Tarte tatin

Zoé s’éveille avec une bonne migraine le lendemain matin, confuse de s’être laissée entraîner dans une aventure dont elle ne sait pas si elle a réellement envie. A peine a-t-elle posé le pied par terre que quelqu’un frappe à l’entrée. Elle regarde sa montre et s’aperçoit avec horreur qu’il est déjà onze heures du matin.

Elle se lève rapidement pour aller ouvrir la porte, et recule sous l’effet de surprise. Devant elle, se tient un livreur qui lui apporte un magnifique bouquet de fleurs de la part d’Auguste. Zoé sent qu’elle n’est pas en maîtrise et la situation ne lui plait pas beaucoup.

  • Ouh la ! il s’emballe bien trop vite, une petite soirée de rien du tout et déjà des fleurs en pagaille ! bon, c’est agréable mais ça cache quelque chose. Il est trop poli pour être honnête ce garçon, et beaucoup trop rapide à mon goût. Je n’aurais peut être pas dû abuser de ce vin hier soir, je n’étais plus capable de discernement. Maintenant il est vraiment tard, je dois me dépêcher et me préparer car l’après-midi va être bien chargé.

En jetant un coup d’œil sur son téléphone, elle aperçoit le sms de Zebediah qu’elle n’a pas lu la veille.

  • Zut, je ne lui ai pas répondu, ce n’est vraiment pas sympa, mais ça confirme que j’avais vraiment trop bu hier soir, et j’étais bien fatiguée … je ne me suis rendue compte de rien. Quelle idiote, je me suis laissée entraînée dans un drôle de truc. C’est l’ex d’Olympe tout de même.

Aussitôt fébrilement elle répond à Zebediah : ‘salut Zebediah, désolée de ne pas t’avoir répondu hier, mais je me suis couchée tôt.’ quelle vilaine menteuse, pense-t-elle, mais inutile de le froisser, lui qui est seul et complètement investi dans son travail à Londres. Disons que c’est un mensonge d’excuse …. ‘passe une bonne journée, biz’. Zebediah toujours connecté lui répond immédiatement : ‘Pas de souci Zoé, je suis content que tout aille bien, j’espère que tu es reposée. Je mets les bouchées doubles, la perspective du weekend à Paris me motive, j’ai hâte de revenir. Biz ’ . ‘Nous t’attendons tous, répond Zoé, et tu vas faire la connaissance de Peter, tu verras c’est un chien exceptionnel. Biz

  • Et maintenant, vite vite vite ….

En deux temps trois mouvements, Zoé donne à manger à Manon et Peter, met les fleurs dans un vase, prend sa douche et descend avec le chien pour une promenade autour du pâté de maisons. L’air frais l’aide à faire disparaître sa migraine. Tandis qu’elle laisse Peter gambader autour d’elle, elle écrit un sms à Auguste: ‘Merci pour les belles fleurs, tu n’aurais pas dû, ce n’était qu’une réunion de travail. Biz ’. Et Auguste, lui aussi toujours connecté répond aussitôt : ‘mais non Zoé, c’était beaucoup plus. Tellement agréable pour moi, je devais te remercier dignement ! J’aime être challengé et tu as su parfaitement me lancer défi sur défi. A refaire ! Dès ce soir je me propose de passer te voir et de mettre en œuvre mon plan d’action pour les réseaux sociaux’.

  • Ah, la barbe ! pense Zoé, il pense que je l’ai challengé alors que j’ai passé mon temps à le remettre à sa place, et maintenant il va me coller … c’est bien l’ex d’Olympe, quand il veut quelque chose, impossible de s’en débarrasser ! Il est bien trop sûr de lui.

Cet après-midi, Zoé, Eugénie et Léontine ont rendez-vous à l’école primaire pour un cours de cuisine avec les enfants. Le programme prévoit la préparation du goûter avec les petits, un temps calme pendant lequel les deux grands-mères vont raconter des histoires ou des contes, puis le goûter. Il y aura des gâteaux au chocolat, et des pâtisseries plus complexes pour les enfants allergiques aux œufs ou au gluten et pour les vegans. Zoé fera en début de séance une courte présentation pour expliquer aux enfants qu’il ne faut pas gaspiller la nourriture et comment bien gérer les déchets à la maison.

C’est la deuxième fois qu’est organisée une demi-journée à l’école avec l’institutrice Valentine Vasseur, devenue une amie et une fervente supportrice du Faitout Magique. La première séance a eu lieu pendant toute une matinée, Eugénie et Léontine ont cuisiné le repas de midi avec l’aide des enfants, après avoir présenté tous les ingrédients de manière amusante et ludique. Après le succès rencontré, le choix s’est porté sur le goûter pour la deuxième rencontre.

 

L’après midi passe vite, les deux mamies sont si adorables que les enfants ne veulent pas les laisser repartir. Eugénie et Léontine en ont les larmes aux yeux. Valentine Vasseur est comme la première fois enchantée de la prestation et propose d’organiser un prochain rendez-vous rapidement.

 

  • Pour faire plus simple et plus court, on pourrait apporter le goûter tout prêt et raconter les histoires juste avant, dit Zoé. Comme ça il serait possible de venir plus souvent. Et puis il y a d’autres grands-mères formidables pour les contes, Marceline connaît des histoires incroyables sur les animaux d’Afrique, les enfants adorent. Elle a un don particulier pour raconter, il faut absolument que vous fassiez sa connaissance !
  • Je suis ravie de nos rencontres, répond Valentine, elles sont tellement enrichissantes pour les enfants comme pour moi-même ! Après notre premier essai, ils m’ont parlé de leur matinée de cuisine pendant plus d’une semaine. Et cet après-midi était fabuleux. A refaire très vite !
  • Avec plaisir !
  • Je vais contacter mes collègues de l’école maternelle, je pense qu’elles seraient ravies d’organiser un après midi avec vous.
  • Très bonne idée, maintenant que nous avons testé le concept, c’est vrai que c’est très sympa pour tout le monde et on a tous envie de le partager !
  • J’ai une suggestion pour la préparation d’un repas qui plairait sûrement aux enfants, intervient soudain Léontine avec timidité. C’est quelque chose que je trouve amusant, mais que je n’ai jamais partagé avec personne.
  • Dites-nous Léontine !
  • Faire un repas orange !
  • Explique-nous ! dit Eugénie, tu as excité notre imagination.
  • Voilà, on commencerait par une soupe au potiron, orange, puis un peu de saumon fumé ou de saucisse de Francfort, orange, avec pour légumes des carottes, vichy par exemple ou râpées, orange, de la mimolette, orange, et pour finir, une mandarine, orange !
  • Mais c’est rigolo comme tout ! s’écrie Valentine, bien sûr que c’est une bonne idée, originale et facile à mettre en œuvre ! Et les enfants seront fous de joie ! Je verrai avec la nutritionniste de l’école, mais ça me parait équilibré comme repas. A organiser rapidement !
  • Léontine, bravo ! dit Eugénie en applaudissant son amie, excellent ! Quelle fantaisie !  

 

C’est le moment de partir, les enfants ont la bouche encore pleine de gâteau et les mains couvertes de miettes. Ils font de grands signes pour dire au revoir.

 

  • A bientôt Valentine !  A bientôt les enfants !

