(Un choix difficile)

Deux ans avant...

Son premier job d'été, Gabriel n'imaginait pas que cela serait aussi agréable. Le boulot n'est pas compliqué bien qu'il faille courir partout, ne pas avoir peur d'avoir mal aux jambes et aux pieds à la fin de la journée. Depuis six semaines qu'il bosse là, il s'est découvert une excellente mémoire, très utile pour prendre les commandes. Dès ses premières heures, un air aimable automatique et des gestes rythmés sont apparus tout naturellement.

Au départ Yann était derrière lui, comme avec Marie que Gabriel remplace. Seulement ce que Yann préfère, c'est être en cuisine et Gabriel n'ayant pas particulièrement de mal à s'habituer à ce nouvel emploi, toutes les occasions sont bonnes pour le laisser gérer le service en salle.

Yann est donc occupé seul à la cuisine. Il coupe, il hache menu.

Le chef étant malade, le plongeur pas encore arrivé, son amant, ayant terminé la mise en place en avance, se permet de pénétrer dans l'antre de l'artiste culinaire. Gabriel l'observe.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'as pas du travail joli cœur ? interroge le rouquin sans relever le nez.

- J'ai terminé, pour l'moment.

- Tu veux m'aider ?

- Nan, ton hachoir m'fait flipper.

- Tu as vu le film psychose ?

 Il lève alors l'ustensile de cuisine affichant un sourire pervers.

- Arrête t'es con ! C'est dang'reux.

Le jeune homme, au visage d'ado rieur tout juste pubère, abaisse son outil en ricanant, se retourne et s'affaire de nouveau. Gabriel reste là, à le matter, silencieux.

- Qu'est-ce que tu regardes ?

- J'admire ton mouvement de hanche, quand t'haches du persil, l'est particulièrement sexy !

- Qu'il est bête !

- Nan c'est vrai, t'es beau dans l'action hihi !

- T'as vuuu un peu !

- C'est clair, quel cul !

Yann repose la lame en acier sur le plan de travail.

- Mais c'est qu'il me perturberait presque, le chenapan ! Aller oust ! Veux-tu quitter cette cuisine !

-  J'ai l'sang chaud c'soir haha ! Tu perds rien pour attendre !

- Des promesses, toujours des promesses ! raille Yann en le renvoyant vers le patio.

 

Le rouquin est heureux, comblé. La vie devrait être ainsi tout les jours, voir Gabriel, l'embrasser dès le matin, prendre leur petit déj' ensemble, courir tout deux après le bus du matin, travailler main dans la main jusqu'en début d'après-midi. Déjeuner sur le pouce à quinze heures assis sur les planches de la jetée, faire la sieste à côté de leur petite plage, sous les bananiers, échanger des regards en plein rush du service du soir, rentrer sous la lune, en se frôlant du bouts des doigts et s'abandonner enfin sous le pêcher de l'entrée en terminant la journée par un baiser langoureux qui ressemble à un faux au revoir. Parfois aller plus loin, sans que la sœur de Gabriel ne les surprennent, escalader la fenêtre de la chambre ni vu ni connu, rejoindre Gabriel dans le clic-clac et lui faire l'amour doucement. S'endormir quelques heures dans sa chaleur, puis le quitter en silence pour ne pas le réveiller, ressortir comme on est entré, tel un voleur, rentrer chez soi à pas de loup et ne pas se faire remarquer par les parents qui dorment encore. Glisser dans son propre lit frais et sourire de joie en pensant que demain le manège reprendra.

Yann ignore quelles idées noires assombrissent les pensées de Gabriel, quels doutes et quelles peurs l'étreignent dernièrement, parce que lui, chaque soir pour le moment, il s'endort serein et confiant.

 

*

 

Assis sur la plage de sable noir, Gabriel contemple l'horizon. Il n'arrive pas à réfléchir paisiblement à la situation, tout semble s'emballer. C'est le matin, il à quitté sa chambre avant le levé du soleil, Yann et Marie ne sont présents que dans sa tête, il entend leurs voix et leurs conseils. Cette île lui est étrangère, comment réussir à l'adopter même pour seulement quelques mois ? Il n'avait vraiment pas prévu cela.

- La flippe !

