de l'absence du vieil homme.

Je suis quand même triste moi aussi que le vieil homme finisse comme ça. Je ne pense pas que Paddy reste dans le coin plus longtemps. Je peux me tromper mais je le vois bien partir au prochain chapitre. Advienne que pourra, réponse bientôt.
Pouiny
Posté le 02/05/2025
La violence de l'empire britannique sur le peuple irlandais est une constante dans l'Histoire et ce serait étrange qu'on l'oublie ici, dans une des périodes où cette colonisation était certainement la plus dure dans ce traitement. C'est à la racine de ces problèmes d'alcool mais aussi de l'humour de l'irlande, c'est pour ça que je voulais mélanger le comique de cette chanson et le drame réel. Merci encore pour ton retour <3
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