 

Lorsqu’elles arrivent rue N. après avoir pris le chemin de retour de l’école, Eugénie invite Zoé et Léontine à prendre une tasse de thé chez elle.

 

  • Il y a bien longtemps que nous n’avions plus respecté la tradition ! dit Eugénie en préparant le breuvage et les tasses. De temps en temps, il faut revenir aux fondamentaux !
  • C’est vrai, nous le faisions bien plus souvent avant.
  • Oui, mais nous travaillons tous maintenant, ça change complètement la donne !
  • Vous n’êtes pas trop fatiguées au moins ? interroge Zoé, soudain inquiète. Vous travaillez sans cesse, je ne voudrais pas que vous tombiez malades !
  • Ne vous en faites pas Zoé, vous avez une magicienne à la gestion du planning, Antoinette nous ménage tout le temps ! répond Eugénie.
  • Et nous avons une vie formidable maintenant, renchérit Léontine, nous ne nous ennuyons plus jamais, nos activités sont variées, nous connaissons plein de gens nous ne nous sentons plus seules … vous ne pouvez pas savoir ce que c’est bien ! Nous avons des projets à réaliser tous les jours, c’est excitant !
  • Je suis trop heureuse pour vous, dit Zoé avec un sourire jusqu’aux oreilles, vous savez combien je vous aime et je vous admire !
  • Regardez ce merveilleux après midi avec les enfants, j’ai absolument adoré !
  • Et on continue à apprendre ! avec Marceline par exemple, on  échange des recettes. Et j’aime aussi beaucoup le petit grand-père indien Ashwatthama, avec lui aussi on découvre plein de nouveautés, des mélanges d’épices étonnants ! pour nous c’est complètement exotique !
  • Bref, c’est vrai que ce n’est pas reposant, mais c’est exaltant, on a vraiment la sensation de vivre pleinement ! conclut Eugénie en versant le thé brûlant dans les tasses. Je vous assure Zoé, on a presque l’impression d’avoir rajeuni !
  • C’est parce qu’on a le moral, et même si parfois on a des petites baisses de forme, les amis autour de nous sont là pour nous soutenir, renchérit Léontine.
  • Oui, dans nos têtes on a perdu plus de vingt ans ! c’est formidable ! conclut Eugénie avec conviction en posant la théière sur le dessous de plat avec énergie.

 

La porte d’entrée s’ouvre soudain et Hassan apparaît, transformé. Avec le petit salaire qui a pu lui être versé par le Faitout Magique pour son travail, il s’est acheté des vêtements et des chaussures à sa taille qui lui donnent un look étudiant. Ainsi habillé il affiche sa jeunesse et son dynamisme, accentuant sans le vouloir la différence d’âge entre lui et les vieilles dames. Celles-ci restent néanmoins ses chères grands-mères et il les embrasse avec affection à son arrivée.

 

