Le quotidien d'Annie était devenu une spirale infernale de matières indigestes, d'angoisse et de questions. Chaque jour, elle se réveillait avant le soleil, lorsque aucune cheminée ne vapotait déjà, et qu'aucun carillon ne cochait plus. A cette heure matinale, dès qu'elle pointait le bout de son nez dans sa lucarne, elle réalisait que les réverbères diffusaient encore leur lumière fluctuante, que les nuages arboraient encore leurs peignoirs de dentelle rosée, et que nul dirigeables ou montgolfières ne s'étaient encore déployés parmi les étoiles.
L’École ouvrait ses portes à midi, mais s'en savoir pourquoi, dès qu'Annie soulevait une paupière, elle avait la certitude d'être en retard. En effet, sa nervosité était telle qu'elle ne pouvait tenir un objet sans que sa main ne tremblât. Elle ne cessait de redresser son béret sur sa tête, à défaut de trouver quelque chose de mieux à faire. Dès qu'un étudiant la regardait avec légèrement trop d'insistance, Annie ne pouvait s'empêcher de se retourner sur son passage avec des battements vigoureux au niveau de la poitrine. Et ce n'était pas son cruel manque de sommeil qui allait arranger son malaise, ni sa concentration.
Car chaque soir, aussitôt que les cloches eurent claironné les minuits, aussitôt qu'Annie eut pénétré dans la douce atmosphère de Scintillam, Solveig se précipitait vers elle pour l’assaillir de questions de tout genre. Xia, fidèle à elle-même, relevait le menton avec défit en l'apercevant, puis s'éloigner dans un chuchotis de robe, et un vacarme de fanfreluches. Prostré dans leurs ombres flamboyantes, Varid écoutait ses bredouillements avec un intérêt affûté, et des hochements de tête pour l'inciter à poursuivre. C'était en lui qu'Annie puisait le plus de réconfort. Bien que silencieux et presque inexpressif, il ne perdait pas un instant pour calmer sa femme toujours plus turbulente ou pour lui adresser un encouragement, soigneusement maquillé sous le vernis de la menace.
Sans sa discrète présence, les yeux d'Annie auront déborder un nombre incalculable de fois. Ces derniers temps, elle se sentait extrêmement seule. Même ses deux potentiels amis, Créon et Poséidon étaient pour l'un terriblement taiseux, pour l'autre, terriblement déstabilisant. Inutile de dire à quel point leurs passions scientifiques l'ennuyaient, et ranimaient ses migraines de plus en plus régulières.
- Amaya ?
- Oui ?
Annie palpait une page d'un grimoire avec une concentration presque parfaite. Auréolé de café, jaunie par les année, il s'agissait sans doute d'un manuscrit très ancien. Mais Annie ne ressentit aucune satisfaction poindre en elle quand elle feuilleta ce livre. Il s'agissait d'un recueil de recettes.
Poséidon lui arracha le roman des mains, secoué d'un rire silencieux.
- Je te vois vraiment mal en cuisinière, Amaya. Et d'ailleurs, peux-tu m'expliquer ce que tu fais le nez fourré dans ces drôles de bouquins ? Les heures de pauses sont faites pour réviser, pas pour bayer aux corneilles.
Annie grommela, tout en se frottant vigoureusement les yeux, et baillant crûment. Elle savait que l’étudiant n'allait pas la juger pour ses indécences, pour cause, ses pieds à lui s'étendaient sur la table. Mais quand elle voulut ranger les manuscrits à leur place initiale, elle faillit craquer. Les livres qu'elle pêchait dans les rayonnages depuis le début de l'heure étaient essentiellement les mêmes, et depuis sa pause, elle se forçait à repasser en boucle les mêmes mots, les mêmes termes scientifiques et intraduisibles. La trace poisseuse de ses doigts s'imprégnait sur le tissu des couvertures de certains, et Annie éprouva soudain un découragement comme jamais elle n'en avait ressenti. Le seul ouvrage qui lui était fidèle demeurait le dictionnaire, qui lui laissait une diversité étonnante, pullulante, enrichissante de traductions différentes.
