(Un peu, beaucoup, à la folie ?)

Notes de l’auteur : On l'aura compris depuis le début, parler de ses sentiments n'est pas le fort de Uzu et Gabriel lui comme toujours s'angoisse, s'inquiète, se questionne mais ne pose aucune question. La communication les petits gars, y'a que ça de vrai !
 
 

 

 

Gabriel sort de la douche et pénètre dans la chambre, les cheveux mouillés, la serviette autour de ses hanches glisse un peu, le maquillage noir pas tout à fait parti fait ressortir la couleur de ses yeux. Uzu se surprend une fois de plus à l'admirer. L'autre, tout à fait conscient de cet état de fait, relève un sourcil amusé.

- Tu m'mates ? Tiens, t'es rhabillé ? T'vas pas dormir avec tes nouvelles fringues quand même ! se moque-t-il gentiment.

Uzu rougit légèrement se mirant de nouveau dans le miroir.

- Un vrai gosse ! Oui, t'es beau Narcisse ! T'sais quoi ? J'ai envie d'te les enl'ver tes jolis habits, beau gosse ! insiste-t-il l'œil brillant.

- Beau gosse ?  Tu me trouves beau ? Vraiment ? En dehors du fait que ça le f'ra sur scène ?

- T'es sérieux là ? Ça t'va super !

- Toi tu as déjà un vrai physique à la base, tu as les qualités pour poser, moi je suis tellement commun. Ces fringues elles me vont bien je trouve, j'ai un peu plus l'air de quelque chose, mais ce sont les fringues.

Gabriel tente de s'assurer qu'il n'est pas en train d'imaginer cette conversation absurde. Est-ce bien son magnifique Uzu, celui-là même qu'il trouve d'une beauté si singulière qui ose douter ainsi ? S'agit-il vraiment de son chéri, de ce jeune homme simple et justement sans artifice, qui se trouve une fois de plus en train de se torturer les méninges avec des questions idiotes sur son physique ?

- C'est l'monde à l'envers... prononce-t-il doucement. Mon amour, t'as b'soin d'aucun subterfuge pour être adorable. J'estime avoir tell'ment d'chance d'avoir rencontré l'mec de mes rêves.

Gabriel l'enlace par derrière et quand Uzu se vrille afin de lui faire face, c'est pour lire sur son visage cet amour dont le goth lui parle sans cesse. C'en est trop, Uzu fond sur lui et se met à l'embrasser partout, la figure, le cou, le front, les paupières, pas un millimètre de peau ne lui échappe. Cet adorable élan de tendresse déclenche tout d'abords chez Gabriel un fou rire qui finit par se calmer un peu. Au milieu de toute cette effusion, il se trouve touché par la réaction du japonais qui s'emporte, exalté. Sa bouche claque, ses mains meurtries, bandées, et râpeuses caressent ses joues sans vouloir se calmer.

- Hooo, j't'aime, j't'aime, roucoule Gabriel, hilare, dans un souffle, pris dans cette furieuse manifestation d'amour.

- J'ai eu peur, tellement peur pour toi ! réussi enfin à avouer Uzu.

Gabriel l'éloigne légèrement et le scrute.

- Quoi ? Qu'est-ce tu veux dire ?

- Les images de ce qui m'est arrivé, ta peur, ma peur, ta douleur, la mienne, tout s'est mélangé. Je t'ai vu à ma place, ça m'a fait paniquer, je ne pouvais pas imaginer qu'on te le fasse, pas à toi, pas ça !

- Il a eu peur pour moi. Sa réaction était pour me protéger. Si ça, c'est pas de l'empathie ! Il repense aux propos de cette mère qui décidément connait bien mal son fils.

- Ho, mon cœur, viens là.

Gabriel l'entraine dans un baiser passionné. Leurs hanches se plaquent l'une contre l'autre, leurs corps s'épousent, leurs esprits s'abandonnent, ils ne font plus qu'un. Ils font l'amour lentement et s'oublient longtemps, tendrement, sans un mot.

*

Deux heures du matin, Gabriel assis sur la baignoire change les pansements de Uzu.

- C'est une chance que la tétée de Hugo t'ait réveillé !

Face à lui, à moitié endormi, le blessé se tient debout, les mains en avant, contusionnées et gonflées. Le sang a recommencé à couler et est passé au travers des compresses. Gabriel l'observe tout en le pansant soigneusement. Il l'aime et ça lui fait réellement peur.

Le japonais s'est totalement offert tout à l'heure, ils ont échangé tant de caresses, tant de baisers, il donnait l'impression d'être presque ivre de douceur. Jamais pourtant, il n'a prononcé les trois mots tant attendus. Pourquoi ?

