Depuis notre promenade sur la plage, le cours de ma pensée me ramène immanquablement à toi, ta silhouette, ton odeur, l'éclat de ton rire au beau milieu du silence. Comme ces brefs éclairs qui fendent le ciel de part en part, suivis de près par la tonitruance du tonnerre. L'orage a toujours su atténuer mes émotions les plus féroces - tristesse, colère, trouille - sans pour autant les sidérer. Il n'y a guère que ma rancœur qui y résiste, un peu.
Plus mes sentiments sont forts et plus ils peuvent se fondre et perdre leurs distinctions, les délimitations de leurs racines respectives. Contempler le ciel tumultueux, c'est pouvoir y projeter ma tourmente intérieure. Toute petite sous l'orage immense, toute trempée par cette pluie violente, je fais le vide en moi, je respire profondément. Ma fougue n'est plus si dévastatrice, et je peux toucher une à une les raisons de ma colère et celles de ma peine. Ton départ, nos souvenirs, leur oubli.
Il me manque une chose, une seule, pour te retrouver. A longueur de semaine m'entourent le béton, le verre, le fer... Et je pose mes pas sur du bitume, des pavés. L'atmosphère urbaine est saturée de sons agressifs et de lumières artificielles. Tandis que là-bas, chez toi... C'est le vert, les arbres, la terre sous mes pieds nus, ce pseudo-silence qu'on attribue à la nature : les bruissements des branches et des feuilles, le froissement des pétales qui se déplient au lever du jour ou qui ploient sous les butineurs vrombissants. Le pépiement des oiseaux, les stridulations des insectes en été, les ronflements lointains des sangliers qu'on entend dans les sous-bois. Tantôt la brume voluptueuse qui enveloppe tout, tantôt la douceur de l'éclat solaire filtré par de mouvants ombrages.
Je suis souvent là-bas. Blottie au fond de mon cœur, sur l'immobilité rassurante de la terre ferme.
J’aime beaucoup la phrase : « Blottie au fond de mon cœur, sur l'immobilité rassurante de la terre ferme. » J’espère que tu ne la changeras pas.
Coquilles et remarques :
— mes émotions les plus féroces - tristesse, colère, trouille [Le mot « trouille » détonne dans le style ambiant ; il m’apparaît comme une fausse note dans un morceau de musique]
— Il n'y a guère que ma rancoeur [rancœur]
— A longueur de semaines [À / de semaine (le pluriel est peut-être une licence poétique)]
— ce pseudo silence qu'on attribue [pseudo-silence]
Merci aussi pour tes corrections ! Cependant, le mot "trouille" et le fait qu'il tranche d'avec les autres était voulu. Je ne sais pas si l'effet est complètement réussi, car je voulais dépeindre une peur saisissante, paralysante et avilissante - une émotion laide, qui vient me mordre et ne me lâche plus, et qui m'isole de mes semblables. Je vais encore réfléchir sur ce point-là. Soit reformuler, soit étayer ce petit mot avec quelques autres. Et pour les "semaines", c'était bien une erreur. Merci encore pour ta lecture attentive et le temps que tu as pris pour m'écrire !