Tout pour la cendre - partie 2

Par MISO

Des flaques recouvraient la majorité de la rue, résultat d’une pluie ininterrompue pendant la nuit. Leur petite virée allait être joyeusement humide. Pour lors, Handal inspectait les alentours de la maison du juge, sans égard pour les étendues d’eau qu’il traversait en projetant des éclaboussures. À la recherche d’une direction, d’un indice.
Un mur de plusieurs mètres de haut l’entourait, des caméras surveillaient les entrées et les murs mais une seule semblait en état de fonctionner. Pas vraiment entretenue, de la mousse recouvrait les autres. Un oiseau avait même construit son nid sur l’une d’entre elles. Elle ployait dangereusement du bec sous le poids des pailles agglomérées. Handal n’apprendrait pas grand chose ici. Il en commença à en faire le tour tout de même. La grande demeure était l’une des plus aisée si ce n’était la plus aisée. Plus que n’importe qui d’autre, le juge avait bénéficié des largesses que lui avaient conféré les accords avec T.A.L.I.S. Ce qui le plaçait en total opposition avec Handal, dont le moulin fut perdu, résultat des mutations de l'environnement après l’implantation de l’entreprise.
Un félin se sauva en bondissant à son approche pour disparaître entre les pierres. Le mur d’enceinte se fendait de fissures, suffisamment pour voir au travers mais trop étroit pour qu’un enfant puisse passer. Il n’y avait pas de terre ou de mousses là où le mur s’ouvrait. A la vitesse ou la nature reprenait ses droits aux villages, elle était très récente, deux ou trois jours tout au plus. Une entrée royale pour les spores venimeuses. Il compris les soupçons du juge. Mais l’approbation de Gerhid ? Cela semblait farfelu. L’homme avait des ennemis, avec son statut il ne pouvait pas en être autrement. Une rancœur trop longtemps étouffée pouvait pousser à un acte malveillant. Restait les autres enfants, Handal n’y voyait pas d’explication.
à travers la fissure, on devinait les couleurs chatoyantes de différentes floraisons. Un dôme de verre recouvrait l’ensemble, protégeant le jardin des intempéries. Le juge ne refusait rien à sa fille et lui avait fait un beau cocon de soie, loin de la rudesse de la ville.
Handal fronça des sourcils. De l’autre côté du mur, là où il se tenait, les habitants se battaient pour joindre les deux bouts. Les maisonnettes faisaient pâle figure et ressemblaient à des agrégats de matériaux de récupération, entre brique et tuile. Tout était terne et de travers. On devinait encore la base traditionnelle de pierre sous la crasse, les amoncellements et les réparations successives contre la corrosion. La forêt étendait des griffes invisibles jusqu'ici. Elle empoisonnait l’air, le rendant irrespirable et obligeant les habitants à sortir munis de masques. Mais pas seulement, les différents matériaux se dégradaient aussi bien plus vite. Les cours ressemblaient à de petites décharges de matériaux gardées dans l’éventualité d’une utilisation, quand ce n’était pas tout bonnement abandonné aux intempéries.
Le fameux ruissellement salutaire n’avait pas atteint les habitants. Encore quelques temps et cette injustice retomberait sur Handal, l’oiseau de mauvaise augure, sous prétexte qu’il aurait manqué de patience, les entraînant dans sa chute.
Pour sortir de la résidence, il fallait escalader le mur d’enceinte.
Handal ne voyait pas la dite gamine le faire seule. Peu de gens la connaissait, elle ne sortait jamais. Apparemment, elle souffrait d’un problème respiratoire qui la diminuait fortement. De nombreuses pathologies de ce genre avaient fleuri avec les spores empoisonnés soufflés depuis la forêt. L’usine de T.A.L.I.S s’était installée au-delà des arbres, sur les bords de la rivière en aval. Au début, leurs ambassadeurs leur avaient fait miroiter de nombreux avantages, et sans aucun risque. Énergie, confort, technologie à moindre frais. Puis les problèmes sont arrivés sur eux, jusqu’à la maison bien gardée du juge. C’était idiot de penser qu’un mur et un accords avec T.A.L.I.S l’aurait protégé des conséquences.

