C’est alors qu’Elduir-Khal la sage,
déesse du vent et des orages
offrit aux fées un instrument extraordinaire,
et portant le nom de tambour-tonnerre.
Cet artefact possédait un mystérieux pouvoir,
celui de faire venter, de faire pleuvoir,
de faire tomber la foudre, de provoquer les orages,
voici ce qu’était l’offrande d’ Elduir-Khal la sage.
Extrait du poème « Les sept présents des Sept »
Après la visite du trésor des elfes, les délégations retournèrent dans la grande salle de bal. Ome resta prostré dans un coin à regarder les convives danser. De toute manière, personne n’aurait accepté un dernier né de Nunn comme cavalier. Pour une fois, exceptionnellement, Victoire n’exécutait pas le menuet avec cet imbécile de prince Sirius. Le vaniteux dauphin se pavanait tel un paon, enchaînant les danses avec toutes les prétendantes de haut rang que comptait le royaume. En tant qu’héritière femelle du plus grand dignitaire du royaume, la fille du baron Ugmar dansait avec le prince Hector. Cela brisait quelque peu la convention établie par le grand chambellan qui promettait sa fille à la couronne elfe, même si aucune demande officielle de mariage ne pouvait pour l’instant être effectué au regard de l’âge des deux promis.
La soirée paraissait interminable à l’apprenti espion, d’autant qu’il était effrayé à l’idée que son larcin dans la salle du trésor ne fusse découvert. Par anxiété, le garçon manipulait machinalement la petite bourse de cuir fourrée au fond de sa poche. Au bout de deux bonnes heures, Slymock s’assit brièvement à côté de Ome. Son cœur cogna à tout rompre. L’intriguant vêtu de noir l’avait-il surpris dans la salle du trésor ? Apparemment non car il lui chuchota discrètement.
« C’est bien mon garçon. Voici une journée bien remplie pour toi, tu m’as l’air éreinté par toute cette activité de cour. Tu devrais prendre congés pour regagner ta chambre. Et continue à rester en éveil et à écouter. C’est ainsi qu’on en apprend le plus sur le monde ! »
Ome était soufflé par l’intelligence et le talent de l’éminence grise du grand chambellan. Même si un quelconque adversaire du baron Ugmar avait surpris ce bref échange, jamais il ne pourrait se douter de la consigne tacite que le maître espion venait de dispenser à son apprenti. Pourtant, pour le garçon, l’ordre était limpide. Il devait veiller cette nuit pour entendre tout ce que la délégation dryade pourrait dire dans la chambre du prince Hector. L’essentiel était qu’il venait d’obtenir l’autorisation de quitter la salle de bal. Il retrouvait sa liberté. Non, il retrouvait une illusion de liberté car il n’était pas seul maître de ses actes. C’est Slymock qui lui disait quoi faire et quand le faire. Lui n’avait plus à se soucier du pourquoi. Était-ce un bien ou un mal, il l’ignorait, mais cela lui permettait d’avancer et de progresser un peu plus. Le vrai temps des questionnements viendrait bien assez tôt, pour l’instant, il pouvait fuir cette affreuse, interminable et lénifiante cérémonie protocolaire.
En un éclair, Ome se retrouva lavé et changé, assis sur son lit, l’oreille attentive au moindre bruit émanant de la chambre d’en-dessous. Dans l’attente de l’arrivée du prince Hector, le garçon sortit enfin l’objet de son larcin de sa poche pour l’examiner plus attentivement. Cette bourse faite d’un cuir de qualité ne présentait rien d’extraordinaire à première vue. Elle était fermée par un cordon tressé avec de minuscules médailles aux deux bouts. Sur les deux pièces peut-être en or, des lemniscates étaient gravés ainsi qu’une inscription. Malgré ses nouvelles connaissances en linguistique, Ome ne parvenait pas à la déchiffrer. Elle n’était écrite dans aucun des idiomes du bouclier-monde. Pourquoi le roi des elfes avait-il entreposé ce bête sac dans la salle du trésor ? Peut-être renfermait-il quelque chose de vraiment précieux.
Le novice de la cambriole dénoua le lien de cuir et plongea ses doigts pour saisir ce que renfermait la bourse. Les phalanges s’enfoncèrent, puis la main. Lorsqu’il avança jusqu’au poignet sans toucher la moindre paroi, la stupeur gagna Ome. Alors son bras rentra dans le petit sac jusqu’au coude, puis jusqu’à l’épaule toujours sans aucun contact. La petite besace possédait-elle un fond ? Voici un mystère qui demandait éclaircissement. Pour assouvir sa curiosité, le garçon alla chercher son balai puis sonda la poche de cuir. Tout le manche pénétra sans difficulté. Un prodige s’accomplit alors. L’ouverture de la bourse s’agrandit et avala littéralement la large brosse et le bras suivit encore jusqu’à l’épaule ! Par quel prodige était-ce possible ?