Le découragement avait un arôme aussi puissant, aussi amer que celui du café. Il était exclusivement constitué d'épices mystérieuses, et d'un soupçon de poivre. Quand il tombait sur la langue, il ne fondait pas. Au contraire, il se condensait davantage, se refroidissait, le rendait presque impossible à avaler. En revanche, le chemin qu'il traçait dans la gorge se faisait fluide, personne n’avait jamais découvert pourquoi.
Annie soupira. Ce matin, elle avait encré une dizaine de parchemins, persuadée d'avoir rédigé les pires idioties Nuageuses. Quelle fût sa surprise quand Sajala lui rendit son devoir en lui affirmant que ses observations étaient vraiment satisfaisantes, et qu'elle méritait une pause pour travailler davantage la structure de son texte. Réjouie par cette nouvelle, son espoir, froissé comme pouvait l'être du papier, était redevenu lisse, parfaitement lisse, sans la moindre écornure ou zébrure. Désormais, sa lisseur semblait déjà rayée, fripée comme le visage d'une vieille femme.
Annie contracta ses poings. C'était la première fois qu'elle avait hérité d'une pause aussi conséquente, et elle n'était pas capable de la mener à bien. Par quel malheur pouvait-elle paraître aussi simple d'esprit ?
Les yeux brisés, elle contempla son plan de travail, tout étalé sur une table de marbre rondelette. Des livres et des livres empilés les uns sur les autres ; des parchemins noircis, jaunis, lustrés ou déchirés ; des lambeaux de tissu ; des stylographes décapuchonnés et deux gobelets gorgés de lait de licorne.
Le lait de licorne était un breuvage très répandu à l’École. Certains robinets ne savaient déverser que ces jets blancs, d'ailleurs. On vantait ce liquide pour l'énergie, la concentration et la disposition qu'il ménageait dans les organismes Wolkenais. Séduite par les bénéfices de ce lait, Annie en buvait environ un litre par jour.
Désespérée, elle actionna l'échelle coulissante et bientôt, déambula de rayonnages en rayonnages, la tête versée vers l'arrière. C'était seulement dans ces moments-là qu'elle éprouvait une brève sensation de liberté. Brève, évanescente.
Au combien Annie désirait se plonger toute entière dans un bain fumant, si mousseux que des bulles danseraient autour de son visage comme des éclats de promesses ! Hélas, pensa-elle, son temps était compté. Annie, comme tout les autres élèves, devait se laver dans des thermes aux sous-sols de l’École et à chaque fois qu'elle s'y rendait, c'était sa pudeur qui en prenait un coup. De plus, à peine avait-elle le temps de réaliser la température glacée de l'eau ou de frotter un pain de savon contre sa peau qu'on lui dictait que sa pause était achevée. Soumise à un tel quotidien minuté, Annie avait tout le loisir de regretter la salle d'eau close de Scintillam, même dans sa pâleur maladive.
La brûlure d'un regard la ramena à la réalité.
Toujours juché sur son tabouret, le nez enfoui dans les lais d'un certain Hippolyte, Poséidon l'observait d'un œil hagard. Annie savait qu'il étudiait d'arrache-pied, ou plutôt d'arrache-cerveau pour obtenir les meilleurs résultats de l’École, donc de fuir plus vite ce lieu atroce. La tricorne qui le couronnait symbolisait parfaitement sa finesse d'esprit. Et actuellement, le regard qu'il lui administrait n'était pas soupçonneux.
Les doigts rétractés autour du bois de l'échelle, Annie se laissa glisser jusqu'à l'immense fenêtre qui éclairait l'essentiel de la bibliothèque. La jeune fille aimait regarder à la fenêtre. Cela depuis toute petite, mais cette affection grossissait en étant prisonnière des quatre murs de l’École. Son regard tomba donc sur le paysage brumeux avec docilité.