  • Voilà Hassan, regardez comme il est beau ! Hassan, tu prendras bien une tasse de thé, dit malicieusement Eugénie qui adore son protégé et connaît bien sa gourmandise.
  • Bien sûr Eugénie, j’adore ! rétorque Hassan sur le même ton taquin.
  • Zoé, vous savez qu’Hassan travaille tous les soirs les cours de français et d’autres matières très difficiles pour passer son bac en juin ? reprend Eugénie avec sérieux.
  • Je sais qu’il est courageux et déterminé !
  • Merci mesdames pour les compliments, dit Hassan en souriant avec modestie. On le boit ce thé ?
  • Allons-y, asseyez-vous donc autour de la table.
  • Dis-moi Hassan, est-ce que Mbamoussa est venu te voir pour travailler avec toi ? demande encore Zoé.
  • Oui, pendant quelques jours il m’a accompagné et maintenant on se partage les tournées, lui, moi, et Théophraste. Il adore faire du vélo, c’est un sportif ! Quand il démarre, je n’arrive pas à le suivre !
  • Ah ! très bien, il s’éclate alors !
  • Oui. Et le reste du temps, il est chez Antoinette et il l’aide pour la gestion du site. Cette semaine par exemple, c’est lui qui est intervenu sur l’actualisation de la charte, il assure un max !
  • Tu as l’air de t’y connaître aussi !
  • Tu sais Zoé, tout ce que je peux apprendre, je l’apprends, j’ai trop envie de m’en sortir et de m’intégrer complètement. Ma vraie vie est ici maintenant. Vous êtes ma famille, j’ai eu beaucoup de chance de vous rencontrer. Bientôt j’aurai des papiers et je pourrais étudier, je serai presque devenu un roi ! 
  • Marceline est contente que Mbamoussa se soit mis au travail, dit Eugénie, on en parlait encore hier, c’était un gros souci pour elle. Et maintenant elle dit qu’il est métamorphosé, il est serviable, de bonne humeur, il chante ! il a changé du tout au tout. C’est fou ce que le travail fait du bien, aux jeunes comme aux moins jeunes !
  • Vous savez on se téléphone souvent avec Marceline, elle en a des problèmes avec sa famille ! précise Léontine à Zoé. Heureusement qu’elle peut nous parler, parce que ça lui fait du bien, et à nous aussi bien sûr ! Enfin le jeune Mbamoussa a l’air d’être sorti d’affaire. Un sacré numéro celui-là, il en a donné du fil à retordre à sa grand-mère, mais elle n’a pas lâché l’affaire ! et finalement c’est elle qui a gagné, le petit est rentré dans le rang, il s’est assagi.
  • Et Antoinette est contente d’avoir de l’aide ! ajoute Zoé. Heureusement d’ailleurs car elle commence à être débordée, nous commençons à avoir beaucoup de travail. D’ailleurs, à ce sujet, j’ai autre chose à vous dire …
  • Vous avez rencontré un jeune homme charmant ? il veut déjà vous épouser ?
  • Mais non Eugénie, vous avez trop d’imagination ! dit Zoé en riant. C’est beaucoup plus terre à terre que ça.
  • Ah ! je suis déçue, je m’attendais à une bonne nouvelle pour vous !
  • Voilà, j’ai rencontré quelqu’un ...
  • Ah ! tout de même ! interrompt Eugénie avec un sourire facétieux
  • … un consultant, qui va nous donner des conseils pour améliorer notre site internet, et précisément pour que nous soyons plus présents sur les réseaux sociaux, poursuit Zoé.
  • Ca va faire venir de nouveaux adhérents pour le Faitout Magique ? demande Léontine.
  • Oui, c’est son objectif. Pour lui, nous sommes un bon concept et nous pouvons grossir.
  • Est-il sympathique ce jeune-homme ? s’enquiert Eugénie plus intéressée par les histoires sentimentales que par le business, et qui voudrait bien que Zoé ait un petit ami.
  • Oui, je ne voulais pas le laisser trop s’immiscer dans nos affaires, mais il a insisté.
  • Ne vous laissez pas faire Zoé, dit Léontine. Et puis est-ce qu’il va se faire payer ses services ? parce qu’on n’a pas les moyens, nous !
  • Rassurez-vous, il nous donnera ses conseils gratuitement !
  • Alors ça va, soupire Léontine. Si ça ne marche pas, au moins ça ne nous aura rien coûté !
  • Il veut aussi qu’on change le nom du site, il dit que ce n’est pas terrible le Faitout Magique.
  • Ah si, c’est très bien, nous on aime beaucoup.
  • Il propose Popina, ça veut dire bonne cuisine en latin.
  • Ah oui c’est joli
  • Vous voyez, il n’a pas que des mauvaises idées !
  • On pourrait peut être changer de nom … mais nous on aime vraiment beaucoup Le Faitout Magique, dit Léontine.
  • Moi ça m’ennuie de mettre ce nouveau nom, renchérit Eugénie en faisant de grands gestes éloquents … on ne sait pas d’où ça vient, ça sort du chapeau comme ça, et toc ! Et il faudrait remplacer le Faitout Magique par Piponella ? Non, ça ne me va pas.
  • Et moi je vais vous avouer pourquoi en secret je l’aime tout particulièrement le Faitout Magique, dit Léontine sur le ton de la confidence en baissant la voix.
  • En secret ? s’étonne Eugénie, soudain curieuse, qui tourne la tête avec gourmandise vers Léontine, pour savoir.
  • Le Faitout Magique me rappelle mon mari Octave. Il me répétait sans cesse qu’il aimait me voir faire la cuisine avec toutes mes casseroles et mes faitouts. Alors quand j’entends le mot Faitout, ça m’évoque à chaque fois plein de souvenirs de lui ! Et pour moi c’est sûr, il a quelque chose de magique notre Faitout !
  • C’est extraordinaire, dit Zoé, j’ai eu tant de mal à trouver ce nom et c’est un peu comme si vous me l’aviez inspiré … c’est dans la cuisine d’Eugénie que j’ai eu l’idée, en la regardant préparer un plat …
  • Alors voilà pourquoi je n’ai pas tellement envie qu’on l’appelle autrement, conclut Léontine.
  • C’est vrai, Zoé, nous on résiste un peu au changement, c’est parce qu’on est vieilles et qu’on a de vieilles idées et qu’on s’attache à des petites choses insignifiantes.
  • Là mesdames, je ne suis pas d’accord avec vous, je n’ai jamais vu de grands-mères aussi dynamiques et battantes que vous ! Vous êtes toujours prêtes pour les nouveautés !
  • C’est absolument vrai, renchérit Hassan qui parle français quasiment couramment désormais et comprend même les piques d’humour et l’ironie.
  • Et tu en penses quoi toi, Hassan, de Popina ? demande Zoé
  • Le Faitout Magique, ça a un côté sympathique, familial, ça parle aux gens. Popina c’est un peu glacial, marketing. Mais bon si ça marche, pourquoi pas ?
  • Mais quelle utilité de changer le Faitout Magique en Popinette ou autre chose ? reprend Eugénie. Ici dans le quartier, tout le monde connaît le Faitout Magique, il a déjà son histoire et sa réputation  …
  • Auguste dit que Popina c’est plus vendeur, ça s’adresse à plus de gens, ça sonne mieux, explique Zoé.
  • Je ne suis pas trop d’accord avec lui, dit Eugénie.
  • Mais ce jeune-homme, vous le connaissez bien ? s’enquiert Léontine.
  • Auguste ? non je ne le connais pas bien, c’est un ami d’Olympe.
  • Ah ! alors on s‘en moque un peu ! Et que devient le gentil Zebediah, celui qui est parti en Angleterre ? demande Léontine, curieuse.
  • Eh bien, il revient à Paris en fin de semaine prochaine !
  • Mais il faut organiser une fête pour son retour ! on va faire un repas ici, avec tous les amis, qu’en pensez-vous Zoé ? intervient Eugénie.
  • Je pense que c’est une super idée !
  • Eh bien je me charge de tout, dit Eugénie, les invitations, la préparation, vous pourrez profiter l’un de l’autre sans vous préoccuper de rien. On va faire ça avec Léontine, on va bien s’amuser.
  • C’est parfait ! merci Eugénie, vous êtes formidable. Mais pour finir, que faisons-nous avec Popina, vous voulez rester sur le Faitout Magique et on laisse tomber  Popina ?
  • On n’a pas dit ça, mais ce nouveau nom, ça ne nous plait qu’à moitié.
  • C’est nous qui devons décider ?
  • Non, mais votre avis compte, bien évidemment !
  • Ce n’est pas quelqu’un de chez nous qui l’a trouvé, comme vous pour le Faitout Magique, Zoé. Et permettez-moi de vous redire que ce nom est formidable ! insiste Léontine avec son bon sourire.
  • Et si on gardait un petit peu des deux noms ? comme ça on fait plaisir à tout le monde.
  • Merci, c’est une bonne idée Léontine, je vais la proposer à Auguste,
  • Mais tout de même on a notre mot à dire sur le Faitout Magique, ce n’est pas un inconnu qui arrive qui peut nous dicter tout ce qu’on doit faire selon sa fantaisie, on est bien d’accord Zoé n’est-ce pas ?
  • On est d’accord, bien sûr. Il vient juste nous donner des conseils pour qu’on s’améliore.
  • Eh bien nous les conseils, on n’en a pas besoin. Il faut garder le Faitout Magique, et s’il veut dans un coin, il met son Poponina ou je ne sais quoi, et tout le monde est content. 
  • Je vais y aller maintenant, dit Zoé qui sent que la conversation ne peut pas aboutir et qu’il vaut mieux abréger,  je dois encore sortir le chien et il est déjà tard.
  • Au revoir Zoé, passez une bonne soirée. Vous ne nous en voulez pas tout de même ?
  • Mais non rassurez-vous ! je suis d’accord avec vous, mais j’essaie de faire pour le mieux pour le Faitout Magique !
  • Ah ! vous voyez que ça sonne bien ! c’est mieux que Peperoni !
  • Eugénie, je crois que vous y mettez de la mauvaise volonté ! c’est Popina !
  • Peu importe ! au final ça ne me plait pas du tout.
  • D’accord Eugénie, on va garder le Faitout Magique, et on mettre Popina dans un coin !
  • Voilà, comme ça on est tous d’accord ! Et c’est tout bon pour Léontine et Octave.

 

Zoé quitte la joyeuse assemblée têtue et réfractaire, et court chercher Peter.

 

En revenant de la promenade, elle croise Louis qui traverse la cour. Elle lui explique la rencontre avec Auguste et sa suggestion d’apporter des changements au site du Faitout Magique. Elle précise surtout que quelques unes de ses propositions devraient être mises en œuvre ce soir, mais qu’elles ne plaisent pas à tout le monde.