Ome mourait d’envie de voir à l’intérieur de ce mystérieux sac. Il commença à étirer l’ouverture au maximum et celle-ci sembla être en capacité de s’écarter à l’infini à tel point que rapidement, le garçon fut en capacité d’y passer la tête. A l’intérieur de la besace, l’apprenti espion découvrit une sorte d’île. Il mourait d’envie de pénétrer plus avant, mais la prudence étant mère de la sagesse, il prit un temps de réflexion pour assurer ses arrières. Hors de question pour lui de se retrouver prisonnier de cet objet magique. Ome s’enquit donc d’une longue et solide corde puis en accrocha la première extrémité à la poutre qui traversait sa chambre mansardée avant d’entourer l’autre bout autour de sa taille. Ainsi assuré, il se donnait une chance supplémentaire de retrouver la sortie du sac.
Le dernier né se lança avec un mélange d’excitation et d’appréhension. Il passa d’abord la tête et l’épaule gauche puis il agrandit l’ouverture pour passer la jambe gauche. Le pied se posa sur le sol de l’île. Le touché était semblable à de la pierre et l’appui relativement stable alors Ome rentra progressivement jusqu’à ce que seule sa main droite sortait encore du sac. Un halo de lumière blanche entourait son poignet et la corde arrimée dans la chambre. Le jeune explorateur tira son bras et se retrouva entièrement dans le microcosme du sac. Cette corde pendant dans le vide et venant d’on ne sait où procurait une impression étrange. Anxieusement, le juvénile aventurier replongea sa main d’où elle venait. Rien ne se produisit. Plus fébrilement encore, il remonta ses doigts le long de son fil d’Ariane improvisé. Son soulagement fut total lorsque l’anneau luminescent s’agrandit pour autoriser le passage et donc le retour sur le bouclier-monde.
Rassuré sur sa porte de sortie, Ome effectua quelques pas de recul pour débuter son exploration. La nature du sol changea, passant de la pierre à de la terre végétale. Une stèle circulaire d’environ deux mètres indiquait l’emplacement de ce qui semblait être un portail reliant les deux mondes. L’île sur laquelle le garçon se trouvait s’étalait de toutes par sur une centaine de mètres et était entourée d’un ruban d’eau large d’une centaine de mètres également. Sept petits îlots émergeaient en périphérie. Ce microcosme avait été construit à l’image du bouclier-monde ! En se remémorant ses cours de géographie, Ome reconnut l’Orcania dans les monticules formant un croissant, puis les trois monts de la forteresse des oliphants, la passe des montagnes noires et la vallée de Pyrbe. La stèle centrale représentait donc le territoire sacré des dragons. La voûte stellaire ne comprenait par contre pas toutes les constellations. En faisant appel à ses connaissances historiques et astrologiques, Ome conclut que la bourse magique avait été construite au cours de l’ère des trolls.
Tout à son observation de cet univers de poche, le pas de l’explorateur novice butta contre quelque chose recouvert d’une fine couche de terre. Prestement, il épousseta sa nouvelle découverte. Décidément, son petit larcin menait l’apprenti espion de surprise en surprise. Il tenait dans ses mains un crâne d’elfe ! En quelques minutes, Ome exhuma trois squelettes complets ainsi que deux autres crânes. Les corps affichaient des marques évidentes de combat. Des armes traînaient çà et là au milieu d’os coupés ou fracassés. Ainsi, des elfes étaient morts prisonniers dans ce microcosme. Il était donc temps de sortir. Le garçon remonta sa carde et connut une légère appréhension avant de franchir le portail, mais tout se déroula comme il l’avait prévu et il rejoignit sa chambre sans heurt ni fracas.
