Une artiste s’entraîne à danser sur un fil,
A l'abri des regards et des comparaisons.
Elle ignore pourtant qu'un danger se profile :
Une plaie insidieuse assombrit sa raison.
Elle évolue toujours au-dessus de la norme,
Et rêve de tracer dans le ciel étoilé
Une constellation qui évoque ses formes,
Épitaphe éternel d'un esprit dévoilé.
Quand la gravitation l'attire vers le sol,
Et lui rappelle alors sa prison quotidienne;
La danseuse se perd, sans compas ni boussole,
Et espère en secret que quelqu'un la retienne.
Mais les cris du public couvrent ceux de détresse
Prononcés doucement par la jeune architecte.
Nul ne peut pénétrer dans cette forteresse,
Nul ne détient la clé de son bel intellect.
Abîmée par le temps, l'armature chancelle
Et révèle soudain ses fractures intimes.
La tourmente funèbre en un son ensorcelle
L'artiste qui sera sa prochaine victime.
Un second funambule apparaît sur la corde
Pour enfin s'approcher de celle qui l’admire;
Il envisage alors que leurs peines s'accordent
Et lui promet aussi la rencontre à venir.
Il empoigne sa main juste avant le désastre
Et maintient les deux corps en équilibre instable;
Puis admet lui aussi qu'il convoite les astres
Et son âme oubliée, citadelle insondable.