(Une main tendue)

Notes de l’auteur : Entrée en scène de deux nouveaux personnages secondaires : Math et Steph.
Je préviens de suite, je ne détaille pas encore ces deux personnages, c'est à dessein (j'aime assez l'idée de voir un peu plus les choses par les yeux de Uzu, Uzu n'étant pas présent lors de leur apparition, je ne les détaille pas encore), ils le seront très prochainement dans la suite.
J'espère également que vous ne vous emmêlerez pas trop dans les dialogues entre eux. Au départ les prénoms des persos qui parlent étaient indiqués à chaque début de leurs phrases, cependant n'étant pas dans un scénario de film mais bien dans un roman, ma correctrice Kitty, les a éliminés (à juste titre), une fois fait, ce fut difficile pour moi de rendre les dialogues aussi clairs qu'ils l'étaient jusqu'alors.

Gabriel, a envoyé un sms à Uzu qui a été suivi d'un échange plutôt trop court à son goût. Il trouve son nouvel ami laconique et cela l'attriste un peu et l'inquiète également. Lui, a envie de lui parler sans arrêt. Il a du mal à le cerner, à vraiment comprendre ce qu'il éprouve. Gabriel admet qu'il s'emballe un peu vite, il n'y peut pas grand-chose. Empêtré dans sa solitude, il se remémore la première partie de soirée. Il est si heureux de la tournure qu'ont prises les choses. Pourtant, à l'instant, il n'est de nouveau plus sûr de rien ! Il a peur de s'enticher trop vite. Mais ne peut s'empêcher de songer aux baisers, à l'odeur de fleur, à cette nuque si veloutée, à la timidité de Uzu et à son cran. Son courage et ce discours que le japonais lui a tenu. Il se couche ensuite pour se tourner et retourner sans cesse dans son lit. Finalement il décide de se lever, quand le téléphone sonne. Il croit à l'appelle de Uzu mais l'écran du portable indique "Steph" le clavier du groupe. Gabriel hésite à décrocher. La dernière fois qu'ils se sont vus c'était ce soir là, à l'hôpital. Son guitariste, Math et son clavier s'y sont présenté, contre toute attente. Gabriel ne veut pas considérer comme des amis, plutôt des collègues de travail. Alors il s'est révélé bien plus touché par leur geste que prévu.

- Juste ça, seulement ça, Yann n'a pas fournit cet effort lui, au contraire, il est resté indifférent, si cruel.

Yann, pourquoi revient-il sur le tapis ? Il le chasse rapidement de son esprit et répond finalement à Steph. - Allo ? - Salut mec, c'est moi, je venais un peu aux news. Tu tiens le coup ? Après quelques banalités d'usage, des encouragements et pas mal de silences pesants, leur musique et l'actualité du groupe redevient enfin le sujet principal, prenant le pas sur tout le reste. Gabriel en souffle presque de soulagement.

- T'étais au courant que Yo' passe des auditions ? Je t'avoue que je t'appelle aussi parce que Math et moi on est inquiet. Pas de date de répèt', pas d'appel de toi, c'est pas un reproche hein, je comprends, c'est un grand malheur et c'est surement très dur. Mais ajoute à ça aucune info sur ce que devient Yann non plus et maintenant Yo'. Tu comprends qu'on se pose des questions. T'as une soluce ?

Réunion improvisée chez Gabriel à quelque vingt trois heures passées avec ses deux membres les plus présent dernièrement. L'ambiance est étrange jusqu'à ce que le maitre du lieu se mette à entamer la discussion sur leurs soucis. On perçoit jusque là, le malaise dans toute la salle à manger. Math fixe Hugo qui avale son biberon sur les genoux de son jeune oncle et Steph n'arrive pas à sortir une phrase sans se racler la gorge. Puis Gabriel prend la parole. - Yann et Yo' sont des électrons libres au sein du groupe, la différence entre les deux c'est qu'ce sont les problèmes perso qui nous perturbent du côté d'Yann. Alors que Yo' c'est son sérieux professionnel et musical qui entache le travail. - Ouais et comment tu choisis toi, l'interroge Math ? - Quand Yann règle ses problèmes perso et qu'tout va bien, l'travail au sein du groupe fonctionne impeccablement. Pour Yo' c'est un ennui qu'est jamais réglé, rappelle Gabriel.

