(Trouver sa place)

 

Il est exténué, ce premier service en cuisine l'a véritablement étourdi. Content que cette première partie de journée se soit terminée sans trop de soucis, il a à peine le temps de respirer en se rendant aux vestiaires, qu'une main ferme sur son épaule l'oblige sans ménagement à se retourner. Aucun mot n'est assez rapide pour sortir de sa bouche que déjà il est à terre. Son asseyant, l'un des plongeurs, le fameux neveu du patron, lui assène un coup violent et unique à la mâchoire, avant de quitter la pièce rapidement sans demander son reste. Le réunionnais demeure un instant sonné, avant de se relever difficilement. Pas question de rester sur le carreau, Yann a conscience que pour garder sa place au sein de la brigade, il y va de l'impression qu'il laissera sur les autres. Il décide de prendre le chemin inverse pour retrouver son agresseur en cuisine. Là, il ne reste plus que le commis et les deux plongeurs. Valentian, son agresseur, se montre surpris, sans doute pensait-il l'avoir suffisamment impressionné pour qu'il s'efface. Or l'androgyne qui se dirige droit sur lui, paraît de marbre fasse à cette menace.

La réalité et toute autre, le cœur de Yann bat à tout rompre dans sa cage thoracique, entre exaspération, crainte et répulsion à répondre à l'attaque par la même violence. Le jeune homme, même s'il ne le montre pas est loin d'être sûr de lui.

- Si tu as l'intention d'en découdre on sort, lance-t-il pourtant. À moins que tu ne sois qu'un lâche qui frappe quand on ne s'y attend pas pour partir ensuite la queue entre les pattes ?

Les deux autres gus se plaquent contre le mur, Valentian, réticent à répondre verbalement, bredouille.

- Je... j'ai dis c'que j'avais à dire !

- J'ai en effet pu me rendre compte que tu parlais avec tes poings, cool ! Tu te crois malin sans doute ? Faut que tu saches chéri, que la communication c'est pour se faire comprendre des autres et là, bizarrement j'ai besoin que tu articules ! lâche Yann, la face au raz du gars, un doigt posé sur son torse.

Le mec, véritable armoire à glace, hallucine que cette demi-portion colorée le brave de cette façon. Laissant courir en lui, quelques fractions de secondes, cette réflexion qu'il en serait presque amusé s'il n'avait pas autant la haine. Mais furieux, il l'est.

Et Yann, tout ses sens en alertes, entend bien la respiration nerveuse de son adversaire qui déjà rougit de rage.

L'échange surprend, l'attaque est rapide. Le gars le pousse si violement que le bas du dos du réunionnais vient frapper un plant de travail. Ladouleur remonte à peine le long de la colonne vertébrale de Yann, qu'il répond immédiatement. Il n'attendait que ça. Avec la force du rebond, il assène un coup de pied bien placé dans le bas ventre de son adversaire. Le choc envoie celui-ci valdinguer contre la porte de service. Elle cède et s'ouvre sur la coure, laissant tomber le corps lourd de l'attaquant à terre, avant qu'il n'ait eu le temps de dire « ouf ! ».

- J'ai dit « on sort » ! Respecte ton lieu de travail, ordonne sérieusement Yann.

La sueur qui n'a cessé de lui couler dans le dos, de toute la matinée, lui colle également les cheveux aux tempes.

Ses poings se ferment, ses narines se dilatent, de la même manière que ses pupilles noires, rien ne trahi ses craintes. Pourtant, même à terre, le mec est impressionnant et Yann a bien compris qu'une seule baffe de ces mains géantes suffirait à lui faire perdre l'équilibre et même certainement plus. Au moment où il avance sur lui, une voix autoritaire résonne derrière eux.

*

Il repose son calot sur l'étagère de son casier, essuie d'un coin de manche le sang séché sur sa lèvre fendue, remet sa veste de cuisine sur le cintre, quand une voix familière cette fois, résonne à son oreille.

