Sur l'ile - Chapitre 1

Par Sad
Notes de l’auteur : Voici enfin la deuxième partie. Oui je sais, je suis en retard, désolé pour l'attente. En espérant qu'elle vous plaira.
 

Le bruit de l’eau. Le roulis. Amélie se sentait à la fois lourde et légère, comme si son corps était de plomb, mais ne pesait rien. Elle sentait le soleil qui tapait sur ses épaules et sa tête. Elle avait mal au crâne, et le gout du sel, insistant, lui asséchait la bouche.

Un choc la secoua et une vague lui gicla en plein visage. Elle ouvrit les yeux, paniquée, et poussa un cri. Ce qu’elle vit alors la tétanisa. Elle était au milieu de l’océan, agrippé à une planche brisée sans aucune terre à l’horizon. Un homme était avec elle, dans la même position. Elle le reconnut immédiatement. C’était Adam. Elle ferma les yeux. Était-ce un cauchemar ? Non, mais ça y ressemblait.

- De Saad, appela-t-elle.

Sa voix était sèche, éraillée, elle se rendit compte qu’elle avait très soif. Alors pour ne pas tirer plus sur sa gorge, elle tendit la main et le poussa légèrement.

- Est-ce que vous êtes vivant ? insista-t-elle finalement.

L’homme tourna enfin la tête vers elle dans un effort visible.

- Vous êtes réveillée, princesse, souffla-t-il d’une voix rauque et lasse qui laissait transparaitre un soupçon de soulagement. Vous m’avez fait une sacrée frayeur…

Elle frissonna. Ça avait l’air d’aller pour lui, mais pour elle ? En tentant de lui échapper, elle s’était rendue parjure. Elle savait qu’elle le ferait, mais elle n’avait pas prévu qu’ils se retrouveraient finalement plus près l’un de l’autre que jamais. Au moins dans cette situation précaire, elle doutait de craindre pour sa vertu, ou alors il était acharné…

- Vous allez me le faire payer ? demanda-t-elle en regardant l’horizon.

- Voyons… Qu’avais-je dit déjà ? fit-il mine de réfléchir. Que si j’avais un doute quant à votre parole, je ferais en sorte de m’en passer ? Mais, cela dit, je n’ai eu aucun doute sur votre traitrise en vous voyant vous enfuir…

Il ricana, amer.

- Ça va, murmura Amélie. Vous ne le prenez pas trop mal.

- Puisque vous avez joué votre honneur avec tant de désinvolture, vous ne devriez pas trop souffrir de le perdre…

Il grimaça en essayant de prendre une pose plus confortable. Chacun de ses membres le faisait souffrir.

- Enfin… Si vous avez encore quelque chose à perdre... compléta-t-il.

- Comment osez-vous ! s’offusqua-t-elle.

Elle poussa un soupir, agacée.

- Non, mais vous avez raison, j’aurais dû me laisser violer sur le bateau, ça aurait été cent fois mieux pour mon honneur que de chercher à protéger le royaume. Les hommes…

- Ca vous tuerait tant que ça de me voir monter sur le trône ? demanda-t-il.

- Oui.  

- Pourtant, je ferais un bon roi. Meilleur que de Laude, en tout cas. Mais peu importe maintenant, parce qu’on va mourir ici tous les deux, perdus au milieu de l’océan, parce que vous n’êtes pas capable de tenir une promesse. Et nos deux familles s’éteindront avec nous.

- On va mourir ici au milieu de l’océan parce que vous nous avez mis en danger avec votre despotisme déplacé ! Vous ne m’auriez pas menacée, je n’aurais pas eu à m’enfuir comme une voleuse !

Le comte resta silencieux un moment, puis soupira reposant son front contre son bras.

- C’est vrai, lâcha-t-il simplement. Mais parfois, la fin justifie les moyens.

- Voilà… nous en sommes là tous les deux, approuva-t-elle. Je me suis rendue parjure, et vous avez mis en danger votre princesse.

- On va mourir, mais au moins on aura mis les choses à plat.

Il se tourna vers elle et admira le soleil dansant dans ses cheveux.

- Finalement, ça aurait pu être pire, souffla-t-il avant de refermer ses yeux.

- Oui. Il faut voir les choses du bon côté.

