Little Louis, Paris
1976
* * * 29 * * *
Dans les légendes du blues,
Il y a les maudits, les talentueux, les escrocs,
Les écorchés et ceux qui ont pactisé.
Mais il y a aussi des anges montés
Sur la dernière scène pour veiller sur eux
Le Roi Serpent, un soir de beuverie
* * *
Cy et Louis restèrent un moment assis l’un en face de l’autre sans parler, sans rien se dire. Comment se réconforter quand ils étaient aussi blessés. Ils se quittèrent au bout d’un moment. Le serveur essaya d’avoir quelques mots gentils mais Louis n’entendit rien. Ce jour-là, aucun des deux n’iraient en cours. Le monde d’avant n’existait plus.
Ce soir, Cy s’enferma dans sa chambre. Assaillie par ses démons, sa solitude et cette nouvelle souffrance elle essaya de se consoler, telle Alice aux pays des merveilles cherchant non pas un remède, mais une dose de rêve en injection, une dose de rêve plus forte que d’habitude, une dose de rêve dont elle serait l’héroïne, une dose de rêve dont elle ne sortirait plus jamais.
Louis passa sa journée à errer. Il retourna dans tous les endroits où ils avaient leurs habitudes. Jesse n’était nul part. Tulsa ? Pourquoi Jesse tenait-il tellement à aller à Tulsa ? Pourquoi croyait-il si fort à cette légende du serpent noir au point de se tatouer la moitié du corps ?
Tulsa ! Tout au long de la journée, ce nom, ce lieu devint également une obsession pour Louis. Il rentra chez lui à la nuit tombée. Ses parents étaient déjà couchés et sa mère lui avait préparé un repas qu’il ne toucha pas. Il s’enferma dans sa chambre et il sortit du papier et un crayon. Il s’installa à son bureau et se mit à écrire. C’était un exercice qu’il aimait, il s’imaginait devenir poète ou écrivain. Il aimait la magie des mots quand ils s’enchaînaient pour dessiner un tableau. Mais cette nuit il écrivait à ses parents. Il leur expliquait qu’il ne savait pas qui il était, qu’il ne pouvait plus perdre son temps à apprendre ce que d’autres voulaient lui enseigner. Il leur raconta qu’il ne voulait plus rester à Paris. Il leur écrit qu’il les aimait et leur demanda de ne pas s’inquiéter. Il reviendrait quand il se serait trouvé.
Le lendemain matin sa mère trouva sur la table de la salle à manger le repas qu’elle avait préparé la veille. Devant le verre attendait une enveloppe avec la mention « Maman ». Sans même ouvrir cette lettre, elle se mit à pleurer. Alors que le papa de Louis essayait d’être fort et de consoler sa femme, Louis était déjà dans un train qui l’emmenait vers l’ouest direction Tulsa.