Six heures avant l'éruption du mont Orda

Par Luvi

 

Région forestière - Forêt sacrée de Drya

Le soleil se levait enfin. Ses rayons percèrent l’épais feuillage. Les ombres de la nuit furent rejetées. Jarrod, saisit par l’angoisse, récitait mentalement une prière. Destinée au maître, il espérait qu’elle soit entendue. Les ordres arriveraient sous peu. Aujourd’hui ils attaqueraient. Son sang bouillonnait d’excitation, et sa magie tourbillonnait légèrement autour de lui. Sa toute première guerre loin de chez lui allait débuter. Ses limandes, attendaient sagement dans leur enclos, le moment où elles se déchaîneraient sur la forêt de ce monde voué à disparaître.

Il se laissa aller à ses pensées. Les brumes du sommeil contre lesquelles il avait lutté toute la nuit, le quittaient. Elles s’ouvrirent sur les souvenirs du proélium. Il entendit le son des trompettes marteler son esprit. Le cri d’une foule en délire déchirait ses tympans. La chaleur harassante rendant son corps moite de sueur. Son souffle erratique, ses poumons brûlant et la sécheresse de sa gorge qui l’incommodait. Après des semaines de combat ou il avait vu tomber les meilleurs invocateurs de sa génération, il se tenait enfin face à une tribune montée en toute hâte. À ses côtés, un homme au visage rouge et boursouflé tanguait. Lui le jeune invocateur de dix-sept lunes et son adversaire, attendaient le début du dernier combat. Celui la même qui le propulserait victorieux vers une rencontre avec le maître. Il se savait promis à une glorieuse destinée. Son père le lui répétait depuis son plus jeune âge. Et le voici, survivant d’une funeste contrée, devant la dernière épreuve de sa vie.

Le combat fut rapide. Sous les acclamations du public, il avait fait danser ses limandes. Il avait démontré que même sans puissance bestiale, la plus insignifiante des créatures pouvait être victorieuse face à un prédateur. Les invocations de son adversaire avait fait pâlir Jarrod, mais elles avaient fait pale figure face aux siennes. Qu’attendre d’un Maö, fières créatures félines aux proportions gigantesques ? Leurs peaux noires et burinées, leurs pattes puissantes et leurs griffes tranchantes comme des lames, n’avaient rien pu faire contre l’acide salive des gastéropodes. Incapables de mordre ou d’enfoncer leurs griffes dans la chair luisante et flasque des limaces, les créatures avaient trouvé la mort. Son adversaire avait fini par succomber par manques d’énergie magique. Il s’était bien défendu. Malgré la fierté de sa victoire qui gonflait son cœur, la déception de se voir remettre la gloire par un vieil intendant du palais, le ramena vers la réalité.

Arlan les yeux clos, sommeillait tranquillement à quelques mètres. Les rayons du soleil vinrent frapper son visage de plein fouet. Il ouvrit difficilement les paupières, ébloui par la douloureuse lumière. Il se redressa. Remarquant le jeune homme, le visage blême debout devant l’orée du bois, il se releva d’un bond. « Oh il est où Varlen ?

— Il est pas encore revenu de la forêt ! Dingue les branches sont tellement épaisses qu’on croirait qu’il fait nuit-là d’dans !

Arlan, déstabilisé par sa sieste, appela l’invocateur occulte, « Oh Varlen qu’est-ce tu fait ?

— Tu ne devrais pas hurler ainsi ! J’tai dis, y a un truc pas net ici !

— Laisse tes boniments pour ce soir, c’est qu’une forêt, et les mages ont pas détecté de vivant dans l’coin ! Il lança sa rapière, arme de facture médiocre, qui arrêta sa course aux pieds du jeune homme.

— Tiens, v’la pour te défendre. Tu sais utiliser une arme au moins ?

— Tu veux p’t’être que j’te montre comment on danse ? L’épée brandie au-dessus de sa tête fendit l’air, et s’arrêta à quelque mètre de l’épaule de l’homme au visage décomposé.

— On m’avait dit qu’t’était un bon, mais j’pensais pas à ce point-là ! Sifflant d’admiration, il s’agenouilla et entrepris de sonder l’énergie magique provenant du sol.

