Troisième monde - 2

Le dit de la passante au paraplio

Mais pourquoi vous connaitrais-je ?    
Je ne suis pas, moi, indécent            
Je ne fréquente pas les gens             
Je ne passe que par les canaux appropriés
Quand je veux converser : trois cœurs et deux smileys          
Monsieur ! ne connaissez-vous les bonnes manières ?
Ne vous a-t-on pas appris à vous taire        
Ne pas parler sans avoir été mandaté      
C’est une attaque. Oui ! je me sens agressés
Une intrusion, un harcelement, l’attentat
Celui de ma vue, de mon ouie, mon odorat
Vous restez-là à imposer votre présence  
Votre vue m’assaille, votre regard m’offense,
Monsieur, je ne désire, non, en aucun moyen
Ni vous voir, ni vous entendre sur mon chemin          
J’y ai le droit d’être tranquille dans mon coin
Une belle vie, sans vous, les inopportuns

Son attention

Et pourtant n’était-ce pas la femme au parapluie
Qui m’avait répondu, applaudissant mon arrivée

Mais, voyons, c’était son bot
Elle, elle a d’autres choses à penser
Elle n’aurait eu le temps de te regarder
Depuis ton arrivée quatre millions
Ont requis un peu de son attention
Son bot s’occupe des interactions en son nom
Mais ne t’inquiète pas, si son bot t’a aimé,
C’est que tu aurais conquis son cœur à elle
N’est-ce pas lui qui le mieux la connait

Oui, si seulement. Mais elle ne m’avait pas regardé

Bulle®

C’est à peine si se touchent les bords     
Voici aux autres, le bon rapport                                 
‘Qu’ils restent loin de leurs côtés                                 
Dans ma bulle® je suis protégés’                                   
La bulle® doudoune bien molletonnée        
Amoindrit les autres et leurs pensées  
Qu’enfin l’humain seul puisse décider  
De ce qu’il veut entendre et converser 
De l’extérieur il n’y a rien à craindre    
Leurs gestes, leurs regards, leurs émotions
D’une pensée vous pourrez les éteindre
    La bulle® ! un vrai filtre à relation                                 

N’écoutez que ce qui vous donne envie       
Ne voyez que les gens qui vous plaisent
Pour bien vivre à son aise            
Des humains faites le tri                     

Dans la bulle® il n’y a que ceux que vous souhaitez         
Que les gens chez qui les idées vous appréciez               
Entendre un autre son, un désaccord
Serait d’une violence qui n’a votre accord
Vous trouverez dans la bulle® tout le confort
Celui d’une pensée bien applaudie
Un chemin lisse et aplati
Pour que vous filiez vers le bon bord

Grace à nous, à notre bulle®
Vivez pleinement, sans aucun recul
La vie que vous avez sans pouvoir en changer
Car jamais rien ne viendra vous contrarier

Tout va bien

Nos quotidiens assis sous terre entre les mines renfermées
Que n'avait pas les travailleurs des mines sous terre enfermés
Nous nous croisons sans nous connaître
Tels des moutons emmener paître

Les discussions interposées entre logiciels et écrans
Avec deux mots et trois smiley chatbot décrit ses sentiments
Nous échangeons à mille miles
Et oublions ceux de nos villes

Mais tout va bien
Nous sommes

Les quotidiens, leurs chiffr’primés, feuilletés pour marquer nos vies
Indices et quotation cotées, à baisse ou hausse on nous réduit
La bourse fait notre bonheur
Les sold'd’été nos joies, nos pleures

La peau chiffre nos performances de la journée jusqu'au réveil
Courbes de cœur ou de confiance, les KPI de son sommeil
Elle t'exhorte à te chiffrer
Montre menotte t'a résumé 

Mais tout va bien
En somme

Quelle couleur ? Pour le choix un catalogue IKEA
Non ne dites rien nous savons, la pub à capter l’attention
Du bleu azur, un brin typé
Du sur mesure un beau bébé

Venez gagner en performance, être de l'homme le meilleur
La puce augmente la cadence de ton travail mais pas du cœur
Changez de bras, et puis d'épaule
Ce code-là, il te contrôle

Mais tout va bien
Pour l’Homme

Apprentissage

Combien faut il de temps pour entendre ?
Combien faut il de vie pour apprendre ?
Combien de générations pour comprendre ?

Pour quoi avons nous ignoré ?
Pourquoi ont ils oublié ?
Pourquoi ont ils récusé ?

Devons nous faire l'erreur de nos aïeux
Pour éviter celles de nos pères ?

Avion

Entre un avion qui s’en va
Volant au dessus des gens
Et des continents

Entre les tours de l'été
La lumière tamisée
Du monde d'en bas