De là-haut, il rampait le troupeau infini des édifices qui composaient l'établissement, trempés, par habitude, dans une mer de nuages éclatants. Les toits formaient des croûtes écailleuses, coupées par les boulevards comme par des cicatrices. Annie dut bien se rendre à l'évidence, avec sa longueur, son peu de largeur et ses teintes pâlottes, la Cité Blanche ressemblait, en quelque sorte, à un bras.
A cette pensée, ses lèvres déployèrent un sourire. Il ne s'agissait pas d'un sourire heureux, ou même joyeux. Au contraire, ce sourire reflétait avec réalisme la mélancolie dans laquelle elle baignait.
Cette convulsion larmoyante s'épanouit longtemps sur son visage, haussant ses pommettes, plissant ses yeux, tordant ses lèvres. Pendant un instant, Annie fut indifférente à tout ce qu'il se passait autour d'elle. A Poséidon penché sur ses copies. Aux autres étudiants, là-bas, le nez plongé dans des grimoires. Aux protestations des chaises qu'on se tirât. Au doux bruit des pages qu'on tournât. Aux froissements agaçants du papier qu'on malmenât. A cette poutre, au-dessus d'elle, qui craquât. Elle se sentait happée par le monde indéfini de ses songeries, ce même sourire toujours vissé à la bouche.
Mais il ne fallut qu'un instant faire taire ce sourire expressif, ses pensées infernales. L'instant où, dans un boucan mémorable, Pollux jaillit d'une armoire.
*
En un sursaut, Annie contempla, abasourdie, la masse osseuse qui s'étalait au sol. Pollux, dans sa veste canotier à rayures fines et son pantalon de soie noire, était extrêmement élégant pour quelqu'un qui venait de tomber d'une armoire. Arrosé de boucles nuageuses, son regard à monocle ne paraissait plus tout à fait sévère. Le fracas qu'il fit en tombant chassa tout les autres bruits dans la pièce. Tout les étudiants scrutaient, bouché bée, leur directeur dans tout son ridicule. Leurs visages étaient tellement penchés vers l'avant, que le pont de leurs bésicles avait roulé jusqu'à la pointe de leurs nez. Ils ne comprenaient pas. Pas plus qu'Annie, en tout cas. Leurs froncements de sourcils dessinaient des crevasses sur leurs fronts dégagés, leurs bouches tordaient une moue boudeuses, leurs yeux luisants d'intelligences s'évertuaient à percer le mystère de cette dégringolade d'armoire.
Annie recula instinctivement. L'armoire se situait juste à côté d'elle, si bien qu'une mèche blanchâtre de Pollux lui effleurait la chaussure. Son cœur battait vite, très vite. Que faisait le directeur dans cette armoire ? Et pourquoi ne... ne bougeait-il pas ?
- Monsieur Pollux..., gémit-elle en s'agenouillant près de lui. Tout... tout va bien ?
La sueur dégoulinait de son front. Les regards de tout les étudiants l'épiaient avec curiosité, de leurs yeux aussi perçants que la pointe d'un canif.
- Monsieur Pollux...
Il se releva d'un bond.
Ses prunelles d'un bleu presque translucide pivotèrent d'élèves en élèves, d'étagères en étagères, de parois en parois, alors qu'il époussetait ses vêtements tout crasseux de sa chute. Les poussières qui s'envolaient du tissu, baignées dans la lumière du jour, semblaient toucher le sol avec un boucan assourdissant. Aucun bruit ne troublait les rapides observations, et pourtant bien avisées, de Pollux, ses dissections spirituelles. Aucun craquement, aucun grincement, aucun soufflements, aucun frémissement. Le silence enveloppait les lieux de sa texture parfois cotonneuse, parfois velouteuse, parfois râpeuse, et continuellement intimidante. Comme un vieux pull, il grattait les cous, les nuques. Annie avait l'envie folle de se racler la sienne.
