Elle n’arrive pas à comprendre comment c’est arrivé.
Elle, le mouton noir, complexée, détestable. Elle, l’indigne, l’improbable.
Comment a-t-il pu entrer dans sa vie… et en faire quelque chose de bien ? Non, pas vivable — ce serait trop tiède. Même bien, c’est un mot trop faible.
Il avait rendu ses matins heureux. Il avait coloré ses journées comme on peint des arcs-en-ciel dans la pluie.
Elle avait cette impression étrange de vivre sous l’averse, mais avec le soleil juste là, quelque part derrière. Et entre les deux, un espoir fragile, un pont magique vers un ailleurs. Et elle y croyait. Elle a cru à ça.
Comment avait-il pu mettre autant de lumière dans son gris quotidien ?
Il avait ce pouvoir. Cette façon de la regarder. Il l’avait rendue belle. Pas juste belle. Vivante.
Elle sentait son cœur battre. Elle souriait. Elle avait des émotions, des envies, des projets.
Une vie entière contenue dans un seul être. Un cœur entier suspendu à un rêve. Une amitié qui n’en était plus une.
Il attisait ses colères, exaltait ses joies, la faisait rire. Il avait ce don, cette magie qui emballait son cœur. Il avait les mots qu’elle attendait, suspendue à son souffle. Il était devenu un besoin. Comme manger, comme dormir. Une drogue douce.
Et toujours, derrière le bonheur, une peur. Une angoisse rampante, silencieuse. L’ombre de l’”après”. L’idée qu’il puisse un jour ne plus être là. Qu’il cesse d’être sa lumière.
Elle était fascinée. Envahie. Envieuse. Elle portait ce désir désormais : celui d’être, de vivre, de combattre, de triompher — pour lui.
C’est là que quelque chose a basculé. Lentement. Doucement. Elle a compris qu’elle ne voulait plus lutter. Elle voulait fuir. Elle voulait le fuir.
Mais on ne peut pas nier les sentiments. On ne peut pas fuir son propre cœur. On ne peut pas se mentir à soi-même. Elle en est arrivée à la conclusion que tant que cet être existerait, elle ne pourrait exister que par lui. Lâche, elle a préféré renoncer à sa vie.
Les funérailles auront lieu ce samedi à 14 h. La veuve sera présente, ainsi que la proche famille.
Elle, malheureusement, ne pourra pas y assister. Elle a été arrêtée tôt dans la matinée et placée en détention provisoire.
Ses mains tremblantes n’ont pas lâché une seule fois le carnet où elle écrivait, comme une dernière tentative d’immortaliser cet amour
J'ai bon, ou bien je suis à côté de la plaque ?
C'est bien écrit, il y a quelques jolies fulgurances poétiques. J'aime.
merci pour ton commentaire!
O:)