Dans son esprit, rien n'est clair, il se prend à imaginer mentir à Yann, trouver une excuse pour être dans l'impossibilité de rester. Il voudrait que sa sœur l'oblige à rentrer. Il doit trouver, n'importe quoi, il le faut.

- Sauf que perdre Yann...

La logique, si vraiment il était sérieux avec son nouvel amour, serait effectivement de rester, quelques temps au moins. Pourquoi cela lui semble-t-il alors tellement insurmontable, effrayant ? Il remet en route son lecteur MP3, inonde ses oreilles de sons. Que va-t-il bien pouvoir dire à sa sœur et surtout de quelle manière ? Il ne sait même pas ce qu'il veut vraiment. Depuis ces dernières semaines, il a appris ce boulot de serveur, n'étant aucunement doué en cuisine, il s'est cantonné au service. L'endroit n'est pas surchargé, il y a peu de rush, en somme c'est un travail tranquille et il est auprès de celui qu'il aime.

Yann est très présent, chaque jour, à chaque instant, c'est agréable. Gabriel le découvre au travail, se surprenant chaque fois de la passion que le jeune homme met dans l'exercice. La vie avec lui pourrait être vraiment magique. La plage et les rires, les répétitions et la musique, les longues promenades et les discussions interminables, le décore est beau. Tout ressemble à un rêve, lumineux, clair, facile.

Comme un professeur, à l'écoute, toujours de bons conseils, Yann est à ses côtés pendant les pauses, les jours de congés, parfois la nuit, souriant et patient. Gabriel a bien conscience qu'il ne trouvera nulle part une personne plus attentive à lui, cherchant à le rassurer par tous les moyens et sur tous les points. Gabriel suppose que Yann ressent certainement ses craintes de temps en temps, ce qui explique quelques courtes périodes d'anxiété passagères. Le plus souvent, son rouquin garde un air confiant depuis qu'il a cédé. 

Seulement dans quelques jours il faudra avouer à Laurianne que tout n'était que mensonge. Que ce job n'est aucunement pour gagner de l'argent de poche. Qu'il ne repart pas avec elle et Erwan. Qu'il a depuis longtemps tout arrangé pour aller vivre chez des étrangers, les parents de Marie, pendant au moins un mois, peut-être même deux, en bref qu'il lui a mentis depuis le début. Et son rêve s'assombrit, le ciel bleu du bonheur devient sombre, la peur lui étreint le ventre, ici c'est si loin de là-bas. Le paradis a quelque chose de terrifiant. Bien sûr il l'aime son petit fauve zoréole mais une partie de Yann lui reste inconnu. Cette relation est si neuve, si fragile.

Sa sœur, sa famille, son environnement, son quotidien, tout cela est un ciment sur lequel Gabriel s'est appuyé depuis longtemps et en qui, il a totalement confiance. Les pires scénarios se jouent dans son faible cerveau trouillard. Il s'imagine perdre sa sœur, que son choix la fasse disparaitre de sa vie. Il se voit errant sans elle, loin, à l'autre bout du monde. Et si Yann le quittait finalement ?

Il a honte de sa lâcheté.

Il faudrait qu'elle accepte sans sourciller, comment la mettre de son côté ? Il aurait dû avouer ses intentions dès le début, lui expliquer les raisons qui le poussaient à vouloir ce job. Comment annoncer maintenant qu'il a mentis et lui demander de comprendre sans la mettre en colère et la perdre, mentir encore ? C'est vrai qu'après tout, il aurait très bien pu découvrir d'autres solutions, dont celle de rester, APRÉS avoir commencé son travail ! Oui, il lui racontera que l'idée est venue ensuite. Mentir à Laurianne, mentir à Yann ? À qui renoncer ? De toute façon, il a le mauvais rôle.

 

*

Yann a longtemps hésité à annoncer la bonne nouvelle a ses autres amis mais sa relation se passe tellement bien, qu'il n'a plus de raison de douter. Un soir, dans son club préféré, il décide donc qu'il est grand temps de tout déballer.

- Houuuuu là Yanniiiiiiick mon choux, tu vas te faire engueuler, ça fait des jours qu'on ne t'a pas vu ici, plaisante Crystal dès son entrée. Mais qu'est-ce que tu fabriques, on s'inquiète nous ! ? Viens donc nous faire un bibi !