Surtout quand le regard du directeur se posa sur elle.
Il échoua sur elle avec douceur, certes, mais également avec une autorité impressionnante. Annie ne parvenait plus à détourner son œil du sien, comme s'ils étaient reliés par un fil invisible. L'iris de Pollux était glacée et brûlante. Il s'agissait d'une tempête orageuse, marécageuse, humide, sale, et toutefois très propre. En effet, cet œil bleu, presque blanc, semblait avoir été récuré avec du vrai savon.
L'encre noire des yeux d'Annie, à flotter dans les siens, semblait salir cette blancheur impeccable, la souiller, l'éclabousser de son angoisse.
Mais Polux demeurait calme. Apaisé. Sous la soie qui couvrait son ventre, il respirait avec tranquillité, comme si observer quelqu'un de la sorte était la parfaite normalité.
- Amaya de Tempus.
Ce fut les mots qu'il fit rebondir, entre deux inspirations profondes. Deux inspirations qui, à elles seules, inondaient la bibliothèque de leurs soupirs satisfaits. Et nul élève ne gesticulait.
- C'est bien moi, déglutit Annie.
La tête de Pollux hocha son approbation, sa main noueuse, survolée de veines saillantes et violacées, se souleva imperceptiblement. Puis retomba dans un bruit sourd. La sueur ruisselait abondamment des tempes d'Annie quand ses lèvres s'entrouvrirent doucement, pour chasser des mots aussi impassibles que les premiers :
- Suivez-moi, nous devons parler.
- De quoi ?
Annie se hâta de refermer sa bouche, de peur que d'autres paroles improbables s'en échappèrent. Les poings de Pollux se contractèrent, il esquissa un rictus.
- Vous verrez bien.
Et ce fut donc avec un très, très mauvais pressentiment que la jeune fille escorta son directeur dans la bouche d'un escalier, sous le regard effaré de Poséidon et des autres étudiants.
Quand elle gravit les premières marches, son pas ne coulait pas, il claquait, grinçait, ou même craquait. Le silence s'avouait olympien et, sa chevelure neigeuse voltigeant dans son dos, Pollux ne lui accordait plus le moindre regard. Au contraire, il grimpait rapidement, souplement, semant derrière lui l'empreinte d'un secret.
Annie, essoufflée, tenta avec peine de tenir le même rythme que lui. Elle ne comprenait pas où il l'emmenait exactement, et surtout, ce qu'il avait de si important à lui transmettre. Et pourquoi elle, d'ailleurs ? De nervosité, Annie se tripota tant la manche de sa redingote que ses boutons de manchette finirent par s'en décrocher, et par tomber, rouler sur le sol dans un vacarme perçant.
Annie rougit en sentant les nez se hisser une nouvelle fois vers elle, le visage de Pollux se retourner imperceptiblement dans sa direction. Elle se sentait absolument écrasée. Pourtant, dans un froissement qui lui figea le sang, elle décolla ses lèvres l'une de l'autre et articula d'une voix éraillée :
- Monsieur Pollux... Ma pause est sur le point de s'achever. Je me demande si j'aurais le temps... enfin... si vous pourrez...
- J'ai annulé vos deux heures de cours qui suivent, si c'est là est votre unique souci, tonna bruyamment l'accent de Pollux en réponse.
Il continuait d'avancer. Annie déglutit. Elle se sentait fichtrement intimidée, car c'était le genre de silence qui lui donnait irrésistiblement envie de tousser. Ce calme lui éraflait la gorge. Son palais se parcheminait, sa langue était de sable, sa salive insoluble. Et elle avait l'horrible, la détestable impression que les escaliers s'étendaient à l'infini. Ses jambes de plomb se soulevaient de marche en marche dans un effort qui lui paraissait surhumain. Dans le hall, les nez curieux, perplexes des étudiants s'élevaient toujours plus haut dans leur direction. Annie avait le sentiment que d'une minute à l'autre, ces becs finiraient par s'envoler de leur gré.