- C'est top classe ça ! J'avais jamais vu une blouse de cuistot noire ! lance Gabriel énergique, assortissant sa réplique d'un sifflement explicite. Avoue, t'es pas capable d't'empêcher d'essayer d'être sex' même en cuisine ! J'comprends pas comment t'as fait pour réussir à te r'trouver là, ni la manière dont tu t'y ais pris pour avoir l'droit d'porter ce truc, en tout cas franchement bravo ! Ch'avais qu't'étais fort pour manipuler ton monde, là quand même tu m'trous l'cul !

- Des fois Gaby chéri quand tu t'y mets, tu es vraiment un gros connard.

- Qu'est-ce' j'ai dit cette fois ? J'te félicitais là ! s'étonne Gabriel qui pensait réellement avoir complimenté son petit ami.

- Déjà pour ta gouverne, si Charles m'a choisi pour la cuisine c'est sûrement qu'il a dû trouver en moi un vrai professionnel, j'ai un bon CV figure-toi. Ensuite il n'y avait tout simplement pas de veste à ma taille, j'ai donc dû ramener la mienne.

- Ça va, c'que t'es susceptible, on peut rien t'dire, ronchonne le goth.

- Tu passes ton temps à être vexant, ce serait bien que de temps en temps, tu réfléchisses un peu avant de parler.

- J'ai dit quoi bordel ?

- Bha rien à part que tu remets en cause mes compétences et me traites de manipulateur. J'ai eu une matinée pas facile, tes réflexions sont de trop ! râleYann.

- J'ai rien r'mis en cause, t'es lourd, j'faisais juste un peu d'humour.

- Excuse-moi, je ne me goure pas, tu me sorts que tu ignores comment j'ai réussi à en arriver là, en réfléchissant tu aurais pu trouver la réponse seul ! À savoir : grâce à mes diplômes! Mais non, c'est forcément mon côté malsain et mystificateur qui a encore frappé ! Je commence à en avoir marre d'être la cible de tout le monde.

Gabriel prend la réflexion en pleine face. Et contrairement à d'habitude ne tente pas de se justifier. S'il ignore ce qu'il vient de se dérouler en cuisine, il a compris que Yann lui en veut certainement pour ce qui s'est passé la veille lors du repas chez Laurianne. Et pas uniquement à cause de cette simple phrase à l'instant. Erwan visiblement fatigué et un peu saoule s'est montré plutôt offensant à l'endroit de son copain pendant le souper. C'est à la fin du repas qu'il a été particulièrement acide et agressif, balançant sans raisons apparentes, ce qu'il pensait savoir du réunionnais. Et malheureusement Gabriel qui ne s'attendait pas à ça, n'a pas su réagir correctement. Il a préféré ne pas prendre position, baisser la tête et attendre que ça se tasse. Pas évident de foutre la merde entre sa sœur et son petit ami pour défendre Yann, surtout qu'une grande partie des calomnies trempaient dans le vrai.

 

Même si Yann prétend préserver les apparences, ne pas perdre la face, en gardant sourire et bon mot, à l'instar de habitude, la scène l'a visiblement fortement blessé. Ajouté à ça l'accrochage dont il vient d'être tenu en parti responsable par le chef de cuisine, son moral loin d'être au beau fixe, lui réclame un effort pour passer l'éponge sur les allégations un peu maladroites de son petit ami.

- Désolé, j'mettais pas en doute la pertinence du choix d'Charles ni même tes capacités. J'étais agréablement impressionné, c'tout.

- Hum... C'est bon si tu m'embrasses.

- Ça va, t'es pas trop compliqué à contenter !

 

La grimace de Yann au contacte de ses lèvres, alerte Gabriel. Il attendra d'être sur le chemin du parc pour tenter tant bien que mal d'obtenir des renseignements de la part du concerné plutôt silencieux.

- Ça s'est passé comment c'matin du coup ? l'interroge-t-il en examinant cette bouche déjà gonflée.

- J'ai eu droit à une douche froide niveau réaction de mes nouveaux collègues, qui visiblement n'apprécient guère ma venue au sein de cette brigade. J'ai beaucoup souris. Je me suis excusé une bonne dizaine de fois sans raisons. J'ai fais des conneries. J'ai posé des tas de questions qui sont restées le plus souvent sans réponses, parce que mes collègues n'ont pas que moi et mes interrogations à s'occuper. J'ai été testé. J'ai failli déclencher une rébellion malgré moi. Plus tard j'ai pris une grande baffe, mis un coup de pied en réponse, on m'a engueulé et accusé à tort. En bref, je considère m'en être pas trop mal sorti bien que ça aurait pu être mieux.