 

  • Eugénie et Léontine ne sont pas du tout d’accord sur le changement de nom, Popina ça ne leur convient pas, conclut Zoé. On doit trouver un compromis si on veut tout de même ajouter Popina pour attirer des internautes. Pour l’instant les propositions d’Auguste ne font pas l’unanimité.
  • Tu vas être surprise par ce que je vais te dire, répond Louis, mais j’aimerais le rencontrer pour le jauger un peu. Je t’explique : nous sommes victimes de notre notoriété et nous grandissons trop vite par rapport à notre capacité à répondre à notre offre. Les chiffres explosent, le planning est quasiment rempli, et nous allons bientôt être obligés de refuser des prestations à nos clients, ça ne se fait pas ! L’arrivée d’Auguste peut être une opportunité pour nous aider à nous structurer et nous organiser d’une manière plus optimale. Il peut nous apporter des conseils mais seulement s’il est bien intentionné et talentueux. Alors laisse le faire un peu, qu’on voit où il veut en venir. Néanmoins je te mets en garde contre ce genre de personne, il semble un peu trop intéressé, c’est pour ça que je veux le voir rapidement. En outre, il ne faut surtout pas mettre en œuvre tout de suite sa proposition sur les réseaux sociaux, pour la raison que je t’ai expliquée, car nous aurions un afflux de clients que nous ne pourrions pas satisfaire. Alors freine-le rapidement.
  • Oui Louis, je suis d’accord avec toi, nous devons être vigilants sur tous les points, approuve Zoé qui découvre que le Faitout Magique n’est pas loin d’être en situation de  crise. Je laisse Auguste faire ce soir, mais sans publier quoi que ce soit, on lui donne une chance de nous montrer qu’il peut et veut vraiment nous assister, et j’organise une petite réunion rapidement tous les trois.
  • C’est la bonne démarche Zoé. A propos, je reviens de chez Antoinette, où j’ai vu Mbamoussa., Quels progrès en quelques jours, incroyable ce que la motivation peut faire chez certaines personnes ! S’il continue à ce rythme, il pourra reprendre l’école prochainement, il a enfin compris qu’il était doué et que c’est mieux d’avoir un diplôme pour trouver du travail. Il faut dire que je le pousse un peu … beaucoup, dit Louis avec malice. Et ce n’est rien par rapport à sa grand-mère, qui fait des rappels à son petit fils toutes les demi-heures. Mais il tient le coup, il a hérité de la ténacité de Marceline.
  • Cela fait beaucoup de nouvelles pour ce soir ! Chez nous, tous les jours il se passe quelque chose de nouveau et d’incroyable, il n’y a jamais de baisse de tension ! Cette fois j’y vais, bonsoir Louis, je pense qu’Auguste va arriver ou bien il m’attend déjà là haut, et je sais maintenant qu’il peut jouer un rôle important pour le Faitout Magique, alors je vais faire en sorte qu’il nous apporte de bons conseils. Je prends tout ça très au sérieux, je me sens responsable vis à vis de vous et de notre communauté !
  • Moi aussi Zoé, c’est exactement le sens de notre mission. Bon, je vais passer chez Eugénie dire un petit bonsoir.
  • A demain Louis.
  • A demain Zoé. Louis se penche vers Peter et lui fait une petite caresse, en retour le chien bondit et lui lèche la main.

 

Lorsque Zoé arrive au cinquième étage avec Peter, elle aperçoit Auguste qui l’attend devant la porte d’entrée, assis sur les marches, son portable ouvert sur ses genoux, en train de travailler.

 

  • Salut Zoé, je ne perds jamais de temps. Je vise toujours l’efficacité, et même l’efficience. Auguste rabat le couvercle de son pc qu’il glisse dans son sac et se redresse.
  • Salut Auguste, tu ne serais pas un peu prétentieux par hasard ? dit Zoé en introduisant la clé dans la serrure.

 

Peter ne semble pas ravi de voir Auguste, il entre dans l’appartement à la suite de Zoé et va tout de suite se cacher dans la chambre, aux côtés de Manon qui ne bouge même pas.

 

  • Ah, je vois que tu n’as rien perdu de ton ironie, répond Auguste, mais j’aime ça, j’aime les filles qui ont du répondant.

 

A peine entrés dans l’appartement, Auguste pose son sac par terre et prend Zoé dans ses bras. Zoé se dégage rapidement et entend Peter grogner dans la chambre.

 

  • Tu trouves peut-être que je vais un peu vite ? demande Auguste en reculant, et ton chien est jaloux.
  • Oui, tu vas trop vite, tu ne me laisses pas le temps.
  • C’est que le temps presse, il nous est compté alors il faut l’optimiser, essayer de le capitaliser, de le rentabiliser.
  • Et que dis-tu du plaisir de prendre son temps, de perdre son temps, de paresser le matin au lit et le soir avant d’aller se coucher ?
  • Mais j’adore !
  • Mais alors tu es en pleine contradiction !
  • Non, tu vas voir rapidement comment je rends tout ça compatible.
  • Pas trop rapidement, remember ?
  • Encore une citation de ton ami Zebediah ?
  • Tu te souviens de lui ?
  • Bien sûr, j’ai une mémoire d’éléphant !
  • Alors ….
  • Tu m’offres à boire ? j’ai terriblement soif !
  • Oui, absolument, mais d’abord je vais m’occuper de Manon et Peter.
  • Comme tu veux, à ton rythme, répond Auguste, légèrement vexé de passer en second lieu après les animaux. D’autant qu’il ressent l’animosité de Peter et n’apprécie pas d’être mal accueilli, voire rejeté par un chien. Que fait ta coloc ? reprend-t-il, elle rentre ce soir ?
  • Oui, mais plus tard, si tu veux je peux te préparer à dîner.
  • Je veux bien, je crois que tu es douée pour la cuisine ….
  • Ha ha ! je vais te trouver quelques restes et tu vas voir si je suis aussi habile que tu le crois ! tu es beaucoup trop sûr de ton pouvoir de séduction et tu essaies de m’amadouer en m’encensant !
  • Mais non, pas du tout, répond Auguste flatté malgré lui par l’insolence de cette jeune femme qui ne cède pas facilement à son charme et qui joue elle aussi l’ironie parfaitement.
  • Je ne te crois pas une seconde, poursuit Zoé, un consultant comme toi, habitué au monde des affaires et un champion du business, qui doit défendre sa mission avec tous les arguments possibles, y compris ceux qui font appel à son imagination … c’est une seconde nature chez toi de vouloir séduire !
  • Laisse-moi te dire que chez toi, c’est naturel ! charme et séduction, ce sont des armes innées que tu manies habilement à volonté.
  • Tu viens de dire que je suis une manipulatrice ?
  • J’en suis certain.
  • Bon, là c’est un peu vrai, j’avoue, j’ai envie de savoir ce que tu vas me proposer pour améliorer Le Faitout Magique.
  • Ah, mais dis-moi, ton discours change !
  • On ne peut rien te cacher, dit Zoé, un peu contrariée tout de même d’être si transparente qu’Auguste a déjà compris qu’elle avait un objectif intéressé elle aussi dans l’établissement de leur relation.

 

Pour Auguste le malin, ce constat change la donne complètement, il n’est plus en position de demandeur, on a besoin de lui. Mais plus les minutes passent, plus il se rend compte qu’il est en train de tomber amoureux de Zoé, et il ne sait pas lui non plus s’il a vraiment envie de céder à ce sentiment. Partagé entre son goût du challenge et du profit et l’excitation liée à la perspective de développer ses talents sur une affaire nouvelle (et qui semble juteuse), et le sentiment amoureux naissant qu’il sent ne pas pouvoir contenir longtemps, il exprime soudain inconsciemment par son langage corporel son embarras. Il a un mouvement de recul et s’assoit sur le sofa rouge. De là, il contemple la jeune femme qui s’affaire avec les gamelles et les pots, les deux animaux suppliants autour d’elle, Manon la queue dressée toute droite, et Peter qui gémit doucement. 