— T’sais utiliser la magie autre qu’invocatrice ? Moi mon paternelle à refuser de m’enseigner ça ! L’élevage et les armes c’est c’qui d’vait nous permettre de devenir riche ! T’parle j’suis le premier d’la famille à être parti de la planète !

— Chut, gamin, quelqu’chose approche. Il se redressa, dégainant sa seconde arme en position de défense.

Dans le crépuscule mourant des premières lueurs de l’aube, une masse informe fendit l’air, s’écrasant sur la façade rouge aux bordures dorée de la cabane. Dans l’ombre du bois, une forme se dessina, les échos d’un trot se firent entendre et l’éclat d’une arme les aveugla.

 

Îlot militaire – Caserne Hoplite - Réseau souterrain

Les sphères de lumières qui accompagnaient leur marche, éclairaient faiblement les murs suintant l’humidité. La rivière à leur droite, renvoyait leurs reflets déformés. Elle coulait plus calmement. Seuls des débris de pierre venaient troubler la quiétude de son courant. La structure des souterrains se changeait en celle d’une grotte. Des stalagmites aux pointes tranchantes, formaient les crocs acérés d’une gueule monstrueuse. Au sol, sur le chemin se rétrécissant à vue d’œil, les mousses verdâtres d’un champignon poussaient. Les spores laissaient des traînées nauséabondes, telles les tentacules d’un monstre marin sortant d’une eau croupie.

Jonin attrapa le bras du capitaine. Lui intimant de se taire, il s’accroupit le dos contre la paroi rocheuse, et sonda mentalement la magie qui se dégageait du centre de l’îlot. Le frisson qui le parcourut, acheva de donner raison à son instinct. La magie qu’il ressentait, faisait frémir sa propre magie. La sensation que son énergie magique était aspirée hors de son corps, le plongeait dans un état de grande fatigue. Se relevant difficilement, il fit état de ce qu’il venait de ressentir.

— Combien d’homme travaille ici-bas ? Chuchota-t-il.

— L’îlot est grand, je dirais cinq cents personnes. Le capitaine intima à ses soldats de se taire.

— L’aura magique d’autant de monde devrait flotter tout autour de nous, pourtant je ne ressens pas la présence d’être vivant. Ont-ils été évacués ? Il s’accrocha à son veston.

— Non ! La caserne étant surchargée de soldat, les généraux ont pris la décision d’envoyés une unité afin de prêter main-forte aux travailleurs en cas d’attaque !

— Des soldats ? Regarde dans l’eau ! Jonin leva son doigt vers la rivière, dans laquelle flottaient des objets métalliques, luisants sous la lumière des sphères.

— Des épées ? Compagnons avançons, nous y sommes presque. La troupe se remit en marche.

Ils hâtèrent le pas, la peur au ventre. Telle la bouche vorace d’un prédateur, l’entrée de la salle des machines était illuminée d’une vive lueur violacée. La lumière semblait les attirer tel des papillons affolés par l’obscurité. Ils entrèrent sans un bruit. La salle était vide. Sous le ronronnement bourdonnant des machines, qui se faisait bruyamment entendre, la troupe se positionna prête à se défendre. Avant que la capitaine n’invective le mage, il suivit son regard terrifié. Il leva les yeux vers la voûte souterraine. Il resta figé. Il venait de trouver les soldats et les machinistes. Sous l’arcade principale, entourée par un chemin de traverse aux poutres métalliques, flottait une immense sphère violette. Dans le liquide fluorescent parcouru de bulle s’entrechoquant d’arc électrique, les corps sans vie de leur camarade flottaient.

— Fuyons ! Jonin, le visage blême parcouru de tic nerveux se sentait mal. L’aura maléfique que dégageait l’objet sphérique le fit tituber.

— Jonin, qu’elle est cette chose ? Le capitaine effrayé, le secoua pour le sortir de sa léthargie.

— Une bombe magique ! Le mage, n’eut pas le temps de déployer un sortilège de protection. L’atmosphère se para d’une vive lumière aveuglante.