Une pluie éparse mais tout de même ennuyeuse commençait à le harceler, elle voletait en tout sens et s'accrochait aux vêtements. Il se dirigea vers le point de rendez-vous. Le chemin se perçait de flaques d’eau si nombreuse qu’il les traversait sans y penser. Il prit la peine d’éviter seulement les plus profondes, ses pas projetant des gerbes de gouttes.

Ils les retrouva sur le chemin envahi d’herbe. Malabar 1 et Malabar 2 se ressemblaient, pas de doute ils venaient de la même engeance. L'aîné, plus petit que le cadet, pouvait facilement passer pour le plus jeune, il ne devait pas y avoir plus de deux ans de différence entre eux. Ils portaient leur armes de manière symétrique, l’un devait être droitier et l’autre gaucher. Ils portaient des fusils et des couteaux de chasse aussi grands que l’avant bras d’Handal. Dans leur dos, des bouteilles d’oxygène compactes qui devaient tout de même avoir un poids conséquent, qui allait à l’encontre de ses directives. Il les avait mis en garde, leur choix d’équipement ne le regardait pas.
Gerhild était là aussi, le masque à gaz sur son visage projetait une lumière jaune. Les épaules détendues, s'appuyant sur une clôture, elle donnait l’impression qu’elle s'apprêtait à une simple patrouille. Elle ne portait pas son armure, trop encombrante pour les sous-bois, mais elle avait tout de même fixé des plates sur ses bras et tibias. Handal savait que les pièces d’armure polies brillaient sous la couche sombre dont elle les avait enduites. Une cape recouvrait ses épaules dont la capuche était repoussée. Ils étaient quatre, il leur manquait encore le cinquième luron de la partie. S'il ne se pointait pas, cela faciliterait la vie d’Handal. Un de moins à surveiller, un mort de moins à laisser. Il estimait l’équipement des deux hommes quand on s'approcha d’eux.
Le juge, bien plus petit que ses comparses mais plus grand que Handal, les salua. Handal réprima un gémissement de dépit, qui se transforma en grognement muet. Il aurait dû se douter d’une entourloupe. Le juge taillé comme une brindille ne durerait pas un instant entre les arbres qui s’étendaient derrière lui, il allait pénétrer un royaume dont il ignorait les règles. Et pourtant, Handal allait devoir faire en sorte qu’il en sorte indemne. Non, physiquement suffirait. Vivant, quoi.

Il leur signifia le départ. Inutile de s’attarder. L’ombre grise de la forêt s’étendait à leur pied au bas de la colline, inoffensive. Au loin, ils percevaient le cours d’eau bouillonnant qui y pénétrait. Depuis la révolte personne ne passait cette frontière de la ville, les quelques maisons sur leur chemin tombaient en ruine, abandonnées. Poussé par une étrange folie, la végétation dévorait les murs. Cela aurait pu faire 100 ans qu’elles étaient là, cela ne faisait qu’une poignée d'années.
En bas, là où l’eau était la plus profonde, ce qui fut un moulin s’élevait encore vers le ciel. Son moulin. La carcasse éventrée exposait son cœur de pierre au vent entourée de poutres calcinées. La meule n’était plus qu’une petite colline à l’intérieur, d’une forme étrangement géométrique, un jeune arbre y avait pris racine. La roue à eau avait roulé un peu plus loin, poussé par le courant. Arrêtée par des rochers, elle reposait en travers de la rivière. Lors de ses excursions, Handal passait toujours devant son passé. C'était un trait d’union entre son passé et son présent, entre la forêt et la ville des hommes, un pèlerinage pour ne pas oublier. Et un tombeau. Là sous les racines, le limon et la pierre reposait les restes de sa femme.
Les frères osèrent des plaisanteries faciles en lui lançant des clins d'œil alors qu’il marquait un bref arrêt. Les fous. Même avant ces évènements le village considérait Handal comme un homme du passé, rustre et reculé, car il s’obstinait à broyer les grains comme ses ancêtres. 