Là encore, Uzu le laisse prendre soin de lui, confiant, mais ne dit toujours rien. Gabriel ne comprend pas. Tant qu'il croyait que Uzu avait des hésitations, tant qu'il le voyait se raidir, tant qu'il se demandait s'il allait partir, il pouvait comprendre qu'il fasse tout pour ne rien laisser transparaître, en dehors de l'envie sexuelle, d'être avec lui et le besoin d'affection pour être bien. Mais là ?

- Il a l'air amoureux non ? Ou bien il joue un rôle ? Fait semblant ? Dans quel but ? En fin de compte Gabriel se retrouve perturbé, surtout à cause des paroles de cette mère. Il espère qu'elles ne sont rien de plus qu'un venin qui empoisonne ses réflexions déjà confuses. Pourtant...

- Pourquoi ne me dit-il pas qu'il m'aime ?

*

La journée du vendredi est pour Uzu plutôt étrange. Il a l'impression de vivre au ralenti. La veille a été éprouvante mais après une nuit pareille, plus grand choses n'a d'importance. Pour lui aujourd'hui c'est congé, la bastonnade a eu ça de bon, que le médecin légiste lui a accordé trois jours d'incapacités. Ses mains le font souffrir, mais en vérité il s'en fiche, puis, pour tenir un micro ce n'est pas bien grave. Cet après-midi c'est répétition, il va pouvoir se vider la tête. Il en a besoin, il est chamboulé et l'agression, étrangement n'en est pas la cause, elle passe au second plan. La raison, c'est cette merveilleuse nuit. Il sent en lui un changement, il a vécu entre les bras de Gabriel une sorte de capitulation, aussi bien de son corps que de son esprit. Une incroyable facilité à se laisser aller au bonheur. Il se dit qu'il le doit à Gabriel, se sent redevable et quelque part à l'impression que son amant attend quelque chose de lui. Il a pourtant tout donné cette nuit.

Yann le rejoint à l'appartement pour répéter pendant une petite heure avant que l'ex petit ami ne prenne lui aussi son service.

- Wouaaa, il y a eu bagarre ? s'étonne le bassiste.

- Trois mecs se sont jetés sur Gabriel.

- Ha oui? Il... il va bien? s'inquiète-t-il sans même prendre la peine de feindre l'indifférence diplomatique.

- Il a eu la lèvre fendue, avoue Uzu, gêné.

- Putain pauvre choux... Et les autres gars ?

- Deux ne se sont pas relevés.

- Ha, quand même... Vu tes mains, je suppose que c'est de ton fait ?

- Je n'ai pas réfléchi. 

- Lorsque j'ai connu Gabriel, la première soirée qu'on a faite ensemble halàlà, j'ai foutu mon poing dans la gueule d'un gros con, je te dis que ça ! Je me suis bousillé les phalanges chéri, terrible ! J'ai joué les fiers, pour être honnête, j'avais trooop mal. Si tu savais comme j'ai douillé ! C'est le beau frère de Gabriel qui m'a foutu de la glace dessus. En plus, je tenais une grippe carabinée ou un truc de ce genre, ça m'a mis down. Gabriel m'a laissé dormir dans son lit, j'ai rien vu de la nuit ! J'étais tellement super mal, j'ai même pas pu profiter d'y être !

Uzu n'ose rien répliquer, néanmoins, il n'apprécie guère que Yann lui balance ses souvenirs à la figure. Il n'aime pas imaginer ces deux là ensemble, jalousie ? Il se surprend plusieurs fois à se questionner en écoutant Yann. Il est curieux. Il aimerait savoir si Gabriel l'a aimé aussi fort que ce qui s'est passé entre eux, il y a quelques heures. Rien que de se les remémorer, les événements de la nuit passée, lui réchauffent le cœur.

- Je suis capable de m'oublier dans les bras de quelqu'un ! C'est un grand pas vers la guérison sans doute. Et c'est grâce à Gabriel, c'est lui qui m'inspire confiance.

Uzu est content d'avoir été arrêté quelques jours et de se retrouver là, à chanter. Pouvoir jouir de son ressenti, en faisant une activité ludique qui lui permet de ne pas perdre le fil de ses réflexions sur ses nouvelles émotions sans pour autant se prendre la tête dessus.

*

Gabriel a moins de chance et malgré le même nombre de journées d'incapacités, il n'a pas pu refuser de travailler, d'ailleurs il n'a même pas tenté. Son job est vraiment important et le devoir envers son employeur l'emporte sur le reste. Il passe la journée à se torturer l'esprit, il n'est pas du tout à son travail et finit même par laisser tomber un plat.

- Qu'est ce que tu fiches, merde ! ? Ça fait une demi-heure que la table quinze attend son crabe ! s'énnerve Helen.