 

Palais royal

La salle de réunion était majestueuse. Située dans l’aile nord du palais, sa proximité avec l’îlot militaire avait une importance stratégique. Dernière pièce ayant échappé à la guerre de soumission advenue il y a cinq mille ans, elle regorgeait de souvenir antique qui faisait la fierté de la famille royale. Les murs étaient recouverts de riches tentures rouges. Ornées de motifs dorés, elles scintillaient à la lumière des chandeliers suspendus au plafond. Un tapis épais aux teintes d’un rouge profond, accueillait une grande table de bois massif.

Les chaises qui l'entouraient, recouvertes d’un velours rouge, aux accoudoirs et aux pieds dorés, étaient occupées par quelques généraux et la reine. Sur la table, des encriers en or et une carte disposée, étaient prêts à être utilisés.

Un silence pesant emplissait la salle. Interrompu par le crépitement des chandelles et le léger bruissement des tentures, il apportait tension et appréhension aux généraux et à la reine. Chacun des participants était plongé dans ses pensées Les yeux dans le vide ou sur la carte déployée, ils réfléchissaient aux stratégies à adopter. La gravité de la situation fit exploser le chambellan.

Ma reine, le général Foinix a rejoint son unité au relais. Les nouvelles ne sont pas bonnes, la moitié des soldats ont péri face à une créature venue d’un autre monde !

Morgianne sursauta. Elle tourna son regard emplit de colère sur le messager, le faisant taire. Les yeux cernés et le teint blanchâtre par manque de sommeil, la rendaient encore plus irritable qu’a son habitude. Elle tendit son bras et empoigna son verre qu’elle jeta violemment dans l’âtre. Les flammes s’intensifièrent.

— Des grands hommes pourtant incapables de mener les troupes à la victoire ! Des archi-mages toujours enclins à se vanter de leur puissance, incapable de stopper une créature ! Que dois-je donc faire pour sauver notre monde si notre armée ne peut rien contre ces obstacles ?

Elle fit tourner la pierre opaline que Lostris lui avait confiée entre ses mains. Son regard se perdit sur les vaguelettes rosées en son centre. Une force mystérieuse émanait de la pierre qui semblait s’alourdir. L’image du panthéon s’imprima dans ses rétines. Comme un appel imaginaire, elle sentit que la lourde porte l’attirait irrésistiblement. Chaque pas mental qu’elle faisait, l’en rapprochait. Une étrange sensation de familiarité l’envahit. Elle se releva violemment. Elle se tourna vers l’homme, le regard sévère.

— Majesté, sauf votre respect ! Mais je crois bien qu’une aide serait la bienvenue.

— Fais parvenir un message aux Évones, qu’une unité se prépare, je me rends au panthéon.

Le chambellan se figea. L’aube commençait à se lever, amenant avec elle, la plus violente des batailles. Et la reine, l’esprit embrumé par le manque de sommeil, venait de prendre une terrible décision. Il la fixait, sans dire un mot, la peur de ce qui allait se produire dansait dans ses pensées. Il savait ce qu’elle avait en tête, mais il ne pouvait pas la laisser se sacrifier pour sauver Elysia. Il osa, au bout de quelques secondes, contredire la monarque.

— Ma reine, non, vous ne pouvez pas…

— Je ne peux ? Elle se tourna vers lui, son regard émeraude, perdu dans une lassitude, se confronta à celui apeuré de son chambellan.

— Te rends-tu compte de ce qu’il se passe dehors ? Nos hommes, nos frères, nos sœurs, nos enfants, ils meurent ! Ils meurent face à l’horreur et à aux ténèbres qui obscurcissent notre monde. Elle cria à s’en étrangler les cordes vocales.

— Mais l’Isis ! Elle peut nous aider ! Je vous en prie ma reine, reconsidérez la question !

— Il n’en sera rien ! C’est par nous-même que nous devons vaincre ! Attendre une quelconque aide divine ne nous mènera qu’à la servitude ! Nos ancêtres l’avaient bien compris ! Et même si certains d’entre eux ont apporté une aide précieuse à Lostris, une part d’elle veille au sein même du temple ! Elle serra la pierre dans son poing.

— Ma reine, de quoi parles-tu ? Il ne comprenait pas les paroles que sa reine venait de formuler. Était-ce le manque de sommeil qui lui faisait perdre la tête ?

