Les jours passaient ainsi, avec des leçons des après-midi entières, caché derrière un buisson où le caméléon passait sa nuit camouflé. Après le travail sur les voyelles et les consonnes vint tout un travail sur la respiration, et Acacio pu désormais vérifier les fruits de son travail jusque dans les courses qu’il faisait tous les matins.
« Alors, la puissance de la voix passe avant tout dans les poumons et dans le ventre. C’est là que tout commence, puisque c’est la vibration de l’air qui passe dans ta gorge qui crée du son. Mais c’est dans les muscles du ventre que l’on décide la quantité d’air qu’on prend et que l’on jette. Alors, c’est là qu’il faut viser. Essaie de m’envoyer de l’air rapidement en appuyant sur ton ventre. Tu sens ? »
Acacio hocha la tête, mais alors qu’il s’appliquait à l’exercice, son cœur brusquement rata un battement. Paniquant instantanément, il senti son cœur flamber alors que la chaleur lui prit instantanément le visage. Sentant une sueur froide couler dans son dos, sa vision se rétrécit et du poser une main sur terre, essoufflé.
« Hého, gamin, tout va bien ? »
Le pauvre caméléon sautait sur place. Mais Acacio ne pouvait plus lui accorder un regard. S’allongeant à terre, recroquevillé, il luttait pour arriver à respirer.
« Qu’est-ce qui se passe ? Tu ne vas pas claquer devant moi, quand même ? »
Il avait honte de ne plus pouvoir lui répondre. Il avait peur de ne plus jamais avoir l’occasion de le faire. Il tenta de bouger la main vers l’animal, mais celle-ci, tremblante, arrivait à peine à lui obéir.
« Dé… Désolé… »
Le mot arriva à peine à traverser ses dents grinçantes. Il avait mal. Il avait peur. Il s’en voulait. Il aurait aimé pouvoir contrôler son corps avec son cerveau de pois chiche. Mais c’était comme si d’un seul coup, son cœur lui volait les clés, le contrôle. Alors, malgré toute la douleur et l’impuissance qu’il savait légitime, il ne pouvait s’empêcher de se sentir incapable.
Le caméléon ne répondit rien. S’approchant doucement de la tête du garçon, il essuya en une caresse la sueur qui coulait de son front.
« Hé, Acacio, je crois que je ne t’ai jamais dit pourquoi je me suis enfui de ce zoo. Enfin, si, je te l’ai peut-être dit, mais je ne l’ai pas vraiment dit. Parce que quand tu me l’as demandé la première fois, j’avais pas envie de te le dire. Mais là, maintenant, j’en ai envie. J’ai quitté ce zoo pour devenir un dragon. »
Allongé près du garçon qui lui jeta un regard souffrant mais étonné, il comprit alors qu’Acacio était véritablement en train d’écouter malgré tout. Il claqua sa langue et reprit.
« Hé, c’est la classe, un dragon, hein ? Ça crache du feu, ça vole… c’est indomptable. C’est bien. Plus d’une fois, enfermé entre ces barreaux, j’ai rêvé de mettre le feu à cette cage en bois et m’envoler au loin. Mais moi, c’est juste ma langue que je jette. Alors je suis resté coincé. Et je me suis enfui uniquement car un jour quelqu’un a oublié de fermer la cage. C’est seulement comme ça que j’ai pu filer à l’anglaise. Mais c’était déjà ça ! Alors, je me suis en tête de trouver un animal qui avait des ailes, pour m’apprendre comment voler. Qui sait, peut-être qu’à force de m’entraîner, je serai véritablement devenu un dragon. »
Il fit silence. La respiration haletante d’Acacio était la seule réponse qu’il put obtenir.
« Je sais qu’au fond de toi là, tu rigoles comme quoi je suis ridicule. Je t’entends, gamin ! Je sais que tu te moques ! De toute façon, je suis tombé sur toi, qui m’a demandé de l’aide, et je n’ai pas pu partir en te laissant derrière. Je n’ai qu’une langue, hein ? Mais je ne laisserai pas tomber. Une fois que tu sauras parler comme une pie, je chercherai comment devenir un dragon, et voler dans le ciel. Pourquoi il n’y aurai que toi capable d’accomplir des miracle, après tout ! »
Le visage d’Acacio transpirait encore, mais sa bouche se tordit d’un sourire douloureux.
