Le silence.
Un silence si dense qu’il semble absorber jusqu’au moindre battement de cœur. Elias ouvrit les yeux, désorienté. Il était allongé sur un tapis de feuilles carmin, sa joue posée face contre terre. L’air avait une odeur métallique, presque sucrée, comme si l’atmosphère elle-même saignait.
Il resta un instant immobile, tentant de comprendre où il se trouvait. Autour de lui, les arbres s’élevaient, immenses, leurs troncs tordus comme des colonnes de chair et d’os. Leurs branches griffaient le ciel, dessinant des arabesques inquiétantes sur la voûte rouge sang. Et le ciel… Ce n’était plus le ciel de son enfance, ni celui de ses souvenirs, encore moins celui de son village. Il était d’un rouge profond, strié de veines sombres, comme si le crépuscule avait été éventré.
Elias tenta de se lever, mais ses jambes tremblaient, faibles et incertaines. Il posa un pied devant l’autre, hésitant, comme s’il marchait sur des braises ardentes. Chaque pas était un défi, chaque bruit un avertissement. Pourtant, il devait avancer. Il le sentait, au plus profond de lui, sans savoir pourquoi.
La lune, énorme et déformée, régnait au-dessus de lui, baignant la scène d’une lumière cruelle. Tout, autour de lui, était teinté de rouge : les fleurs semblaient pleurer des larmes écarlates, l’herbe frémissait sous le poids d’ombres mouvantes cramoisies, et même son souffle s’échappait en volutes pourpres, comme un feu intérieur.
Il s’arrêta, soudain pris d’un doute. Les feuilles sous ses pieds avaient changé : leur crissement évoquait maintenant davantage le verre brisé. Un frisson d’angoisse le parcourut. Quelque chose clochait, quelque chose d’indicible, de menaçant. Un vent glacial se leva, s’insinuant sous ses vêtements et faisant frissonner chaque pore de sa peau. Il portait des murmures indistincts, des paroles dans une langue qu’il ne connaissait pas mais qu’il devinait ancienne surement oubliée et presque chantante. Elias tendit l’oreille, cherchant à comprendre, mais les mots lui échappaient.
Soudain, la voix s’éclaircit, perçant le brouillard :
— Elias…
Il se retourna brusquement, le cœur battant à tout rompre, cherchant autour de lui qui avait bien pu prononcer son prénom dans ce décor dantesque. Personne. Mais la voix reprit, plus proche et plus pressante :
— Elias…
Ses jambes se mirent à trembler. Il voulut fuir, mais son corps refusa d’obéir. Le sol se mit à vibrer, un grondement sourd montant des profondeurs. Non… ce n’était pas le sol : c’était tout l’espace autour de lui qui menaçait d’exploser.
Il leva les yeux. Une fissure rouge déchirait le ciel, laissant passer une lumière aveuglante. Instinctivement, il détourna le regard, mais la lumière s’infiltrait même sous ses paupières, projetant des ombres monstrueuses sur la terre.
Lentement, une ombre descendit de la fissure, se matérialisant en une forme humaine, aux contours flous, presque translucides. Seuls deux yeux brillaient dans cette obscurité : deux rubis en fusion, qui le fixaient sans ciller.
La voix, douce mais acérée, fendit l’air :
— Tu es celui que je cherchais, Elias.
Il recula, la gorge nouée. Son esprit lui hurlait de partir, mais ses pieds restaient rivés au sol.
— ça m’étonnerai ! balbutia-t-il, les dents serrées.
Un sourire fendit le visage de l’ombre.
— Oh, mais si… Et à présent que je t’ai trouvé, je ne te laisserai plus jamais.
Elias sentit son cœur s’emballer. Le sol trembla de nouveau. Cette fois, des runes rouges apparurent autour de lui gravées dans la terre.
La voix devint un murmure, il voulut se boucher les oreilles mais elle s’insinuait dans son esprit et était impossible à ignorer.