- Le problème c'est que son soucis perso à Yann, c'est toi...insiste le guitariste. - Math laisse-moi finir ! Contre Yo' on peut aussi ajouter des emmerdes relationnels. - Excus' Yann aussi a des problèmes de ce côté-là ! - Pour Yann, quand tout va bien personnellement, il s'entend a'c tout l'monde. - Encore faut-il que, soupire Math. - Avec Yo' les r'lations aux autres sont une difficulté. C't'un nombriliste qui n'respect pas l'boulot des autres. Steph se décide à prendre la parole : - Ils sont doués d'un grand talent tout les deux. Yann est imprévisible et on ignore quand ça va merder, Yo' est prévisible on sait que ça va FORCEMENT merder. - C'est exactement ça, l'truc c'est qu'si on gère plus facilement Yo' sur l'coup, savoir qu'ça s'arrangera jamais, c'est une chose à prendre en considération. Yann, y'a des hauts, y'a des bas, finalement on s'en sort quand même !

Gabriel est assez rassuré de sentir Steph dans son camp. - On a tous remarqué que Yann se laisse influencer par ses émotions et que Yo' se fiche de tout, le rassure encore ce dernier. - Humm et moi, ch'uis certain de n'pas supporter qu'un de mes zicos n'respecte pas les autres et risque de quitter l'groupe, sans arrière pensées du jour au lend'main, pour son propre intérêt. J'accepte plus facilement, d'perdre un membre sur un coup d'tête à la suite d'un problème si j'peux m'attendre à ce que ça lui pose forcément, à lui aussi, un cas d'conscience. - Même si au final le résultat est le même ? demande dubitatif Math. - Même si au final l'résultat est l'même ! assure Gabriel. - De plus Yann à beaucoup apporté au groupe, il a énormément travaillé. Yo' si son travail au final nous profite, il n'bosse à la base, qu'pour lui seul, ajoute enfin le leader. - Je suis d'accord avec toi, acquiesce Steph. Yann appartient à l'âme du groupe, il y a de la création, des idées à lui, dans chacun des morceaux qu'on joue. Puis Yo' est tout le temps en retard, il n'a aucun égard pour le travail des autres.

La discussion s'anime, Math ne partage pas l'avis de ses deux collègues. - Hola ! Moi c'que je vois, c'est que Yann a un sérieux problème avec toi, pas seulement avec Yo' hein ! Yo' est un batteur super bon et il n'a jusqu'à maintenant jamais parlé de quitter le groupe ! Avant de décider de le virer faudrait certainement en discuter avec lui non ?

La réponse de Gabriel ne se fait pas attendre. - Il en est v'nu aux mains à la dernière répèt'. Il a cassé du matos qu'il n'm'a pas encore remboursé, déjà qu'il m'devait d'l'argent pour la location du studio. Il n's'est jamais excusé et là j'apprends qu'il a passé une audition la s'maine dernière pour jouer avec les "Jackettes" ! - Ha... j'étais pas au courant. Après, ça veut rien dire, moi aussi j'ai un autre groupe.

Steph s'en mêle donc de nouveau : - Il répète avec "Sitting bool" deux jours par semaine et joue aussi dans une fanfare punk. - L'fait qu'il cherche ailleurs n'est pas bon, insiste Gabriel. Il décid'rait d'travailler des choses à côté, pour apprendre ou pour diversifier sa pratique passerait encore, là non. Il laisse juste entendre qu'il est libre. D'plus, il n'apporte rien au groupe. Il arrive tout l'temps en r'tard, il pose son cul derrière la batterie du studio, il joue son truc et quand c'est fini y s'casse. Il n'crée rien, ne partage avec personne.

- Mais il est bon quoi. Si on commence à virer des gens... - Math, toi tu composes pour nous, r'garde pour "Rusted from the rain" t'es venu avec ton solo et aussi des arrangements d'la partie rythmique, au final, j'ai presque rien eu à r'travailler. Yann s'est calé sur toi, c'est lui qu'à donner l'ton à Yo', qui a eu du mal d'ailleurs ! Souvient toi du cirque que Yo' nous a joué parce que c'était pas moi qu'avait composé celui-la. - J'avoue que sur le coup tu as raison, c'est vrai qu'il m'a pris pour une brème ce jour là. - Y'avait des choses à corriger dans tes trucs, bien sûr, pour autant il n'a pas donné d'idées. Il a juste dis non et voilà tout. Quand Yann trouve un truc nase, il explique son propos et c'qu'y s'révèl'rait intelligent d'changer. Moi j'fais pareil. Et si Steph est plus conciliant qu'nous et qu'il dit rarement non, il participe au moins. Steph j'ai pas raison ? - C'est vous les compositeurs, moi j'amène des plus. Je suis d'accord pour dire que Yann fourmilles d'idées originales et je bosse bien avec lui, on travaille également en dehors des répèt'. - Moi ce que je dis c'est que j'ai peur qu'on vire Yo' et qu'au final Yann parte aussi et là désolé ça fait désordre. C'est même carrément merdique ! Parce que Yann dernièrement il lui arrive quoi ? La question de Math met Gabriel mal à l'aise et pour cause. - Heu... il a la grippe, répond-t-il un peu embarrassé. - Ouais, la grippe... - J'ai pas dit qu'on aller virer Yo' tout d'suite.  J'dis juste que j'vais débuter les r'cherches pour trouver un remplaçant. J'veux pas r'vivre la dernière répèt' ! S'il n'peut plus sentir Yann, y va falloir trouver une porte de sortie, un moyen d'les séparer. - Simplement, Yann fait chier tout le monde, alors que Yo' n'emmerde personne. Ok il est un peu juste là pour jouer, c'est pas non plus comme s'il se débrouillait mal, c'est un bon. Je sais que Yann est ton ex, que c'est pas facile pour toi mais admets que les embrouilles c'est toujours lui qui les amorce, déclare Math perplexe. - Qu'Yann soit mon ex est un problème qui n'joue pas en sa faveur et non l'inverse ! - Si tu l'dis.

