Le lit craquait sous son poids. Julius gesticulait en effet entre ses draps, blancs, laineux, en proie à une insomnie bien plus coriace que la précédente. Son crâne sombre s'imbriquait dans l'oreiller ; sa mince tignasse se déployait autour de lui comme une végétation sauvage. Il fixait le plafond en voûte de sa chambre avec la curieuse impression de se trouver dans une bulle.
Située sous la pointe du toit, ladite chambre était aussi sphérique qu'un œil écarquillé, aussi minuscule que la bouche arrondie d'un enfant émerveillé. Pour dire, son immense lit bancal tenait à peine dedans, et à chaque fois qu'il levait un peu trop haut la tête, il manquait de se cogner contre une poutre, chiffonnant au passage une coupure de journal qui y serait punaisée.
C'était une bulle. Surmontée de deux larges pentes, percée d'une lucarne, du bois brut en guise de plancher, mais bel et bien une bulle.
Julius y avait passé tant de nuits, même celles d'enfance, à écouter les gémissements des ressorts de son matelas, tantôt amusé, tantôt agacé.
Tous les fils d'émotions qu'il avait dû débrouiller dans ce même lit, tous les chagrins qu'il avait dû essuyer dans ces mêmes coussins en plumes d'oie, toutes les histoires qu'il avait dû entendre emmitouflé dans ces mêmes courtepointes…
Éperdu de nostalgie, Julius sourit fugacement dans un éclat de lumière qui s'éteignit. Il avait gardé chacun des souvenirs passés ici, même si avec le temps, la couverture était devenue trop petite, si bien que ses pieds jaillissaient au bout de son lit en drôles d’oiseaux fourchus.
Il avait même soigneusement conservé le morceau de dentelle usé sur lequel chacune ses larmes s'étaient écrasées. Ce bout de tissu effiloché avait été repêché dans l'un des nombreux écrins à bijoux de sa mère, confectionné à l'époque pour border l'ourlet des robes. Émerveillé par la délicatesse de l'étoffe, le jeune Julius s’en était emparé, pour ne plus jamais s'en séparer.
A force de le serrer dans ses minuscules poings noirs, à force de le mordiller quand le marchand de sable était de congé, Dentelle, de son surnom, avait fini par s'étioler. Innombrables furent les fois où Mamie Miette ou Papy Croûton durent le recoudre car Julius Junior s'entêtait très facilement, lorsqu'on provoquait son insatisfaction. Jamais il n'aurait admis la moindre négligence pour Dentelle, le trésor de sa vie.
L'actuel Julius en riait dans la pénombre. Parfois, ses souvenirs le submergeaient d'attendrissement. Parfois, ils le comblaient de bonheur. Parfois, ils étaient, au contraire, un terrible reflet de douleur. Et le plus souvent, ils se transformaient en simple trompe-ennui, distraction dans le seul but de vaincre le silence de ses insomnies.
Voilà comment Julius tuait le temps : en rêvant.
A l'abri sous le parasol mécanique d'un café, il rêvait. Les yeux savamment posés sur des boucles d'encre, il rêvait. Les mains empoignant divers flacons à émotions, il rêvait. Quand ses amis barbotaient sur leur vie et ses malheurs, il rêvait.
Il rêvait. Et soupirait en réalisant qu'il était incapable de taire cette sale manie, instaurée dans sa routine comme bien d'autres pratiques, depuis bien trop longtemps. Mamie Miette et Papy Croûton déjà, à plusieurs déjeuners, avaient décrété qu'il était grand temps pour leur petit-fils de goûter aux vraies saveurs de la vie. Plus tard, Julius ne pouvait toujours pas se résoudre à abandonner ses songeries, même au profit de rendre hommage à ses bien-aimés grands-parents. C'était trop dur, trop douloureux.
Comme le fut ce coup frappé à la porte, soudain.
Dur, douloureux.
Comme si on appuyait tous nos problèmes, toute notre force de caractère sur un morceau de bois, dans l'objectif de les détruire ou, allez savoir, de détruire la cloison blindée.
Julius se redressa dans son lit, ses draps se froissèrent en même temps que son front. Qui pouvait bien sonner à une heure pareille ? Pas Vulcain, sans aucun doute, il lui avait très bien fait comprendre à quel point sa fatigue était grande. A l'heure qu'il était, il devait sans doute être perdu dans les vapeurs du sommeil, assourdissant sa femme avec ses monstrueux ronflements.