La jeune fille souffla dans ses mains, piètre geste pour chasser l'affolement qui croissait en elle. Elle glissa derrière ses oreilles les mèches de cheveux qui lui roulaient sur le front, pour se dégager le visage. Elle les ramena immédiatement sur ses joues. Annie imaginait que la rougeur de celles-ci devait être des plus stupéfiantes, et dévoiler sa gêne en public n'était pas tout à fait son objectif. Plus jamais elle ne devait oublier l’œil infiniment aiguisé des étudiants. Ils guettaient avec facilité le moindre signe de faiblesse, et si elle faisait un faux pas, l'humaine courait peut-être à sa perte.
Enfin, après d'interminables minutes, Annie atteint un couloir fermé, non sans profond soulagement. La silhouette de Pollux, fièrement dressée devant elle, une épaule détendue, l'autre crispée, s'arrêta enfin en pleine course. Le nez qu'il tournait vers elle, lui, n'était pas fouineur. Un peu pointu, un peu biscornu, un peu fripé, un peu crochu, mais pas bien méchant. Juste le témoin d'un intérêt impressionnant de la part de son propriétaire. Surtout quand il se fronça, si spontanément que la jeune fille en sursauta presque.
- Tu lui ressembles beaucoup.
Ces mots giclèrent de sa bouche, rebondirent contre les parois, contre les portes, caressèrent les tapis, giflèrent Annie.
- A qui ? Interrogea-elle, dépitée.
- Ça n'a pas d'importance. Pas maintenant, du moins. Pour l'instant, contente-toi de fouiller exactement comme je te le demande. Ainsi, tu parviendras à trouver des informations intéressantes.
Annie en demeura abasourdie.
- Que... ? Comment... ?
Ces bégaiements furent vite interrompus. C'était la première fois qu'elle voyait Pollux sourire, avec autant de sincérité du moins. Ses lèvres anguleuses, rouillées, venaient d'être parfaitement savonné et de s'ouvrir sur une dentition aussi blanche que sa peau et sa chevelure. Les commissures ne cessaient de s'affûter à chaque extrémités de sa bouche, de s'accentuer de telle façon qu'une pommette s'imprima sur la joue droite, sertie de rides. Même les nuages, l'orage de son regard semblaient s'être dissipés. Annie réalisa soudain à quel point cet homme avait dû être charmant dans sa jeunesse. Les griffures que traçaient la vieillesse sur son visage, les craquements qu'émettaient ses articulations en s'animant, la courbe étrange que formait son dos... Le temps avait été sans pitié.
Mais Annie ne s'abandonna pas à l'admiration qu'elle éprouvait soudain pour le directeur. Que signifiait ses paroles, exactement ? Comment savait-il... ? Son cerveau bouillonnait autant que le contenu d'une soupière.
- Monsieur Pollux..., murmura-elle avec anxiété.
- Taisez-vous, Amaya de Tempus. J'aurais bien causer de tout ça autour d'un café crème, mais hélas, je n'ai guère le temps de telles sornettes. Heureusement que Théière, mon hibou, m'aide pour l'envoi de mes messages.
- Qu'avez-vous à me dire, dans ce cas ?
Annie aussi s'arrêta, se grignotant les lèvres de nervosité. L'écho de son dernier pas ricana au milieu du couloir. Pollux la contempla de toute la hauteur que lui privilégiait son immense carcasse, à travers ses boucles nuageuses et désordonnées, à travers son monocle noir et à travers une œillade de brume.
- Je n'ai rien de spécial à te dire. En revanche, j'ai quelque chose à te remettre.