— Je vais te partager les évènements qui se sont produits il y a cinq mille ans ! Après la mort de notre Isis ! Mes ancêtres ont accueilli l’Isis blanc, persuadés qu’elle n’était pas coupable de la disparition de notre divinité ! Cette simple vérité, non partagée par les dieux, entraîna notre monde vers la déchéance. Nos ancêtres l’ont entraînée au combat, à l’utilisation de la magie, à la diplomatie. Mais dans l’ombre, le prince Céto, trahis son propre frère, le roi Priam. Aidé du clergé, il tenta de s’emparer du trône et fit envoyer un message au Katastrep de notre Méros. Elysia fut alors été considérée comme une traîtresse par les dieux. C’est la destruction qui nous attendait. Mais le Dimiour entrepris de nous laisser une chance. Mes ancêtres devaient se prosterner et jurer loyauté aux dieux. Nous devions devenir une colonie, dirigée par les grands pontes de l’armée divine. Tu connais la légende de Herma la messagère ?

— Oui, la bataille de Téomache

— Elle fut choisie pour manier un pouvoir ! Pouvoir qui nous a été légué par Lostris en remerciement de ce que mes ancêtres avaient fait pour elle ! Ce pouvoir est scellé au sein du temple !

— Alors nous avons une chance ? Il s’approcha de la reine.

— Une infime chance de remporter la victoire ? Oui, mais une condition s’impose ! Elle tourna les talons, les faisant claquer sur le sol de pierre.

— Laquelle majesté ? Le chambellan se jeta à sa suite.

— Il y a une part d’ombre qui a été occulté des livres d’histoire ! La mort de Herma et de Téomache ! Il y a toujours une contrepartie à utiliser des sorts de grande puissance. Elle le savait, le roi le savait, Lostris le savait, mais tous ont conservé cet immonde secret.

— Une contrepartie ? De quelle sorte ?

Un bruit assourdissant se fit entendre et le palais se mit à trembler.

 

Grande plaine royale – Carrefour de Delphes - Promontoire

L’aube se levait. Éclairant faiblement le champ de bataille et les confins des monts Zonan, seul le silence du crépuscule qui reculait face aux rayons solaires enveloppait timidement le monde. Tout était étrangement si calme en ce début de nouveau jour.

Marlin toucha la barrière. Une ondée chaleureuse se propagea. Elle réchauffa la paume de sa main. Caressant la surface qui ondula dans un éclat doré, elle fit courir ses doigts le long du rideau de lumière, dessinant des traînées lumineuses dans la pénombre du promontoire.

Quelle magie impressionnante. La barrière forme une sorte de dôme autour du campement, nous coupant des bruits et des odeurs de la grande plaine. La surface réagit à chaque pression même la plus minime.

La jeune femme bailla. Le sortilège de téléportation l’avait enveloppé d’un froid glacial qui la plongeait dans un état de fatigue. La sensation frigorifique ne l’avait quitté que lorsque le soldat de la divinité, lui avait fait boire une potion de soin. La fiole dans sa main, à moitié vide, regorgeait d’un liquide rosé. Le portant à sa bouche, l’amertume la fit grimacer.

N’empêche que pour une divinité, tout est le plus simple possible ! Même la tente n’est qu’un amas de tissus grossier. Est-ce un moyen de passer inaperçus lors des batailles ? Il n’y a rien de fastidieux à part quelques objets venus d’ailleurs dont les fonctions m’échappent. Mais au moins nous sommes sains et saufs. J’ai pu manger, me laver et me changer.

La jeune apprentie retourna sous la grande tente en quête de nourriture. Son camarade dormait dans un des lits de camp dressés au fond, tandis que le général, assis à la table qui ornait le centre, se laissait soigner par Lostris. Marlin s’asseyant, fixant l’étrange sortilège qui gravitait autour de la main dorénavant disparue de son supérieure.

Les doigts de Lostris s’étaient illuminés. Les plaçant à quelques centimètres autour du moignon sanguinolent, de fin fil de lumières, pareils à de milliers d’aiguilles englobèrent la blessure. Le soldat, debout derrière le général, les mains placées sur les tempes du patient, marmonnait une incantation qui plongeait le général dans un état d’hypnose. Puis la magie fit son office.