Deux heures qu'ils sont repartis. Pour eux la question est réglée mais l'est-elle vraiment ? Vient-il une fois encore de sauver la peau de Yann ? Et pourquoi ? En souvenir du passé ? Ou à cause de cette émulation qu'il y a entre eux quand celui-là prend sa basse ? Évidement les excuses et les raisons trouvées sont exactes mais pour être réellement honnête Gabriel n'est pas certain que Yann viendra à la prochaine réunion.

Deux heures qu'il tourne en rond, ce sera bientôt le matin. Il ne dormira pas, il est inutile d'insister, mieux vaut composer. Il joue, le casque sur la tête, la guitare sur les genoux, note ses vers sur la table basse, dans le petit cahier d'écolier qu'il utilisait, si souvent, il y a encore quelques mois. Il y a fort longtemps qu'il n'a pas eu envie d'écrire. Depuis la mort d'Erwan. Il gratifie les nouvelles pages d'une première chanson sur la douleur. Quelque chose qui marque, un morceau oppressant, que les gens auront envie de reprendre en criant leur mal être aussi. Partager les douleurs, les blessures et les chagrins avec le publique c'est un truc qu'il a envie de faire. La musique est pour Gabriel, invariablement depuis qu'il est gosse, son meilleur moyen d'expression et d'échanges. Une seconde ballade dramatique qui parlera du manque. Des mois sans rien écrire, deux semaines sans raisonner et le voilà débordé par l'envie des mots, tout à coup en une nuit. Une dernière pour Uzu, petite lumière si fragile encore. Il a envie d'une douce et pénétrante mélodie, quelque chose qui vient graduellement et qui enfle jusqu'à devenir envoûtante. Ça ne doit pas être triste, au contraire, juste un peu étrange et inquiétant. Un message d'espoir ? Un désir c'est certain. Un projet en suspend, quelque chose qui donne envie, de l'amour. Il note sans construire ses phrases, juste des impressions, des images, celles qui lui viennent, quand il l'évoque. Dehors le ciel prend une couleur brune orangée, la pollution lumineuse de la ville donne une ambiance lourde, un peu pesante. L'air fleure la pluie d'orage. La lune n'apparait que parfois au travers des nuages. Une nuit de fin d'été.

Pour lui l'inspiration nait toujours d'un coup, c'est le cas ce soir. Une vague qui le submerge et le laisse souvent, tel un naufragé sur une plage, lessivé mais heureux d'avoir joué dans de pareils remous. Il devient obligatoire qu'il écrive, nécessaire, maintenant, tout de suite ! Alors il compose, laissant le flot de son imaginaire déborder de partout. Quand la vague est passée, la pause s'impose, pour reprendre des forces, pour apprécier le résultat, corriger éventuellement.

Il s'appuie contre le rebord de la fenêtre et chantonne, se relisant, ajoutant un mot ici, un verbe là, modifiant une phrase, arrangeant une rime. Dehors le temps est lourd, il fixe les maisons au loin. À deux rues derrière, les immeubles où quelques fenêtres s'illuminent, d'autres individus, sont selon toutes apparences aussi éveillés que lui. Et ailleurs, en face, y a-t-il des gens esseulés également ? Ses pensées retournent vers celui qui n'a pas dit s'il venait le lendemain, Uzu qui n'a rien répondu au dernier sms. Il doit dormir à cette heure. Dormira-t-il un jour contre lui ? Ce passe-t-il vraiment quelque chose d'important entre eux ? Ou est-il le seul à l'imaginer ? Il a dit qu'il était attiré par lui. Attiré c'est tout ?

