Elle est Maddie, elle est Estelle, est Maëlys, est gosse perdue, jamais trouvée. Jamais ramenée.
Des ni-mortes, ni-vivantes, et enfantes pour la vie. Leurs mini-bouilles sur des affiches cornées, jaunies, durcies par les pluies. Leurs gueugueules glacées, raidies sur des posters qui s'émiettent. Puis qui se décollent, puis qui s'envolent. Les petites filles disparues s'envolent un jour, elles mettent les voiles une deuxième fois. Elles se cassent, se cassent la figure, leurs visages se déchirent, elles se cassent ailleurs et cassent les mémoires. On les oublie.
J'oublierai ma fille. J'oublierai son haleine, j'oublierai son parfum, la bave sur ses coussins.
Je perdrai nos habitudes, conchierai nos routines. Jetterai un jour à la benne notre livre d'histoires du soir, mille ans de contes, tu parles ! nous l'avions à peine commencé. Ses yaourts, ses gâteaux, ses sucettes, se périmeront. Il faudra les lui manger, les lui voler.
Je deviendrai une mère – un monstre – se gavant se saoulant de buenos, de bonbons, de cola, de cigarettes en chocolats. Je détrousserai ma fille de ses goûters, comme un aveu, comme résignée. Comme renonçant. Je mangerai tout espoir de la revoir.
Une vie parenthèse, par hantise de ne plus la voir surgir, de ne plus la voir dormir. De ne plus l'embrasser, de ne plus embrasser : sa peau lisse de petite fille lisse, ma déesse,
ma délice.