Oyez Oyez,
Braves compagnons,
Voici une aventure,
Du chevalier mignon :
Sire Fripouille
Adorait les magouilles,
Son sobriquet
Il se l'est forgé,
À coups de grenouillages
Et de mauvaises farces.
En pays Lectois,
Dans les vallons et les bois,
Il ne passait pas inaperçu,
Vous-mêmes l'auriez reconnu :
Dans sa tunique rose-bonbon,
Il faisait sensation.
Entre ses cuisses,
Son cher Aloïs,
Un étalon noir impressionnant.
Sur le côté,
Sa chère Alizée,
Sa fine lame tout en argent.
Coquin, il paradait fier comme un coq,
Bons mots accompagnaient ses coups d'estoc,
Quand les premiers faisaient mouches,
Les seconds eux, bonnes touches.
Un soir d'été
Destin faisant,
La bonne odeur
D'un bon faisan,
Donna idée
Alléchante,
Au beau parleur
Trop imprudent.
Ses narines en alerte,
La rapine dans la tête,
Le malheureux fut attrapé,
Et le vol vite constaté.
Traîné derrière un Premier Justicier,
Représentant du Parakoï aimé,
Sire Fripouille faisait preuve de bravoure
Devant l'échafaud au centre du bourg.
Alors fendant la foule immense,
Aloïs, au galop se lance,
Donnant à tire-larigot,
Coups de dents et de sabots.
La panique parmi tous ces gens
Ouvrit un combat élégant :
Sire Fripouille toujours poings liés,
Saisit sur son cheval, Alizée.
En trois coups de bottes
Et de pas de deux,
Mit en joue son adversaire,
Ses grosses fesses par terre.
Le Justicier vaincu,
N'eut autre choix que de délivrer,
Au milieu de la rue,
Son gantelet en or et les clés.
Sire Fripouille s'éclipsa dans un dernier salut,
Laissant derrière lui une joyeuse cohue.
Sa main brillant comme un soleil,
Une main en or, quelle merveille !
***
Il serait bon que vous sachiez toute la vérité sur cette histoire car Sire Fripouille n'avait pas si bonne bouille. Derrière ces vers populaires se cachait en fait un homme vulgaire. Le conte que je vous ai rapporté a quelques peu édulcoré la vérité. Permettez-moi de rectifier et d'écorner cette image si sympathique.
Tout d'abord, Sire Fripouille n'était en rien chevalier ; tout juste un maraudeur dont la tunique rouge avec le temps s'était délavée. Elle tirait alors sur une sorte de rose, pas très attrayante, non plus présentable. Son compagnon s'appelait bien Aloïs, petit roussin qui avait fait son temps, bien loin de l'étalon noir et reluisant que l'on imaginait à l'écoute du conte. Son épée, sa chère Alizée, était émoussée, à moitié rouillée. De son éloquence, nulle trace ; tout juste vulgaire au mieux, méprisable.
Le début du conte, en dehors de quelques éléments enjolivés vous l'aurez compris, était bien vrai. Un soir d'été, Sire qui n'en était pas un, arriva dans une petite cité du pays Lectois. La faim le tiraillait lui et son cheval ; il fit halte devant une auberge, sans le sou en poche.
Un si petit détail ne saurait l'arrêter, il poussa la porte et vint à demander :
— Une table et votre meilleure pintade, je devance mon maître qui arrivera à la nuit tombée. Il paiera rubis sur l'ongle dès son arrivée.
Le tenancier ne tomba pas dans le piège grossier. Un serviteur si mal accoutré ne pouvait être qu'un menteur, ici, désespéré. L'aubergiste l'envoya fissa dehors, un coup de pied dans l'arrière-train et le juron en supplément.
C'était mal connaître la ténacité de notre joyeux luron. Si la porte de devant restait close, il passerait par derrière. Profitant d'un moment de négligence du propriétaire de la maison, il se faufila dans la courette puis, par une fenêtre. L'odeur de la volaille embaumait la pièce et, comme lutin court sur pattes, il empoigna la bête et repartit par où il était venu.