- Ha ! Quel drame hihi !

- Te moque pas méchant ! Tu es si occupé en ce moment ?

- Un peu oui, je te rappelle que je bosse moi !

- Ha parce que nous on glande peut-être ?

Crystal cherche vaguement une autre présence derrière son invité avant de refermer la porte du club.

- Et il est seul le gueux ! Où est donc ton mâle ? Déjà reparti ?

- Non.

- Haaan va zzzi dit-moi ce que c'est que ce sourire idiot ?

- ...

- Ma zette, tu as l'air mordu ! Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ? Bon on m'a dit que tu refusais le CDD à la piscine, qu'est-ce qui arrive je croyais que tu voulais absssssolument apprendre toutes les ficelles du cocktail ? J'ai du boulot pour toi moi, en plus il y aura beaucoup de beaux et jeunes touristes c'est dommage !

- J'ai changé mes plans.

- Je vois ça. Le gamin, il repart quand déjà ?

- Il devait rentrer dans deux jours. Il ne part plus. Je lui ai trouvé du travail, on bosse ensemble à la bodega.

- Sérieuuuux ? C'est pas posssssible mais il va rester combien de temps ?

- Ca t'embête tant que ça ?

- Mais quelle idiote celle-là, comme ci j'étais ennuyé que tu sois heureux, mais mon choux profite du bonheur oui ! Je m'intéresse c'est tout !

- Ok bha si tu veux tout savoir, il reste le temps de me prouver que je peux avoir confiance et repartir avec lui !

- Oh non ! Me dis pas ça ! Ho, c'est pas vraiéééé ! Toi aussi tu t'en vas ? Roo mais qu'est-ce que je vais devenir ? Et pour allé où à Pariiiisss ? Tu es FOU ! C'est stupide! J'te déteste !

Yann ne semble pas prendre au sérieux les commentaires de son ami(e).

 - Allé viens t'assoir au bar et explique-moi tout ça ! Et pourquoi lui ! ?

- Je l'aime...

- Ha mais oui mais nan ! L'amour c'est pas une excuse ça !

- Arrête !

- Que j'arrête ? ! Hé les filles regardez-le franchement, il me quitte c'est une tragédie et il rigole, non mais j'te jure ! Et puis parce qu'il est amoureux, mon petit ROoo... Ce qu'il faut pas entendre quand même.

- Tu viens de dire que tu voulais mon bonheur ! se défend Yann un peu narquois.

- Ho bha, si tu crois que l'amour fait le bonheur c'est que t'as encore rien compris du tout à la vie !

- Sérieusement Crys, tu vas me manquer, vous allez toutes me manquer ! Mais je ne suis pas encore parti hein !

- L'amour, moi aussi j'ai quitté l'île pour aller à Paris, moi aussi je l'ai rencontré l'amour...

- Tu nous as jamais raconté, l'interroge Yann mine de rien, tout en dégustant son coca bien frais à la paille.

- C'est qu'il n'y a pas grand-chose à en dire, Paris c'est froid, c'est gris, c'est sale et pour oublier ça, je ne sortais QUE la nuit. Les lumières des boîtes font illusion. Dans les clubs, les gens rient et s'amusent. En vérité ils font semblant, tout n'est qu'un miroir aux alouettes !

- Comme ici quoi.

- Arrête de dire des âneries plus grandes que toi, ici on a le soleil, elle est belle notre île !

- J'aime pas le soleil, ronchonne le rouquin.

- Quel grognon !

- Et cet amour à Paris ?

- Un homme marié, un docteuuuur s'il vous plaît. Il n'était pas le seul, c'est que je plaisais beaucoup, à l'époque, tu sais. Mais lui m'entretenait, c'est que j'avais des frais moi. Il louait une petite chambre de bonne et venait me sauter quand ça lui chantait. Et tu sais, il m'apportait des bouquets de fleurs à la fin de chaque revue. À l'époque je me produisais dans un spectacle de travestis très in'.

- Toi ? Haha !

- Bha oui moi, pourquoi ? Il rigole regardez-le, que tu es mal élevé chéri, je te botterais bien ton petit cul de blanc !

- Genre la cage aux folles, je t'imagine très bien, le film c'était au même moment en plus !

