Julius ne parvint pas à retrouver le sommeil, après telle entrevue. Le regard, le sourire, l'attitude même de Danaé ne cessaient de s'insinuer dans sa tête dans un tourbillon de bouclettes, de cigares, de dents et de rires retentissants.
Encore un client bouleversant.
Il soupira avant de se retourner dans ses draps, animés d'un froissement dentelé et parfait. Un sourire craquelait ses lèvres, gonflait ses joues, mangeait ses yeux : c'était en conversant avec des personnes telles que Castor ou Danaé qu'il s'estimait au mieux dans son élément, même si c'était avec ces mêmes personnes qu'il avait le plus du mal à dissimuler ses émotions. Il se trouvait bien chez lui, pourtant ! Quoi qu'il fît, malgré ça, les ficelles sentimentales se muant dans sa poitrine transparaissaient dans ses yeux, comme si un cordon cousu dans sa gorge les reliait aux lignes de son visage. Quant à sa boutique... Il s'agissait d'un endroit juste assez bancal pour être parfait. Jamais Julius ne s'était senti aussi bien dans un lieu, peut-être parce qu'il quittait rarement son domaine.
Il était né dedans, il avait grandi dedans, il travaillait dedans. Comment se sentir plus familier avec une demeure ?
Il s'attachait à la moindre particule de poussière venue s'échouer sur son encolure de bois, ne commettait aucun mouvement brusque, de peur que sa boutique en sursaute. En effet, en dépit de sa stature plutôt imposante, la maison se composait de deux chambres exiguës, à l'instar de toutes les autres pièces de la demeure. Il semblait presque miraculeux que Julius pût se déplacer entre les poutres sans se cogner partout. Mais l'antiquaire n'en voulait pas à sa maison. Pour lui, c'était presque comme une personne à part entière, dotée de son propre caractère. De son propre cœur – cœur situé dans la minuscule pièce circulaire jouxtant sa boutique, le bureau de son arrière-arrière grand-père. Quand les portes claquaient, elle exprimait son mécontentement ; quand la chaudière sifflait, elle fanfaronnait une douleur ; quand ses cheminées soufflaient, elle affirmait son soulagement.
L'antiquaire souffla, lui aussi, mais d'exaspération.
En comprenant que le sommeil ne serait plus au rendez-vous, il s'était échappé de la tiédeur de son édredon. A mesure que l'embout de la plus longue aiguille roulait sur le cadran de son gousset, son sourire l'avait démangé – et il lui faudrait du temps pour réparer ses accrocs. S'habillant, il rectifiait, méticuleux, l'ourlet de son pantalon et grattait les tâches sur ses bottines, comme à son habitude.
Pour ses clients, il soignait consciencieusement son apparence, en maudissant parfois les quelques boutons sur son front, les quelques inégalités dans la disposition et la proportion de ses traits. Il se donnait pour objectif de paraître le plus professionnel possible.
Ainsi rougissait-il en se rejouant en pantoufles, pyjama rayé, peignoir et bégaiements il y avait une belle heure. Il garderait sûrement de cette scène un sentiment grattant, piquant comme la barbe d'un père : un sentiment de honte.
Dès qu'il eût entièrement boutonné sa chemise en flanelle, l'antiquaire descendit à sa boutique, de nouveau armé d'un plumeau. Il était tôt. Il avait la furieuse envie de se blottir dans un fauteuil, calorifère fumant et café à la main. Peut-être tarirait-il cette envie plus tard, car à l'instant, c'était surtout son atelier qui réclamait une bonne séance de nettoyage.
- Allons bon...
Julius se frotta les yeux, la tête encore chiffonnée par le sommeil – ou le manque de sommeil. Ses premières heures promettaient d'être rudes ; et effectivement, après que la bonne odeur du savon neuf se répandit dans toute la maison, elles le furent.
Julius buvait son café, adossé à son comptoir enfin astiqué. Les lettres « Ouvert », à l'avant de la vitrine réfléchissaient sensiblement la lumière du soleil. Le silence régnait sur les lieux.
Avant de voler en éclats.
- Bonjuuuuur Monsieur Juliuuuuus, haha ! Une bonne nuuuuit, Monsieur Juliuuuus, huhu ?
- Je...
L'interpellé redressa ses bésicles, comme pour mieux ajuster sa réponse.