Sire Voleur se carapata, mais il avait été vu. Aux cris d'alerte, la milice locale accourut et facilement, elle mit la main sur le mauvais bougre.
Là encore, cette fable que chacun aimait à raconter rendait un hommage à Sire Fripouille qu'il ne méritait pas. En effet, aucun Premier Justicier ne l'arrêta. Les troupes d'élite du Parakoï avaient mieux à faire que de s'occuper d'un voleur de pintade. Ce sont quelques gardes sans grade qui lui mirent la main dessus et, sans aucune forme de procès, le trainèrent sur une place de la cité. Tous le huaient, lui crachant au visage leur plus beaux glaviots et insultes. On réservait au fouteur de trouble, ce qu'on allouait à tous les voleurs : une marmite d'eau bouillante.
Oui l'étalon n'était pas loin, mais mâchouillait tranquillement une meule de foin. Peu concerné par le sort de son maître, il bâillait et s'ébrouait.
La cocotte enfin prête, on poussa notre maraudeur sans ménagement. Entravé par des liens solides et maintenu par trois hommes en armes, on lui prit le bras et le plongea dans la fournaise liquide.
Les cris de douleur n'émurent personne. Le supplice dura jusqu'à ce que la main, n'en sortit pas d'or, mais brûlée jusqu'à l'os.
Sire Gargouille fut alors relâché, avec son cheval et son épée.
Il quitta bien la cité sous les yeux de la foule non pas en héros grandiloquent ; seulement tout penaud et toujours la faim au ventre.
Point de gant en or, mais un nouveau trophée : sa main ébouillantée, toute rose car brûlée était assortie à sa tunique délavée.
Encore bravo pour cette nouvelle, tu as une plume qui me convint, je voudrais certainement découvrir les trois pays avec ton roman après ces nouvelles
Comme annoncé dans la première nouvelle, j'aime bien mélanger le dark et l'humour. Cette nouvelle représente assez bien l'univers que j'ai essayé de développer. La rumeur est la base de toutes les légendes ! Ou alors, le vainqueur embelli ses aventures pour les rendre héroïques...
Sire Fripouille est bien malheureux dans son épopée, mais contrairement au héros de Bourg-en-boue, au moins, sa légende est faite et connue :)
J'espère que la suite te plaira !
Mais qui sait, si la main n'est pas *trop* brûlée et qu'on lui applique un bon onguent, ça peut peut-être se soigner ! (ça a l'air moins définitif qu'une main coupée, toujours)
Content que cette Fripouille t'ait plu, je pense faire plusieurs nouvelles sur ce brave homme, entre légende des contes, et réalité moins rose ;)
Peut-être a-t-il partir à la recherche d'un onguent pour la suite, c'est une bonne base ;)
Le voleur s'est fait avoir par des gardes qui lui ont brulé la main en punissement. Je t'avoue que je m'attendais à une fin plus fracassante. Je me suis dit pauvre voleur qui a juste volé pour manger. Une triste fin donc.
Coté style, la nouvelle se lit bien.
Mes notes :
"La faim le tiraillait lui et son cheval"
> Virgule après tiraillait ?
"sans le sou en poche."
> Sans un sou en poche ?
"quelques gardes sans grade"
> Pourquoi sans grade ?
Merci de ta lecture fidèle, ça me fait touche toujours autant de te voir là !
Le simple vol, dans certaines sociétés, était puni plus violemment encore : main coupee6par exemple. Je trouve qu'il s'en sort plutôt à bon compte ^^
Je voulais ici, marquer le parallèle, même l'opposée, entre une légende construite et racontée au coin d'un feu, et la vérité qui se cache derrière. C'est ce décalage que je voulais traiter ici, et pas forcement la chute qui peut surprendre davantage dans les autres nouvelles :)
"Des gardes sans grade" rejoint un peu ce que je voulais traiter, dans la version "legende" ce sont les Justiciers du Parakoï qui s'occupent de lui, ce qui se fait de mieux ; dans la réalité, ce ne sont que des gardes sans valeur qui sont intervenus. Je pensais que préciser le "sans grade" renvoyait bien à la grandeur des Justiciers :)
J'espère que la prochaine nouvelle te plaira !
A tres vite