- Pourquoi j'me torture l'esprit de la sorte ? J'espère tant. Il n'm'a pas juste dit bonne nuit... Ha ! Il m'a embrassé quand même ! Gabriel n'a jamais cherché les relations d'un soir, une chose en commun avec Yann, les "one shot", les plans cul, ne sont pas pour eux. Il n'est jamais allé trainer du côté du milieu gay, pas de sauna ou autre plant de la sorte. Il ne s'y retrouve pas. En outre il a, à l'esprit, le fait d'être un peu un extra terrestre, en espérant mener une relation longue durée avec quelqu'un. Un besoin commun qui l'a pourtant rapproché de Yann.

- J'devrais m'sentir heureux et l'remercier, sans cette attirance qu'il a pour moi et ne comptant que sur mes actions idiotes, nous n'serions même plus des amis. Et Yann ? Au Diable Yann ! Lui j'laisse tomber ! Pourquoi son cœur s'emballe-t-il à ce point là, au-delà de la raison, pour ce presque étranger qu'est encore Uzu ?

Il travaille toute la nuit, entre les poses biberons /change. À six heures les débuts de chansons sont sur son pc. À huit heures trente les arrangements terminés. À huit heures trente six il envoie tout les petits bouts de morceaux aux membres de son groupe par mail, accompagné de lyric, Dix minutes plus tard, il va se coucher. Il dormira deux heures.

*

Il est vingt trois heures quand Uzu se couche. Sur le dos, le nez en l'air, il fixe le plafond. -Peut-on tomber amoureux en moins d'une semaine ? Puis-je, moi aussi, tomber amoureux ? 

Il se dit qu'il connaît si peu Gabriel après tout. - Est-ce juste physique ? 

Non, des relations basées juste sur le sexe, il connait déjà.

- Est-ce une illusion ? Le coup de foudre ? 

Le coup de foudre... Il n'a jamais connu. De ses relations, il ne garde que des erreurs, des impressions étranges, sortes de mirages, quelques images plus ou moins glauques, un léger goût amer et surtout de la terreur en pensant à ce qu'il lui est arrivé, il y a quelques mois. En tout état de cause, il n'a constamment tenue que la place de l'objet, celui dont on dispose ou bien que l'on prend et jette. Pas étonnant, vu sa façon de traiter ses partenaires, ainsi que le peu d'importance, qu'il leur aura donné jusqu'à maintenant, sans parler des sentiments, inexistants. Liaison d'un soir ou relation de plus longue durée vécue avec la même résignation. Sans importance, pour être sans regret et surtout sans attaches. Juste là quelques temps pour fuir la réalité. La fuir ou bien l'incruster dans sa chair justement. Ça lui convenait jusqu'à maintenant. Une vie sentimentale et sexuelle comme sa vie entière, à l'image de cette chambre, sans envie, sans couleur, résignée. Rien à perdre mais rien à gagner non plus. « Tant pis pour moi, je l'ai cherché ! » Une phrase jetée en l'air si souvent. Il a bien tenté d'avoir une relation "normale" avec un garçon de sa classe, sans aucun résultat. Pourtant l'autre était sérieux, gentil et... amoureux. Mais sans sentiment ni affection de la part de Uzu, la relation n'a eu aucun goût. Il se retourne, balaie d'un lent mouvement de tête, l'ensemble de sa chambre. Le souvenir de la première fois, qu'il vit l'appartement de Gabriel, lui revient, plaisant. Ses posters, son foutoir, sa console de jeux, ses instruments de musique, si l'appartement reflète Gabriel en grande partie, sa chambre à lui montre quoi au final ? Le vide, la solitude, la froideur ? L'indifférence ? Oui, l'indifférence. Si banale, des murs blancs, des meubles blancs, un bureau blanc, ses affaires traînent un peu partout mais on ne tombe sur rien d'original. Le ménage est fait quand il prend le temps où quand sa mère se dévoue.

- On se croirait dans un hôpital abandonné ! 

Des vieux livres de cours sur les étagères poussiéreuse, des BD qui datent d'il y a quinze ans, des choses qui ne servent plus. Des murs sans rien dessus, des rideaux jaunis, une moquette grise.

- Le pire c'est que si je devais changer la déco de cette chambre, je ne vois pas ce que j'aurais envie d'y mettre. C'est pathétique, je n'aime rien. 

Son téléphone sonne, seul dans le noir, il découvre le sms qui s'affiche lumineux sur l'écran de son portable. Son cœur bat quand le prénom de Gabriel s'affiche.