Ni Castor, ce n'était qu'un enfant, après tout. Un sacré phénomène, mais il ne restait qu'un vulnérable garçonnet.
Madame Flavine, alors ? Un Octavin qui eût retrouvé sa peur du noir ? Julius en bailla de mécontentement. C'en étaient des manières ! Les visites devenaient irrespectueuses, à sonner chez vous au beau milieu de la nuit !
- Nom d'une marmite...
Dès que Julius repoussa complètement son édredon, il eut le souffle coupé par le froid.
- ...en ébullition ! grinça-t-il en claquant des dents.
Il jeta un coup d’œil mauvais à sa lucarne embuée de givre, coula un lainage autour de son peignoir, attrapa ses bésicles, se chaussa de ses pantoufles les moins ridicules et descendit quatre à quatre son escalier, bougie à la main.
Les outrageants jurons du colimaçon lui paraissaient bien moins préoccupants, soudainement. Car dehors, le tapement persistait. Il était toutefois moins dur et douloureux que précédemment, ce qui était déjà ça. Présentement, il avait la sonorité grave d'un cœur qui s'écrase inlassablement contre la poitrine, minute après minute, seconde après seconde. Une sonorité de détresse.
Julius souffla entre ses mains, puis se résolut à tirer sur la poignée. Au contact du froid, sa bougie s’éteignit instantanément.
- … pas trop tôt, dites-moi.
- Je ne pense pas que nous ayons la même définition de « tôt », madame. Personnellement, je classerais plutôt votre venue dans la case « tard ».
L'antiquaire remonta machinalement ses lorgnons d'or au bout de son nez : l'accueil glacé était fait. Désormais, il lui fallait mettre de côté les griefs qu'il nourrissait contre cette individue, le temps d'un petit entretien. Après tout, il ignorait tout d'elle. Peut-être sa venue ne serait-elle pas sans intérêt.
Il promena tout de même un œil bref sur la culottée, mais la brume, la pénombre, le sommeil et la buée dispersée sur le verre de ses bésicles l'empêchaient de la distinguer nettement. La seule chose qu'il pouvait être à peu près certain, c'était qu'il s'agissait d'une femme petite de taille, et tout de même assez ronde. Et qu'elle avait du caractère, ah ça oui, un sacré caractère.
- Vous comptez me faire rentrer où je dois me cailler encore longtemps ? railla l'intéressée.
Sidéré, et encore plus sidéré par son propre machinisme, Julius s'écarta de l'encadrement de la porte, sans doute un peu à contrecœur.
- Que voulez-vous donc ?
- Rien qu'un flacon de Colère. Et je vous laisserais tranquille.
L'antiquaire n'en finissait plus d'être aussi abasourdi. Il guetta le bruit de ses pas qui pénétraient la boutique – lourds, orageux et réguliers – laissa passer quelques battements de cœur et en conclut qu'il devrait sans doute allumer la lumière... Ce qu'il fit.
Aussitôt, au lieu de se retrouver aux côtés d'une silhouette noire et informe, il reconquit la vision d'une jeune femme crasseuse, au crâne nimbé d'un moelleux nuage noir.
Si elle avait le défaut de détenir une paire de lèvres étroites, un nez rebondi et un relief de sourcil quelque peu broussailleux, la créature disposait d'un regard au charme singulier et de très jolies pommettes, semblables à deux bulles de savon qu'il ne faut surtout pas crever. Loin d'adoucir ses traits anguleux, sa salopette paraissait trente fois trop grande pour elle, masculine, puante et effilochée. Dans l'une de ses poches avant, on pouvait même distinguer l'embout d'une pipe en cuir, alors que fumer était jugé extrêmement indécent pour les femmes de statut modeste.
- Puis-je poser mon attirail ? Excusez, mais l'armure d'une allumeuse de réverbères, ça pèse !
Julius, qui n'avait pas encore fini sa minutieuse contemplation, venait tout juste de remarquer le véritable fardeau qui courbait le dos de la femme. Un flacon d'huile, du gaz, un bout de coton, une petite échelle et une grande, grande perche. Il hocha la tête pour exprimer son consentement et la femme, de sa main un peu grise, chiffonnée et gercée, commença lentement à se délester de tous ses vieux objets, qui tombèrent sur le plancher comme une pluie de grelots trop lourds. La jeune femme finit par cracher dans ses mains pour en essuyer la crasse, se frotta les deux paumes l'une contre l'autre puis tendit une paire de doigts gluants vers un Julius effaré, hésitant, ensommeillé. Il finit par saisir à regret cette main poisseuse et grisâtre, car la refuser serait sans doute considéré comme impoli.