 

Puis Zoé se tourne vers lui triomphante et apporte deux verres de vin rouge italien, quelques petits crackers au chèvre et au poivre, préparés l’avant-veille pour tester une nouvelle recette.

 

  • Oui, nous avons besoin de tes services précieux pour nous permettre de nous améliorer. Nous commençons à avoir de la notoriété, pas mal de clients et de cuisiniers, et d’autres intervenants, nos livreurs par exemple, et nous devons être plus organisés pour absorber cette montée en puissance.
  • Ah mais dis-moi, c’est très bien ça, je m’y attendais un peu mais je suis content de voir que j’avais bien anticipé sur ton affaire.
  • Donc si tu veux bien, je vais organiser une réunion de présentation avec mon associé Louis, qui gère le Faitout Magique, c’est lui le président de l’association. Rien n’aurait pu se faire sans lui et sans son expérience.
  • Je vois que tu as su t’entourer de talents !
  • Ici au Faitout Magique, nous sommes une pépinière de talents !
  • Zoé, tu sais toujours me surprendre. Eh bien d’accord, c’est entendu ! Tu sais qu’il faudra un peu durcir le ton pour mettre en œuvre ce que je vais apporter. La méthodologie ça rigidifie un peu parce qu’on formalise les processus. Alors évidemment il y a une perte de liberté là où avant tout le monde faisait ce qui lui plaisait, et cela provoque de la résistance au changement.
  • Auguste ! arrête de me prendre pour une idiote, je comprends que tu veux prendre le leadership et imposer un management directif, interrompt Zoé qui prend vite la mouche. Tu n’as aucune imagination si tu crois qu’il faut se formater pour réussir, en hiérarchisant et en contrôlant. Ce n’est pas ce que nous attendons de toi. Tu dois nous faire des propositions sérieuses, mais tu ne dois pas détruire l’esprit qui anime le Faitout Magique. Si tu ne nous convaincs pas, nous ne ferons pas appel à toi. A toi d’exercer ton talent et de nous montrer ce que tu vaux ! Tu vas trouver chez nous des personnalités étonnantes et qui sont capables de se sublimer, inutile de les mettre dans des cases et de les rendre stériles. Et puis dans ce cas, je suis certaine qu’elles partiraient. Alors regarde la matière, la bonne terre dont est composée le Faitout Magique, et donne lui ce qui est nécessaire pour qu’il prospère tout en gardant ses valeurs, en travaillant et en façonnant cette terre de la meilleure des manières.

 

Auguste regarde Zoé avec des yeux surpris. Il pensait que la conquête de Zoé et du Faitout Magique serait sans obstacles et rapides, une simple formalité, une mission de quelques jours. Il réalise qu’il a affaire à une équipe redoutable qui ne le laissera pas agir à sa guise, et que l’atteinte de l’objectif se révèle beaucoup plus ardue qu’il ne le croyait. En même temps, la difficulté aiguise sa volonté de gagner son pari et il se sent à cet instant véritablement challengé.

 

  • Donne moi une seule bonne nouvelle idée pour me persuader que j’ai raison de te faire confiance, dit Zoé en terminant  son verre de vin, et je vais préparer le dîner.
  • Je pensais faire appel à une plate-forme de financement participatif, il en existe plusieurs sur internet qui aident à se procurer des fonds pour des projets. Cet appel à l’apport de bienfaiteurs donnerait des moyens au Faitout Magique pour sa montée en puissance.
  • Pas mal comme idée ! je la retiens. Cette fois, je vais préparer le repas.

 

Pendant que Zoé ouvre et referme les portes du réfrigérateur et des placards à la recherche d’inspiration, Auguste l’interroge sur ses amis, et il veut tout savoir sur eux.

 

  • Je vais te raconter la meilleure rencontre que j’ai jamais vue : Lucia ma coloc et Olympe !
  • Olympe ? cette mythomane ?
  • Oui, Olympe ! Elles se sont bien trouvées pour faire ensemble la collection sur laquelle travaillait vainement Olympe. Seule, elle n’arrivait à rien. Avec la créativité et la fantaisie de Lucia, elles font des merveilles. Il suffisait qu’elles soient mises en contact  et l’étincelle a jailli. Je te montrerai quelques photos de leurs modèles en cours d’élaboration. Le plus emblématique c’est à mon sens la robe poivron jaune avec son col vert. je suis certaine qu’elle va faire sensation.
  • C’est du grand n’importe quoi !
  • Mais pas du tout, je t’assure que cette robe a de la gueule ! avec elle certes une fille ne passe pas inaperçue, mais le côté excentrique est contrebalancé par la coupe super jolie et l’effet est saisissant.
  • Eh bien tu en parles comme si c’était exceptionnel, je suis surpris mais je demande à voir !
  • Olympe a trouvé une matière géniale pour la robe, une sorte de velours fin et léger, et du coup la robe a du volume en haut puis descend le long du corps avec fluidité. Ca ne doit pas être facile pour marcher car les genoux sont enserrés dans le fourreau de la jupe, mais c’est ça la mode ! ça n’a rien de pratique. Lucia a troqué les spartiates prévues à l’origine par des sandales ultra fines à talons aiguilles bleus, ça donne un résultat étonnant mais il faut être très habile pour se déplacer dans cette tenue.
  • Je vois que vous avez une productivité hors du commun dans tous les domaines !
  • Depuis quelques temps nous étudions la possibilité de proposer de nouveaux services dans le catalogue du Faitout Magique ! poursuit Zoé, stimulée par les remarques emphatiques d’Auguste. Nous allons probablement monter des ateliers de couture avec nos bénévoles. Notre cliente depuis l’origine, Madame Pommier a déjà prévu de s’inscrire ! Et puis, pour se faire pardonner une de ses très mauvaises plaisanteries, Olympe a conçu un tablier pour nos cuisiniers et nos cuisinières. Pour l’instant nous lui en avons commandé cinquante exemplaires, elle les fait faire par des artisans en province. Le tablier a une coupe originale, il est bouffant sur le bas, et le logo du Faitout Magique est reproduit sur le côté, très classe ! Je t’en montrerai une photo. Si les adhérents le trouvent beau, on pourra le proposer à la vente.
  • Décidément, vous fourmillez d’idées !

 

Auguste est surpris, il ne pensait pas l’être par cette petite provinciale. Confusément il commence à réaliser que le Faitout Magique applique naturellement des concepts qui, bien que considérés comme tendance dans les entreprises, sont rarement mis en œuvre : limiter les niveaux hiérarchiques, mettre l’humain au cœur des préoccupations, être solidaire, tenir compte des bonnes volontés et des propositions de chacun, ne pas pratiquer de discrimination, … Et le résultat est probant, l’innovation se fait presque instinctivement, il n’y a pas d’absentéisme, les clients sont satisfaits et reviennent avec régularité, la qualité est là, les bonnes pratiques sont intégrées à la culture … Avec un tout nouveau recul, il observe le Faitout Magique comme une sorte de laboratoire ou de prototype de ce qu’il faudrait peut être faire pour atteindre l’excellence et la performance. Bien sûr, il est utopique de penser que le modèle du Faitout Magique est reproductible dans d’autres entreprises, néanmoins il est la preuve que l’expérience de ce type d’organisation peut réussir.

