Il y eut une soirée floue. Une soirée de paumé. Chacun avait évité le drame en le cachant sous une épaisse brume. La toxine, le paumé, l’anarchiste et elle. Dans un même appartement. Le temps d’une soirée. On avait craint une explosion. On avait craint des flammes. On avait craint le drame.
Mais la toxine l’avait ignorée. Et le paumé s’était saoulé. Suffisamment pour que l’identité de celle qu’il tenait dans les bras lui paraisse sans importance. Et par chance, c’est sa petite-amie qui y avait pris place.
Les amoureux la firent vomir. Presque pleurer. Mais elle trouva l’autodestruction plus appropriée au contexte. Les soirées de paumé avaient à disposition tout ce qu’il fallait pour rendre la mémoire trouble. Et elle, aurait voulu tout essayer. En une nuit, elle espérait devenir une autre.
L’anarchiste avait veillé sur elle. Autant que possible. Elle avait fini par s’effondrer près de lui.
Le visage enfoui dans le creux de ses bras. Elle y avait passé la nuit. Ou plutôt ce qu’il en restait.
Au matin, le paumé avait appelé. Il avait demandé à lui parler. Pour s’excuser. Pour raviver la tendresse. L’anarchiste avait pris l’appel. L’avait rassuré. Promis qu’il lui en parlerait. Qu’elle le rappellerait. Puis il était retourné se coucher auprès d’elle, et avait gardé pour lui les excuses et la tendresse du paumé. Il avait espéré que le flou de la soirée lui brouillerait le cœur.
Mais à la seconde où elle avait ouvert les yeux, elle s’était inquiétée pour le paumé. Alors elle s’était levée. Et était partie. Elle était retournée à sa vie bien rangée. Et avait replacé minutieusement chaque bibelot qui la composait.
La tendresse au paumé. La complicité à l’anarchiste.