- Danaé.
- Julius, antiquaire à émotions.
La dénommée Danaé sourit, peut-être par dépit, peut-être par pitié. Sans qu'il sache vraiment pourquoi, le binoclard se sentait tout particulièrement nul en sa présence – comme dépourvu de personnalité. Celle de l'allumeuse de réverbères, immense et autoritaire, lui avait saboté toute la place, si bien qu'il ne lui restait plus qu'un creux, qu'une misérable place, pour affirmer la sienne : timide, biscornue et maladroite.
Désormais, son caractère l'habillait comme un vêtement inconfortable, comme une couverture qui gratte et qui gêne.
Oh qu'il pouvait se sentir crétin ainsi empêtré dans son peignoir, les orteils engoncés dans la laine de ses pantoufles, et la main pinçant fébrilement la soucoupe dans laquelle la cire de sa bougie dégoulinait silencieusement...
- Vous... vous venez donc acheter un flacon à Colère, si je me souviens bien... bégaya Julius, la paupière droite clignotant comme une ampoule au mécanisme défectueux.
- C'est bien ça.
Danaé décrassait maintenant ses mains contre le velours de sa salopette.
- Je suis désolée de n'être pas venue plus tôt, lors des horaires d'ouverture, s'excusa-t-elle en tournant imperceptiblement sa tête dans sa direction, dans un fluctuant mouvement de boucles. J'avais mes obligations et pis vous connaissez mes heures de boulot, typique de celles d'un allumeur de réverbères... J'avais envie d'acquérir une p'tite émotion, alors j'ai décidé de faire un saut dans votre boutique entre deux lamp'...
Julius aimait beaucoup la voix de cette cliente. Chaude, bourrue, comme la sonorité d'une trompette entre les mains d'un expert. Elle avait une manière subtile d'emmêler les syllabes entre elles et d'en faire des nœuds fignolés, tels ceux des rubans en satin. Et pourtant, le ton de sa voix ne souffrait d'aucune réplique.
- Et pourquoi de... de la Colère... si... si je peux me permettre ?
- Car personne ne doit vous en acheter, je suppose.
Julius ouvrit la bouche, se ravisa. Se tordit les mains, s'arrêta. A travers ses bouclettes sombres comme la nuit, le regard que lui dardait Danaé flamboyait de curiosité. En fait, malgré le sourire qui lui accentuait les pommettes, elle le fixait avec une telle insistance que c'en devenait embarrassant.
Alors il lui rendit cette œillade pleine d'intérêt.
Ses boucles, coupées très court, crachaient des mèches agressives sur ses joues, frémissant au rythme de sa respiration. De son nez, coiffé en champignon, s'échappait ledit souffle frénétique, musical, grimaçant. Ses lèvres tordaient tantôt un sourire, tantôt une moue, tantôt un rictus qui lui plissait des virgules au coin des narines. La forme de son visage, ronde telle le ventre d'un réverbère, ajoutait à ses traits une touche enfantine bienvenue, en vu de la rudesse de ces derniers.
Une fois de plus, Julius se sentit démesurément gauche avec ses traits mal brodés et ses binocles cylindriques qui lui prenaient la moitié du visage. Sans cette épaisseur de verre, il ne restait plus de lui qu'une forme baraquée, de courtes mèches taillées au ras du crâne, une peau aussi sombre que l'intérieur d'une taverne et un pyjama rayé qui aurait bien mieux convenu à une personne âgée.
- Ne vous sentez pas obligée d'acheter de la Colère rien que pour cette raison, madame, reprit-il enfin en jouant avec les branches de ses bésicles. Je vends toujours selon le besoin du client, sinon mon commerce n'a aucun sens.
Le silence qui les enveloppait n'était pas de velours usé, de coton usagé, ou de soie effilochée. Sa texture mousseuse, suave, se frottait aux narines jusqu'à les démanger. C'était le genre de silence qui donnait irrémédiablement envie d'éternuer.
- C'est donc entendu, je ne vais pas vous acheter de la Colère sous ce prétexte-ci. Mais retenez bien que cette émotion me fait particulièrement de l’œil.
Danaé libéra un rire retentissant.