Qui ne vint pas. Debout sur le seuil, les joues roses comme deux pommes presque mûres se tenait Quintus, un sourire épanoui tel une fleur sur ses énormes pommettes. Il avait les mains larges comme des couvercles de soupières, le cheveu doré comme une reliure de beau livre. Mais il était bel homme, très bel homme même, avec l’improbable épaisseur de ses cils et cette constante joie qui semblait déborder de ses lèvres pleines sans peine. C’était en effet un boulanger à l'humeur plus dorée que son pain, au tempérament plus onctueux que sa mie. Pourtant, il ne savait qu'émietter le cœur des passants – qui l'évitaient légèrement.
Car Quintus avait un problème, rond, creux, percé comme une lucarne ; lourd, gonflé, de bronze effrité, comme le bouton d'une très ancienne redingote en velours. Ce problème était survenu comme la larme d'un œil, et son sel gluant avait fait fuir les enfants. Presque plus personne ne venait à sa boutique – sauf Julius, de temps en temps.
Quintus était borgne.
- Bonj... Bonjour, le salua l'antiquaire avec hésitation, comme quand on ne sait si notre cravate est trop serrée, ou non.
- Haha, vous avez une sale mine, Monsieur Julius, lui apprit le boulanger en s'accoudant au comptoir. Une mauvaise nuit ?
L'antiquaire haussa une épaule, puis l'autre. Jamais il n'aurait non plus qualifié sa nuit de « mauvaise ».
- C'est vrai que j'ai très peu dormi, admit-il en se raclant la gorge.
Il essuya rapidement ses bésicles dans le tissu de sa chemise et les équilibra sur son nez, tandis que son regard dardait sur chaque trait du boulanger. C'était fou combien il semblait heureux. Même ses coudes, lourdement posés sur le meuble, paraissaient rayonner de joie. Et son sourire ressortait dans la sobriété de la pièce dans un entrelacs de diamants blancs.
Julius, quant à lui, était gêné par tant d'allégresse – il avait fermé la bouche et froncé le nez. Comparé aux gestes énergiques de Quintus, le mouvement qui l'anima afin de replacer un épi de cheveux qui pointait semblait lourd, fragile, douloureux. De trop, même.
Comment cet homme pouvait-il respirer tant de ferveur alors que sa vie n'était semblable qu'à une moue insatisfaite, boudeuse ?
L'antiquaire réprima un soupir. Le jeune homme le faisait décidément se sentir à l'étroit dans les certitudes qu'il s'était construites. Une fois de plus dans la semaine, sa manière d'être heureux était remise en question.
- Quelle est la raison de votre venue, Quintus de Farïnebleue ? Vous me semblez pourtant en pleine forme !
- Haha, mais c'est que je suis plutôt déstabilisé !
Le boulanger s'ébouriffa les cheveux, le rire. La large convulsion qui nimbait son visage – convulsion également connue sous le nom de « sourire » – se figea quelque peu. Si on y prêtait attention, il avait les épaules affaissées de ceux qui passent sous silence d'importants secrets, le menton refroidi de ceux qui hésitent encore à parler. La curiosité de Julius se saisit de cette indésirable opportunité pour poindre au jour : le comportement changeant de Quintus, même minime, nécessitait tout de même une petite remise en question.
Ce qui était sûr, désormais, c'était que le jeune homme ne brûlait pas tant de bonheur, comme son attitude aurait pu le laisser penser.
L'antiquaire cligna de l’œil gauche – gauche comme l’œil valide du boulanger – l'ébauche d'un sourire au coin droit de la bouche. Il comprenait, à présent. La gaieté de Quintus servait de carapace. Une carapace peut-être pas écailleuse mais en outre bien solide. Efficace.
- Videz votre sac, mon ami, murmura-t-il en essayant au mieux de rendre son ton bienveillant. Rien de vos paroles ne passeront au-delà du mur de cette boutique, je vous le promets.
Les pommettes de Quintus frissonnèrent à la perspective de cette idée, comme du papier qui refuse de s'envoler au gré du vent. Pour le rassurer davantage, Julius alla même jusqu'à poser ses doigts d'encre sur la main du boulanger, ayant exactement la même texture râpée que le parchemin-courrier. Heureusement, le jeune monsieur n'était pas quelqu'un de très réservé.
Le secret, qu'il gardait depuis lors à l'abri dans son poing serré, s'ouvrit à Julius avec la facilité d'un livre qu'on commence. L'antiquaire remarqua l'émotion que tricotaient les lignes du visage de Quintus, alors qu'il débitait :
- Je... j'ai... euh, haha ?... rencontré la femme de ma vie.
Julius eut du mal à masquer sa déception.
Pourtant, bien endormi dans les tréfonds de son cœur, il sentait quelque chose s'agiter nerveusement. Un sentiment filé, fébrile, unique, se frottant contre tous ses qualificatifs comme un bout de tissu bousculé par le vent. Indéfinissable.