- Ha... Si tu l'dis. Qui t'as frappé ?

- Un certain Valentian.

- Tu commences fort, c'est l'neveu du patron.

- Ha oui merci, j'ai pris connaissance de ça très cher ! On le vire pour me prendre à sa place figures-toi.

Gabriel ricane.

- Ne dis rien.

- Ha mais j'dis rien.

- Ce soir, ça sera certainement plus compliqué, avec la fatigue. Mais bon d'un autre côté j'ai commencé à prendre mes marques.

- Ça m'en a tout l'air haha !

- Arrête ! râle-t-il excédé par l'air hilare de Gabriel.

- J'ai rien dis du tout, plaide ce dernier.

- Tu le soupçonnes c'est suffisant, j'ai rien revendiqué moi, hein ! C'est pas moi qui ai décidé de faire virer ce pauvre abruti. J'étais même pas au courant au départ.

- J'pige pas pourquoi des trucs pareils t'arrivent sérieux, t'es un vrai géni d'l'embrouille et l'pire c'est l'innocence qu't'affiche.

- ...

*

 

Couché sur un banc, la tête sur les genoux de Gabriel, Yann essaie de se reposer de sa matinée, de calmer un peu ses émotions et malgré le froid mordant, il somnole presque.

- Samedi Erwan accompagne Laurianne, elle va bosser quatre jours à Saint-Malo, au grand aquarium. On pourra être tous les deux. Enfin si ça te dis ? sort Gabriel, l'air de rien.

- Si ça me dit ? C'est quoi cette question idiote encore ? proteste gentiment le réunionnais, un air de satisfaction s'affichant déjà sur sa figure.

- Ben on sait jamais.

Le silence s'installe de nouveau. Le brun sort son cahier de partitions. Yann lui, la tête toujours sur les genoux de l'autre, reste le nez en l'air en pleine réflexion. Il le scrute.

- Un autre truc qui t'embête ? l'interroge le compositeur, suspicieux au regard de l'expression du cuisinier.

- Saint-Malo c'est en Bretagne non ? interroge ce dernier.

- Heu ouais pourquoi ?

- Je me demandais si tu m'y emmènerais un jour ?

Ses mains se tordent en attendant la réponse.        

- Dans un grand aquarium ? le questionne bêtement l'autre sans comprendre.

-  En Bretagne crétin, répond le réunionnais exaspéré.

- Pourquoi ? T'peux pas y aller tout seul ?

La déception se lit sur les traits de Yann.

- Ha bah merci...

- Ben quoi ?

- Rien...

- Qu'est-ce tu veux aller foutre là-bas ? le questionne sottement Gabriel.

- Me recueillir sur la tombe de ma mère. J'aurais apprécié un peu de soutien, surtout que tu me l'avais promis avant de partir.

- Ha ça... Désolé j'avais oublié.

- ...

- Ouais, on ira s'tu veux.

- Surtout te force pas, réplique Yann aigre.

- Ho lala, ça va j'avais zapper, c'est bon !

- ...

- C'est zarb' quand même qu'elle soit enterrée là-bas ta mère, ajoute Gabriel pensif. Elle vivait pas avec vous à la Réunion ?

- Si. C'est sa famille qui a tenue à la rapatrier un peu avant qu'elle meurt. Du coup j'ai jamais vu sa tombe.

- Jamais ? Même le jour d'l'enterrement ?

- Tu sais, j'avais que six ans hein ! Mon père a pris l'avion seul d'après ce qu'il a dit.

- Et t'as pas eu la haine, même plus tard, d'pas avoir été présent ?

- Pour être honnête avec toi, je ne me souviens de rien.

- Ha...

- ...

- Pourtant six ans c'pas si p'tit.

Yann qui gelé, s'était redressé pour se blottir contre son petit ami avant de lui répondre, se raidi à cette réflexion.

- Je te l'ai déjà dit, je ne me souviens presque pas de ma mère, en dehors de ce que me raconte mon père lorsqu'on redécouvre ensemble ce qui reste de photos.