Si le directeur était un peu crispé en articulant ces paroles, Annie fut véritablement cabossée de curiosité en les entendant. Et le mécanisme de son cœur tournait, roulait, à toute allure quand Pollux lui déposa un minuscule objet de bronze entre les mains. Son contact se faisait chaud et poisseux, son odeur métallique et vieillotte. Il s'agissait d'une clef. Une lourde clef à longue tige et aux bouterolles compliquées, traversée de graffitis d'or et d'argent. Annie la caressa pensivement, la pinça entre ses doigts, tout en fronçant les sourcils. Elle ravala péniblement sa salive en constatant que pour être aussi royale et garnie, cette clef devait forcément appartenir à l’École.
- Ce petit bijou te permettra l'accès aux archives.
Annie, une fois la bulle de ses pensées éclatée, haussa son regard vers celui de Pollux, tout aussi dégagé que tout à l'heure. C'était vraiment une étrangeté de le voir sans son air rembruni. Il s'agenouilla à la hauteur de la jeune fille dans un craquement d'os qui l'aurait fait grimacer, dans d'autres circonstances.
Mais pas aujourd'hui.
Le regard de Pollux était une énigme à lu tout seul mais Annie n'avait pas l'impression qu'il lui avait offert la clef aux « archives » comme il disait, mais à son cœur. Il débordait de lui une immense mélancolie, elle le sentait maintenant. Comme sa nuque vapotait ce flot éclatant, comme son estomac s'animait d'une lente et profonde respiration, comme il clignait de l’œil de manière régulière, il s'ouvrait à elle. Silencieusement, telle semblait être la tradition.
Annie serra tellement la clef entre ses mains que les motifs qui la garnissait s'imprimèrent sur sa paume.
- Merci pour ce cadeau, Monsieur Pollux.
Le remercié esquissa une convulsion indéfinissable. Rictus, sourire ou grimace, Annie était incapable de déterminer sa nature, et elle ne le voulait pas. Des chemins se tordirent à l'eau de ses yeux. Les sourcils qui flottaient dans le lait de son visage comme deux nuages se froncèrent songeusement.
- Sais-tu se que sont les archives, au moins ?
- Euh...
Annie ne savait quoi répondre à cela.
- C'est l'endroit où on range chaque ouvrages anciens, ou interdits.
« Ancien », « Interdit »...L'humaine en frissonnait. Enfin, elle allait trouver de quoi satisfaire sa curiosité, Solveig et la peur de Schyama. Il n'était plus question d'un « peut-être » à présent, elle avait l'intime conviction, la certitude, que ses recherches ne s'avoueront pas vaines cette fois. Elle exaltait de telle façon que si Pollux ne se serait pas relevé à cet instant, elle lui aurait écrasé un baiser sur sa joue droite. Celle où s'était précisément arrondie une pommette, il y a quelques minutes de cela.
- Où se situe cet endroit ? Les archives, je veux dire ?
- Dans les sous-sols de l’École. Mais prends garde à toi, l'atmosphère là-bas est magique, précieuse... Et le temps ne s'accorde jamais de pause.
Annie s'étonna que la voix était déjà aussi lointaine. Elle releva une tête curieuse, et ses traits se froncèrent aussitôt de surprise. Dans un bruit de poussière qu'on époussetât, de cheveu qu'on disciplinât, Pollux s'en allait.
C’est le retour de la bêta-lectrice relou et casse-pied (bloque-moi si tu en as marre XD)
Excuse-moi pour ces semaines de silence, ça a été très chargé pour moi et je n’ai pas cessé de repousser ce commentaire jusqu’à ce que je me dise STOP.