Le binoclard dut néanmoins se désintéresser de cette bizarrerie pour concentrer son entière disposition à Quintus et ses joues rougissantes, son professionnel l'obligeant. Ce fut donc ainsi qu'il constata que le boulanger avait la prunelle de la couleur bleue-grise d'un jour mourant.
- Je suis loin d'être un expert en la matière, mais je ne pense pas qu'« aimer » ne soit le germe d'un souci. Bien au contraire.
- Tous les déshérités de l'amour disent ça, et c'est bien parce qu'ils n'y connaissent rien, huhu.
« Peut-être », songea Julius en entrechoquant les mâchoires.
- En tout cas, je ne vois pas le genre d'émotions que vous voudrez me réclamer. Laissez donc l'amour agir de son propre gré, au lieu de forcer le destin.
- Peut-être.
Julius décida immédiatement de rompre le silence qui menaçait de s'écraser sur eux. La situation lui semblait déjà bien assez embarrassante comme ça.
- Alors ? Quelle émotion vous fait envie ?
Pour toute réponse, Quintus promena un regard brumeux sur la pièce, certainement ennuyé, sûrement mélancolique. Son œil bleuâtre disséqua chacune des émotions exposées sur les étagères. Il observait les fils de soleil qui glissaient lentement sur le parquet. Il respirait profondément l'odeur des vieux meubles et du papier froid. Il chassait de deux-trois pichenettes les poussières sur ses épaules.
D'habitude, Julius nourrissait un conséquent intérêt pour la gestuelle, l'attitude et les mimiques humaines. Or aujourd'hui, il s'ennuyait. En réalité, il commençait sérieusement à se sentir à l'étroit derrière son comptoir, et l'estomac compressé contre le flanelle de sa chemise et le fermoir de sa ceinture. L'antiquaire se mordilla la lèvre inférieure, mais résista pourtant à la tentation de se gratter le nez. Face à un si bel homme, cela serait sans doute jugé indécent. Il en fut de même pensée pour son soupir, qu'il refoula bien malgré lui : depuis quand demeurait-il aussi patraque envers ses clients, intéressants ou non ?
Était-ce sa rencontre avec Danaé qui le remuait ainsi ?
Julius chassa cette hypothèse d'un froncement de sourcils. Cela faisait dix ans qu'il tenait cette boutique, et c'était loin d'être la première fois qu'il rencontrait un personnage aussi original. Gilding en débordait.
Il rajusta finalement ses bésicles avant de reprendre :
- C'est un choix des plus complexes, je vous en tiens gré. En revanche, n'êtes-vous pas venu avec une idée d'émotion bien à vous en tête ? Ça ne serait guère surprenant. Beaucoup de mes clients agissent ainsi, vous savez : ils réfléchissent à leur envie, me la font valoir, je leur donne mon avis, et comme conclusion, on se met d'accord pour savoir quelle émotion aura l’effet le plus efficace sur la personne, en prenant en compte son problème.
Désormais, le borgne lui présentait obstinément le dos. Non pas pour illustrer une bouderie, il était en fait en pleine contemplation du gramophone jouxté de l'automate désarticulé, que Julius avait soigneusement rangé derrière un rideau, à l'abri des regards – ou du moins l'avait-il cru. En la prenant sous cet angle, la cachette était pour le mieux qualifiable d'« inefficace ».
Se penchant sur le côté, Julius découvrit également une pliure sur les lèvres de Quintus, mais il serait bien incapable de définir si elle tenait du sourire ou de la grimace. Peut-être des deux.
Légèrement agacé quand même, il jugea alors le moment opportun de revenir à leurs moutons et d'un raclement de gorge, il força Quintus à se retourner vers lui.
- J'aimerais une réponse ! Je suis très heureux de savoir votre engagement auprès de cette femme, mais quel rapport avec mon métier ? Je serais dans la belle incapacité de vous venir en aide tant que vous demeurez aussi pomme-dans-la-bouche !
Son agacement avait été filé dans un murmure presque indistinct à l'oreille, toutefois très audible pour le cœur. Celui du boulanger en fut décroché. Il plongea son visage dans ses énormes mains pleines de galanterie.
- Le problème est qu'il n'y a aucun engagement entre moi et cette femme, Monsieur Julius ! C'est vrai, je l'avoue, je suis venu ici sans but précis, à moins de pouvoir bénéficier d'un peu de Soulagement, ou de Joie, mais je ne veux surtout pas vous surpasser, haha. Rien qu'à l'idée d'avouer mes sentiments à cette magnifique tulipe, je me sens sombrer dans l'horreur d'une crise d'angoisse. Regardez-moi ! Non mais regardez-moi vraiment !