- Le monde est un cortège d'atrocités reliées entre elles, comme des perles pour fabriquer un affreux collier. Pourtant, je n'arrive pas à ressentir une quelconque rage contre l'humanité : je suis peut-être trop impliquée pour ça.
Elle rit encore, se gratta le nez, s'affala dans un fauteuil, se regratta le nez. Julius jugea alors bon de poser sa bougie éteinte, qui lui avait valu des traces de cire grasse sur les doigts. Cette femme l'intriguait avec ses manières et son argot masculin, son regard pétillant et son sourire ironique. A elle seule, elle englobait tous les phénomènes épiques.
- C'est donc pour cela que vous voulez de la Colère.
- Sans doute. Et d'ailleurs, je m'demande toujours pourquoi vous ne m'avez pas renvoyer d'où je viens, m'sieur. Ça doit être très agaçant de s'être fait rompre le sommeil par de la racaille comme moi, et plus vous aboulerez vite votre flacon de Colère, plus vite je m'en irai. Excusez mon impatience, mais je pense avoir atteint l'âge où attendre est le pire supplice qui soit.
- Car... car vous avez quel âge ?
Julius ne s'était rarement autant montré indiscret. Et même si ses questions semblaient aussi malvenues qu'une tâche de chocolat sur la table, il se félicitait d'avoir le cran de les poser. Peut-être n'était-il pas si « poule mouillée » que ça, en fin de compte.
Elle referma sa main sur un cigare trouvé dans sa poche, l'alluma :
- J'ai l'âge où on se dit et répète qu'on est vieux, pour avoir un prétexte de se plaindre, action qu'on réalise qu'importe notre âge, jeune, vieux ou entre les deux. Je bondis dans la trentaine, quoi.
Sur ce, en tailleur sur son siège, la jeune femme coula une œillade morne à l'au-dehors. Son regard semblait si chagriné que Julius le vit comme une invitation à la remise en œuvre de ce mouvement oculaire. L'aube pâlissait dehors, illuminant les carreaux encore tout embués de froid. En effet, le disque roux du soleil apparaissait derrière l'horizon, encore tout enseveli de brume. Et il y avait aussi ce vent, qui craquait, claquait, soufflait, grondait et grinçait son mécontentement en décoiffant les passants de leurs hauts-de-forme géants.
S'adaptant à ce nouvel éclairage, la silhouette de Julius se distendit, tandis que l'or de ses bésicles accrochait les premiers rayons blêmes passés de l'autre côté des vitrages. Le binoclard se désintéressa cependant de l'extérieur pour se focaliser sur Danaé qui écrasait maintenant – et avec une nonchalance incroyable – son cigare sur l'accoudoir droit du fauteuil.
- Vous m'intriguez.
De toute sa vie, l'antiquaire n'avait jamais été aussi sincère. Cette sincérité était telle, si velouteuse, si agréable à rouler sur la langue qu'il en rougit légèrement, plongeant l'intégralité de son embarras dans l'une des poches poussiéreuses de son pyjama rayé. Sous ledit vêtement, il frémissait.
Danaé, elle, ne semblait pas le moins du monde tracassée. Elle lui adressa son traditionnel sourire à l'arabesque tordue, cassée, comme pour s'excuser de son caractère bien trempé. Un sourire si gercé que Julius eut instantanément l'envie de couvrir ce sourire-là sous la porcelaine d'une tasse de café fort fumant.
Ce qu'il ne fit évidemment pas. L'heure du déjeuner était encore loin d'être arrivée, et il se demandait si la compagnie de cette femme ne faussait pas un peu son expertise. Depuis le début de l'entretien, ses remarques n'avaient pas menées haut.
Julius se gratta pensivement l'arrière de la tête. En fait, réalisait-il, c'était bien la première fois qu'il s'intéressait autant à quelqu'un. La solennité que son métier l'obligeait à revêtir s'était craquelée dès les premières minutes passées avec Danaé. Cela se devait sans doute à l'heure inconcevable à laquelle elle s'était permis de se pointer.
Cette jeune femme, devinait plus ou moins Julius, ne s'était jamais fait inculquer les bonnes manières.
Comme en écho à ses paroles, l'antiquaire remarqua soudain à quel point l'allumeuse de réverbères avait amoché son parquet en traces de boue, et combien elle ne semblait pas s'en soucier, trop occupée à allumer de nouveau son cigare, engoncée dans la mollesse du fauteuil.
Julius sentit malgré lui une bouffée de colère lui enflammer les oreilles.