-  Marre-toi vilaine. Déjà pour ta culture personnelle, ce fût d'abord une pièce de théâtre, mais ça, le théâtre vous les jeunes hein... Cela-dit tu as un peu raison, c'était tout-à-fait ça et m'imagine pas en esclave noire, j'aurais très bien pu jouer la grande Zaza. Même si ce nom est d'un stupide...

- Tu avais déjà les tifs décoloré à cette époque ?

- Écoutez-le se moquer de ma perruque, sale gosse ! Figures-toi que j'avais mes accès dans une grande école de coiffure, je ne payais rien du tout pour être belle !

- Ça avait l'air d'être sympa, pour quelles raisons tu regrettes ?

- De la poudre aux yeux mon petit, j'me voyais déjà star pleine de paillettes haha ! J'imaginais que mon docteur divorcerait et qu'on irait vivre à Canne, ou à saint trop', nous aussi, sous le soleil du sud. La réalité m'a explosée en pleine face. Et puis mon île me manquait, les gens là-bas sont d'une fausseté rare et je n'avais pas vraiment d'ami.

- Et ton chéri ?

- Il n'a pas quitté sa femme bien sûr. Aucun mec ne l'a fait pour moi et j'ai commencé à vieillir. Ça devenait dur de trouver du travail. Je n'savais rien faire d'autre. Finalement je suis rentrée au pays, j'ai bossé dans une petite boite de nuit du côté de St Gille, j'ai fait mes petites économies puis j'ai ouvert les bars et le club que tu connais. Paris m'a uniquement donné la voie à suivre, le reste ce fut surtout beaucoup, beaucoup de désillusions mon cher. Méfies-toi des parisiens !

 

*

Il a bouclé sa valise de la même manière que s'il voulait rentrer en métropole. Cinq ou six fois, Gabriel a voulu aller parler à sa sœur, sans y être parvenu. Il ne dort quasiment plus, et pendant les rares moments de répits, des cauchemars l'entrainent malgré lui. Que faire ?

- Je ne surmonterais pas ça.

 Lorsqu'il est en présence de Laurianne, qu'il la voit faire ses bagages, il ne peut s'empêcher de se dire : "Elle va partir sans moi mais elle ne le sait pas encore." Et il se sent mal. Quand il se trouve avec Yann, il pense à la valise qui l'attend, déjà close, dans sa chambre et sa pensée est tout autre : " Il croit que je reste, en réalité j'ui mens ! "

L'horreur, qui abuse-t-il ? Lui-même ça c'est certain. Il aimerait se dérober. Incapable de choisir, il se laissera porter jusqu'à la veille du départ.

 

Ça n'est qu'à cause d'un malencontreux concours de circonstance, ou d'une erreur dans l'heure d'un rendez-vous, que Yann, Laurianne, Gabriel et la valise seront amenés à vivre une confrontation imprévue. Celle-ci mettra le goth au pied du mur.

 

La fenêtre est ouverte, le chant des oiseaux pénètre dans la chambre, le temps est beau sans être caniculaire ni humide. Yann est venu prendre le début des bagages de son copain afin de les amener chez les parents de Marie. Il est un peu en avance ou bien c'est Gabriel qui est en retard. Tout va bien dans sa tête, il est pressé d'être au lendemain quand son homme sera enfin tout à lui. Soudain dans un coin de la pièce quelque chose attire son attention, la nouvelle étiquette visible, sur la poignée de la valise de Gabriel. Dans quelle intention Gabriel aurait-il remis une étiquette ? Intrigué, il s'en approche. Il y lit : "Départ : aéroport de St Pierre" "Arrivée : Orly " suivit de l'adresse. Quelque chose se retourne dans son ventre, son cœur s'arrête, un nœud se noue dans son estomac. Son regard survole de nouveau la chambre. La guitare est si bien emballé, trop bien.

- Non c'est pas possible ! Il va pas me faire ça !

Il panique, partout autour de lui, l'événement qui se profile lui saute aux yeux. Les vêtements de voyage pliés et posés sur une chaise, comprennent un blouson d'hiver et un pull, parce que c'est janvier et qu'à Paris, c'est l'hiver. Il fouille un sac posé sous la fenêtre : des souvenirs pour les amis s'y trouvent, des bouteilles de rhum, du sucre de canne...