- C'est p't'êt' aussi bien, mes parents m'manquent... J'me rappelle d'trop d'choses.

La supposition du parisien le choque.

- Aussi bien ? Ce qu'il ne faut pas entendre, tu ne te rends pas compte de ta chance.

- T'veux qu'on compare nos douleurs ? se vexe-t-il aussitôt.

- ...

Le silence de Yann le pousse à s'excuser.

- Désolé.

- ...

- J'ai des impressions qui m'envahissent des fois, lâche Gabriel. Suffit d'une odeur, d'un bruit, bien sûr y'a des trucs agréables. Mais la plupart du temps, j'ai seul'ment envie d'pleurer et d'oublier qu'y n'sont plus là. Alors j'me dis qu'la mémoire c'pas forcément une bonne chose.

Le vent soulève quelques feuilles mortes, un frisson parcourt l'échine de Yann de plus en plus transi de froid.

- Tu veux que je te raconte un truc ? propose-t-il en claquant presque des dents. Pendant longtemps, j'ai rêvé de ma mère. Je ne la voyais pas, je ne sentais rien qu'un parfum de fleur. Dans ce rêve, j'étais dans ses bras. Il y avait un petit cristal qui pendait dans le soleil et créait un minuscule arc en ciel sur le tissu de sa robe. J'entendais un étrange tintement et le bruit de la mer. J'ai longtemps été persuadé qu'il s'agissait d'un joli souvenir et j'ai gardé ça en moi précieusement. Puis un jour j'en ai parlé avec mon père... Il ne se souvient d'aucun cristal d'aucune sorte qui aurait pu être accroché quelque part et pas plus de ce son qui se rapprocherait de la musique d'un carillon à vent. Et nous avons constamment habité trop loin de la mer pour que je puisse l'entendre. Tu comprendras que moi, j'aimerais avoir au moins un seul vrai souvenir, plutôt que de devoir me raccrocher à des inventions de mon esprit ou aux évocations des autres, tu vois ?

- Ouais, acquiesce Gabriel, entourant tendrement les épaules de l'autre.

- ...

- Mon père marchait avec des talonnettes, lâche-t-il à son tour, en continuant de le serrer contre lui.

- Hein ?

- Il était pas très grand, c'était sûr'ment pour tricher un peu haha ! continue Gabriel. Ben il avait pas vraiment b'soin d'ça hein, mon père. Il avait une autorité naturelle, pourquoi qu'il aurait eu b'soin d'paraître plus grand ? Une bête coquett'rie qui sert à rien mais voilà, y portait des trucs à ses godasses qui claquaient sur les trottoirs.

Son esprit se perd aux travers de ses souvenirs alors que l'androgyne le couve des yeux.

- Quand j'étais p'tit, j'étais trop fier de m'balader avec lui et quand parfois, y m'emmenait à l'école c'tait la fête, ajout-il, encouragé par le silence bienveillant de son chéri. On s'levait super tôt car lui, il allait bosser de bonne heure, son train était à sept heure quatorze ! Sept heure quatorze, j'me souviens très bien. Souvent y f'sait encore nuit, pourtant c'tait pas grave, bizarrement j'râlais pas pour m'lever ou m'dépêcher. C'tait si rare qu'mon père ait l'temps d'faire ça, un vrai événement ! Alors j'en profitais.

Le vend redouble dans le petit parc, une légère pluie fine et glacée se met à tomber, Gabriel étreint carrément Yann et pose le menton sur son épaule. Son souffle chaud lui réchauffe le cou.

- Un jour y pleuvait, poursuit-il tout bas à son oreille. J'ai dans ma mémoire la lumière des réverbères qui f'sait briller le bitume sous la pluie et l'bruit d'ses talonnettes dans ma tête. J'ai passé des jours à m'entrainer à marcher en claquant les talons pour être aussi « viril » que mon père en prévision d'cette matinée où y s'rait en m'sure d'm'em'ner ! Et quand c'jour là est arrivé, on a marché d'un même pas. Haha ! En tapant du pied !

Les larmes brouillent la vue du parisien.

- C'est un joli souvenir, souffle timidement Yann, pourquoi te résoudrais-tu à l'oublier ?