- Désolé, j'ai eu un problème en cuisine.

- Écoute, le patron t'aime beaucoup, mais là, il te surveille. Si tu te secoues pas un peu plus, y'a des risques pour...

- Ch'ais ça, merci !

- Si tu as besoin de parler après le service je suis là, ok ? Pour le moment concentre-toi ! réplique-t-elle.

Un peu plus tard c'est au tour de Charles, le patron, de venir dire deux mots à son employé.

- Gabriel, je peux te parler ?

- La dix huit attend la...

- Helen va s'en occuper, viens dans mon bureau.

Charles a été comme un père pour lui, pour pas mal d'autres ici aussi d'ailleurs. Mais il a un resto à faire tourner, et là, pas de considération mal placée. La situation avec Yann prouve bien que le patron ne garde pas les poids morts qui risquent de ralentir le restaurant.

- Est-ce que ça va chez toi ? Le bébé ? Tu t'en sorts ? Tu n'as pas de soucis avec l'administratif ?

- Ch'uis désolé, j'n'ai pas eu beaucoup ma tête au travail mais ça va changer je...

- Je comprends très bien, ce que tu vis, la perte de ta sœur et les responsabilités... Même si je comprends, j'ai un restaurant. C'est une entreprise, l'ambiance est familiale mais pour que ça marche, je ne dois pas me laisser envahir par ma compassion.

- ...

- Répond à mes questions, tu t'en sorts ? Tu as besoin de temps ?

- Ça va, j'souhaitais vous annoncer que j'reprends à temps plein la s'maine prochaine car on a trouvé une assistante maternelle normalement. Ch'ais que ch'uis pas très bien à mon travail, j'vais tout faire pour m'reprendre ! M'virez pas, j'ai besoin d'ce travail ! ajoute-t-il la voix cassée.

- Gabriel, je n'ai pas parlé de te virer, et je suis sûr que tu vas faire des efforts, je voulais être certain que tu n'aies pas besoin de plus de temps. Si tu dis être apte à reprendre à temps plein... Si tu en es sûr, j'ai besoin de monde en ce moment, seulement, je dois avoir mon personnel présent et ce physiquement ET mentalement !

- J'vais faire d'mon mieux pour n'pas vous déc'voir, m'sieur.

- Haa ! Pas de monsieur entre nous, hein ! Est-ce que ta sœur avait pris des dispositions particulières ? Financièrement ? Et pour le bébé ?

- Je manque de rien, je peux rester dans l'appartement et j'ai la garde du bébé. J'dois aussi r'cevoir les services sociaux pour vérifier qu'tout s'passe bien, et voir le notaire pour des trucs de succession, y'a pas d'problème. Ch'uis un peu fatigué, Hugo n'fais pas complètement ses nuits, mais mon copain m'aide.

- Tu as quelqu'un ? Je comprends un peu mieux, ceci explique sans doute cela...

L'homme s'assoit derrière son bureau et d'un tiroir sort une feuille de présence.

- J'ai dû réagir pour Yann, presque un mois d'absences non justifiés. Comment ça se passe avec lui ?

- J'souhaitais pas qu'il parte, j'vous comprends, mais j'avoue que...

- Ne fait pas l'erreur de le loger chez toi. J'ai conscience que je perds un bon élément, je ne pouvais plus fermer les yeux sur son comportement et ses absences, voilà tout. Alors toi aussi ouvre les tiens.

- Il n'viendra pas chez moi, ce s'rait une situation trop pénible pour tout l'monde.

- Ce copain, les responsabilités de parents ne lui font pas peur ?

Il ignore quoi répondre. En fait, il ignore si le fait d'avoir une vraie relation ne fait déjà pas peur à Uzu.

- Je... j'crois pas. C'est un peu c'qui nous a rapprochés.

- Bon, c'est bien, c'est très bien. Mon garçon, je ne vais pas te retenir plus longtemps, tu fais la fermeture avec Helen ?

- Oui, c'était prévu.

Il a l'impression d'avoir loupé l'occasion de défendre Yann, il regrette de ne pas avoir su quoi dire pour l'aider.

 

- Et avec sa mère ça a donné quoi ?

Helen a le don d'entamer une conversation par le milieu.

- Ha, tu es là. J'ai rentré les tables de la Terrasse.

- En tout cas, ton nouveau mec, il est très mignon, pas très causant mais franchement sexy !

- Tu trouves qu'on forme un beau couple ?

- C'est tout à fait le genre de mec que tu rêvais d'avoir dans ton lit, non ? Un bel asiat' aux traits fins, avec des cheveux longs en plus ! Et maintenant, avec les nouvelles fringues qu'il portait quand il est rentré, il est carrément canon !