- « Je voulais te souhaiter bonne nuit mon ange. J'espère que je ne te réveil pas ni te dérange. Une question : C'est quoi ton parfum ? »

C'est si peu, juste quelques mots et je suis heureux.  Il se rappelle l'étreinte, les caresses et cette voix à son oreille. Que dire ? Il n'a jamais été très fort pour la communication. Comment correspondre pour recevoir d'autres messages ? Car oui, il en espère d'autres ! Il refait son message une bonne dizaine de fois, Gabriel doit croire qu'il ne répondra jamais, c'est certain ! - « Je ne dors pas encore, ne t'inquiète pas. Bonne nuit aussi. Désolé de ne pas être resté. Je ne porte pas de parfum, pourquoi ? » Ce n'est pas un roman, il ne parvient malheureusement à rien de mieux. Il ne sufi à l'autre que de quelques secondes pour lui envoyer un second message. Il saute sur son téléphone, excité comme un enfant. - Je suis vraiment ridicule, pense-t-il alors.

- « Pas de parfum ? Cette odeur de fleurs que tu as laissée sur mon oreiller la première nuit me rend fou ! Je ne l'ai trouvée nulle part. Je suis désespérééééé, je l'ai tellement reniflé, que ça ne sent plus rien et je n'arrive plus à dormir sans. Snif ! » Il reste la bouche ouverte.

Une odeur de fleur ? L'huile qu'il met sur sa tête sans doute. Il a cherché cette odeur ? Depuis quand ? Pour quelles raisons ?

-«  Je ne sais pas quoi dire, tu parles sûrement de l'huile de passiflore pour mes cheveux. »

Quelques secondes encore pour un dernier message.

- « Passiflore, la fleur du fruit de la passion ? J'ai tout compris tu m'as envoûté ! Je te laisse dormir mon ange. J'aimerais te voir, demain soir ? Bonne nuit. Mon ange... »

Il a beau réfléchir, il ne se souvient vraiment pas avoir porté ce genre de petit nom pour quelqu'un auparavant. Il ne sait pas quoi répondre de plus, du coup il abandonne et n'envoie rien d'autre.

*

On frappe à la porte, Gabriel se lève, interroge directement son réveil, presque onze heure. Qui frappe donc ? Hugo se remet à brailler. Derrière la porte ? Le concierge.

- Oui c'est pourquoi ?

- Bonjour, c'est pour vous dire qu'une entreprise va venir réparer la rampe de l'escalier et que ça risque d'être un peu bruyant, voilà.

Gêné, le concierge fait demi-tour, se retournant souvent en descendant le fameux escalier, courbant le dos, baissant la tête, devant la mine démontée de Gabriel.

Que dire ? Comment réagir ? Gabriel se sent très mal. Et ça c'était quoi ? Identique à un coup très fort dans l'estomac, sans avoir été prévenu, la chose est : Inattendue et douloureuse. Le retour à la réalité se trouve être un coup bas que l'on n'évite pas. Un coup sans raison. Il rentre dans le couloir à reculons, entend son portable le prévenir d'une réception de sms. Il court avec l'espoir d'une main tendu au milieu de cette subite avalanche mais ça n'est pas Uzu, juste un peu de publicité. Dans la chambre, Hugo crie toujours. Le manque de sommeil y est sûrement pour quelque chose, une sorte d'accumulation encore. «Une entreprise va venir réparer la rampe de l'escalier. » Dans l'ambulance, sa sœur a-t-elle regretté, de ne pas avoir d'entendu cette phrase ? Dans la chambre Hugo hurle à présent. La tête entre ses mains, les épaules d'un coup écrasées par un poids invisible, le jeune homme se laisse submerger par la douleur. Les images l'envahissent tout à coup, les bruits de la chute, le sang, les voisins, l'ambulance, les pompiers, l'hôpital, l'attente, les hurlements, les visages contrits. Sa respiration s'accélère. Rien ne calme le raz de marée qui l'assomme soudain. Et Hugo crie toujours. Le souffle court, il compose le numéro de Uzu sans réfléchir, malheureusement il tombe encore sur la boite vocale.

- Uzu ? Uzu c'est moi. Il pleur et sa voix n'est presque pas audible.

- J'perds pied mec, pardonnes moi, c'est trop dur, j'vais pas y'arriver. Répond-moi j't'en pris.

La fin du message se perd dans un souffle.