 

  • Oui, je suis impressionné, finit-il par dire après réflexion.
  • Tu vois ! et pourtant nous n’avons pas de service Marketing, juste quelques initiatives, notre savoir-faire et de la bonne volonté de la part de tout le monde. J’oubliais de te dire que nous échangeons des liens partenaires avec un restaurant dans Paris, ‘La Nuit Étoilée’.
  • Très inventif tout cela. Ce qu’on a tous compris cependant, c’est que la bonne volonté seule ne suffit pas, ou dans ton cas ne suffit plus, il faut se “professionnaliser”, ajoute Auguste en mimant le symbole des guillemets.
  • Je n’aime pas tes grands mots qui ne veulent rien dire. Essaie de trouver un vocabulaire plus simple, que les gens comprennent. Et puis c’est totalement démodé de faire ce signe, plus personne ne le fait.
  • Tu veux dire que je ne suis pas clair ? et même que je suis ringard ?
  • Tu peux alléger ton discours, il n’en sera que plus compréhensible. Et pour le signe, c’est juste que je l’ai lu sur internet, alors je te donne le tuyau.
  • D’accord, je reformule, il faut passer à la vitesse supérieure, mettre le turbo. Est-ce que je suis plus accessible avec ces mots-là ? Et j’arrête le signe des guillemets, j’ai compris le message.
  • Oui ! là, tu emploies le langage que tout le monde comprend et tu passes pour quelqu’un qui sait de quoi il parle, sans en faire trop. C’est top.
  • Cool !

 

Avec cette conclusion, Zoé réussit à faire taire Auguste. Elle prépare des œufs brouillés qu’elle mélange avec un reste de ratatouille, sort du réfrigérateur des yaourts maison qu’elle accompagnera avec du miel et met à tiédir des pommes au four.

 

Zoé et Auguste s’installent autour de la petite table, sur le sofa rouge, au milieu des animaux. Peter n’est toujours pas très aimable, mais il ne grogne plus. Quand à Manon, perpétuellement curieuse, elle s’est installée au bout du sofa et les yeux mi-clos, comme à son habitude, elle observe tout ce qui se passe. Auguste apprécie la nourriture cuite à point et parfaitement assaisonnée.

 

  • Finalement, dit Auguste, vous avez peut être raison de vous appeler le Faitout Magique, vous êtes de vraies fées. Ce dîner très simple en soi est une pure merveille.
  • Je te disais qu’on peut atteindre l’excellence sans faire d’esbroufe !
  • C’est ma foi vrai ! est obligé d’acquiescer Auguste.
  • Et encore, tu n’as pas goûté à la cuisine de nos grands-mères, ce sont des pros. A côté d’elles, je ne suis qu’une débutante ! Elles ont en permanence une recette dans la tête, une casserole sur le feu, un plat en préparation, et tout est toujours délicieux. C’est pour ça qu’on a du succès, et c’est pour ça qu’on doit rester nous-mêmes.
  • Je comprends votre philosophie. Je ne sais pas comment vous réussissez à maintenir l’équilibre, mais visiblement ça marche. Enfin, tout ça m’aide à comprendre votre contexte, et j’avoue que j’ai un peu peur de rencontrer Louis, j’ai l’impression qu’il est redoutable.
  • Tu te poses beaucoup trop de questions, reste cool. Louis est très intelligent. Et il a aussi l’intelligence du cœur, ça fait beaucoup pour un seul homme ! Tu vas être impressionné, mais dans le bon sens du terme, tu vas voir ce que c’est la vraie grande classe.
  • Je commence à me sentir tout petit au milieu de tous ces talents !
  • Allez, un peu de modestie ne te fait pas de mal !

 

Zoé et Auguste boivent un petit café lorsque Lucia revient de chez Olympe. Elle est chargée de gros paquets sur les deux bras qu’elle dépose par terre dans le couloir.

 

  • Hey, ciao, sei Auguste ? Queste borse occupano spazio ! Ci sono molti pezzi di tessuto : sarò in grado di fare molte cose. Avete gia cenato?[1]
  • Sì, abbiamo finito[2], répond Zoé, habituée à échanger avec Lucia en italien. 

 

Auguste se sent mis à l’écart du fait de la complicité des deux filles, a fortiori lorsqu’elles parlent une langue étrangère qu’il ne comprend pas, et dépassé par la verve de Lucia et son énergie. Difficile de jouer de son charme avec ces deux filles sur lesquelles la séduction n’a pas de prise. Néanmoins, elles sont si différentes des jeunes femmes qu’il fréquente habituellement, si naturelles et si pleines de vie qu’il sent se produire des fissures dans ses certitudes. Sa posture arrogante de façade, et les fondements de son éducation solidement établis depuis l’enfance, ne lui servent plus tout à fait de rempart.

 

  • Bonjour, répond-t-il enfin quand Lucia a cessé de parler. Elle se tourne vers lui, les yeux grands ouverts et le jauge, elle debout et lui assis sur le sofa.
  • Allons, vous allez pouvoir admirer notre production ! Olympe a fini quelques modèles, e ammetto di essere orgoglioso del nostro risultato, conclut Lucia avec un grand sourire. Abbiamo un appuntamento domani … andiamo in officina per vedere i primi prototipi ![3]
  • Vraiment ! déjà ? 
  • Si, abbiamo lavorato giorno e notte per terminare i modelli in tempo[4], vous allez voir, demain il y aura la sponsor, j’espère que ça lui plaira.

 

Tous les trois soupirent d’aise, Lucia se laisse tomber sur le sofa et Zoé lui apporte une tasse de tisane.

 

  • Grazie ! questo è tutto ciò di cui avevo bisogno, ho tanta sete ! Sono molto stanca[5].

 

La soirée s’écoule doucement. Vers onze heures Auguste comprend qu’il est l’heure pour lui de partir et s’éclipse discrètement, bien décidé à s’intégrer dans cette communauté pleine d’opportunités de toutes sortes.

 

Il n’a pas réussi à imposer sa vision concernant les réseaux sociaux sur le site du Faitout Magique, néanmoins il a progressé dans sa connaissance du contexte. Enfin pour lui, il y a de la matière à travailler, des idées à mettre en œuvre, un terrain propice pour expérimenter ses théories, si le fameux Louis lui laisse un peu de liberté pour appliquer ses principes. En attendant son taxi sur le trottoir en bas de l’immeuble, il se sent partagé. Le fait qu’il apprécie l’hospitalité et la convivialité des membres du Faitout Magique n’est pas compatible avec l’ambition sans limites qui a depuis toujours guidé ses choix et qui voudrait qu’il s’approprie cette initiative pour son propre profit, au détriment de ceux qui l’accueillent aujourd’hui. Il réalise qu’il a des scrupules pour la première fois de sa vie, c’est un sentiment qu’il n’a jamais ressenti jusqu’alors.

 

Au cinquième étage, masquée par l’ombre de la fenêtre, Zoé attend qu’Auguste monte dans le taxi avant de descendre avec le chien. Elle veut lui faire faire un dernier tour avant d’aller au lit.