- C'est bien beau que j'vous intrigue mais personnellement, je ne voudrais pas passer toute l'aube à fureter dans cette boutique poussiéreuse. Non pas que je n'aime la poussière – je l'adore – mais plutôt car le devoir m'appelle. (Danaé jeta un nouveau coup d’œil fugace à la fenêtre :) Le jour commence à poindre, et mes réverbères ne vont pas s'éteindre tout seuls.
- Bi... Bien sûr.
Julius bougea enfin, si brusquement que de loin, on aurait pu croire qu'il venait de s'asseoir sur une fourmilière. Les jambes raides comme des cannes, il passa de l'autre côté de son comptoir et laissa jouer ses doigts contre la porcelaine de ses flacons, dos à la phénoménale femme. Il aurait soufflé de tout son soulagement s'il n'avait pas flairé le regard brûlant de Danaé peser sur son dos.
- Comment crée-t-on des émotions ?
Julius, qui détachait de l'étagère un échantillon de cristal pourpre et étincelant, suspendit son geste, rebondissant entre agacement et attendrissement.
A sept ans, c'était pardonnable. Mais là, cette femme n'avait vraiment plus l'âge de poser des questions aussi indiscrètes !
- Avec beaucoup de concentration, asséna-t-il entre ses dents.
Danaé pencha la tête sur le côté, insatisfaite de cette réponse fournie. Suivant le mouvement de sa nuque, ses boucles se renversèrent sur son visage comme le velours d'un capuchon, voilant au passage le pétillant de ses yeux et la crasse de son teint.
Le cœur de Julius se serra. Il aimait beaucoup ses yeux, car selon la luminosité, ils avaient soit la couleur d'un thé trop léger, soit celle d'un café pas assez fort.
- Je suis désolé mais le secret professionnel m'oblige à mettre votre question en sourdine, Madame. En revanche, je suis dans l'obligation de vous fournir le contenu de votre achat, pour une raison tout à fait commerciale : il faut que vous sachiez ce que vous allez avaler, c'est important. Venez donc par ici.
Danaé se leva lourdement, même un peu trop lourdement, et se planta face au comptoir, bien campée sur ses deux pieds, les mains derrière le dos et le cigare coincé dans le sourire. Ses cheveux évoquaient des chutes de goudron en fusion.
- Il vous faut consommer de la Colère avec prudence et parcimonie. En absorbant un taux trop élevé de cette émotion, vous risquez des effets secondaires peu… enfin bref, vous avez compris. La Colère est donc composée de roses bouillies, d'une goutte de sang de colibri, d'une cuillère de confiture au coquelicot, d'une pincée de poivre et de sucre, de morceaux de pluie et d'une poignée de grains de sable. Une plume de loup, s'il vous plaît, Madame.
L'allumeuse de réverbères extirpa la monnaie d'une de ses poches pleines de suie, et les jeta sur le comptoir dans un tintement d'argent ulcéré.
- Une dernière chose, Monsieur l'antiquaire Julius.
Comme à son habitude, elle souriait, un sourire vigoureux tout en écrasant une casquette sale sur sa masse capillaire – sale elle-aussi.
- Je suis tout ouïe.
- Oubliez les « madame ». Moi, je suis Danaé, et c'est déjà bien assez.
Je m'arrête là pour ce soir, quand même, mais merci pour ce chapitre.
Merci, merci pour tes petits mots si adorables…
Bonne journée à toi !
Pluma.
Tout en équilibre, Les deux personnages cachent leur intérêt de l'autre derrière une brusquerie maladroite. J'aime comment tu as bousculé le pauvre Julius, il passe d'un statut de sorcier mystérieux à celui d'un homme fragile et sensible.
Il montre des fêlures qui le rendent encore plus attachant.
Danaé est une superbe trouvaille pour relancer complètement cette histoire avec un souffle nouveau.
Bravo!
Petites coquilles, des mots oubliés?
* sur lequel chacune ses larmes s'étaient écrasées (de ses larmes?)
* je m'demande toujours pourquoi vous ne m'avez pas d'où je viens, m'sieur (m'avez pas renvoyée ?)
Au fait dans la correction tu as mis renvoyer au lieu de renvoyée...!
Vous ne m'avez pas renvoyée. Qui est renvoyé? C'est le m apostrophe. Et comme il est devant le verbe avoir, renvoyé s'accorde. Etant donné que c'est une femme qui parle...