Uzu a mal dormis et ce travail au secrétariat de la formation continue, du personnel de l'hôpital, n'est vraiment pas sa tasse de thé. Rester derrière un bureau, enfermé avec deux collègues et ne rencontrer personne d'autre, passer sa matinée à remplir des ordres de missions et des remboursements de frais, aucun rapport avec l'aide aux personnes qu'il fournit à son poste habituel. Les vacances... sur septembre il y a encore du personnel absent. Le manque d'employés à cette période, apporte chaque année son lot d'impératifs du genre, travail fastidieux au possible, pour activité indispensable. Il pointe à midi trente et passe au vestiaire récupérer son téléphone portable et sa veste. Douze appels s'affichent sur l'écran, douze appels de Gabriel et devant leur nombre, il comprend avant d'écouter sa boite vocale, qu'il y a un souci. Pris de panique à l'écoute de sa messagerie, il rappelle de suite, sans résultat, personne ne décroche. En route pour l'appartement de son ami, il lui envoi deux sms. Un, afin de le prévenir de son départ puis un second, de son arrivée. Mais nulle réponse ne lui parvient. Arrivé à la porte, pas un bruit dans l'appartement, celle-ci est fermée et personne ne lui ouvre quand il frappe. Il tente de rappeler, le portable sonne à l'intérieur ! L'effroi l'étreint. Le concierge accepte de lui prêter une paires de clefs, après avoir vu son badge de l'hôpital. C'est recroquevillé dans le clic clac de la salle, qu'il le découvre. Hébété, Gabriel lorgne le mur fixement, sans doute depuis des heures, visiblement choqué. Le bébé nourrit est endormis sur son torse. Il n'a apparemment pas entendu le téléphone sonner, ni l'arrivé des sms inquiets de son ami, pas plus que les tocs à la porte. S'agenouillant devant lui, Uzu tente de lui parler :

- Gabriel ?! Gabriel c'est moi, je suis là.

La vision de Gabriel passe au travers, il le fixe sans vraiment le voir, ne réagit pas ou peu, juste quand Uzu décide de prendre le bébé, pour vérifier que tout va bien :

- Non y dort, il est calme. Laisse-le.

Il ne l'écoute pas et lui prend doucement l'enfant. Gabriel ne se défend pas, son regard s'enfuit ailleurs. Le bébé va bien manifestement, il remue légèrement, geint, puis baille et se rendort. Uzu part le déposer dans son lit, regarde autour de lui, tout à l'air en ordre, que c'est-il donc passé ? Lorsqu'il rejoint Gabriel, celui-ci se balance d'avant en arrière et psalmodie tout bas.

- Ch'uis tout seul, qu'est-ce qui s'passera si ch'uis plus là ? Ch'uis tout seul, aide-moi.

L'asiatique doit coller l'oreille à sa bouche pour percevoir les dît mots.

- Gabriel, je suis là, tu n'es pas seul.

Il se penche vers lui, posant une main sur son épaule et l'autre contre sa nuque.

- Regarde-moi, je suis là, tu me fais peur, ne reste pas comme ça, je t'en pris.

Gabriel le repousse subitement, assez violemment, Uzu ne s'y attendait pas.

- Non ! Non tu n'es pas là ! Tu n'm'as pas répondu, tu n'me réponds jamais, qu'arrivera-t-il si j'tombe moi aussi ? Et Yann non plus n'décroche pas son tel. Personne n'répond !

- Yann ? Qui est Yann ? Je ne comprends pas ce que tu dis, mon téléphone était au vestiaire, je n'ai vu le message qu'après avoir pointé.

- J'tombe sans cesse sur ta boite vocale, tu n'réponds jamais, jamais. Hier je t'ai demandé si tu v'nais aujourd'hui, tu n'as rien dis, j'me sens tellement seul, j'essaie... - ... - Quand j'ai paniqué l'aut' fois, ton téléphone était éteint, ch'uis seul et terrifié ! Putain ! Laisses-moi puisque t'es pas là.

Le japonais a bien conscience que rien n'est de sa faute. Il ne crie pas vraiment après lui. Il a juste perdu l'esprit, besoin d'un défouloir, pour reprendre le court de sa réalité. Mais cette dernière phrase lui cause quand même de la douleur.

- C'est la deuxième fois que tu me demandes de partir. Tu es injuste. (Silence). Je n'osais rien ajouter hier, je ne dis que des banalités et j'ai honte de ça. Je travaillais jusqu'à midi et demi aujourd'hui et pas dans mon service. Je n'avais pas mon portable avec moi. J'ignorais que tu avais appelé, avant de retourner au vestiaire et d'y trouver ton message et tes appels et j'ai rappelé de suite. Voyant que tu ne décrochais pas, j'ai eu très peur. Je suis venu aussi vite que j'ai pu, tu vois bien, je suis là ! Je t'ai envoyé des sms auxquels je n'ai reçu aucune réponse de ta part, j'ai vraiment paniqué. Sa voix se brise. - Je ne pense pas mériter que tu me traites de cette manière. Je t'ai proposé mon aide et tu as tenté de me jeter par mail, je t'ai déclaré mes sentiments et tu me redemandes de partir, je n'ai rien fait de mal. Ne t'acharne pas sur moi. Tous ça va trop vite déjà.

Gabriel a traversé la salle. Il se laisse glisser le long du mur de l'entrée, jusque par terre. Les yeux cachés derrière sa frange, il ressemble à un enfant blessé, se mouchant dans sa manche.

- Je suis là pour toi, je suis là maintenant, insiste Uzu.