Une chose blanchâtre semble apparaître du moignon déchiqueté. Est-ce l’os qui repousse ? Quelle est donc cette magie qui permet de faire pousser les membres disparus ? Une étrange chaleur se dégage des mains de la divinité. Elle flotte dans toute la tente. C’est étrange, tout mon corps semble être en coton ! J’ai envie de dormir ! Non je dois rester éveillé ! Je veux voir ce sortilège de soin !

Lostris se tourna vers la jeune femme. Le regard tendre d’une mère sur son enfant mit Marlin mal à l’aise. Elle ne ressentait aucune animosité se dégager de Lostris qui l’invita à se placer à ses côtés et entrepris de lui expliquer le sortilège.

— La lumière que tu vois, s’enfonce dans la chair telles les aiguilles habille d’une couturière. Elle pousse les cellules osseuses qui constituent la matrice à se reconstituer. Un peu comme les os d’un fœtus dans le ventre de sa mère. Lostris émit un rire léger face à l’incompréhension de Marlin « L’os repousse, c’est aussi simple que cela.

Le squelette de la main se dessina sous les yeux émerveillés de la jeune femme. La blancheur parfaite, laissa place à une masse rosâtre, pareille à des lambeaux de viande crue. Remontant le long du membre, elle commença à happer l’os du poignet. Sortant du moignon déchiré, de longs filaments bleuté et blanc, sifflant tel un serpent, leurs ondulations hypnotisant le regard, vinrent se fixer sur la substance rosée qui constituait la main.

— Ceci est la musculature ainsi que les tendons, les nerfs et les vaisseaux sanguins. Pareille que pour les os, la lumière les force à se reconstituer et à reprendre leur place. Je n’irais pas plus loin dans mes explications car tu ne comprendrais pas tous les termes et je ne suis pas médecins. Mais tout se passe au niveau moléculaire, à partir de l’énergie qui circule dans chaque être vivant.

L’éclat des mains de Lostris changea subitement. La divinité se tourna vers Marlin et lui intima silencieusement de porter les étranges objets devant elle sur ses yeux pour la protéger. Marin obéissante, vit clairement les mains de lumière bombarder d’éclat la nouvelle main du général et une nouvelle matière apparaître. Les rayons lumineux cessèrent. Enlevant les lunettes, Marlin prit la parole et demanda à la femme ce qu’elle avait fait.

— J’ai bombardé les chairs d’un rayonnement UV. C’est une forme d’énergie qui circule dans les rayons solaires. Cela à pour effet de pousser le corps à se protéger en fabriquant de l’épiderme. De la peau si tu préfères.

— Comment apprend-on une telle magie ?

— La magie humanoïde permet aussi de reconstituer une main ou une jambe disparue, mais généralement, la magie ne circule plus dans le nouveau membre. Ma magie est divine. Outre la capacité de créer ce qui n’est plus à partir de matière organique, je peux également rééquilibrer l’énergie du corps pour que les énergies, y circulent uniformément.

Le général ouvrit les yeux. Portant sa nouvelle main vers le verre disposé devant lui, il s’en saisit, bu une gorgée puis porta son attention sur Lostris.

— Bien majesté ! Nous devons parler !

 L’explosion qui retentit non loin du campement de Lostris, souffla la grande plaine. L’espace d’un instant, l’éclat d’un soleil les aveugla.

 

Volcan de Orda

La pénombre reculait face à la clarté qui se levait sur les pentes du volcan. Les chemins menant aux différents paliers grouillaient des créatures de Varlen. Se faufilant dans les entailles rocheuses, leurs sifflements se répercutaient en échos. Le consul qui avait fui n’était pas allé bien loin, ralenti par la noirceur de la nuit. Première victime des myriapodes géants, sa mort, ponctuée par ses cris de terreur, avait dérangé les phénix endormis dans leur nid. Illuminant les parois rocheuses de leurs souffles enflammés contre les créatures carnassières, peu de ses oiseaux majestueux avaient eu l’instinct de s’envoler, abandonnant leurs nichées aux mandibules carnivores. Les mages du clan des ombres, protégés par leur bouclier, champ de force impénétrable, psalmodiaient depuis une bonne heure leur incantation. Injectant des ondées magiques, l’énergie qui circulait dans le volcan se mit à bouillonner, perturber par les vibrations énergétiques modulées par magie.