— Suis le signe quand il arrivera. Mais n’oublie pas…
Une douleur fulgurante traversa son poignet. Il baissa les yeux et vit une marque rouge se dessiner lentement sur sa peau, brûlante, indélébile. Il hurla, la douleur irradiait dans tout son bras.
— Tout pouvoir a un prix.
La douleur devint insupportable. Elias tenta de résister, de lutter contre l’emprise de l’ombre, mais ses forces l’abandonnèrent. Il s’effondra, englouti par la souffrance.
Le silence revint, pesant, presque rassurant. La silhouette s’estompa, absorbée par la brume. Mais la marque, elle, resta.
Elias se réveilla en sursaut, le souffle court, la peau moite. Il était dans son lit, dans sa chambre, mais la sensation de la forêt rouge persistait. Il porta la main à son poignet, espérant ne rien trouver.
Mais la marque était là. Rouge vif, elle pulsait faiblement, au rythme de son cœur. Elias la fixa, incrédule, terrifié. Il la toucha du bout des doigts : elle était chaude et lui sembla presque vivante.
Il sentit encore, dans l’air de la chambre, une odeur métallique, comme un écho du rêve, et la sensation de froid qui s’accrochait à sa peau.
Il se leva, chancela jusqu’à la fenêtre. Pourquoi lui ? Quel signe ? Qu’est-ce qu’il avait de spécial… ou qu’est ce qu’il avait fait ?!
Il hésita, puis attrapa son téléphone posé sur la table de nuit. Il ouvrit la conversation avec Max, son meilleur ami, et commença à taper un message : “Tu dors ?”… Il effaça. Que pourrait-il bien lui dire ? “J’ai fait un cauchemar qui m’a laissé une marque ?” Ridicule. Il reposa le téléphone, plus seul que jamais.
Il jeta un coup d’œil autour de lui : la lumière bleutée du réveil clignotait et laissait deviner les piles de livres sur la commode, les posters de Stephen King et Maxime Chattam sur le mur, l’odeur de lessive propre qui flottait encore dans la pièce. Mais rien ne parvenait à le rassurer complètement. Involontairement, sa main gauche gratta son poignet droit où s’étalait toujours la marque.
Il murmura, la voix brisée :
— Mais qu’est-ce que c’est que ça… ?
Le silence fut le seul à lui répondre.
Après un moment, il s’assit sur le bord de son lit, la tête entre les mains. Il repensa aux histoires que sa grand-mère lui racontait quand il petit qui parlaient d’étoiles et d’univers. Mais cela datait de trop loin et il n’était plus très sur de ne pas faire un amalgame avec un film ou une série qu’il aurait vu depuis.
Il se leva, marcha jusqu’à son bureau, et ouvrit un vieux carnet poussiéreux où il notait parfois ses rêves. Il chercha, mais rien ne ressemblait à ce qu’il venait de vivre. Machinalement, il attrapa sa tasse de chocolat chaud, qui n’avait plus de chaud que le nom, et la porta à ses lèvres. Le breuvage, devenu très amer, le fit grimacer mais il le but quand même. Comme tout ado élevé dans un besoin d’économie permanente, il détestait le gaspillage.
Le poids de la marque sur son poignet le brûlait toujours. Il passa ses doigts dessus, sentant une chaleur étrange, presque vivante, comme si elle pulsait en harmonie avec son propre cœur.
Il se demanda ce que cela signifiait, ce que cela allait changer dans sa vie. Il se sentait comme l’un de ces personnages de roman qu’il adorait lire… Dans ses préférés, cela se passait toujours plus ou moins mal. Il sourit, on était pas dans un roman ici…
Mais si je peux me permettre, j'ai remarqué qu'au 4ème paragraphe en partant du bas, il y a un oubli "Il repensa aux histoires que sa grand mère lui racontait quand il petit [...] " Le verbe a été oublié.
"Il n'était plus très sur [...]" L'accent circonflexe a été oublié.
Mais sinon , c'est vraiment incroyable !!! 🤩
Tu racontes très bien ton histoire et cela donne envie de lire la suite.
Passes une bonne soirée.