« Je t’aiderai… »
Il avait à peine réussi à murmurer ces mots. Mais une fois prononcé, la folie de son cœur sembla comme se calmer un peu. Le corps du jeune garçon se détendit quelque peu. Presque soulagé, le caméléon répondit :
« Un peu que tu m’aideras ! J’y compte bien, avec tout ce que je fais pour toi ! Mais pour ça, t’as intérêt à rester en vie, gamin. Alors calme-toi d’abord et prend ton temps. »
Ils restèrent un moment allongés, l’un à coté de l’autre, sans un mot. Jamais pour Acacio le caméléon n’avait autant ressemblé à sa vraie nature qu’à cet instant. Quand il se taisait, immobile, il avait l'air d'être un animal comme tous les autres. Acacio sentit son cœur, doucement, se calmer, retrouver son rythme. Sa respiration se fit de plus en plus lente et il senti, dans son ventre, ce que le caméléon tentait de lui expliquer avant sa crise. Amusé, épuisé, il resta un moment à juste respirer, prenant conscience peu à peu de tous les muscles qui lui permettaient de rester en vie. Pour cet instant de pur repos, il oublia même un instant le ciel, les nuages et les montgolfières qui le parsemaient. Oubliant le temps qui passait, il profita un instant d’être encore en vie, même si il était au sol.
Quand il rentra avec son père ce soir là, il ne parla pas de sa crise. Faisant la cuisine comme si de rien n’était, il s’efforça de cacher sa fatigue et ses difficultés autant qu’il le pouvait.
« P… Père ?
– Oui ? »
Il respira profondément. Il repensa à la profondeur de ses muscles dans le ventre, a la grandeur de sa mâchoire, aux formes de ses lèvres. Il visualisa le caméléon vert à la voix nasillarde, et se lança :
« Il… Il i, ya… du m, ma...té, tériel, k, k, que… tu n’u… utili..lilises, p, pas ? »
Son père, surpris, réfléchit en fixant son fils. Il était rare qu’il se lance dans des phrases aussi longues.
« Quel genre de matériel ? »
Patient, il laissa son fils faire une grimace de difficulté.
« Du… Du cuir, de, de la t… toile, de, de… montgolfière, ce… ce genrrre de, de cho, choz.. se…
– Attends, tu as dis « montgolfière » ? »
Le père d’Acacio se redressa sur sa chaise. Le mot était trop difficile à prononcer pour qu’il ne remarque pas son fils le dire sans difficulté. Mais évidemment, son fils ne répondit pas à cette question, attendant qu’il réponde à la sienne. Il soupira.
« Oui, il doit me rester des chutes de matériel que tu peux prendre pour toi. Mais tu n’as pas à le gâcher. Ce sont des ressources qui coûtent cher. D’accord ?
– Com… Compris. »
Avec un geste de la tête, l’homme se releva pour ranger ses couverts. Mais au lieu de partir directement dans sa chambre comme à son habitude, il resta quelques instant immobile devant l’évier, comme en proie à une réflexion féroce.
« T, tout… Tout va… bi, bien ? »
Il tourna la tête. Le jeune garçon le regardait avec un regard inquisiteur. Il ne put s’empêcher de sourire.
« Ce n’est rien. Je suis fier de toi, mon fils. »
Il lui caressa les cheveux avant de s’en aller. Surpris, l’enfant ne bougea pas. Ce ne fut qu’à cet instant qu’il réalisa que son père l’aimait sincèrement. La nuit qui s’en suivit fut des plus douces.
Les coquilles:
"Je t’aiderai..." Pas de S à t'aiderais.
"Alors calme-toi d’abord et prend ton temps. » tiret entre calme et toi.
"Acacio sentiT son cœur"
"tous les muscles qui lui permettaiENT de rester en vie."
"tu n’u… utili..liliseS"