Adam entreprit de leur faire un abri pour la nuit avec quelques arbres bas, des feuilles de palmier tressées avec des lianes et la voile qu’il avait ramenée parmi les débris de leur naufrage. Amélie l’aida et ramassa de quoi alimenter le feu. Elle récupéra autant de bois vert qu’elle put avec sa pierre aiguisée pour former une fumée épaisse qui les rendrait plus facilement repérables si un bateau passait dans les parages. Mais avec la tempête récente, il ne fallait pas trop y compter.
Le soir venu, ils n’avaient quasiment pas parlé à part pour se donner des directives, mais ils avaient un abri solide, des réserves de fruits et de plantes, et du bois pour plusieurs jours.
- C’est douloureux ? demanda Adam à Amélie alors qu’il appliquait une mixture qu’elle avait elle-même préparée sur son front abimé.
- Non, ça va, répondit-elle. Tu devrais t’en mettre aussi sur les mains. Des deux côtés.
Il appliqua un peu de baume sur ses jointures meurtries puis but longuement.
- Nos réserves d’eau s’épuisent vite, soupira-t-il.
- Je préparerai des gourdes à la prochaine pluie, mais en attendant, à part se restreindre on ne peut pas faire grand chose. Qu’est-ce qu’on va faire ? Je veux dire… à part attendre que le bateau vienne nous chercher ? On va mourir d’ennui.
Ce disant, une petite voix loin d’être sage lui souffla une activité qui pouvait chasser l’ennui et les réchauffer aussi. Elle dévisagea Adam, ses épaules solides, son visage séduisant, ses yeux noirs insondables et se sentit brûlante.
- Et pas que d’ennui…
- Oh… Il y a toujours à faire… dit Adam pragmatique. Mettre en place un système de récupération d’eau, faire un phare pour que notre feu soit bien en vu et à l’abri du vent et de la pluie, fabriquer un bol pour cuire tes plantes et faire bouillir les linges, pêcher… Mais avant tout…
Il lui sourit, tentateur, avant de brandir le savon.
- Qu’en dis-tu ?
- Oh oui ! C’est une bonne idée. Toi d’abord ?
- Pourquoi pas tous les deux ? susurra-t-il.
Elle le défia du regard.
- Parce que… parce que tu es un pervers ? proposa-t-elle.
- Je ne suis pas un pervers, se défendit-il.
- Parce que tu m’as menacée de viol, alors ?
Adam soupira et se leva, vaincu.
- Disons que comme finalement nous ne sommes pas allés sur l’ile, je te pardonne ta tromperie. Mais ce n’est que partie remise, ajouta-t-il avec une lueur moqueuse dans les yeux.
- Tu irais jusque là ? Vraiment ? demanda-t-elle très sérieuse.
- Amé, répondit-il tout aussi sérieux. Je ne prendrais jamais rien que tu ne voudrais me donner. Le jour où je te ferai tenir ton serment, c’est que tu me l’auras toi-même demandé. Et ça arrivera. N’en doute pas.
Elle se mordit la lèvre. C’était presque sexy mais tellement présomptueux.
- D’accord. Allons prendre un bain tous les deux.
Il la dévisagea pour voir si elle était sérieuse, mais à priori oui. Il sourit.
- Après toi.
Elle le devança et s’arrêta sur la plage. Sans chercher à savoir s’il la regardait encore, elle se déshabilla entièrement avant d’avancer doucement vers l’eau.
- À ton tour, annonça-t-elle une fois immergée jusqu’aux épaules.
Adam n’avait pas regardé cette fois. La voir se balader en petite tenue était déjà assez éprouvant pour ses nerfs. Mais quand elle se retourna, lui venait tout juste de finir de se dévétir.
- Oh, souffla la princesse sans détourner les yeux. En fait, tu as une peau magnifique.
Elle lui sourit et fit mine de détourner les yeux, mais elle revint à lui immédiatement. Il était tout juste divin.
Il secoua la tête en la rejoignant dans l’eau, amusé.
- Tu ne begaies plus, constata-t-il moqueur en lui tendant le savon.
- Je ne begaie jamais, se défendit-elle. Je regardais juste ton teint de peau, c’est tout.
Elle rougit violemment et se dirigea vers la plage pour pouvoir se savonner hors de l’eau. Il rit et nagea un peu en attendant qu’elle finisse puis revint vers elle quand elle se rinça.
- L’eau de mer c’est quand même pas l’idéal, soupira-t-il en savonnant ses cheveux. Et dire que je me plaignais du confort et de l'hygiene du bateau…
Il grimaça de douleur alors qu’il descendait sur ses épaules.
- Coup de soleil, remarqua Amélie qui l’observait. J’ai trouvé ce qu’il faut pour apaiser la douleur. Je t’en appliquerai après.
- Et tu as quelque chose contre les coups de noix de coco ? demanda-t-il mesquin en sortant de l’eau pour finir de se laver.
Cette fois Amélie se détourna.
- Mmh… un parapluie ?
- Très drôle…
Une fois lavés, ils retournèrent au campement. Adam laissa Amélie à ses mixtures tandis qu’il allait remettre un peu de bois dans le feu. Enroulée dans un drap à la manière d’une toge, Amélie s’approcha d’Adam avec plusieurs feuilles et leur couteau de pierre.
- Donne-moi ton dos, demanda-t-elle.
- Tu as renoncé aux noix de coco ? demanda-t-il. C’est vrai que le couteau c’est plus expéditif.
- De quoi tu parles ? Oh… arrêtes de faire l’idiot et laisse-toi faire. Je ne vais pas te tuer, j’ai besoin de toi pour t’occupper du feu.