 

  • Tu penses quoi d’Auguste ? demande-t-elle à Lucia
  • Non molto, lui è molto pretenzioso, lo sai che non mi piace[6]
  • Oui, je sais. Mais nous avons besoin de lui, c’est Louis qui m’a demandé de lui organiser un rendez-vous pour voir s’il peut nous aider à orchestrer la montée en puissance du Faitout Magique. Tu te rends compte ?
  • Che successo ![7]
  • J’avoue que je suis fière de ce que nous avons accompli !
  • Rimane modesta, il successo va veloce come succede ![8]
  • Merci, tu es la voix de la sagesse Lucia ! Allez, viens Peter on y va !

 

Le chien se précipite joyeusement dès que Zoé attrape le collier et la laisse et tous deux descendent l’escalier à grande vitesse jusque dans la cour.

 

 *

Le lendemain en fin d’après midi, après une journée bien occupée pour tous les deux par leurs activités respectives, Zoé et Auguste franchissent ensemble la porte de l’atelier d’Olympe, après s’être retrouvés pour un thé dans une brasserie voisine. Auguste et Olympe ne s’étant pas revus depuis l’esclandre du café Jaune, Zoé a pris la précaution de prévenir Olympe de la visite d’Auguste par sms, pour éviter une nouvelle querelle verbale entre eux, et Olympe a promis de rester calme.   

 

Alphonse est présent lui aussi. C’est la première fois que Zoé le voit sans ses plâtres et sans ses béquilles depuis l’accident. Il manque un peu d’équilibre quand il avance, mais il marche plutôt bien.

 

  • Hello vous tous, s’écrie-t-il en approchant lentement vers les nouveaux arrivants. Le spectacle ne va pas tarder, Olympe et Lucia finissent les dernières retouches dans la réserve. En attendant, je vais vous présenter Mrs Chipp-Martingale qui est déjà là et qui attend. Elle est plutôt spéciale, préparez-vous à être surpris !
  • Salut Alphonse, je te présente Auguste, Auguste, voici Alphonse.
  • Allons-y, entrez.

 

Alphonse les laisse pénétrer dans la pièce principale, où ils découvrent Mrs Chipp-Martingale, la riche anglaise qui finance la collection d’Olympe. Elle est assise, à moitié couchée sur un fauteuil en velours rose fuchsia, qui s’accorde fort mal avec son abondante chevelure rouge, son tailleur vert acide, son chemisier violet à grands motifs, et ses stilettos orange sur des bas satinés à reflets irisés. A ses pieds est roulé en boule un petit chien blanc ébouriffé, le cou serré par un collier en cuir écossais, qui les regarde d’un regard morne. Il monte la garde à côté du sac à main, vaste cabas posé par terre, largement ouvert et ne cachant rien de son contenu.

 

  • Ah eoohhh ! Hello dear ! who are you ? We haven’t been introduced [9]!
  • We are Olympe and Lucia’s friends. We came to see the collection.[10]
  • Good, c’est aussi mon intention, répond Mrs Chipp-Martingale avec un fort accent britannique. Je veux voir mon argent fructifier, j’attends d’être étonnée par vos amies. I am very excited by all this[11] !
  • Vous le serez sans aucun doute, dit Zoé, leurs modèles sont étonnants.
  • Je suis Eva Chipp-Martingale, dit la femme en tendant sans se lever une main ultra manucurée à Zoé et Auguste, qui se sont approchés en évitant le chien. Ses faux ongles parfaits sont peints de plusieurs couleurs pailletées, assorties à sa tenue criarde, et ses doigts sont couverts de bagues énormes et brillantes. Son visage est très maquillé, mais l’ensemble reste cohérent et bien que excentrique, n’est pas ridicule.

 

Mrs Chipp-Martingale frappe dans les mains pour lancer la démonstration. Lucia avance avec précaution le premier mannequin habillé de la robe poivron jaune et de sandales à talons aiguilles bleu cobalt, Zoé aperçoit une fente au niveau de la jupe fourreau, faite pour donner de l’aisance pour marcher. Le modèle est coiffé d’une perruque dont le carré court est platine, et doté d’accessoires dorés, bleus et violets, bagues, sac à main et bracelets. 

 

L’ensemble est spectaculaire, Zoé est médusée de voir l’idée saugrenue surgie dans la tête de Lucia devenue réalité, et rit sous cape de voir l’expression de surprise d’Auguste.

 

  • Aoohhh, fait Mrs Chipp-Martingale, it’s a-maaa-zing ! I’ve never seen anything like this ! So original ! I like it ! I simply adore it ! Anything else ?[12]

 

Olympe pousse doucement le deuxième mannequin qui porte un pantalon fluide en tissu doré, à plis plats à la taille, très long et large, sur des derbies sans talons à damiers noirs et blancs. Un petit top rouge écarlate affine la silhouette vers le haut, et le modèle porte sur le bras un manteau trois quart évasé à damiers noirs et blancs, rappelant le motif des chaussures.

 

A la vue de ce deuxième prototype, Mrs Chipp-Martingale se lève de son fauteuil et applaudit des deux mains.

 

  • Extraaaaaordinary ! where did you find such ideas[13] ! je suis complètement étonnée de cette excentricité ! j’aime beaucoup, bravo Miss Olympe !

 

A partir de ce moment-là, la partie est visiblement gagnée. Les trois modèles suivants, tout aussi extravagants enchantent la sponsor. A la fin de la démonstration, Mrs Chipp-Martingale confirme sa volonté de poursuivre la collection et attend avec impatience de voir les vingt cinq autres modèles.

 

  • Aeohhh ! Dans combien de temps puis-je revenir pour voir la collection complète ? you can already start manufacturing the first models.[14]
  • Très bien Mrs Chipp-Martingale, répond Olympe. Nous suivons vos instructions. Pour la présentation complète, disons fin avril, cela vous convient-il ?
  • April !!! it’s way too late ! how can it take so much time ! you must do better than this.

[15]

  • I’ll do my best Mrs Chipp-Martingale, but we need a little time …[16]
  • Je ne paierai pas encore pendant des mois, faites le maximum. Je reviens en Mars.
  • C’est d’accord Mrs Chipp-Martingale, you’ll be satisfied.[17]
  • I reaaaaally hope so ! Same financial conditions. And now if you let me hope it's going to end well, I guess I can leave and go back to London right away. Would you be kind and call a taxi, pleaaaase ?[18]

 

Avec cette dernière remarque, Mrs Chipp-Martingale se lève du fauteuil rose, ramasse son sac à main géant, attrape son chien dans ses bras et  traverse l’atelier d’un pas assuré vers la sortie. Olympe se précipite sur son téléphone et commande le taxi aussitôt. Arrivée devant la porte, Mrs Chipp-Martingale, la main sur la poignée, se retourne brusquement vers Olympe et les autres personnages de la scène qui vient de se jouer.

 

  • Goodbye everybody, have a nice time till our next meeting and work well. See you very soon in March, and don’t forget to give me regular news. I pay you enough money to be well informed ! Let me tell you I may come back sooner if I consider that you are not doing precisely what I am expecting from you ![19]

 

Sur ces paroles peu aimables, Mrs Chipp-Martingale ouvre la porte d’entrée et sort dans un grand nuage de parfum capiteux alors que le taxi se gare déjà le long du trottoir.