Il s'approche en lui parlant tout bas, celui-ci affiche une expression indéfinissable, n'osant ni faire front ni répondre.

- Je suis là, laisse-moi une chance de t'aider et un peu de temps pour comprendre.

- J'ai tellement peur d'moi, lâche enfin le goth.

- Quoi ?

- Quand Hugo braille, j'ai si peur d'faire une bêtise.

Uzu s'accroupit, repousse les mèches folles, puis l'attire tendrement à lui. Alors seulement Gabriel se laisse aller, enfouit son visage contre la nuque du japonais, caché dans la longue chevelure.

- Reste près d'moi ! soupire-t-il.

- Je suis là, je suis là, continue de le rassurer Uzu.

- J'ai besoin de t'sentir près de moi, même quand t'es loin, même si tu n'te crois pas intéressant dans tes messages. J'en ai besoin, j'm'en fiche, banalités ou pas, j'veux sentir ta présence. Tu peux r'fuser cette responsabilité plutôt que d'me la proposer gentiment comme tu l'as fais mais soit clair. Par c'que j'y crois et du coup j'attends quelqu' chose.

Il se cramponne à lui tel un naufragé à une bouée de sauvetage.

- J'ai très bien compris ce que tu attends de moi et je t'ai proposé mon aide et ma présence en sachant de quoi il s'agissait. Tu dois juste avoir un peu plus confiance et un peu de patience aussi, c'est très inhabituel pour moi.

- Si c'est trop dur ch'uis capable de comprendre, j'garderais pas l'bébé si ch'ais que ch'uis pas en m'sure d'y arriver. Et seul, j'y arriverais pas. Et comment m'reposer sur toi si ch'uis pas sûr.

- Je sais, je suis là, répète inlassablement.

Uzu a souhaité se sentir utile, puis important, il a visiblement réussi au delà de ce qu'il attendait.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Aliv
Posté le 23/12/2012
Juste un petit soucis les dialogues. J'ai cru que j'allais prendre l'habitude avec le parler de Gabriel mais ce n'est pas le cas et c'est vraiment très génant dans la lecture.
Heureusement que l'intrigue me plaît. C'est pour cette raison que je continus à lire. 
dominosama
Posté le 23/12/2012
Ha désolé, en général les gens aiment bien et s'y font vite. Ce n'est évidement pas une chose que j'envisage de changer malheureusement. ça façon de manger la moitié de ses mots est un peu beaucoup sa marque de fabrique. Bon je me dis que si l'intrigue te plait c'est déjà un bon point ^^"
vefree
Posté le 19/12/2012
"Il croit à l'appelle de Uzu mais l'écran du portable indique "Steph" le clavier du groupe." => l'appel
"La dernière fois qu'ils se sont vus c'était ce soir là, à l'hôpital." => soir-là
"Pour Yo' c'est un ennuie qu'est jamais réglé." => ennui
"- Ils sont doués d'un grand talent tout les deux." => tous
"..., tel un naufrager sur une plage,..." => naufragé
"Il n'est jamais allé trainer du côté du milieu gay, pas de sauna ou autre plant de la sorte." => plan
"À huit heures trente six il envoie tout les petits bouts de morceaux aux membres de son groupe par mail accompagné de lyric, Dix minutes plus tard, il va se coucher." => trente-six.... (, dix minutes) ou alors (. Dix minutes) au choix.
"..., il n'a constamment tenue que la place de l'objet, ..." => tenu
"J'espère que je ne te réveil pas ni te dérange. " => réveille
"Il ne sufi à l'autre que de quelques secondes pour lui envoyer un second message." => suffit
"Il court avec l'espoir d'une main tendu au milieu de cette subite avalanche..."=> main tendue
"Dans l'ambulance, sa sœur a-t-elle regretté, de ne pas avoir d'entendu cette phrase ?" => d' (en trop)
"Il pleur et sa voix n'est presque pas audible.
 
- J'perds pied mec, pardonnes moi, c'est trop dur, j'vais pas y'arriver. Répond-moi j't'en pris." => pleure ........ pardonnes-moi....... prie
"Uzu a mal dormis et ce travail au secrétariat de la formation continue, du personnel de l'hôpital, n'est vraiment pas sa tasse de thé." => dormi 
"En route pour l'appartement de Gabriel, il lui envoi deux sms." => il lui envoie
"Le concierge accepte de lui prêter une paires de clefs..." => paire
"Le bébé nourrit est endormis sur son torse." => endormi
"..., ni l'arrivé des sms inquiets de son ami,..." => l'arrivée
"... , tout à l'air en ordre, que c'est-il donc passé ?" => s'est-il
"...pour percevoir les dît mots" => lesdits
"- Regarde-moi, je suis là, tu me fais peur, ne reste pas comme ça, je t'en pris." => t'en prie.
"... , il a juste perdu l'esprit, besoin d'un défouloir, pour reprendre le court de sa réalité. " => le cours
"Tous ça va trop vite déjà." => Tout ça va trop vite, déjà
"Tu peux r'fuser cette responsabilité plutôt que d'me la proposer gentiment comme tu l'as fais mais soit clair." => sois clair
 