Il sourit et obtempéra. Il n’était vétu que de son caleçon, pas du tout gêné, lui de se balader à moitié nu devant elle. Amélie ouvrit les épaisses feuilles qu’elle avait ramené de sorte à pouvoir atteindre le gel qui se trouvait à l’intérieur, elle le racla au couteau et s’en servit pour masser doucement la peau rougie, caressant son dos, le découvrant avec curiosité et douceur.
Les yeux fermés pour mieux profiter de ses caresses, Adam n’en revenait pas de sa chance. Hier encore ils étaient si loin l’un de l’autre, sans aucun espoir de revivre ces jours heureux qu’ils avaient partagés et là… Ses mains toujours douces malgrés les travaux se baladant sur sa peau… C’était divin.
- Tu sais, commença Amélie en cherchant ses mots, ton caleçon mouillé ne cache pas grand chose…
Adam rit, d’un rire rouillé, brusquement tiré de sa rêverie.
- Et c’est moi que tu traites de pervers ! s’indigna-t-il.
- Je n’y peux rien ! se défendit-elle. Il fallait bien que je te le dise !
- Tu n’avais qu’à pas regarder !
- C’est difficile ! C’est tellement… évident ! C’est comme si je te demandais de ne pas regarder mon nez quand tu regarde mon visage !
- Sauf que de toute évidence, ce n’est pas mon visage que tu regardais, se moqua-t-il.
- Non, je te regardais dans ton ensemble, se défendit-elle. Pas à un endroit spécial.
- Perverse, ricana-t-il.
- Penses ce que tu veux, bouda-t-elle. J’ai terminé. Est-ce que tu veux bien… faire pareil pour moi ?
- Donne, acquiesca-t-il amusé.
Elle lui remit son matériel, lui montra comment tirer le gel puis dénoua la toge pour lui offrir son dos. Lorsqu’il s’exécuta, faisant courir ses doigts sur sa peau, elle frissonna. Ses mains sur elle… ça aurait dû être anodin ça ne l’était pas du tout.
- J’aime bien, murmura-t-elle.
Il se pencha et déposa un baiser sur sa nuque.
- Moi aussi, répondit-il d’une voix douce.
Comment ne pas penser qu’à quelques centimètre de ses mains à peine se dressait sa poitrine nue… qu’il aurait suffit qu’il passe sous ses bras pour l’atteindre. Elle devait être si douce.
- Je me demande si ça te fait ne serait-ce que la moitié de ce que je ressens… murmura-t-il.
- Et pourquoi pas autant ? demanda-t-elle dans un souffle.
- Ce serait trop beau, répondit-il.
- Regarde.
Elle lui montra du doigt son bras. Elle avait la chaire de poule. Il gémit.
- Je vais mourir…
Il la relacha et se leva.
- Je vais m’occuper du feu. Tu devrais dormir.
- Oui, tu as raison.
Elle se releva à son tour.
- Alors… bonne nuit, Adam.
- Bonne nuit, ma belle, dit-il sans se retourner avant de repartir vers la plage.
Elle avait pu faire sècher des chemises qu’Adam avait sauvées de l’océan. Elle en enfila une pour permettre à ses sous-vêtements de sècher à leur tour et entra dans leur abris de pierre et de toile. Assise sur le sol, elle se pelotonna dans un drap. Ce n’était pas le confort auquel elle était habituée, mais ça devrait faire l’affaire, elle était épuisée. Elle posa la tête sur ses bras en tentant de trouver une position allongée confortable et ferma les yeux... avant de se relever aussitôt. Pourquoi le sol était-il si dur ? C’était insupportable… Dire qu’elle avait trouvé quasiment insurmontable de dormir sur une paillasse ! Là, c’était encore pire. Elle savait qu’elle finirait par être assez épuisée pour ne plus s’en rendre compte, mais pour l’instant, elle ne parvenait pas à le supporter, la douleur que ça causait dans tout son corps était plus forte que le sommeil. Fatiguée, elle se redressa et rejoignit Adam près du feu.
- Je ne peux pas dormir, lui dit-elle simplement. Plus tard, peut-être.
- Je te manque ? plaisanta-t-il.
Elle sourit.
- Présompteux. Non, je n’arrive juste pas à dormir parce que le sol est bien trop dur pour mon corps de princesse. Peut-être que quand je tomberai de fatigue ça ira mieux.
Il joua un moment avec le feu, puis se redressa et s’étira. Il jeta un peu de bois dans les flammes avant de se tourner vers elle.
- Viens, dit-il en lui tendant la main.
Il l’entraina jusqu’à l’abris, se rhabilla, puis la souleva dans ses bras pour t’attirer à l’intérieur. Là, il se coucha en la gardant sur lui.
- Ça va être infernal pour toi, remarqua Amélie embarrassée.
- J’ai froid, dit-il. Tu me réchaufferas.
Elle posa la tête sur son épaule, tout près de son cou et s’aggrippa à lui. C’était monstrueusement gènant, mais en même temps, Adam était si chaud, si confortable, qu’elle avait envie d’arrêter de penser pour juste profiter de ce qu’il lui offrait.
Il rabattit le drap sur elle et ferma les yeux. Oui… Voilà… Là, pour la première fois depuis qu’il avaient échoué ici, il se sentait bien.
Amélie se sentit enfin s’endormir, bercée par le souffle calme d’Adam. Ses pensées vagabondèrent loin et plus vite qu’elle n’en eut l’impression, elle sombra dans le sommeil dont elle avait besoin.