Contrairement aux villageois obnubilés par T.A.L.I.S, il avait gardé un respect envers tout ce qui l'entourait. Cela comprenait ces arbres qu’il avait vu changé. Son bref passage dans le présent où il fut écouté et respecté était bien loin. On le prenait pour un oiseau de mauvaise augure puis la révolte avait échauffé les cœurs et on avait tendu l’oreille à son témoignage. Ils ont été émus par son malheur. Quand il a fallu faire face aux conséquences, la rancune a retourné leur veste une fois de plus pour s'abattre sur Handal. Et pourtant c’était lui que le juge venait chercher, car il n’avait jamais été dupe.
Il sentait derrière lui les foulés saccadées, la tension de ses compagnons qui s’apprêtaient à plonger dans l'inconnu.
Dès les premières ronces emmêlées, un lourd silence s’installa. Épaisses et calcinées, elles formaient une barricade dissuasive, une limite hérissée d’épines aussi épaisses qu’un doigt. Suivaient des troncs noirs aux branches nues et rabougries. Les doigts ligneux se tendaient vers le ciel prenant appuie sur leur corps à la droiture exemplaire. Des racines sombres s’enfonçaient dans la cendre.  La poudre grisâtre s’entassait en mottes là où le vent les piégeait. Sous, les troncs vénérables réduit à colonnes sombres aux relents funestes, le convoi déchanta.
Les plaisanteries disparurent des lèvres, remplacées par des gestes raides. Le Juge frottait ses mains moites sur son pantalon. Juste derrière Handal, il jetait des coups d'œil en tous sens. Il réduisait la liberté de mouvement d’Handal à se tenir si proche. S’ensuivait Gerhild qui se déplaçait de manière étonnamment silencieuse, puis les deux loubards, plus lourds, fermaient la marche.

Bien que le paysage qui les entourait soit calciné, il était loin d’être plat. Les racines dénudées encombraient le chemin, chaque pas devait être posé soigneusement pour éviter de faire la culbute. Le juge buta sur un nœud de racine et heurta Handal.. Il se tenait vraiment trop prêt. Il lui intima brutalement de maintenir une distance, si bien que celui-ci lui bafouilla des excuses en s’écrasant. Qu’en avait-il à faire de ses excuses ? Il se rabougri et porta son attention sur les alentours et le chemin qu’il suivait.
Après toutes ses excursions, Handal n’en menait pas large. Il s’était montré imprudent la veille, trop confiant il avait baissé sa garde. Il se sentait de nouveau comme un intrus sous les cîmes, à peine toléré par les géants de bois qui les dominaient. Rien d’étonnant à cela, il ne voyait aucune raison d’accepter un être étranger venu limer, amputer les extrémités, comme un dentiste fou arrachant frénétiquement des chicots en bonne santé. Comment se sentaient les autres ? Une sueur froide humidifiait ses tempes, prisonnières de sa visière qui recouvrait son visage. Son erreur lui avait servi de leçon. Ils n’étaient pas des chasseurs, ils étaient des proies. Ils l’ignoraient encore, c’est tout.

Gerhild rejoignit Handal devant, son armure partielle lui conférant une carrure étrange et trapue mais elle restait impressionnante pour n’importe qui. Elle avait privilégié des bottes de cuir souple. La démarche plus retenue, elle se tenait aux aguets, tel un limier écoutant le moindre son qui pouvait annoncer une menace.

– Alors, on retrouve la rivière et on la suit ?