Alors… J’aime toujours autant te lire et c’est un moment agréable de plonger dans cette histoire. Mais (et c’est purement subjectif de ma part, je ne souhaite surtout pas heurter tes sentiments) je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression que depuis qu’Annie est entrée dans l’école que le rythme de l’histoire s’essouffle. Enfin… je ne sais pas c’est peut-être juste moi mais j’ai la sensation que bah je sais pas… Il y a des moments de lenteur. Et Pollux me rappelle le cliché du prof à la Dumbledore qui est à l’ouest mais qui délivre des paroles de sagesse… Enfin j’en sais trop rien, c’est assez confus chez moi x)
« L’École ouvrait ses portes à midi, mais s'en savoir pourquoi » : sans savoir
« Solveig se précipitait vers elle pour l’assaillir de questions de tout genre » : questions en tout genre
« Xia, fidèle à elle-même, relevait le menton avec défit en l'apercevant, puis s'éloigner » : s’éloignait
« Sans sa discrète présence, les yeux d'Annie auront déborder un nombre incalculable de fois. » : les yeux d’Annie auraient débordé
« Auréolé de café, jaunie par les année » : les années
« Au contraire, il se condensait davantage, se refroidissait, le rendait presque impossible à avaler. En revanche, le chemin qu'il traçait dans la gorge se faisait fluide, personne n’avait jamais découvert pourquoi. » : je trouve qu’ici la construction syntaxique est redondante. Peut-être pourrais-tu alléger ?
« Les poussières qui s'envolaient du tissu, baignées dans la lumière du jour, semblaient toucher le sol avec un boucan assourdissant. » : j’ai un peu de mal avec cette phrase…
« La sueur ruisselait abondamment des tempes d'Annie quand ses lèvres s'entrouvrirent doucement » ; « Au contraire, il grimpait rapidement, souplement » : je trouve que deux adverbes dans une seule phrase alourdissent le rythme. D’ailleurs tu emploies souvent des adverbes x)
« Et ce fut donc avec un très, très mauvais pressentiment que la jeune fille escorta son directeur dans la bouche d'un escalier » : le registre est familier ici
« Et pourquoi elle, d'ailleurs ? » : peut-être parce que tu le personnage principal ? hahaha un peu cliché comme phrase
« Je me demande si j'aurais le temps... enfin... si vous pourrez... » : vous pouviez
« Même les nuages, l'orage de son regard semblaient s'être dissipés. » : j’ai beugué sur cette phrase et je me demande si ça a un sens (excuse-moi j’ai eu une longue journée alors je ne fais plus confiance en mes yeux)
« - Taisez-vous, Amaya de Tempus. J'aurais bien causer » : causé
« Le regard de Pollux était une énigme à lu tout seul » : à lui
« Annie serra tellement la clef entre ses mains que les motifs qui la garnissait » : la garnissaient
voilà c'est tout pour moi !
C'est toujours un plaisir de te retrouver par ici, et ne t'excuse pas de ton absence. A chaque fois que je lis l'un de tes commentaires, je me dis qu'il serait peut-être temps de m'atteler à la réécriture... Je pense cependant m'y pencher davantage au cœur de l'été.
Bon. Ma flemmardise est monumentale mais ma reconnaissance aussi. Merci, merci pour toutes ces minutes (ces heures ?) consacrées à mon histoire et à son polissage <3 Pour ça, oui, je te dois bien tout les mercis du monde.
En revanche, je me sens un peu découragée. Comme je le répète à chaque fois (je crois), cette histoire a été écrite dans le but de remplir un devoir, et non une passion. Le Monde des Nuages, c'est l'univers dans lequel je sombrais petite pour oublier que le monde - le tangible, le vrai - lui, me mettait sans cesse à l'écart. Je n'avais pourtant jamais réussi à la terminer. Aujourd'hui, malgré son premier jet bel et bien achevé, je me vois aspirée par tous ses défauts. J'ai fourni d'incroyables progrès dans l'écriture depuis et ma plume ici me semble plate, tout à fait plate. J'ai hâte de te voir dans Dominos, à vrai dire :)
Et les incohérences...
A mon avis, toute la promesse que je croyais accumulée dans ce texte s'épuise. Cette histoire n'aboutira jamais à rien et ne me correspond plus.
Elle est ma petite voix enfantine qui chantait et pleurait en regardant les nuages.