Il faisait référence à la substance rose et bouffie qui s'étalait sous son cache, sans aucun doute. Enfin quelque chose qui tenait de la rigueur ! Julius s'en voyait rassuré, et ses joues, qui eurent partiellement adopté une couleur rosâtre par son hoquet d'irritation, retrouvèrent leur noirceur habituelle, celle des plumages d'hirondelles, de l'encre neuve ou du café fort amer.
- Bien.
Il appuya ses coudes sur le comptoir dans un bruit sourd. Dorénavant, il lui fallait entamer une étape délicate : celle de consoler son client. Julius se mordit péniblement l'intérieur de la pommette. Il était vraiment et décidément de piètre qualité pour ces choses-là. Comment pouvait-on dégoter, filer ou tricoter bon mot, bon terme, bonne phrase, jusqu'à ce que la douleur de l'autre s'estompe ? Cela dépassait complètement son entendement.
Il entreprit donc, très maladroitement d'ailleurs, de jucher sa main sur l'épaule du boulanger, dure, musculeuse et rebondie à la fois. Ce geste symbolisait apparemment le soutien et le réconfort, et c'était d'ailleurs par ce ridicule mouvement que Julius se défaisait le plus souvent d'une laborieuse situation. Il ne remercierait jamais assez l'invention de la gestuelle.
- Merci, renifla Quintus alors que de son deuxième bras, l'antiquaire lui tentait un mouchoir brodé.
- Ce n'est rien. L'amour est un sujet vaste et sans issue, je vous comprends parfaitement.
« Et en plus que sans issue, c'est aussi un sujet qui, selon moi, n'aurait jamais dû être inventé », ajouta-t-il intérieurement. « C'est vraiment bien trop dangereux de s'aventurer là-dedans, ça m'évoque un peu trop le sable mouvant à mon goût. Comment plonger à l'intérieur d'une masse si complexe sans jamais boire la tasse ? Cela me semble bien plus qu’improbable. Enfin bref, Julius, mets donc fin à ces pensées sans queue ni tête, tu te fais du mal et noircit délibérément le tableau. »
Il décida donc de s'éclaircir la gorge pour se donner une contenance.
Néanmoins, dans les tréfonds de son âme, il s'en voulait de taire l'essentiel de l'amour à ce naïf boulanger. Le pauvre ! Le voilà qui plongeait magistralement dans la gueule du loup, avec ça ! en toute connaissance de cause ! Il ne savait absolument pas dans quoi il s'engageait, et Julius non plus, même s'il ne l'admettait guère.
Comme il n'admettait pas d'être encore en train de penser à ce visage. Pommettes fruitées. Bouclettes chocolatées. Sourire salé. Regard pimenté.
Danaé.
En face de lui, Quintus s'était mis à le fixer avec une sorte de vigilance, peut-être parce que Julius avait la fâcheuse habitude de tiquer en réfléchissant intensément. Il se frottait aussi la mâchoire avec un mouvement de sourcils interrogatif.
- Veuillez m'excuser, l'implora posément Julius, en essuyant d'un revers de manche les perles de sueur qui ruisselaient de son front. J'étais en pleine élaboration d'un plan d'attaque, voyez-vous, mais celui-ci tombe hélas à l'eau, car sans doute trop scabreux.
Cet entretien maladroit les mettait définitivement tous deux dans un sacré embarras, et une fois encore, Julius s'en voulait terriblement. Il renouvelait ses erreurs de débutant boutiquier avec succès et avec ça, il lui semblait n'avoir jamais autant menti en l'espace d'une heure.
- Que ressentez-vous, Monsieur Quintus de Farïnebleue, en proie à un tel sentiment amoureux ?
Le jeune homme effila un œil penseur, rêveur, tandis qu'autour de ce regard unique, ses bouclettes comme un nuage couleur or entamaient une danse rebondie.
- Je ne sais pas... De la nervosité, sans doute ? Franchement, d'après vous, qui jamais voudrait aimer un homme borgne ?
« Qui jamais voudrait aimer un antiquaire insociable et obsédé par sa boutique ? »
- Il n'est pas question de « vouloir » aimer, je pense, mais d'aimer simplement et sans discontinuer. Si la femme pour qui vous nourrissez ce sentiment vous accepte comme vous êtes, c'est que c'est celle qu’il vous faut, ni plus ni moins.
- J'imagine que je me dois de vous donner raison, soupira le boulanger.