 

  • Ouf, dit Olympe en se retournant vers ses amis, la sorcière est partie et nous pouvons continuer la collection, elle maintient le financement. Pour fêter ça, je vous propose d’aller prendre un verre dans un café à côté de l’atelier. J’ai besoin de me détendre après cette épreuve.
  • Proposition acceptée, disent les quatre autres.
  • Je voudrais dire merci à Lucia qui a été l’inspiratrice de toute cette fantaisie ! je te dédie cette collection, sans toi elle n’aurait pas vu le jour, reprend Olympe pour une fois reconnaissante du travail et de la réussite d’autrui.
  • Non c'è nessun problema [20], dit Lucia, ni flattée ni blasée par le succès, simplement stimulée pour poursuivre le travail et créer, créer, créer. Andiamo, j’ai soif !

 

Toute l’équipe enfile les manteaux et se dirige joyeusement vers le café le plus proche.  La soirée est agréable car l’aventure de la collection d’Olympe se termine bien.

 

Auguste aimerait se rapprocher de Zoé, mais celle-ci l’évite habilement et profite de ce moment un peu confus pour parler avec Alphonse. Zoé sent qu’il est tendu, il ne semble pas heureux.

 

  • Tes jambes vont mieux, est-ce que tu souffres encore ? demande-t-elle discrètement lorsqu’ils parviennent à s’isoler un peu tous les deux.
  • Je vais bien, parfois quelques douleurs mais globalement je suis revenu à mon état normal.
  • Qu’est-ce qui ne va pas alors ?
  • Je m’ennuie.
  • Je te reconnais bien là, tu as à nouveau la bougeotte ?
  • Oui, je te l’avoue en secret Zoé, je vais repartir.
  • Quoi ? ! ? s’exclame Zoé abasourdie par la nouvelle.
  • Cette fois ce sera le bush australien. Cette vie-là tranquille à Paris ne me convient pas, j’ai besoin de voir de grands espaces, de m’évader. J’ai mon billet d’avion, je pars dans deux jours, Olympe ne sait rien, mais je vais la quitter.
  • Tu es atrocement cruel … Elle commence juste à remonter la pente après son constat d’échec et la leçon qu’elle a subie.
  • Je sais, mais que faire ? si je reste ici, je vais m’étioler, déprimer, devenir l’ombre de moi-même … je dois bouger, il le faut pour ma santé physique et mentale.
  • Et tu laisses tes amis aussi, Cezary et vos soirées consoles de jeux, et moi …
  • Cezary sera plus sage si je ne le distrais pas, et toi tu peux très bien te passer de moi. Olympe me remplacera par quelqu’un d’autre, tu verras. Et très vite.
  • Tu vas la briser, elle tient à toi.
  • Elle m’étouffe. Je l’aime bien, mais j’aime encore plus ma liberté.
  • Tu vas lui dire quand, espèce d'égoïste ?
  • Au moment de partir, sinon elle est capable de faire une bêtise pour me retenir.
  • Et  bien on peut dire que tu as l’art de gâcher la soirée.
  • Mais non Zoé, tu me connais bien, tu sais que je suis comme ça.
  • Oui je sais, mais n’empêche. Tâche de faire attention à toi cette fois, pas de car sur des routes incertaines et dangereuses.

 

Pour Zoé, la soirée n’a plus de saveur. Consternée, elle raconte tout à Lucia sur le chemin du retour.

 

  • Non possiamo contare su di lui, lo sai.[21]
  • Oui je sais, c’est un électron libre, il ne tient pas en place nulle part.
  • Allora, laisse-le partir sans vouloir le retenir, tu sais qu’il reviendra et il sera toujours ton ami !
  • Cezary aussi sera triste.
  • Et Violette ?
  • Violette va avoir son bébé, elle sera bien occupée, elle haussera simplement les épaules comme à son habitude quand elle apprendra la nouvelle.
  • Vedi, il mondo continuerà a sparare normalmente, non ti preoccupare.[22]
  • Tu as raison, pensons à autre chose, inutile de se faire du mal, ça ne changerait rien à sa décision, il a déjà pris son billet.
  • Tes amis sont tout de même tous frappés ! dit Lucia en éclatant de rire. Entre Olympe la dingue qui ne sait pas rester seule mais qui fait fuir tous ses amis, Alphonse le dilettante égocentrique qui ne veut pas travailler ni assumer de responsabilités dès qu’il se sent un fil à la patte, et Auguste l’arrogant ambitieux qui ne cache pas son envie de tout croquer, on ne sait pas lequel est le plus atteint !

 

Zoé, épuisée par toutes les émotions qui se cumulent depuis quelques jours, regarde son amie et devant son hilarité se laisse elle aussi aller à rire.

 

  • Tutto questo è la grande commedia della vita[23]. J'aime beaucoup le théâtre, mais c'est encore mieux dans la vraie vie !
  • C’est vrai, tu peux le dire, nous allons de rebondissements en rebondissements ! On ne s’ennuie jamais ici !
  • Vedi ! [24]

 

[1] Salut ! Tu es Auguste ? Ces sacs sont volumineux ! Il y a beaucoup de tissus : je pourrai faire plein de choses. Vous avez déjà dîné ?

[2] Oui, nous avons fini.

[3] Et j’admets que je suis fière de notre résultat. Nous avons un rendez-vous demain, nous allons à l’atelier pour voir. Le premier prototype

[4] Oui, nous avons travaillé jour et nuit pour terminer les modèles à temps.

[5] Merci ! C’est tout ce dont j’avais besoin, j’ai tellement soif ! Je suis très fatiguée.

[6] Pas grand chose, il est très prétentieux, tu sais que ça ne me plait pas.

[7] Quel succès !

[8] Reste modeste, le succès part aussi vite qu’il arrive !

[9] Bonjour chers amis, qui êtes-vous ? Nous n’avons pas été présentés

[10] Bonjour, nous sommes des amis d’Olympe et de Lucia, nous sommes venus voir la collection.

[11] Je suis très excitée par tout ça !

[12] C’est é-ton-nant ! Je n’ai jamais rien vu de tel ! C’est si original ! J’aime ! J’adore tout simplement ! Autre chose ?

[13] Extraordinaire ! Où avez-vous trouvé de telles idées ?

[14] Vous pouvez commencer à fabriquer les premiers modèles.

[15] Avril ! Mais c’est beaucoup trop tard ! Comment cela peut-il prendre autant de temps ? Vous devez faire mieux que ça !

[16] Je ferai de mon mieux, Mrs Chipp-Martingale, mais nous avons besoin d’un peu de temps.

[17] Vous serez satisfaite.

[18] Je l’espère ! Mêmes conditions financières. Et maintenant, si vous me laissez espérer que cela finira bien, je pense que je peux partir et retourner à Londres tout de suite. Voulez-vous bien appeler un taxi, s’il vous plaît ?

[19] Au revoir tout le monde, Prenez du bon temps jusqu’à notre prochaine réunion et travaillez bien. On se voit très bientôt en Mars, et n’oubliez pas de me donner des nouvelles régulières. Je vous paie suffisamment pour être bien informée ! Laissez-moi vous dire que je pourrais revenir plus tôt si je considère que vous ne faites pas précisément ce que j’attends de vous !

[20] Il n’y a pas de problème

[21] Nous ne pouvons pas compter sur lui, tu le sais.

[22] Tu vois, le monde continuera à tourner normalement, ne t’inquiète pas !

[23] Tout ça, c’est la grande comédie de la vie.

[24] Tu vois !

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