- Quand tu marches dans la rue avec tes chaussures d'pétasse, bha t'fais l'même bruit qu'lui, qu'nous c'matin là.

- La virilité à l'état pure !

- C'clair qu'on en est loin tsss ! ch'avais rien à c't'âge.

- Excuse-moi de gâcher ton souvenir, finit par murmurer l'androgyne.

- Mais t'es con, j'ai jamais dit ça, t'gâches rien. J'essaie tout bonn'ment de t'dire qu'n'importe quoi, tout l'temps, c'est présent et des fois, ça m'prend la tête.

- C'est ton devoir de mémoire, de les laisser vivre dans ton cœur, tu leur dois bien ça, tu ne crois pas ?

- Arrête avec tes trucs de psy, j'laisse rien vivre du tout, y sont morts et y r'penser c'est bêtement douloureux et ça sert à rien. Quand tu marches dans la rue avec tes talons, j'préférais n'penser qu'à toi plutôt que d'chialer là d'sus.

Leurs regards se perdent l'un dans l'autre un instant. La main chaude de Gabriel capture le visage fin de Yann puis sa bouche l'attaque à son tour. Le baiser est bouillant, presque violent. Bien qu'il surprenne le jeune réunionnais, celui-ci s'y abandonne de bonne grâce pendant un moment qui lui semble une éternité.

- Avec c'temps, personne n'est dehors et derrière c'mur aucune chance qu'on nous voit, si t'étais pas à moitié cong'lé, j't'arracherais bien tous tes vêtements pour t'violer sur place.

L'étonnement couplé à l'excitation d'un tel aveu pousse Yann à répliquer sur le même ton.

- Je t'autorise à me faire tout ce que tu as envie s'il y'a une chance que ça me réchauffe.

Gabriel s'écarte de son amant un instant et le scrute en silence, pour finalement répliquer :

- J'me d'mande toujours si tu t'fous d'moi ou si t'es sérieux.

Yann se contente d'afficher une expression friponne sans répondre.

- J'vais pas tenté l'attenta à la pudeur, ni même de t'voir attraper la mort mais j'te préviens m'cherche pas trop.

- Je suis innocent et pur.

- Ben bien sûr.

- C'est toi qui propose hein.

- C'est ta faute, t'es trop mignon.

Le sourire de Yann s'agrandi, il y a bien longtemps que Gabriel ne lui avait pas sorti aussi naturellement quelque chose de simple et de gentil de cette manière. Il est aux anges et se dit que cet instant vaut bien toutes les emmerdes qu'il a vécu depuis ce matin et toutes celles qui l'attendent encore.

En pénétrant de nouveau en cuisine Yann sent les regards posés sur lui. Ça chuchote, dans son dos, ça ricane, il n'ose pas relever la tête. Que tous le monde soient au courant, n'a rien d'étonnant. Les deux commis présents sur les lieux lors de son altercation avec Valentian, ont forcément eu vent de la leçon qu'il a ensuite pris du chef et du patron à la sortie du service de midi. Ils n'ont certainement pas réussi à tenir leur langue. Il aurait tellement aimé que tout se passe bien, rien de ce qui découle de son arrivée à Paris ne se déroule dans de bonnes conditions. Un raz le bol monte en lui, ses mains tremblent, un soupir lui échappe, quand une main lui tapote le dos. Surpris, il se retourne pour trouver en face de lui le faciès compatissant de thomas.

Il n'a pas le temps de lui adresser la moindre expression de reconnaissance que toute la brigade se met à l'applaudir. Toute sauf le chef qui arrivera plus tard et bien sûr Valentian, visiblement parti pour de bon.

-Ça par exemple, on aurait Bruce lee en cuisine ? lance en premier le jeune Gaëtan préposé à la plonge, déclenchant par la même un rire général.

- Vous auriez vu ça, le calme, la dextérité, un coup bien placé et paf ce lourdaud de Valentian au tapis, net sans bavure et sans même hausser le ton, ajoute Thomas les yeux brillants d'admiration.

- C'est bon à savoir, si jamais je dois te remonter les bretelles un jour, je m'y prendrais par derrière haha ! déclare hilare ce grand balaise de Bizente.

 

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