– Non, elle se dirige vers le centre, alors on traverse et on poursuit.
Le courant les mènerait tout droit à la faille, et les ruines de l’usine de T.A.L.I.S. Il ne prendrait pas cette direction si il pouvait l’éviter. Le mieux pour le moment était de rester dans la zone grise, celle qu’il connaissait, le territoire qu’il avait arraché à la forêt au prix d’effort régulier. De tout façon, si la gamine avait pénétré sous les arbres, elle n’avait pas pu aller bien loin.
Cette disparition était sûrement une révolte idiote et juvénile. Tout le monde y passait, mais celle-ci était dangereuse et stupide. Son esprit rustre avait toujours eu l’impression que les rejetons aisés prenaient plus d'aisance au passage à l’âge adulte. Ils grignotaient des limites déjà bien larges. Ils pouvaient se le permettre, voilà déjà un privilège. Et maintenant ils risquaient plusieurs vies pour une petite délurée.
Entre eux et les nuages, des corolles sèches s’entremêlaient en un maillage complexe de branches. Une lumière blafardes filtrait jusqu’à eux et les heurtait de tâches fantomatiques. Par-ci par-là, dominée par une végétation en grande partie pétrifiée du sol au cime, on devinait des bourgeons verts loin au-dessus. Ce constat n’améliora pas l’humeur déjà maussade de leur guide. A part cela, l’entrée de la forêt réservait peu de surprises. Dans le silence feutré, maintenir un certain niveau de vigilance suffisait. Ni  chamaillerie d’oiseau, ni bruissement de feuillages pour remplir cette immensité inerte. Aucun bruit aux alentours, seuls les frottement des rameaux lointains leur parvenaient. La forêt retenait son souffle comme ses visiteurs. Elle les jugeait autant qu’ils évaluaient sa dangerosité. Entrer pour la première fois faisait cet effet.
– Ce bois est mort. dit le mercenaire, se tordant le cou vers le ciel. 

La voix morne était atténuée par son masque.
Rien de plus vrai. Rien de plus faux.
Handal les dépassa et emprunta le chemin de sa ronde habituelle.
– Priez vos dieux, qu’il le reste. Si la chance est avec nous, nous n’aurons pas à quitter la couronne.
Gerhild agenouillée gratta la couche de cendre de la pointe d’un couteau aussi large que sa main. Une vie fourmillante s’échappa du trou qu’elle venait de creuser.

– Pas tant que ça.
Oribate, cloporte et gloméris juchés sur d'innombrables pattes, agitaient leur carapaces en tous sens pour retrouver les ténèbres de leurs galeries. Parmi tous ces mouvements frénétiques de petites pousses vertes pointaient le bout de leur nez. Diable, il avait l’impression de les voir pousser. Les feux déclenchés à répétition circonvenaient la progression des arbres. Pour une raison inconnue, les ravages ne s'étendaient jamais loin. Les brûlis s’arrêtaient après quelques arpents, jamais bien loin.  

Handal affichait une détente dénuée d'intérêt mais factice. La forêt s’arrêtait à la limite qu’il lui donnait, comme un accord tacite.  C’est tout ce qu’il demandait. Malgré tout, la vitesse de ses repousses mettaient ses efforts à rude épreuve.
Il accommoda son rythme à ses compagnons pour ne pas les semer. Leur demander de forcer l’allure ne donnerait rien. Avec les années il avait gagné un pas assuré sur ce terrain traître, se déplaçant avec aisance et rapidité. Si le juge lui jouait un coup à l’envers, il pourrait toujours les abandonner à leur sort.

Handal ouvrait et refermait sa main droite, l’engourdissement persistait depuis l’attaque de la veille. Il sentait la tension des bandages sous sa manche. La chair déchirée par la mâchoire avait nécessité quelques agrafes de sutures pour maintenir le tout en place. Elle laisserait une cicatrice horrible mais elle n’entravait pas ses mouvements. Il restait ce picotement qui le tiraillait. Il comptait aussi sur l’expérience solide de Gerhild pour pallier à son handicap. Et il y avait aussi les deux hurluberlus du juge qui étaient bien équipés. Il ne les avait jamais vues, le juge avait engagé deux étrangers, personne de la ville n’aurait souhaité mettre un orteil sous les arbres, même grassement payé. Ils passaient entre des monticules discontinus formés par des troncs couchés, quand Gerhild attira son attention Les racines mises à nues tombaient en rideaux filasses.
Un petit tas informe sur leur gauche qui ressemblait aux autres talus, si ce n’était les volutes violettes qui s'échappaient du sol. Elles s’étiraient en nappes lugubres sous la carcasse, là où la terre se gorgeait d’ichor. Le renard qui l’avait attaqué la veille se résumait à un mélange de poils et de chair englués de sang. Des écailles semblables à la chitine des insectes mais bien plus épaisse perturbaient le pelage disparates sur le dos et le torse de l’animal. Un genoux à terre, Handal s’attardait sur ce qu’il restait de la pauvre bête, tandis que le juge trépignait d'impatience.