- Mais, on est bien accordés ? Est-ce que...Est-ce que tu crois que...

- Oui t'inquiet' ! Ça forme pas le même genre de couple qu'avec Yann.

- Ça fait mieux ?

- C'est différent, vous avez l'air plus adulte, plus posés. Il déteint sur toi, sans doute. Après je ne vous ai vu ensemble qu'en coup de vent, hein ! Et donc, avec sa mère ?

- Très mal, cette bonne femme m'est antipathique à un point, t'peux pas imaginer ! Youzeu et elle sont sans cesse en opposition. Elle cherche l'conflit pour tout, elle critique tout. J'l'ai envoyée chier.

- Hoo ! Et il en a dit quoi ?

- Il a dit : laisse tomber ! 

- Et avec la police ? Et est-ce qu'il se remet de l'altercation ?

- L'mec sur l'quel Youzeu s'est acharné a un dossier gros comme un immeuble. Il a d’jà fait deux séjours en taule pour agression et pour vol. Un des deux autres a eu du sursis pour ch'ais pas quoi. J'pense qu'on aura pas trop d'problème. Youz' m'a avoué qu'il a été envahi par les images de son viol. Il a perdu les pédales.

- Ça, on n'avait deviné !

- Oui, en fait, il a eu peur pour moi. Il m'a vu à sa place, tu vois ? On a fait l'amour c'soir là, c'était...Je... je m'attendais a ce qu'il réponde à mes "je t'aime" après ça. Mais toujours pas. J'comprends pas, j'aimerais qu'il m'le dise.

Il réfléchit un instant avant de poursuivre.

- J'ai cru comprendre qu'il a fait son choix pour la proposition d'son père et le Japon tout ça. Il n'l'a pas dit clairement, là non plus, je n'suis sûr de rien. J'angoisse, un truc de fou ! Plus l'temps passe, plus j'm'attache et du coup, plus j'appréhende qu'il parte ou qu'il m'dise qu'il partage pas mes sentiments.

- Tu lui as expliqué ton inquiétude ? Tu lui as posé franchement la question ?

- Non, j'ai pas osé.

- Tu dois le faire !

- J'ai peur d'la réponse.

- Au moins tu seras fixé.

 

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vefree
Posté le 14/01/2013
J'aime bien ce chapitre. Non qu'il ait beaucoup d'action ni de scène hot, mais il permet de résoudre pas mal de la situation. Leurs sentiments se renforcent. Oui, bon, y'a pas le "je t'aime" de Uzu, mais on pas tout avoir d'un coup, hein. Le japonais découvre qu'il peut vraiment se rapprocher de quelqu'un et de toucher l'amour du doigt. La question du boulot de Gabriel c'est réglé. Il a un patron très compréhensif, quand même. Certes, exigeant, mais arrangeant aussi. Helen est curieuse, mais bon, elle est sympa et dévouée. Une véritable amie.
Oui, il reste à savoir, du moins être certain de ce qu'a décidé Uzu à propos de son avenir, le confronter à la situation. Pour l'instant il se découvre le plaisir de chanter, le plaisir de plaire et le plaisir d'aimer. C'est déjà énorme.
Le chapitre est bien construit, les points de vue ne sont pas excessifs. Il reste des fautes, mais j'ai eu la flemme de les relever. Je voulais profiter de l'histoire.
à ++ 
dominosama
Posté le 14/01/2013
C'est vrai qu'il n'y a aucune scène hot, notons que j'aurais pu en mettre une, vu que je dis qu'il faut l'amour. Le truc c'est que contrairement à ce que parfois mes lecteurs pensent je n'écris pas pour en mettre,  j'en mets quand je les pense utiles, parce qu'il s'y passe quelque chose d'important qui va faire avancer l'histoire. Là c'était pas le cas, juste ça se passait bien, il m'a donc suffit de le noter : "Ils font l'amour lentement et s'oublient longtemps, tendrement, sans un mot."
Gabriel a souvent des réactions de "gamin" entre sa crise pour le prénom de Uzu et son besoin de ces mots là, alors que finalement Uzu l'exprime très bien par les gestes, son amour.
Le patron compréhensif, oui il l'est, là encore il y a une raison que l'on apprendra plus tard dans les retours en arrière.  Oui Helen est une amie, même si elle aussi a ses propres raisons d'aider Gabriel mais je n'en dirais pas plus :)
Uzu va effectivement  devoir se décider une fois pour toute, il faut dire qu'il a quand même un adversaire.
-Ha mais chérie va pas lui dire ça enfin ! On va croire que c'est de ma faute ! Qu'on soit clair, je ne vais rien faire de mal, je ne suis pas responsable du tout, alors zut hein !
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