Elle lâcha la planche d’un bras pour défaire la ceinture de son tablier. Elle le tira ensuite devant elle, l’essora du mieux qu’elle put et se le mit sur la tête comme une coiffe, renonçant à l’attacher.

- Ce serait encore mieux s’il pouvait pleuvoir un tout petit peu.

- La tempête vient à peine de se calmer, répliqua-t-il. Ne la faites pas revenir trop vite…

Il soupira.

- Elle nous a éloignés des canots. Je n’ai pas réussi à les retrouver… Ça va votre tête ?

- J’ai mal, mais ça ira. Avec tout ce sel, je ne risque pas que ça s’infecte, ajouta-t-elle en touchant doucement l’endroit où elle s’était blessée. Qu’est-ce qu’il m’est arrivé ? Vous m’avez frappée ?

Il leva les yeux au ciel.

- Si j’ai un jour l’heur de mettre la main sur ce salopard de comte de Faure, je lui ferai passer le goût du sel… grommela-t-il.

- Très drôle et fort à propos. Ça, je veux bien que nous le fassions ensemble...

- Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d’accord…

- Je crois que j’ai perdu foi en la nature humaine, sur ce bateau… Honnêtement, vous auriez jeté une femme à la mer en pleine tempête pour sauver celle que vous aimez ? demanda Amélie les yeux fermés.

- Non… J’aurais sauté pour la sauver, répondit-il dans un souffle.

- Ah… oui. Et vous auriez le courage de sauter à l’eau en pleine tempête ? Bon… d’accord, j’ai déjà la réponse.

Il secoua la tête. Il ne pouvait s’empêcher de la dévorer des yeux. Elle était tout ce qu’il avait toujours désiré. S’il devait mourir aujourd’hui, avec elle à ses côtés, il lui semblait que ce n’était pas si terrible, au fond.

- Amé… souffla-t-il d’une voix douce. Si on doit mourir ici, il y a quelque chose qu’il faut que je...

Il plissa les yeux quand le cri perçant d’un goéland lui vrilla la tête.

- Il ne manquait plus que ça… gronda-t-il agacé.

- Un goéland ! s’exclama Amélie. Un goéland c’est génial ! Nous sommes sauvés !

- Oui… Génial... On va s’accrocher à lui et il va nous ramener jusqu’à…

Il se redressa tandis que le marasme de son cerveau se rassemblait enfin en pensées cohérentes.

- Une terre ! S’il y a un goéland, c’est qu’il y a une terre pas loin ! le coupa-t-elle.

- Oui ! approuva-t-il. Mais par où...

Il se redressa autant qu’il put en prenant appui sur la planche et scruta les environs.

- Là-bas, indiqua-t-il en montrant un point à l’horizon. Je crois que j’ai vu quelque chose.

Il mit le peu de force qui lui restait pour battre des jambes et diriger leur épave dans cette direction. Amélie l’observa puis l’imita. Elle était peut-être mauvaise nageuse, tant qu’elle avait la planche pour les garder en vie, elle pourrait s’en sortir.

Très vite, le point se précisa. Il y avait bien une terre. Il était difficile de dire si elle était grande, mais déjà Amélie voyait des arbres au loin. De drôles d’arbres. Des palmiers ?

Lorsqu’ils touchèrent enfin le sol, ce fut comme une délivrance.

- Terre ! soupira Adam en aidant Amélie à se trainer jusqu’à la plage de sable fin sur laquelle ils avaient échoué. Oh… par les dieux… la pesanteur ne m’a jamais paru si rassurante.

 

Il se laissa tomber au sol, vidé de ses forces, inspirant l’odeur de sable chaud avec délice. Amélie roula dans le sable et regarda le ciel avec un rire de plaisir. Sauvés, ils étaient sauvés. C’était tellement doux, tellement rassurant qu’elle avait complètement oublié la douleur et le reste de la situation. Elle se tourna sur le côté et admira Adam qui les avait sauvés tous les deux. Il était si beau en naufragé, trempé, couvert de sable, épuisé, mais vivant. Sa peau blanche luisait au soleil et ses cheveux noirs de jais dépeignés lui donnaient un air sauvage, libre, qui firent battre le cœur de la princesse un peu plus fort. Elle détourna les yeux, le sourire aux lèvres et se leva avec difficulté. Alors elle contempla leur terre et déchanta un peu.
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