Dans le plus bas de lacs d’eau chaude, les deux soldats mesuraient l’intensité magique qui flottait crescendo, remontant des entrailles de la terre. L’étrange machine pyramidale qu’ils avaient actionnée forait la masse rocailleuse. D’un bronze intense, le cerclage de métal entourait un caisson en verre dans lequel flottait une sphère noire. Le liquide bleuté l’entourant, conducteur d’énergie magique, se chargeait de particules scintillantes. Puis la sphère se désagrégea, sa poussière flottant dans le liquide avant d’être aspiré. S’insinuant dans la roche, l’énergie magnétique dégagée devait perturber le noyau central de la planète. La montagne de feu fut parcourue de tremblement.

Un bruit lointain se fit entendre. Les soldats levèrent la tête. Bien que l’îlot caché par le volcan ne se trouvât pas dans leur champ de vision, les deux hommes reprirent leur tâche, le sourire aux lèvres.

 

Relais du volcan

La désolation s’étendait à perte de vue. L’immense cratère que les souffles magiques avaient créé, s’enfonçait dans les entrailles de la terre. Le golem pris au piège, l’une de ses jambes rocailleuse détruite durant l’attaque ne bougeait plus. Incapable de se redresser, il scintillait en continu avant de décharger ses flèches de pierre sur l’étendue poussiéreuse. Les soldats et les archi-mages ayant survécu à l’attaque ne lui portaient plus d’attention.

Une armure rouge carmin au reflet d’or scintilla sous les premiers rayons solaires. De la partie du bosquet épargné par le combat le général se présenta à eux. Accompagné par cinq de ses plus fidèles hommes et de deux archi-mages, la stupéfaction envahie son visage. Il donna son casque de guerre aux plumes rouge et or de phénix à son bras droit.

— Qu’est-ce donc ? Cela ne ressemble guère aux golems qui envahissent les monts du volcan ! Il s’approcha du cratère et examina la créature.

— Une créature infernale mon général ! Nous avons perdu beaucoup d’hommes.

— Il scintille ? Le général recula d’un pas, surpris par l’attaque du golem.

— Des flèches noires ? Elles sont faites à partir du minerai qui zèbre son corps ? Il venait de stopper la course d’une d’entre elle et la tenait dans sa main.

— L’attaque est redoutable, nos boucliers ont eu du mal à la contenir. Le mage désactiva sa protection.

Le général héla les mages. Il leur ordonna de sceller le golem. La créature allait sous peu se terrer sous la terre. Tout comme leur propre golem se cachaient de la lumière en investissant les entailles rocheuses ou l’ombre se faisait plus forte, il en ferrait de même. Les golems ne supportaient pas les rayons solaires, et cette créature ne devait pas être bien différente des autres. La terre se mit à nouveau à trembler. Comme le général l’avait prédit, le golem se mit à creuser la terre. Les soldats se mirent à crier des ordres, surpris par l’action de la créature. Les archi-mages en position, levèrent leur bras devant eux. D’étranges cercles à la géométrie complexe et emplit de signe magique, apparurent dans leur dos. Le général, son espadon entre les mains pris de l’élan, et sauta en direction du cratère. Son ombre se dessinant sur les flancs de l’immonde être de pierre, il prit de la vitesse, emporté par le poids de son épée à deux mains.

Le choc fut violent. Il transperça d’une seule attaque, le corps rocailleux de la créature. Une vague de lumière provoquée par l’énergie magique de l’épée, aveugla les soldats restés en retrait. Des raies lumineuses, d’une noirceur obsidienne, sortirent des zébrures minérales qui parcouraient le corps de pierre. Puis la créature cessa tout mouvement et s’effondra. Le général leva la tête vers son unité et cria ses ordres qui résonnèrent dans la cavité.

— Que les mages soignent les soldats ! Nous reprenons notre route vers le volcan !

Soudainement, l’écho d’un orage se fit entendre. L’unité conduite par le général se stoppa. Leurs yeux levés vers le ciel, ils assistaient à l’explosion de l’îlot militaire qui abritait leurs frères d’arme.

A suivre

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