Shimmering Manor, mardi 11 septembre 1877

Par Beatrix

 

Très cher cousin, 

 Votre dernière lettre m'a beaucoup touchée. Je dois avouer que je ne m'attendais pas, après ces cinq longues années, à ce que vous vous souveniez de l'enfant que j'étais encore avant votre départ d'Angleterre. Votre sollicitude me va droit au cœur. Il me faut hélas vous donner de fort tristes nouvelles : ma pauvre mère n'est plus de ce monde. Compte tenu de sa santé fragile, les rigueurs prolongées de l'hiver dernier ont eu raison d'elle. Elle est partie pour un monde meilleur en février dernier, mais au moins ai-je eu le réconfort de la voir s'éteindre en paix.  Je ne vous cacherai pas que son décès m'a laissée dans une situation financière pour le moins alarmante. Le maigre héritage de mon pauvre père a rapidement fondu en notes de médecin et autres nécessités, au point que je me suis trouvée dans l'incapacité de m'acquitter du loyer pourtant modique de notre petit appartement.  Fort heureusement, par l'intermédiaire d'une ancienne compagne de pensionnat, j'ai découvert une institution qui place les jeunes personnes éduquées mais désargentées - ce qui est mon cas, pour être lucide sur ma situation - dans des emplois convenant à leur condition. Prendre soin de ma malheureuse mère, pendant ces dernières années, m'aura au moins fait gagner une certaine expérience à veiller sur des personnes malades. Ce point a attiré l'attention des responsables de l'institution, qui ont montré une grande diligence à la faire valoir auprès d'employeurs potentiels.  C'est ainsi que je me suis vu proposer un emploi fort intéressant, me semble-t-il, auprès d'une dame de qualité atteinte d'une affliction qui lui interdit depuis de longues années de paraître en public. Il me suffira de lui tenir compagnie, pour des émoluments plus que généreux ; je serai en outre logée et nourrie et je bénéficierai d'un jour de liberté par semaine. N'ayant que peu de relations et plus aucune famille en dehors de vous, ces conditions me conviennent à la perfection.  En vous remerciant encore de votre affection et votre sollicitude, je reste votre humble servante.  Elisand Hartley      

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