Or je sais qu'un jour, je la relèverai et la réécrirai complètement, selon mes goûts du jour. Peut-être suis-je trop attachée à la petite Pluma d'avant ou peut-être seulement ne suis-je pas si flemmarde que ça ^^
Merci, merci : ton commentaire me sera immensément utile, je n'en doute pas <3
« En revanche, je me sens un peu découragée. Comme je le répète à chaque fois (je crois), cette histoire a été écrite dans le but de remplir un devoir, et non une passion. Le Monde des Nuages, c'est l'univers dans lequel je sombrais petite pour oublier que le monde - le tangible, le vrai - lui, me mettait sans cesse à l'écart. » : Pluma, oh non je suis désolée d’apprendre ça ! Je ne peux pas comprendre tes sentiments mais je ressens ta détresse… J’écris moi aussi par devoir car je ne suis pas satisfaite de la représentation en littérature jeunesse. J’écris car je ne suis pas contente et que c’est ma seule manière de laisser une empreinte dans ce monde. Tu sais, écrire a été pour moi comme une échappatoire à la réalité. Si tu veux en discuter on peut échanger en MP 😉
« J'ai hâte de te voir dans Dominos, à vrai dire :) » : haha Dominos est dans PAL mais le manque de temps me rattrape à chaque fois ! promis dès qu’un créneau se libère je fonce te lire !! ça me donne même encore plus envie de plonger dans une autre de tes histoires, mais c’est juste qu’Annie va me manquer… avec Xia et Kadambini et Ophel !
« A mon avis, toute la promesse que je croyais accumulée dans ce texte s'épuise. Cette histoire n'aboutira jamais à rien et ne me correspond plus. » : pour moi ce texte a été l’un des premiers que j’ai lu sur PA et je ne regrette pas x) je continue de le recommander aux autres plumes car la force et la beauté de ce récit réside dans l’univers que tu as créé !!
Ces derniers temps, j'écris essentiellement pour évacuer les frustrations, je pense. Même si mon nouveau projet n'est pas encore tout à fait peaufiné (mais ça avance) je ne peux pas m'en empêcher.
Donc oui, avec le temps et le recul, je dirais que l'écriture est devenue un peu naturelle à mon quotidien - comme si elle allait du même ordre que l'hygiène, la nourriture...etc.
Aujourd'hui, je n'écris plus vraiment par devoir.
Merci (encore) à toi, Cherry <3
L'écriture t'es devenue naturelle ? Je suis contente pour toi ! à vrai dire, je ne peux pas en dire autant pour moi. J'ai un rythme d'écriture lent et versatile. Alors ne compte pas sur moi pour la constance XD
"Semant derrière lui l'empreinte d'un secret" : parfois, tu écris comme on peint un beau tableau. Bravo 😊
Les sentiments tellement bien décrits dans la première partie qu'on "est" Annie pendant quelques paragraphes.
Puis, le coup de théâtre et cette semi-révélation qui attise la curiosité.
J'ai vraiment beaucoup aimé !
(au fait, iris, c'est du masculin!)
(Effectivement XD)
Sympa Pollux, en fait ^^ C'est marrant de voir cette sévérité brisée par sa chute et ce qu'il éprouve envers Annie. D'ailleurs, je me demande s'il n'insinue pas qu'il ressemble à Schyama.
J'aime toujours la manière dont tu tournes tes phrases. Il y a une belle poésie, même certaines anaphores sont un peu trop présentes.
Bref, j'ai hâte à la suite ! :)
Ahah, contente que Pollux te plaise ;) Et contente de savoir que tu suis toujours mon histoire avec autant de plaisir et fidélité ! Cela m'emplit tout à fait de bonheur <3
(A Schyama ? Peut-être.) Rooh, la fin de ton commentaire trace un beau sourire sur mes lèvres, tu peux me croire ! (je souriais déjà juste ne sachant que tu m'avais posté un commentaire, c'est dire ! XD) D'acc, je prends la remarque et moi aussi, j'ai hâaaate de te revoir par ici ! :)
Pluma.