Une lueur toxique

Par Re Née
Notes de l’auteur : Est toxique tout objet assimilé à du poison ou toute personne qui agit comme tel...

"Méfiez-vous de la gentillesse des gens, en particulier de vos proches, car elle renferme souvent une mesquinerie profonde et généralement insoupçonnée..."

Ayant grandi dans la tourmente, Marlène a vécu une enfance tiraillée entre les doutes : d'abord à propos de sa propre identité, ensuite relativement à son entourage direct et, plus tard, par rapport à son statut social. À sa place, toute petite fille de son âge aurait certainement abandonné à mi-chemin : 6 enfants sur 10 ont recours au suicide dans le monde, chez les moins de 14 ans, et la plupart pour des raisons familiales [Publications de MSSS, 2018]. Mais, Marlène, forte comme elle est, n'a jamais eu le temps d'y penser. Elle avait toujours eu ce don de trouver refuge auprès de la nature qui l'entourait : les animaux, plus particulièrement les chiens, les fleurs avec qui elle bavardait la plupart du temps, et aussi les papillons qui faisaient tout simplement partie de sa famille. Mieux encore, Marlène savait où tourner sa tête quand rien ne semblait aller sur terre : elle levait tout juste la tête et mimait des scénarios rigolos avec les nuages. Dans cette société qui, visiblement, partait en cacahuète, elle savait qu'elle était très bien entourée et c'était suffisant pour aimer vivre. Ou bien, quelque part dans son for intérieur, elle pensait vivre un simple cauchemar qui, bientôt, prendrait fin lorsqu'elle finira par se réveiller. Encore un doute qui vient s'ajouter à sa déjà très longue liste, mais la vérité est tout juste qu'elle n'arrivait pas à croire à certaines choses. Par exemple, et en particulier, pourquoi sa propre mère la laisserait dans un tel tourment alors qu'elle lui a donné la vie ?

Une mère, pour avoir eu un enfant, le désirait. C'est un fait et même si dans certains cas, il s'agissait d'une grossesse imprévue, elle ne peut être non désirée pour une femme mariée. Cette réflexion vous semblerait assurément trop profonde pour un enfant, mais Marlène était déjà adolescente quand elle commençait à s'intéresser à ce sujet. Parfois, Marlène fixait sa mère dans son sommeil, comme si elle pouvait lire dans ses pensées enfouies et obtenir, comme par miracle, des réponses claires à toutes ses questions. Des fois, sa mère se réveillait même en sursaut, lui demandant pourquoi elle la fixait d'un regard aussi vide. Car, oui, à dire vrai, Marlène avait beau chercher à lui poser des questions, elle n'avait jamais été satisfaite des réponses de sa mère qui, pour elle, ressemblaient plus à des esquives qu'à des explications logiques. Et pourtant, dans les livres qu'elle lisait, Marlène avait lu que la meilleure amie d'un enfant ne pouvait être autre que sa propre mère... Alors, pourquoi n'arrivait-elle pas à retrouver cette si belle image dans la sienne ?

L'amour d'une mère n'a pas de limite. Il est pur, vrai, inconditionnel et surtout unique pour tous ses enfants. Mais si c'était exact, Marlène n'aurait pas constaté autant de différence entre sa sœur et elle. Elle ne se serait jamais sentie de trop dans sa propre famille. Elle n'aurait jamais eu à comparer ni son apparence physique, ni ses capacités intellectuelles ou émotionnelles entre sœurs, et encore moins entre deux sœurs. Quand d'autres se vantaient d'avoir une sœur complice (de jeux, de bêtises, de secrets, etc.), Marlène se mordait les lèvres de n'avoir aucune relation fusionnelle avec la sienne. Il lui arrivait même de se dire qu'au contraire, sa sœur ne faisait que la détester de jour en jour. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'au lieu de jouer avec elle, sa sœur avait déjà ses "amies préférées". Au lieu de la défendre quand d'autres enfants se moquent d'elle ou lui jouent des mauvais tours, sa sœur prenait tout juste leur partie. Et quand elle pleurait d'avoir été traitée de "moche", sa sœur s'amusait même à lui confirmer qu'elle était réellement moche. Mais ce qui est pire dans cette situation, c'est qu'au lieu de rapprocher sa sœur d'elle, sa mère affichait clairement ses préférences et ce n'était malheureusement pas Marlène.

Une mère est celle qui aime sans condition tous ses enfants, alors Marlène avait beau être "moche" et "différente" de sa sœur, elle s'était imaginée qu'aux yeux de sa mère, elle était tout autre. Hélas, c'était perdu d'avance ! Elle qui croyait pouvoir trouver la paix auprès de sa mère, hésitait toujours sur quel pied danser avec celle-ci. Lorsque, entre ses moqueries et ses conseils ironiques, elle glissait des remarques blessantes, Marlène se sentait encore plus vulnérable qu'elle ne l'était déjà avant de se confier à elle. Alors qu'elle pensait trouver du réconfort dans les bras de sa mère, celle-ci la repoussait de la manière la plus subtile possible :

- "Tu sais, il ne faut pas faire attention à ce que disent les autres", disait-elle d'abord comme pour la rassurer. Mais après, elle ne pouvait pas s'empêcher de lui marteler un coup pour marquer son territoire ; "Mais il faut dire qu'ils n'ont pas tout à fait tort non plus..."

"Pauvre petite fille moche, tu ne seras jamais aussi belle que ta sœur, hélas... Mais au moins, tu es intelligente. En revanche, à quoi bon si tu n'es pas jolie à voir". Voici comment sa mère ponctuait généralement ses discussions avec Marlène, quand elle se plaignait des remarques désobligeantes des autres ou même lorsqu'elle se faisait gronder pour une simple bêtise.

Et pourtant, Marlène continuait à se confier à elle, pour tout et n'importe quoi. C'était comme si elle n'avait personne d'autre vers qui se tourner. Et puis, vers qui d'autre pouvait-elle se tourner d'ailleurs ? À part sa petite sœur imaginaire, Marlène n'avait personne. Sa mère était son vain espoir, mais au final, elle n'était qu'une illusion de lueur toxique qui lui polluait encore davantage la vie. Et son père, juste une présence dans l'absence...

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