Gabriel est absent, Laurianne fait les cents pas dans toute la maison et organise le départ,  Yann seul dans cette chambre, est mortifié.

 

Son frère vient de pénétrer dans la maison, il a complètement oublié le passage de Yann. Deux heures qu'il tourne et retourne ses problèmes en marchant sur la plage.

- Te voilà enfin, s'exclame Laurianne. Yann t'attend. Ça va, tu tiens le coup ? Une séparation ça n'est jamais facile. Tu as l'air troublé depuis quelques jours. Tu ne nous en parle pas, ça m'inquiète, ça se passe comment ? En tout cas Yann à l'air de le prendre bien, je suis étonnée ! Il est entré tout à l'heure tout guilleret !

- ...

Yann est dans sa chambre ! L'affolement s'empare de lui. En entrant dans la pièce, il comprend qu'il est déjà trop tard. Il espère lâchement que Yann n'ai parlé de rien à sa sœur, ce qui heureusement à l'air d'être le cas. Le jeune bassiste assis sur le lit est blême. Ses iris brillent d'une lueur étrange, ses mains tremblantes trahissent son calme apparent. A l'arrivée de Gabriel, il se contente de le fixer gravement, muet. Il attend un mot, un seul qui contredirait ce qu'il croit avoir compris et qui l'emplit d'effroi. Mais le brun baisse la tête, bêtement mort de peur et de honte. Il reste debout, face à ce garçon dont il est en train de bafouer les sentiments à cause de son incapacité à prendre une décision, ou plutôt à s'y tenir.

Yann qui voit passer et repasser celle qu'il croit avoir été choisi à sa place sent la colère monter.

- Tu pensais me le dire quand ? demande t-il bien fort pour qu'elle entende.

- De quoi ? sort Gabriel d'une voix blanche.

- Ha, putain en plus me prend pas pour un imbécile ! C'est quoi tout ça ? crie-t-il à présent.

Gabriel ne réussi pas à aligner deux syllabes compréhensives.

L'autre se lève, lui lançant le pire regard courroucé qu'il ait vu jusqu'ici.

- Tu avais l'intention de disparaitre sans me prévenir c'est ça ? Te tirer en douce après m'avoir persuadé que...

Les mots s'étranglent dans sa gorge, il ne termine pas sa phrase.

Gabriel paniqué répond enfin :

- Non, j's'rais jamais partie comme ça, panique le parisien. J't'aime. J'avais pas l'intention de...

- De quoi ? De filler à l'anglaise ?

Yann hèle Laurianne qui passe derrière.

- Hééé ! Tu l'as dit à ta sœur hein ? Il vous l'a dit ?

- De quoi ? Me dire quoi ?

Les jambes de Gabriel deviennent coton:

- Rien, j'ai rien à dire moi, bredouille-t-il.

Yann le toise, hors de lui, alors que Laurianne les détaille, suspicieuse mais pressée.

- Écoutez les garçons, là j'ai un départ à organiser, on est presque dans le déménagement vous voyez ?! Je comprends que vous puissiez avoir vos petits soucis seulement là...

- Chérie les sacs ne rentrent pas ! vient alors se plaindre Erwan, débarquant comme un cheveux dans la soupe.

- J'arrive ! le rassure Laurianne. Désolée, je n'ai pas le temps pour vous, réglez vos différents comme des grands ! Gabriel si je peux, on parlera ce soir ! annonce-t-elle enfin.

Déjà, elle a disparue à l'autre bout de la maison.

- Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu m'as fait espérer ? Pourquoi ? Je t'ai cru !  gémit Yann aux bords des larmes.

- Attends c'est pas c'que tu crois, j'veux pas partir !

L'androgyne plisse les yeux essayant de comprendre.

- C'est juste que j'peux pas rester, j'y arrive pas !

Yann hoche la tête négativement, totalement dépité.

- Tu n'es qu'un gamin, jamais j'aurais dû m'enticher d'un môme de dix huit ans.

Il s'enfuit, le bousculant au passage pour sortir. Gabriel n'ose pas le retenir. Il se contente de s'effondrer en comprenant qu'il vient sans doute de le perdre.

 

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