 
Ahem ! Désolée, y'en avait beaucoup.
Bon, c'est un chapitre tout en tensions. Que ce soit dans la première partie avec les potes musicos, autant qu'ensuite, sa période créative où, finalement, il ne résiste pas aux émotions qui le submergent sans prévenir. Une petite contrariété et paf, il s'enferme dans sa panique, sa peur d'être seul. Uzu est comme une bouée de sauvetage pour Gabriel... Pas facile pour démarrer une histoire amoureuse. Va falloir s'accrocher. Pour tous les deux. Je crains que l'un prenne l'ascendant sur l'autre.
Ça ne va pas trop bien chez les potes aussi. Le groupe est branlant, l'ex est encore présent, un certain Yo fout sa merde, bref, il ya des choses à remettre en ordre et là non plus, c'est pas facile.
Je trouve que tu te débrouilles bien avec tes personnages. (faut dire qu'avec tes petites voix, ça aide !!!) Y'a juste à un moment où un dialogue manque d'incises et on ne sait pas trop qui parle. Mais en fait, c'est pas super grave. On sent qu'ils sont à peu près tous sur la même longueur d'onde. Ils parlent tous comme des cochons, à manger la moitié des syllabes, mais je trouve que ça apporte beaucoup de style et d'ambiance à ton histoire. Moi, ça me plait et c'est bien fait.
J'espère juste que la relation entre Gabriel et Uzu ne va pas être trop dure, sinon, ça sera pas cool pour eux. Il y a tellement d'hésitations et de manque de confiance de part et d'autre...
Allez, dès que je peux, je poursuis ma lecture.
Biz Vef' 
dominosama
Posté le 19/12/2012
J'ai passé deux nuits à corriger les fautes, de tout ce que j'avais publié, surtout les majuscule que j'ai éliminée vraiment au début des dialogues, mais bon pas que ça et quand je vois qu'il y a encore tant de fautes ça me... je sais pas, comment je ne peux nepas les voir ? La plupart je les connais c'est ça le pire, c'est vraiment la honte, bref...
Merci en tout cas, je corrigerais ça demain. Et ne soit pas désolée, c'est moi qui le suis d'en avoir laisser encore autant. Ca doit être super decevant à lire et très perturbant aussi.
En effet Gabriel est un garçon plutôt fragile émotionnellement, il cherche une béquille, le soucis c'est que Uzu non plus ne va pas bien. Parfois l'amour ne résiste pas à de pareilles tensions, quand il y parvient, il est encore plus fort. que l'un prennent l'ascendant sur l'autre pourrait arriver, s'il n'y avait pas un troisième dans l'histoire :p
Gabriel n'est pas l'enfant de coeur que l'on pourrait croire, Uzu pas la victime que l'on pourrait imaginer et ma foi Yann que l'on a pas encore vu ^^ n'est pas la peste que l'on pourrait décrire (encore que là c'est pas si sûr mais bon)
-Me voilà en victime...
-C'est cair que ch'uis pas un enfant d'coeur, c'est quoi ces conn'ries ?
-Ha bha nan ma chérie, nan, là je ne suis pas d'accord ! Moi une peste ? Bha on aura tout vu ! Nan mais vraiment.
- Tout à l'heure elle va parler de moi et vous sortir que je suis le pauvre gars placide.
 
- Tu es un gars placide Liam.
- Yann t'es une peste !
-...
-...
 
Oui il y a beaucoup d'hésitations, je me demande si il n'y en a pas de trop d'ailleurs, mais j'ai eu beau reprendre mes textes je n'ai pas réussi en retirer ces questionnements, jusqu'a ce qu'ils se posent enfin et qu'ils se décident pour de bon (oui, ils vont le faire ;) ), ils vont continuer à s'intérroger. Après j'explique quand même les raisons dans leur vécus, je fais vraiment le tour de la question, rien n'est un hasard. La façon dont réagis Gabriel, les raisons qui font hésiter Uzu, tout a une explication.
 
Pour les incises si tu peux me donner pile le passage où tu t'es senti perdue, y'a pas de soucis, je peux remédier sûrement à ça. Je suis un peu plus à l'aise aujourd'hui avec les dialogues, c'est juste que au départ, ils n'étaient pas écrit de cette façon là, du coup ça m'a pas mal perturbée au début.
Merci de continuer à me lire :)
Vous lisez