Julius, fier de sa philosophie, s'autorisa un petit sourire, en totale harmonie avec son petit incliné de tête sur le côté droit – gracieux et compréhensif. Dans la boutique, il lui semblait que les poussières voletaient plus vite, soudain, comme pressées de regagner un chez-soi qui n'existait que dans leurs foisonnantes imaginations, car elles n'habitaient en fait que le tapis gris et miteux de leurs pleurs.
L'antiquaire décocha un regard réprobateur à son atelier tout soyeux, cotonneux de particules, avant de réajuster sa concentration sur Quintus et son problème. Il regrettait de ne pas avoir emporté avec lui la montre à gousset de son grand-père, délaissée à son chevet. Il supposait, à l'aide de son savoir-vivre, qu'il serait impoli de se pencher légèrement sur la gauche pour entrevoir le gigantesque cadran de sa comtoise.
- Je vais commencer par vous fournir de la Joie, Monsieur Quintus de Farïnebleue. C'est l'unique solution qui me vient à l'esprit actuellement. En revanche, si cette émotion ne vous convient pas, n'hésitez pas à revenir passer pour un remboursement. Bien.
Le binoclard observa la main du borgne s'enrouler avec avidité autour d'une fiole qui pouvait paraître identique à toutes les autres. Mais celle-ci dupait les apparences avec son rond de porcelaine fissuré, son capuchon d'une obscurité nocturne : elle ressemblait à une ampoule alors que son contenu, de la Joie dans toute sa fraîcheur était un trésor équivoque à aucun autre.
- Qui voudrait se faire rembourser de la Joie, haha ? disait d'ailleurs Quintus, à qui tout cela semblait absurde. C'est une émotion irremplaçable, pour moi.
- Cela dépend de vos situations personnelles, de votre caractère, de votre enfance, de vos souvenirs, détrompez-vous. Trois plumes de faisan, s'il vous plaît.
Il n'y eut rien d'autre à ajouter.
Ils troquèrent des pièces rondes comme un œil écarquillé, comme un espoir un tantinet trop fortin.
C'est un chapitre qui m'intrigue beaucoup plus, sans doute parce que l'histoire principale prend peu à peu le dessus sur ces rencontres épisodiques. J'avoue aussi que le fait de considérer que Quintus ait un "problème" me fait mal au cœur, tant je n'aime pas l'idée qu'être borgne puisse en être un, mais préfère m'imaginer que c'est plutôt la manière de le percevoir qui est à proprement problématique. Même si c'est une surface qui cache une certaine souffrance, ce personnage me semble très solaire malgré tout (je m'imagine Oaken, dans La Reine des Neiges ^^) et je ne vois pas en quoi une partie de lui pourrait être un "problème"... Tu vois ce que je veux dire ?
"Quoi qu'il fût, les ficelles sentimentales se muant dans sa poitrine transparaissaient dans ses yeux, comme si un cordon cousu dans sa gorge les reliait aux lignes de son visage." Encore un passage parmi d'autres dont je ne me lasse pas. C'est joliment écrit, comme depuis le début. :)
" Il garderait sûrement de cette scène un sentiment grattant, piquant comme la barbe d'un père : un sentiment de honte." Là j'ai eu comme un frisson, celui qu'on réserve aux mots si bien choisis qu'ils traduisent quelque chose de très précis que l'on a déjà pu ressentir. Je crois que c'est l'image de la barbe qui joue beaucoup. ^^
Petite coquille au passage : "je vous le promet." promets*
Ce que j'entends par "problème", ce n'est pas le fait qu'il soit borgne en soi, mais plutôt le regard que posent les gens sur son œil éborgné. Ce doit être douloureux de s'attirer autant de regard de pitié ou d'effroi, de n'être jamais vu comme tout à fait "normal", en un sens. J'ai essayé de visualiser le monde à travers son œil à lui, Quintus, et c'est ce que j'ai cru voir. Sans doute mon idée a-t-elle été trop "brouillon", pas assez bien exprimée.
Ton message (tout comme les précédents et suivants) me réchauffe le cœur par sa douceur et bienveillance. Merci, merci, (merci) Dodoreve <3
Il doit soigner et soulager en souffrant du même mal.
C'est finalement Quintus qui l'oblige à réfléchir à ses propres sentiments. Le pauvre est encore une fois bousculé dans ses habitudes de célibataire heureux en apparence....
Tout se fissure chapitre après chapitre !
Belle écriture, inventive et douce, tu abordes les contradictions de l'amour avec sensibilité, tu exprimes bien toutes les angoisses et les espoirs que peut susciter ce sentiment. Le confort calme quand on n'est pas amoureux, mais l'idée de passer à côté de moments forts. Et le côté perturbant et douloureux parfois quand on est en plein dedans...