Sur l'ile - Chapitre 6

Par Sad

Adam se réveilla à l’aube, réglée comme une horloge et la première chose qu’il sentit fut le corps de la jeune fille imprimé sur le sien. Amélie n’avait pas bougé, lovée sur lui comme un chat. Il se sentait bien, bercé par sa chaleur, mais cette situation allait vite devenir aussi inconfortable que gênante pour lui. Il avait une conscience aigüe ses formes contre lui et pouvait facilement deviner son absence de sous vêtement. Il referma ses yeux, essayant de se rendormir en vain.

Finalement, il la fit basculer lentement sur le côté pour s’extirper de son étreinte.

Amélie se réveilla, ankylosée en touchant le sol. Elle regarda Adam, la tente, et seulement ensuite parvint à se resituer. Oui… l’île déserte.

- Bien dormi ? demanda-t-elle.

- Ca va et toi ? Je suis désolé, je ne voulais pas te réveiller.

Il rajusta sa tenue et ébouriffa ses cheveux.

- J’ai bien assez dormi. Par contre, maintenant que je ne suis plus contre toi, j’ai super froid. J’espère que nos vêtements ont séché pendant la nuit… Et je crains pour la rosée.

Rien que d’y penser, elle frissonna en se frottant les bras. La fraicheur matinale lui donnait la chair de poule.

Il ôta sa chemise et la lui tendit.

- Ce n’est pas grand-chose, mais ça te réchauffera un peu. Tu devrais aller près du feu. Je vais voir s’il a survécu et tacher de récupérer un peu d’eau.

Elle frissonna de plus belle et baissa les yeux vers le sol.

- Tu es quand même drôlement musclé, remarqua-t-elle en passant la chemise d’Adam sur la sienne.

Il la regarda avec un petit sourire.

- Et toi tu as des formes très agréables, se moqua-t-il avant de battre en retraite pour se mettre au travail.

Elle s’offusqua, gronda, grommela, tout le temps qu’elle passa à s’habiller, mais un sourire incontrôlable se dessinait sur ses lèvres à l’idée qu’elle puisse lui plaire de cette manière-là. Elle ne le rejoignit qu’habillée de pied en cap et lui rendit sa chemise.

- Tout va bien ? demanda-t-elle.

- Ca va, acquiesça-t-il. Le feu reprend bien, mais le temps ne s’améliore pas.

Il indiqua l’horizon du menton ou des nuages noirs commençaient à s’amonceler.

- Oh non… Bien. Alors au travail… faire un phare, consolider l’abri, trouver un bol…

- Commence par te réchauffer, dit-il en frottant ses bras. Mais ensuite, oui, on a du travail. Et d’ailleurs pour commencer...

Il lui colla deux noix de coco dans les mains, ainsi que la pierre tranchante.

- Je te laisse préparer le petit dej. À la popote, chérie, se moqua-t-il en emportant ses coques vides.

- Il ne manquait plus que la main aux fesses et je t’aurais fait coller aux fers pour avoir un tel comportement de malotrus, râla la princesse en s’installant pour se mettre au travail.

Adam fit demi-tour.

- Tu as raison, susurra-t-il. J’allais oublier.

Il attrapa ses mains pour qu’elle ne se défende pas et déposa un baiser rapide sur ses lèvres. Elle le repoussa d’un coup de hanches et rit en tentant de se libérer pour le chatouiller.

- Malotru ! gronda-t-elle.

- Je ne suis qu’un pauvre soldat, damoiselle, sourit-il en repartant.

- Un soldat ? Toi ? Est-ce que tu as déjà tenu une épée, au moins ? 

- Tu crois qu’on fait quoi sur le Mur, au juste ? demanda-t-il en commençant sa récolte. Qu’on brandit des plumeaux pour chatouiller l’ennemi ?

- Non, qu’on envoie des vrais soldats, pas des nobles ! se défendit-elle.

- Oh, je vois… sourit-il. Et qui dirige les vrais soldats à ton avis ?

- Des… soldats plus vieux avec un grade ?

- Oh, mais j’ai un grade, assura-t-il. Mais rien d’aussi pompeux que mon père, bien sûr.

Il la regarda, amusé.

