La terre est le seul contraste. Le ciel, les nuages et la mer, tout est fondu dans un gris acier profond et dense. On marche, dans le sable éblouissant. On marche longtemps, et on garde nos yeux fixés sur l'horizon. C'est d'un seul coup que le soleil crève la bande nuageuse. Un tourbillon d'effroi, une découverte, un bref fracas, glaçant jusqu'aux os – la folie prend soudain le pas sur tout le reste. La plage est déserte, il ne reste que moi au milieu de tout ce sable devenu terne.
Les rêves demeurent là où on les fait ; au réveil, reste seulement le manque. Je voudrais partir : je sais que tu m'attends. Pourtant, je passe mes journées loin de toi et de mon souvenir ému. Comment cesser de me heurter de plein fouet au réel de ton absence, chaque fois que mon âme te cherche, persuadée que c'est un cauchemar ?
Je me souviens de cette vive étincelle, celle qu'on n'aperçoit qu'une fois dans sa vie, toutes les suivantes étant de pâles réminiscences, lointaines lucioles constellant la toile blafarde de nos jours. Un peu comme ce ciel dont les étoiles continuent de mollement scintiller, alors qu'on sait bien qu'elles sont déjà mortes. Tu m'as accompagnée, fabuleuse rencontre, dans notre lente métamorphose. Et je me répète ces mots, je ferme le circuit, "toutes les choses sont dures à naître en ce monde, et dures à mourir aussi". Mes yeux clos, mes lèvres bougeant à peine, je tente en vain d'adoucir ma peine.
Est-ce depuis cette déchirure que je préfère la nuit et le froid ? Déclencheurs de l'hibernation, ils arrêtent un peu le temps, dans ce monde trop précipité. Au fond de la caverne se meuvent des ombres incandescentes et douloureuses. Ton absence me hante, et je la repousse sans cesse aux frontières de ma conscience. Je ne survis que parce qu'elle se tait, et me laisse imaginer - sans vraiment le croire - que tu es dans la maison où tu as toujours été...
Plus tout le monde oublie et plus j'essaie de me souvenir. Plus les vies se reconstruisent et plus je m'enferme dans le passé. Plus mes proches rient et plus j'ai envie de pleurer.
Ce texte est loin de ressembler à un timide balbutiement. Il exprime avec finesse et justesse les sentiments de l’époque du deuil où on n’arrive pas à accepter l’absence, où on s’accroche aux souvenirs du défunt par peur de l’oubli, par contestation envers les gens qui passent déjà à autre chose. Simple et poétique, il revêt une puissance évocatrice sans pathos.
Je suis d'accord avec Unam, ce texte est très beau et semble, à la lecture en tout cas, déjà très mûr ^^
J'aime beaucoup le fait d'utiliser les décors comme éléments métaphoriques du ressenti du personnage.
Le style est riche tout en restant très fluide, cela donne envie d'en lire plus ^^