L’un des frères pointait la souche d’un arbre dont la mousse avait envahi le tronc.

– Sais pas ce qui vit ici, mais là on tient enfin quelque chose.

Des lacérations avaient arraché les mottes vertes. D’autres troncs un peu plus loin avaient subi les mêmes sévices.
Sur le petit corps, des entailles identiques ouvraient les écailles solides de sa carapace dévoilant l’intérieur à moitié dévoré. Lors de la confrontation d’Handal avec le petit renard muté, la carapace discontinue l’avait protégé des assauts de sa lame. Pourtant quelque chose de bien plus féroce lui avait fait un sort. Cela n’augurait rien de bon. Le sol poussiéreux n’avait garder aucune trace de l’affrontement. Les courants d’airs balayaient le sol régulièrement, effaçant toutes marques qui aurait pu lui indiquer la ou les bêtes responsables. Une meute ou un prédateur solitaire n’engendrait pas les mêmes risques. Il lui fallait autre chose. Non loin, une faible rumeur presque imperceptible lui fit dresser l’oreille.
Une eau vive se répandait à la base d’un affleurement rocheux. La zone marécageuse prenait depuis une source invisible, pas assez puissante pour créer un filament d’eau ruisselante mais suffisante pour maintenir le point d’eau. De l’écume blanchâtre s'accrochait aux bord du à l’activité intensive des bactéries, dégradant les débris organiques. Les bulles rejettaient une odeur de décomposition végétale. Plus on s’en approchait, plus le sol se gorgeait d’eau et devenait spongieux. Handal y soustrayait ses bottes au prix d’un effort qui provoquait un bruit de succion écoeurant.
Là. Des empreintes nettes s’enfonçaient profondément dans la boue, impossible à ignorer. 

Les traces du carnassier étaient indiscutablement celle d’un ours, et à en juger à l’enfoncement, celui-ci pesait plusieurs centaines de kilos. Derrière son masque, il s’humidifia les lèvres. Cela confirmait ses craintes. Mais mieux valait un chasseur solitaire qu’une meute. Enfin l’estimation valait si celui-ci n’avait pas trop subi de mutation. Le renard avait bien pris de l'ampleur mais un prédateur trop gros demandait plus de proies. Concernant un ours, Handal estima qu’il resterait dans une moindre mesure à son volume initial. Avec un peu de chance l’ursidé entrerait bientôt en hibernation ce qui diminuait la probabilité d’une malheureuse rencontre. A moins que, trop gros, il n’avait pas trouvé suffisamment de nourriture pour se préparer à l’hivers. Dans ce cas, même à quatre il ferait pâle mesure. Le remue ménage de ses compagnons mirent fin à ses calculs.
En retrait, Gerhild et les jumeaux musclés tentaient de calmer le petit juge qui s’agitait de plus en plus. Handal avala la distance qui les séparait. Si l’un d’eux perdait son calme toute la troupe en pâtirait. Il ne percevait que la voix du juge qui montait dans les aigus.
– … Mais écoutez moi, elle est tout près. Je l’entends. Si l’on reste là, je vais la perdre, je vais la perdre…
Les autres visiblement réticents cherchaient à le calmer avec des gestes retenus. Le juge jetait des yeux exorbités, cherchant loin une chose invisible.
– Elle est là,... tout près,... elle est là…
Avant qu’il n’arrive sur eux, ce dernier se lançait dans une échappée malgré leurs vociférations. Il bouscula Handal et se précipita vers la mare nauséabonde. Il n’irait pas loin, le point d’eau barrait le chemin.
– Henri ! cria Handal. 
L’autre ne l’entendait pas. Il grimpa sur une souche couchée en travers de l’eau pour passer de l’autre côté du marais. 
– Bordel.

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