- Comment suis-je censé lui succéder et gagner le respect de mes hommes, si je reste calfeutré dans ma forteresse ?

- Tu veux dire… Que tu es un guerrier ? demanda-t-elle en le regardant avec des yeux ronds. Que tu vas vraiment au combat ? Que tu ne te contentes pas de diriger des hommes de loin ?

Il plissa les yeux.

- Ton petit côté naïf m’a toujours fait craquer, dit-il en reprenant sa tâche.

Elle secoua la tête.

- Et bien…je te vois différemment, tout à coup…

Elle s’acharna sur les noix de coco jusqu’à les avoir proprement ouvertes.

- À table.

- Je n’ai pas pu récupérer grand-chose... dit-il en posant une coque à moitié pleine devant eux.

Il prit sa part, bu longuement, puis s’attaqua à la chair.

- On va mourir de faim…

- De faim ? Non. Si on parvient à faire bouillir de l’eau, on a des légumes pour un moment. Et puis… si tu es assez doué pour ça, peut-être que tu pourrais pêcher. Par contre l’eau…

Elle pinça les lèvres.

- Tant qu’on a des fruits, ça ira. Et puis avec ce qui nous guette…

Il regarda l’horizon qui ne semblait pas vouloir se dégager d’un air sombre.

- Oui, tu as raison, dit-elle. Non, je pense qu’on ne risque rien, on peut tenir longtemps sans risque. À part une énorme tempête... Sinon, on est plutôt bien, là, non ?

Il se tourna vers elle. La bosse sur son front, ses doigts écorchés, sa peau un peu rougie par le soleil et le sel, ses vêtements ternes et abîmés… rien n’y faisait elle était toujours magnifique. Peut-être même plus encore que dans ses sublimes robes de princesse. Et forte. C’était cette force plus que ces beaux yeux couleur d’orage qui l’avait séduit quand elle n’était encore pour lui qu’une petite voleuse des bas quartiers. Il lui sourit.

- Alors… dit-il pour continuer sur sa tentative de rendre la conversation plus légère. Comment me vois-tu maintenant que tu as compris que j’étais un preux chevalier sans peur et sans reproche ?

- Ah… il fallait que tu ramènes la conversation sur le tapis, hein !

Elle l’observa et lui sourit.

- Plus commun. Un noble fort, musclé et courageux ça me fascinait, mais en fait tu es juste un soldat, se moqua-t-elle.

- Peste ! gronda-t-il en se penchant sur elle pour la chatouiller.

- Tu m’impressionnes ! se contredit-elle en retenant ses mains.

Elle lui sourit, tendre.

- Je ne t’aurais jamais cru capable de te battre. Moi, je ne pourrais pas.

- Ca n’a rien d’amusant, souffla-t-il plus doucement en serrant machinalement ses mains dans les siennes. J’ai vu mourir des gens que j’aimais... J’ai tué avant d’avoir seize ans… Ca fait partie de ma vie, de mon devoir… comme la cour fait partie de la tienne.

- C’est cette vie-là que tu mènes, toi… pas étonnant que tu sois si rabat-joie quand tu me trouves déguisée en soubrette sur un bateau plein de nobles pourtant civilisés.

Il ricana.

- Parfois, je me demande si tu es courageuse ou complètement inconsciente… J’étais inquièt pour toi.

- Il fallait que j’y aille.

- Pourquoi ?

- Parce que…

Elle se mordit la lèvre.

- Je dois me marier. Je n’étais pas prête à le faire sans…sans une protection, sans…

Elle soupira.

- Je voulais apprendre à lire dans les pensées pour ne plus jamais être trahie.

Il la dévisagea, surpris.

- Alors finalement, quand je serais venu t’enlever, tu me serais tombée dans les bras, plaisanta-t-il.

Il se pencha et lui déposa un baiser sur la joue.

- Tu es très courageuse, souffla-t-il avant de la relâcher.

Il perdit à nouveau son regard à l’horizon puis se secoua.

- Au travail ?

- Allons-y, approuva-t-elle en sentant son cœur se réchauffer.

Elle se leva, l’aida à en faire autant et l’embrassa rapidement avant de s’écarter.

- Pour te donner du courage.

- Ce sera vite fini, sourit-il.

 

 

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