Le souffle court, Ome s’assit sur son lit. Cette expédition tout aussi incongrue qu’extraordinaire allait lui donner matière à réflexion avant le retour du prince Hector dans sa chambre. Les elfes prisonniers s’étaient-ils livrés au cannibalisme ? A priori, aucune source de nourriture n’existait dans cet univers de poche. D’ailleurs, l’eau était-elle potable ? Comment faire pour ne pas se retrouver enfermé par mégarde dans le sac ? Qui avait fabriqué cet objet prodigieux ? Demain, il se rendrait à la bibliothèque pour lever le voile sur cette mystérieuse bourse de cuir magique ! En tout cas, le garçon possédait l’intime conviction que ce trésor négligé par les elfes était sous-exploité et disposait de perspectives insoupçonnées. Mais ce trésor était-il réellement négligé ? Demain il le saurait à coup sûr. Si cette besace enchantée reverrait la moindre importance aux yeux des elfes, ils mettraient tout en œuvre pour la retrouver et le voleur la remettrait au grand chambellan. Dans le cas contraire, Ome s’accaparait son premier artefact, semblable à ceux des héros des légendes. Qui sait, peut-être deviendrait-il le champion des derniers nés de Nunn.
Alors qu’il se prenait à rêver d’une destinée glorieuse, le grincement de la porte de la chambre du prince Hector réactiva l’attention de l’apprenti espion. Deux personnes venaient de pénétrer dans la chambre...non trois personnes. La discussion s’engagea. Ome reconnut la voix de la princesse Epiphone.
« Alors mon fils, comment as-tu vécu cette première journée parmi les elfes ? »
« Ma foi mère, je trouve ces elfes imbus de leur personne. Surtout Sirius, le dauphin du roi Roll. Je n’ai aussi pas supporté cette débauche de moyens et cet étalage de richesses. Vous avez vu comme moi le nombre d’animaux ont été abattus pour la cérémonie ! Il y en avait plus d’une par convive ! Une véritable hécatombe ! C’est insupportable ! Nous sommes ici bien loin des préceptes enseignés par Génoas-Khal et Cess-Khal. »
« Je te l’accorde Hector, c’est insupportable. Pourtant, tu vas devoir le supporter au moins pour la durée de ton cursus, mon fils. Tu vas devoir te montrer fort ! »
« Je sais que toi, tu respecteras l’enseignement des dieux des élémentaires, mon poussin. » Cette phrase provenait d’une deuxième voix féminine. C’était sans doute celle de la discrète dryade qui suivait la princesse Epiphone comme son ombre.
« Cela me paraît tellement dur ! Comment vais-je faire, parmi ces nobles coupés de leur peuple ? L’enseignement des élites, quel scandale ! Tout le monde devrait en bénéficier comme chez nous. »
« Mais tu dois suivre ce cursus ! Pour les dryades et les satyres, tu dois apprendre de nos ennemis. Tu dois apprendre leurs techniques militaires, leurs vices et leurs points faibles pour devenir le chef de guerre qui nous manque tant et qui nous mènera à la victoire ! » La lueur d’espoir présente dans la voix de la princesse Epiphone rappelait à Ome celle de sa mère la dernière fois qu’elle lui avait parlé. « Et si tu restes seul, c’est autant pour illustrer la modestie des peuples que pour te protéger de suivants qui t’empêcheraient inévitablement d’infiltrer le monde elfe en te maintenant en vase clos. »
« Ne t’inquiète pas mon poussin. Tu sais parfaitement que moi, ta bonne et gentille Iphigénie, viendrait régulièrement te rendre visite et assurer ta correspondance avec ta mère. »
« Comment pourrais-je infiltrer leur société alors que je serais cantonné à leurs élites ? Notre projet nécessite le contact du peuple ! » protesta le prince héritier.
« N’oublie pas ce dernier né de Nunn. Il est ta porte d’entrée sur la vraie société des humbles de Zulla. Il a l’air gentil, serviable et il me semble que vous avez déjà sympathisé. Je t’ai vu lui lancer un défi dans la salle du trésor. Ne nie pas mon fils, c’est le même bizutage que tu effectues avec les nouveaux à Neptnas. Il est doué le petit. Si je ne te connaissais pas si bien, je n’aurais rien vu. Toi tu as chapardé quoi ? »
« Une simple pierre précieuse, mère. Mais je comptais la rendre un jour, lorsque j’en aurais l’occasion. »
« Non, tu dois renoncer à ton honnêteté dans le monde elfe. Pense uniquement à l’intérêt des peuples des périphériques. Tu le redonneras au petit peuple auquel ce diamant a été spoliée. Et cela te permettra de créer de bons rapports et tisser une éventuelle alliance. Essaie d’impliquer Ome en lui demandant de t’aider à revendre ce joyau. »
« Mais il pourrait me trahir et m’accuser de vole ! »
« Tu es prince, mon fils ! Ta parole vaut plus que la sienne. Nous pourrions maquiller cela en une quelconque tradition et rendre le produit de ton vol. Par contre ainsi, nous saurons immédiatement si ce dernier né de Nunn peut constituer un allié potentiel dans notre entreprise ! En attendant, méfie-toi de lui comme de tous les autres. »
« Grace à la résilience de Génoas-Khal et la célérité de Cess-Khal tu mèneras à bien ta mission mon poussin. J’en suis certaine ! Foi d’Iphigénie ! Viens ici que je t’embrasse une dernière fois avant que l’on parte ! Demain, devant les officiels, ce sera impossible. »
« Allez Hector ! A présent, il est temps de dormir ! Iphigénie viendra tous les mois pour voir si cela se passe bien. Si tu rencontres le moindre problème, réfugie-toi dans notre comptoir de Zulla. Il n’est qu’à quelques pas. »
« Je ne peux pas y dormir avec vous encore ce soir ? »
« Non Hector. Dès ce soir, il te faut rentrer dans ton nouveau rôle. Je suis fière de toi mon fils ! Je suis fière du sacrifice que tu t’apprêtes à réaliser pour la gloire future de nos peuples ! »
« Nous sommes tous fiers de toi, mon poussin. A présent, tâche de te reposer et de dormir. A demain, mon futur guide des élémentaires. »
« Bonne nuit ! A demain mon Hector ! Ton papa aussi serait fier de toi ! »
« Bonne nuit Iphigénie ! Bonne nuit maman ! A demain ! »
Alors que la porte se refermait, le cœur de Ome faisait de même. Alors qu’il était prêt à se livrer au prince Hector, celui-ci ne le considérait que comme un pion, exactement comme le grand chambellan. L’hybride était la seule personne lui ayant manifesté un semblant d’affection depuis que le garçon était arrivé à Zulla, mais cette démarche s’avérait intéressée. Seul Ome était arrivé, seul il resterait. Cela deviendrait sa force !
J'ai bien aimé ce chapitre intrigant. Quel est ce nouvel artefact magique et à quoi va-t-il lui servir ? Je suis intriguée. Est-ce un endroit où Ome va venir se cacher ? Ou pire va-t-il un moment y rester bloqué ?
Que le satyre soit investi d'une mission similaire à Ome pour les siens ne m'étonne pas. Ome se sent trahi, pourtant ce point pourrait rapprocher les deux garçons, ainsi que leur haine commune des Elfes. J'ai comme l'impression qu'il s'agit d'un allié d'Ome.
J'ai hâte de savoir ce que tu nous réserves pour la suite.
Mes notes de lecture : j'ai juste relevé 2-3 coquilles :
"L’île sur laquelle le garçon se trouvait s’étalait de toutes par"
> Tu as deux verbes
> parts
"Le garçon remonta sa carde,"
> corde
"Tu sais parfaitement que moi, ta bonne et gentille Iphigénie, viendrait régulièrement te rendre visite"
> viendra
Lorsque j'ai inventé ce sac magique, je ne savais pas trop ce qui allait en résulter. Peut-être qu'inconsciemment, j'avais des références comme la salle d'entraînement de DBZ ou le micro-monde de Marvel. En écrivant, je suis quand même architecte, mais j'aime bien semer quelques graines comme un jardinier. Et il se trouve que j'ai bien exploité la sac microcosmique par la suite, lui découvrant toujours plus d'utilités. Je ne te raconte pas pour te laisser découvrir par toi-même. En espérant que tu ne décèlera aucune incohérence sur cet artefact.
Et peut-être te doutes-tu qu'il y aura d'autres artefacts. Le poème du début parle des sept présents des Sept!
> Oui c'est un peu ça maintenant que tu le dis 🙂
(En revanche, je connais peu l'univers Marvel.)
Ces artefacts vont donc prendre de plus en plus d'importance. Je me demande ce que tu nous réserves...
Le fait d'intégrer des objets magiques dans ton univers déjà bien complexe rajoute énormément d'ouvertures.
Je pense que tu dois bien t'amuser à imaginer tous ces artefacts^^
J'ai beaucoup aimé le monde dans la petite bourse, je regrette juste qu'il en soit sorti si vite. Il faudra attendre avant d'en savoir plus. Si j'ai bien compris, c'est une version miniature du monde-bouclier. Je suis curieux de voir comment cela sera exploité. En tous cas, je trouve l'idée très bonne.
C'est agréable de suivre Ome à travers ses péripéties et désillusions. Il semble également être attiré par la fille d'Ugmar, ce qui provoquera peut-être un dilemme pour lui plus tard.
A bientôt!